Psychologie des peuples autochtones
« Le poisson est le dernier à découvrir l’eau. »
Le Dr Stryker Calvez est un Métis du territoire de la rivière Rouge, qui vit actuellement dans le territoire du Traité 6, à Saskatoon. Autrefois directeur des initiatives pédagogiques autochtones à l’Université de la Saskatchewan, il est aujourd’hui directeur principal, stratégie et habilitation en matière d’équité, de diversité et d’inclusion chez Nutrien. Le Dr Calvez est également le président de la Section de la psychologie des autochtones de la SCP et membre de longue date du Groupe de travail sur le partage des connaissances/comité permanent sur la réconciliation avec les peuples autochtones, aux côtés du Dr David Danto.
Le Dr David Danto est psychologue clinicien de formation, et le directeur du programme de psychologie de l’Université Guelph-Humber. Il a participé à un certain nombre d’efforts visant à autochtoniser et à décoloniser la psychologie, les établissements et les universités. Il est le président sortant de la Section de la psychologie des autochtones.
Eric Bollman est le spécialiste des communications de la Société canadienne de psychologie.
La conversation qui suit a eu lieu le 24 novembre 2021. Depuis, 93 tombes non identifiées ont été découvertes dans un ancien pensionnat de Williams Lake, en Colombie-Britannique. Douze ont été trouvées à Kamsack, en Saskatchewan, et 42, à Fort Perry, en Saskatchewan.
Eric : Je crois savoir qu’il est question de changer le nom de la Section de la psychologie des peuples autochtones pour mieux rendre compte de la nature collaborative du travail – pour se concentrer davantage sur le travail avec les peuples autochtones plutôt que d’en faire une section exclusivement consacrée aux peuples autochtones. Qu’est-ce qui a déclenché cette discussion?
Dr Calvez : Lorsque le nouveau comité de direction a été mis en place il y a environ un an, nous avons réalisé que nous étions majoritairement des non-Autochtones. En tant que communauté de personnes désireuses de soutenir les peuples autochtones du Canada, nous devrons peut-être changer notre façon de fonctionner. Nous devions donc vraiment réfléchir aux mécanismes de la section. La section a été conçue à l’origine pour soutenir les psychologues autochtones du Canada, pour leur donner un espace sûr et une plateforme pour s’exprimer. Bien que ce soit toujours notre mandat, nous voulions aussi reconnaître qu’il y avait un groupe croissant de personnes qui voulaient être utiles et apporter leur soutien. C’est pourquoi nous avons pensé que le nom devait en être le reflet. Plutôt que d’être une section constituée d’Autochtones, ce que nous devions faire, c’était travailler avec les Autochtones et réunir autant de personnes que possible pour créer un environnement sûr, où se trouve tout ce dont ils ont besoin et où discuter courageusement de ce qui leur est arrivé et de la façon de dépasser ce qu’ils ont vécu. Le changement de nom est censé traduire le développement d’une communauté qui veut travailler avec et pour les peuples autochtones. Et je pense que nous le faisons de la bonne façon. Nous avons beaucoup d’alliés, comme David.
Dr Danto : Il y a quelques années, j’ai travaillé avec Stryker à l’élaboration d’une réponse au rapport de la Commission de vérité et réconciliation au nom de la Société canadienne de psychologie et d’Esprits Sains Enfants Sains (connu à l’époque sous le nom de Fondation canadienne de psychologie). Ce qui est ressorti clairement des personnes présentes et des participants à ce processus, c’est que la psychologie n’a pas été une grande amie des peuples autochtones dans le passé, et même encore aujourd’hui, dans de nombreux cas. Cela est dû en grande partie à l’introduction dans les communautés autochtones d’une perspective et d’une approche occidentales externes de la psychopathologie, de la santé, du concept de la famille ou de la personnalité, etc. Et c’est dangereux. C’est ainsi que la psychologie a fait du mal aux gens. Cela s’est produit dans le contexte de l’éducation, de la recherche et de la pratique appliquée. Pour essayer d’appliquer nos principes éthiques sur un pied d’égalité avec tous les habitants de notre pays, nous avons la responsabilité de modifier ces pratiques néfastes et d’utiliser des approches adaptées. Nous devons poser les questions suivantes : « Comment la psychologie peut-elle être une bonne amie des peuples autochtones du Canada? » « Comment pouvons-nous être d’un bon soutien? » Dans bien des cas, je pense que la réponse à cette question est que nous pouvons respecter et reconnaître le fait qu’il existe déjà des méthodes de guérison, une sagesse et des connaissances qui sont utiles, qui favorisent la résilience, la force et le bien-être au sein des communautés. Comme je m’efforce d’apporter mon soutien de cette manière, je me demande ce que je peux faire au sein de ma profession pour encourager celle-ci à respecter davantage les modes de connaissance et de guérison autochtones et à faire preuve d’une plus grande humilité à leur égard. Ce n’est pas que la psychologie ne peut pas ou ne doit pas s’impliquer, mais nous devons décentraliser les approches que nous utilisons, et laisser la communauté locale guider et diriger ce qui a besoin d’être fait.
