BALADOS
Le domaine de la psychologie est vaste et est très présent dans le débat public. Pour faire connaître le point de vue des psychologues sur des questions d’actualité, la SCP a lancé le balado Mind Full. Écoutez ci-dessous des sujets qui sont importants pour les Canadiens, présentés dans une perspective psychologique.
Balados archivés
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PROFILS
Les psychologues, les étudiants et d’autres personnes qui ont une formation en psychologie font des choses extraordinaires partout au Canada. Nous présentons ici quelques personnes qui aident les autres et qui vivent une vie professionnelle et personnelle intéressante.

Intentional Therapist
C’était en septembre 2007 et Melissa Tiessen venait de commencer sa résidence postdoctorale d’un an au programme de psychologie des communautés rurales et nordiques de l’Université du Manitoba, avec, comme superviseure principale, la Dre Karen Dyck. Melissa connaissait bien la vie en milieu rural et nordique, puisqu’elle a grandi dans une communauté du nord du Manitoba. Karen figure parmi les premiers psychologues à avoir été embauchés au sein du programme de psychologie des communautés rurales et nordiques, en 1997. Bien que Karen n’ait pas été élevée dans une communauté rurale ou nordique, elle est originaire du Manitoba, et son intérêt pour la psychologie du milieu rural et nordique est né pendant qu’elle effectuait son doctorat en psychologie clinique à l’université du Dakota du Sud, dans un programme spécialisé en psychologie communautaire et interculturelle. Melissa et Karen étaient loin de se douter à l’époque que ce ne serait que le début d’une longue relation, qui passerait du statut de superviseure-supervisée à celui de collègues, d’amies et finalement de cofondatrices d’Intentional Therapist.
Au fil des 15 années de leur relation, Melissa Tiessen et Karen Dyck ont partagé de nombreuses expériences professionnelles, allant du travail au sein du système public de santé dans les régions rurales du Manitoba jusqu’à la pratique privée. Bien que Melissa ait quitté le Manitoba en 2010, elles ont continué à communiquer entre elles et à se voir lorsque leurs déplacements les conduisaient aux mêmes endroits. C’est au cours de l’une de ces rencontres au Manitoba, en 2018, que Melissa et Karen ont commencé à discuter de la prise en charge du bien-être personnel, de l’épuisement professionnel et de nombreux problèmes touchant les psychologues et les autres professionnels de la santé mentale. Ayant travaillé dans les systèmes de soins de santé publics et privés, elles ont observé et vécu certains des défis que les professionnels de la santé mentale doivent relever lorsqu’il s’agit de prendre soin d’eux-mêmes. Ils ont réfléchi au fait que ces défis peuvent être communs à tous les professionnels de la santé mentale, mais que certains d’entre eux sont propres et liés, par exemple, au milieu de travail (p. ex., les cliniciens en santé mentale des régions rurales et du Nord peuvent être confrontés à des difficultés tout aussi importantes que celles de leurs homologues urbains, mais très différentes) et au sexe.
C’est ainsi que Melissa et Karen ont eu l’idée de créer The Intentional Therapist, une communauté en ligne qui propose des ressources, des ateliers, des bulletins d’information et, surtout, des liens avec d’autres professionnelles de la santé mentale. La raison pour laquelle elles ont choisi de se concentrer sur les femmes qui pratiquent dans le domaine de la santé mentale est qu’en plus des pressions et du stress qui touchent tous les professionnels de la santé mentale, les femmes doivent faire face à certains obstacles supplémentaires.
Comme l’explique Melissa, « le principal facteur qui affecte les professionnelles de la santé mentale lorsqu’il s’agit de prendre soin d’elles-mêmes est la socialisation liée au sexe. De nombreuses femmes sont exposées, dès leur naissance, à des messages différents de ceux qui s’adressent aux hommes. Ces messages insistent sur le fait qu’il est typiquement féminin de prendre soin des autres, d’aider les autres et de les faire passer en premier. Il est parfois bon de faire passer les besoins des autres avant les siens, mais cela peut conduire à un scénario où la petite fille devient une femme et se dirige vers une profession soignante. Les messages selon lesquels il faut prendre soin des autres, elle les reçoit dans sa vie personnelle et les intègre plus tard dans sa vie professionnelle. Il peut alors devenir très difficile de faire ce qu’il faut pour prendre soin de soi. »
La socialisation liée au sexe a été encore plus étudiée au cours des deux dernières années, en période de pandémie. Les femmes, y compris celles qui mènent des carrières professionnelles bien rémunérées, se sont souvent retrouvées à assumer des rôles de genre plus archaïques. Dans de nombreux cas, le travail des hommes est devenu prioritaire, tandis que celui des femmes a été réduit pour leur permettre de s’occuper de leurs enfants ou de leurs parents âgés.