Dr Calvez : Il y a 1,7 million d’Autochtones au Canada et 38 millions de Canadiens. La (ré)conciliation ne concerne pas nécessairement que les Autochtones. Bien que les conséquences de la colonisation aient été principalement ressenties par les Autochtones, Murray Sinclair affirme que cette dernière a également porté préjudice aux non-Autochtones. Si l’on considère le mouvement actuel en psychologie, qui vise à répondre aux besoins des communautés autochtones du Canada, on constate qu’il n’y a pas assez de psychologues autochtones et pas assez de personnes formées adéquatement pour les soutenir. Nous devons donc réellement travailler avec des alliés, c’est-à-dire des personnes qui sont prêtes à investir du temps pour se familiariser avec les besoins des communautés autochtones et les comprendre, afin de fonctionner en tenant compte de leurs attentes.
Eric : David, vous avez parlé d’« humilité ». Est-ce la chose la plus importante qu’un allié doit posséder lorsqu’il entre dans cet espace?
Dr Danto : Tout ce que nous apprenons en psychologie concerne les façons de penser. Nous parlons de preuves « empiriques », et le mot « empirique » tire sa racine dans le mot « empeirikós », qui signifie « guidé par l’expérience ». Mais une grande partie de la méthodologie utilisée en psychologie a évolué pour se concentrer sur ce qui est objectif et ce qui est quantifiable objectivement. Ce n’est pas une mauvaise chose, mais lorsque nous parlons de l’expérience humaine, cela représente une abstraction de l’expérience. Le terme « empirique » a pris le sens de « quantitatif », mais ce n’est pas la même chose. « Empirique » signifie en réalité « conforme à l’expérience », et lorsque nous quantifions les choses, nous nous éloignons vraiment de cette description de l’expérience. C’est une façon de faire très occidentale. Nous respectons certains types de recherche en psychologie qui ne sont pas forcément adaptés aux conceptions et aux expériences culturelles de l’histoire. Parfois, ces approches occidentales de la connaissance nous enferment dans une ornière, je crois, qui nous fait penser que ce sont les seuls moyens de savoir qui soient valables, testables, vérifiables et concluants. Et cela signifie que nous manquons d’humilité face à d’autres modes de connaissance qui nous semblent inférieurs. Cela nous incite à ne vouloir mener que certains types de recherche dans des contextes qui ne s’y prêtent pas vraiment. Lorsque nous allons dans les communautés et utilisons des méthodes qui ne sont pas très adaptées, nous perdons le lien avec les participants à cette recherche. Ensuite, nous prenons les informations obtenues et nous les utilisons à notre manière, comme tout chercheur universitaire, et cela ne revient jamais à la communauté, la communauté n’a jamais l’occasion de donner son avis parce que les choses ne se font pas dans sa langue. Ce n’est pas une démarche participative ou collaborative, c’est plutôt une approche descendante. Et on se retrouve exactement dans la situation à laquelle nous sommes confrontés. Nous nous retrouvons avec des communautés qui ne font pas confiance aux universitaires et aux chercheurs, parce que, en faisant de la recherche en son sein, ils prennent une chose de plus de la communauté. On a pris la terre, on a pris les droits, et maintenant on prend le savoir, et au profit de qui? Au bénéfice de l’université et du chercheur, et non pour le bien-être de la communauté. Je pense que l’humilité est essentielle pour admettre qu’il y a de nombreuses façons de considérer les choses, et si vous pouvez prendre du recul et reconnaître que votre formation limite vraiment les possibilités qui peuvent être envisagées, plutôt que de les révéler – ce que ces méthodes sont censées faire!
Dr Calvez : Une autre facette de l’humilité culturelle est que l’éducation et le savoir occidentaux proviennent d’une position dominante. Toute la structure hiérarchique du monde occidental est construite de telle sorte que les uns dominent les autres en fonction de leur niveau d’éducation ou de leur groupe culturel. Et cela est intégré dans notre façon de voir le monde. L’humilité culturelle est un processus par lequel nous reconnaissons ce fait et le combattons. Nous devons décortiquer tout cela dans le contexte de la décolonisation, et l’humilité culturelle nous donne les outils nécessaires pour le faire.
Ce qui pourrait être plus important que l’humilité, c’est l’engagement. Le processus de (ré)conciliation va demander un effort énorme et va créer des tensions. Si l’on ne s’engage pas à aller jusqu’au bout de ce que nous tentons de faire, à savoir apporter la guérison aux peuples autochtones et non autochtones et au domaine de la psychologie, nous ne pourrons pas y arriver si les gens ne s’engagent pas à concrétiser leurs intentions.
Eric : Essayez-vous parfois de recruter davantage de personnes pour participer à cette (ré)conciliation, pour en faire des alliés, ou vous concentrez-vous davantage sur la création d’un espace où ces alliés peuvent apprendre et grandir aux côtés des Autochtones?
Dr Calvez : Un aspect important de la (ré)conciliation est que les gens doivent la trouver en eux-mêmes. Le point de départ est non pas de reconnaître les problèmes et de trouver des façons de les résoudre, mais de se connaître soi-même. Et se connaître en relation avec les peuples autochtones et avec une histoire plus que millénaire. Les gens doivent le découvrir par eux-mêmes. Plutôt que de la promotion [aller vers les gens pour les recruter afin qu’ils deviennent des alliés], il faudrait plutôt parler d’attrait [créer un espace où les gens veulent devenir des alliés et aller vers vous]. Nous voulons montrer aux gens que ce que nous faisons n’est pas nécessairement un droit absolu, quelque chose qui doit être fait – même si je pense que c’est vrai. Nous voulons leur montrer que cela profitera à tout le monde, y compris à notre profession. Il y a une bonne façon de procéder : nous en tirons tous des leçons, nous en profitons tous. Je pense que cela se fait non pas en disant aux gens qu’ils doivent le faire, mais en leur montrant les raisons pour lesquelles ils pourraient vouloir le faire. Les personnes qui se joignent à nous sur la base de leurs propres choix sont beaucoup plus à même de faire preuve de l’engagement dont j’ai parlé précédemment et de l’humilité culturelle.
Dr Danto : Dans le contexte postsecondaire, je pense que nous devons nous concentrer sur la création de lieux d’enseignement postsecondaire accueillants et culturellement sûrs, qui favorisent une pédagogie appropriée, réfléchie et critique pour les étudiants autochtones et non autochtones, plutôt que de recruter des étudiants autochtones. Si vous vous efforcez de poser les bonnes questions, de faire preuve d’autocritique à l’égard des processus mis en place et de créer un environnement sûr et culturellement accueillant, les gens seront plus nombreux à vouloir participer à ce que vous faites. Les Autochtones ont eu des expériences vraiment négatives en classe dans le cadre des cours de psychologie. Il y a des mythes sur les prédispositions génétiques, des hypothèses et des préjugés et des partis pris du fait de la longue histoire de la colonisation. J’utilise toujours l’expression « Le poisson est le dernier à découvrir l’eau ». Nous sommes tellement ancrés dans le contexte de la colonisation, qu’il s’agisse de la psychologie, des soins de santé ou de l’éducation, que même avec de bonnes intentions, il nous est très difficile de nous en rendre compte. Nous devons examiner attentivement les espaces dans lesquels nous invitons les Autochtones, car il se pourrait bien qu’ils soient exposés à de nouvelles expériences traumatisantes s’ils sont confrontés à des commentaires erronés, dépassés ou injustifiés. Nous avons le devoir d’être protecteurs.