Karen est une proche aidante pour ses parents âgés; elle est également une psychologue clinicienne en pratique privée et exerce à Oakbank, au Manitoba. Selon elle, le travail et la fonction d’aidant ne sont pas les seuls domaines où il y a un décalage. Traditionnellement, le temps de loisirs des femmes est également lié à celui de leur conjoint. À mesure que le statut et les revenus des hommes se sont améliorés, ces derniers ont eu davantage accès aux loisirs. Les loisirs des femmes sont alors liés à ceux de leur conjoint, et elles n’ont souvent pas le droit de jouir de leur temps libre comme bon leur semble. Les activités de loisirs étant indispensables pour prendre soin de soi, il devient encore plus difficile de prendre du temps pour soi.
Alors, à quoi ressemble « prendre soin de soi et de son bien-être »? Pour Karen et Melissa, cela se résume à quatre éléments : le premier consiste à « tisser des liens » (comme ceux que l’on établit avec les professionnelles de la santé mentale animées par les mêmes idées et qui composent le réseau Intentional Therapist). Le deuxième élément est la « compassion » (envers soi-même, envers vos clients). Le troisième élément est le « courage » (c’est-à-dire faire quelque chose qui peut vous mettre mal à l’aise). Pour de nombreux professionnels de la santé mentale, toute discussion au sujet de l’argent peut être embarrassante. Mais il se peut qu’augmenter vos frais, par exemple, soit une véritable nécessité. Si vous osez aborder le sujet, même si cela est pénible, il vous sera beaucoup plus facile par la suite de parler de choses de même nature.
Le quatrième élément est la « créativité ». Comme le mentionne Karen, prendre soin de soi va bien au-delà de se faire plaisir avec du chocolat et un bain moussant. La créativité et l’attitude ludique peuvent aider les gens à intégrer l’humour dans leur vie quotidienne et à découvrir des activités qui les aident à surmonter les difficultés. Ces activités et cette vision des choses sont différentes d’une personne à l’autre. Si Karen et Melissa aiment toutes deux la décoration de gâteaux, ce n’est pas le cas de tout le monde.
Pour certains, ce sera la course, pour d’autres, la peinture, et pour d’autres, le tissage de sacs en plastique pour fabriquer des paillassons (comme Melissa l’a fait durant la pandémie). L’important est de prendre soin de soi de manière intentionnelle pour que cela devienne une priorité et demeure important jour après jour. D’où l’adjectif « Intentional » dans le nom du réseau (Intentional Therapist). L’initiative de Melissa et Karen se veut proactive et vise à atteindre les praticiennes avant qu’elles ne commencent à voir se manifester des symptômes d’épuisement professionnel. Le bulletin d’information, les ateliers (y compris un atelier précongrès présenté au congrès de la SCP de cette année) et le réseau de professionnelles de la santé mentale sont destinés à servir de rappel régulier. Vous êtes importantes vous aussi – et pour offrir de bons soins à vos clients, vous devez aussi prendre soin de vous.
Nota : Intentional Therapist et l’atelier qu’il propose au congrès de la SCP ne sont offerts qu’en anglais.
Profils archivés
Faits saillants des étudiants

Marjolaine Rivest-Beauregard et Justine Fortin
Les étudiantes en psychologie de Montréal Marjolaine Rivest-Beauregard et Justine Fortin ont créé le balado Sors de ma tête au début de la pandémie de COVID-19 pour contrer la désinformation et rendre la science accessible aux non-scientifiques. Elles se sont joints au balado de l’SCP, Mind Full, pour discuter de leur travail qui s’est un peu élargi au moment où ils se préparent à lancer leur troisième saison.
Le transfert des connaissances est une compétence rare, que ne possèdent pas nécessairement la plupart des personnes qui pratiquent une discipline scientifique. Pour être bon dans le transfert des connaissances, vous devez posséder une base de connaissances dans votre domaine, mais aussi un style de communication qui incite ceux qui ne font pas partie de votre milieu scientifique à vouloir en savoir plus sur ce sujet. Le transfert des connaissances nécessite également une capacité à prendre de la hauteur par rapport aux connaissances scientifiques. Qu’est-ce que les gens ordinaires aimeraient savoir? Comment puis-je leur expliquer cela tout en restant aussi fidèle que possible au matériel source? Quels sont les mots que je pourrais utiliser et qui pourraient perdre mon public, et quelle terminologie et quels concepts apparemment complexes pourraient être saisis intuitivement?
Comme pour toutes les compétences que l’on peut perfectionner, l’un des meilleurs moyens de devenir un bon vulgarisateur est de s’entraîner. C’est dans cet esprit que Marjolaine Rivest-Beauregard et Justine Fortin se sont lancées dans un projet qui leur était cher : expliquer des concepts et des études psychologiques complexes au grand public dans le but de lutter contre la désinformation en ligne.