Dr Calvez : Lorsque vous vous efforcez de recruter des gens uniquement parce que vous voulez plus d’Autochtones dans votre programme, c’est égoïste. Ce qui compte pour vous, ce ne sont pas les Autochtones, leurs besoins ou leurs désirs. Si c’est l’approche que vous adoptez pour soutenir les populations autochtones, vous échouerez à chaque fois. Nous devons modifier l’environnement pour que les autochtones y voient un lieu attrayant et intéressant où se poser. Que les choses soient claires : les collectivités autochtones ont tout autant besoin de professionnels de la santé mentale que le reste de la société. Nous devons nous y mettre maintenant, sans savoir avec certitude si nous allons attirer ces personnes, mais simplement parce que nous devons le faire comme communauté et comme profession. Je pense que nous allons dans cette direction. Beaucoup de changements ont été observés ces dernières années. Il va falloir que cela continue et s’accélère afin d’accroître l’intérêt des gens vis-à-vis de ce travail. Une fois qu’ils seront intéressés, ils se rendront compte que nous n’entravons rien de ce qui existe déjà dans la profession – au contraire, nous élargissons les possibilités et créons un espace plus vaste et plus ouvert pour que davantage de personnes trouvent ce qu’elles recherchent dans la profession.
Eric : Au cours des deux dernières années, on a découvert d’horribles fosses communes sur les sites des anciens pensionnats. Je pense que les Canadiens blancs ont été beaucoup plus choqués que les communautés autochtones, qui nous parlent depuis des années de l’existence de ces fosses communes. Est-ce vrai, et est-ce que cela a changé votre façon de travailler pour la (ré)conciliation?
Dr Calvez : Je pense qu’il est vraiment important de reconnaître que lorsque ces événements se produisent, ils traumatisent à nouveau les peuples autochtones. Nous sommes très affectés, car cela confirme ce que nous défendons depuis longtemps. Que la société canadienne ne nous a pas bien traités, et qu’elle est allée jusqu’à blesser et tuer des enfants pour en attester. Pour une personne issue de ces communautés, c’est l’expérience la plus horrible que l’on puisse vivre, de voir que même ses enfants ne sont pas en sécurité. J’ai des amis qui sont des survivants, et quand cela arrive, ça vous coupe le souffle, et il faut beaucoup de temps pour retrouver la conviction que tout va bien aller. C’est arrivé plusieurs fois cet été seulement. Nous savions que c’était grave, mais je ne pense pas que nous en connaissions l’ampleur. Je me réjouis que des personnes non autochtones réagissent à une situation qu’elles ne connaissaient pas. Réagir ainsi est tout à fait justifié – et il faut le faire. Mais imposer cette réaction aux Autochtones pour les aider à y faire face n’est pas forcément la meilleure chose à faire. Nous avons besoin que d’autres personnes se lèvent et s’expriment afin que nous n’ayons pas nécessairement à être sur le devant de la scène pendant que nous essayons de guérir. Voilà où nous allons en tant que profession. Nous devrions être en mesure de prendre la parole tout en reconnaissant qu’il est tout à fait inadéquat d’aller voir les personnes qui ont été blessées pour valider notre réaction. C’est un processus émergent, et tout cela est nouveau pour nous. Voilà ce qu’est la (ré)conciliation, c’est une idée nouvelle, que nous n’avons jamais vue ou eue auparavant. Nous allons devoir la découvrir et la construire à partir de nos expériences et de notre compréhension. Je pense que l’indignation que nous avons observée dans les communautés autochtones et non autochtones nous montre que nous allons dans la bonne direction parce que désormais, nous savons comment agir lorsque les gens sont extrêmement perturbés. Nous avançons dans la bonne direction en ce sens que nous essayons à présent de nous soutenir mutuellement dans ces processus. Je pense que c’est un moment fort pour nous en tant que communauté et en tant que société. Nous allons devoir faire face à de nombreuses tensions à mesure que de nouvelles révélations seront faites et que nous vivrons de plus en plus cette situation. Le plus important, ce sont les discussions que nous aurons sur ces questions et sur d’autres sujets – et ces discussions risquent d’être difficiles. Nous devons être prêts à discuter de ces questions, à la fois en tant que profession et en tant qu’individu.
Dr Danto : Je pense personnellement qu’un génocide a été commis à l’encontre des populations autochtones de notre pays. Il ne s’agit pas d’un « génocide culturel ». Mais d’un véritable génocide. Nous trouvons des corps sur les sites des pensionnats, et il ne fait aucun doute que nous en trouverons beaucoup d’autres, et que peu importe combien de corps seront retrouvés, beaucoup d’autres ne le seront pas. Je ne suis pas un Autochtone, mais je reconnais que cela s’est produit dans notre pays – qu’ici, dans notre pays, de nombreux Autochtones ont été tués en raison de leur identité. Si nous ne voulons pas l’admettre, nous devons nous demander pourquoi nous refusons de le faire. Pour moi, il est évident que c’est ce qui s’est passé. Pour avancer, cela fait partie de la vérité. Quand on nomme quelque chose, on a la responsabilité d’agir en conséquence.
Eric : Pourquoi les gens utilisent-ils le terme « génocide culturel » même s’il semble évident que ce qui s’est passé est un véritable génocide? Est-ce une façon de minimiser les dommages causés, ou d’utiliser un terme qui n’exige pas autant d’introspection de leur part, ou est-ce autre chose?
Dr Danto : Le système des pensionnats pour Autochtones au Canada a toujours eu pour but de « sauver » l’enfant tout en détruisant son côté autochtone. La rupture des liens culturels avec leur communauté et leur famille. Bien que cela ait pu être l’objectif déclaré du système des pensionnats et des adoptions forcées, les choses sont allées beaucoup plus loin. De nombreuses personnes ont perdu la vie dans ce système, et dans ces établissements financés par le gouvernement fédéral (et dans de nombreux cas, gérés par l’Église), de nombreux enfants ont perdu la vie. Il n’y a pas de doute sur qui en est responsable. Utiliser l’expression « génocide culturel » revient à choisir de définir les préjudices subis en fonction de leur intention, plutôt que de leur résultat. Nous ne ferions pas ça dans une cour de justice. Si votre intention était de harceler, mais pas de tuer, et que vous finissiez par le faire, vous ne seriez pas simplement accusé de harcèlement.
Dr Calvez : Nous devons reconnaître que le Canada, en tant que société, commence à peine à accepter ce qu’il a fait. Comme tremplin, ils ont procédé à un « génocide culturel ». Ils étaient encore persuadés que les pensionnats pouvaient être bénéfiques pour les enfants autochtones. Je pense que puisque nous voyons maintenant à quel point c’était faux, les gens vont accepter le fait que c’était plus qu’un génocide « culturel », que c’était purement génocidaire. Cela dit, je n’écarte pas la malveillance du génocide culturel lui-même. Je suis qui je suis grâce à mes ancêtres, mes croyances, mon identité, parce que tout ce que je suis est lié à la terre. Donc, m’enlever ma conception du monde, mes croyances et tout le reste, revient à me laisser avec rien. Bien que je puisse être là physiquement, je serais un étranger dans mon propre corps. L’utilisation du terme « génocide culturel » a constitué une avancée significative, mais nous sommes désormais plus précis. Nous avons compris les vérités qui l’entourent, et nous pouvons le désigner pour ce qu’il était vraiment, c’est-à-dire un génocide.
Eric : Vous avez dit que des progrès ont été réalisés et que nous allons dans la bonne direction. Pouvez-vous m’en donner un exemple concret?
Dr Calvez : Un grand groupe, auquel participaient David et moi, a élaboré la réponse de la psychologie au rapport de la Commission de vérité et réconciliation. Depuis lors, notre travail n’a pas été mis sur les tablettes. Nous observons l’émergence d’un dialogue stimulant à différents endroits dans le domaine de la psychologie. On assiste à un changement dans les normes d’éthique. Les normes vont changer, nous les renforçons et les améliorons, et nous y intégrons des méthodes qui soutiendront l’autochtonisation de la psychologie et la promotion de la (ré)conciliation. Le CSPP (Conseil des sociétés professionnelles de psychologues) et l’ACPRO (Association des organisations canadiennes de réglementation en psychologie) se mobilisent et redéfinissent la façon dont ils souhaitent voir les organismes de réglementation commencer à aborder ces questions. Et David donnera un atelier pour le CCPPP (Conseil canadien des programmes de psychologie professionnelle) avec Ed Sackaney intitulé « Allyship, Reconciliation and the Profession of Psychology ». Donc, même au sein de notre profession, nous commençons à observer d’énormes changements. Cela ne fait que commencer et les répercussions sur la profession commencent à se faire sentir.