Justine et Marjolaine sont sur le point de lancer la troisième saison de leur balado francophone Sors de ma tête. Étudiantes en psychologie et collègues, résidant à Montréal, elles ont commencé ce projet en 2021 en s’intéressant à la COVID-19 et à la désinformation qui l’entoure. Elles voulaient recueillir les données dont elles disposaient sur la COVID-19, puis s’entretenir avec deux autres personnes. Un expert ou une experte pour parler de la science, et quelqu’un qui dispose d’une grande plateforme publique pour parler directement aux gens.
Justine est à l’UQAM, Marjolaine à McGill. Elles se sont connues parce qu’elles avaient le même superviseur, le Dr Alain Brunet. Celui-ci a bien sûr été le premier invité de l’émission (voir le balado de la SCP, Mind Full, où la première invitée est la Dre Karen Cohen, chef de la direction) pour discuter des réactions émotionnelles des gens à la COVID-19 et aux confinements. L’autre invitée de leur premier épisode était Cassandra Bouchard, créatrice de contenu sur Instagram. Cassandra publie des vidéos amusantes en ligne et parle de problèmes de santé mentale – relations toxiques, arrêt du tabac, troubles de l’alimentation, etc.
Le processus de sélection d’un influenceur en ligne pour participer à Sors de ma tête est probablement plus ardu que le processus de sélection de l’expert. Après tout, dans la plupart des domaines, il est facile de savoir qui possède l’expertise, mais pour ceux et celles qui ont un public et qui discutent de problèmes de santé mentale sur leurs plateformes, il est un peu plus difficile de déterminer qui possède à la fois les compétences et le talent de communicateur nécessaires pour faire le lien avec le public. Selon Marjolaine, voici quelques caractéristiques que ces personnes doivent posséder :
- Elles parlent ouvertement et souvent de santé mentale.
- Elles sont prêtes à parler ouvertement de leurs propres histoires et expériences.
- Elles sont disponibles le jour et l’heure où le balado sera enregistré!
Justine dit qu’elles regardent aussi l’auditoire des personnes qu’elles invitent. Elle explique : « Nous ne sommes pas connues des 18-35 ans, donc les personnes qui ont un grand nombre d’abonnés sont les bienvenues. Notre objectif est de toucher le plus de gens possible. » Elle ajoute que c’est en grande partie une question de personnalité et d’énergie. Elle essaie d’associer des personnes ayant un niveau d’énergie similaire et une bonne chimie entre elles pour une discussion qui produit un bon balado. L’obtention d’un jumelage réussi n’est pas une mince affaire, mais peut produire un contenu très enrichissant. Justine confie :
« L’un de mes épisodes favoris est le dernier que nous avons fait en 2022 [Trahison amoureuse avec Michelle Lonergan et Marie Gagné]. On s’est tellement amusées, on riait tout le temps, on parlait des trahisons qu’on avait vécues, des béguins qu’on avait eus étant enfants. C’est un sujet un peu triste, mais la conversation était légère et super agréable. »
Actuellement, Marjolaine se concentre sur la recherche. Elle espère obtenir son doctorat et poursuivre ses recherches sur les effets des catastrophes et des crises sur la santé mentale, dans une optique de prévention. Elle aimerait également être consultante en gestion de crise, c’est-à-dire quelqu’un qui permet de mobiliser les interventions en situation de catastrophe (le tremblement de terre en Turquie, la récente tragédie à Laval) d’une manière solide sur le plan scientifique et fondée sur des preuves.
Le parcours professionnel de Justine, du moins tel qu’elle le voit en ce moment, est un peu différent. Elle se concentre à la fois sur la recherche et sur le travail clinique, et espère un jour ouvrir une clinique en tant que neuropsychologue. Elle souhaite vraiment continuer à travailler avec les personnes qui ont reçu un diagnostic de cancer et parle avec passion du « chimio-cerveau » et des autres problèmes qui touchent les personnes traitées pour un cancer. Elle souhaite également continuer à faire de la recherche, et déclare : « Je ne veux pas être professeure en tant que telle, mais j’aimerais continuer à faire de la recherche. Peut-être dans le laboratoire de Marjo! »
Il est à espérer que ces deux partenaires et collaboratrices continueront à travailler ensemble sur des projets, petits et grands. La troisième saison de Sors de ma tête sera lancée très prochainement, et si Justine et Marjolaine restent discrètes sur le contenu de cette année, elles ont laissé entendre que les changements climatiques seront un sujet de premier plan en 2023.
On ne sait pas encore combien de temps le balado va durer. Est-ce que ce sera un projet qu’elles maintiendront jusqu’à la fin de leurs études? La fin de la COVID-19? Peut-être beaucoup plus longtemps? Seul le temps nous le dira. Ce qui est certain, c’est que ce sont des personnes comme Justine et Marjo, qui ont consacré temps et énergie au transfert des connaissances, qui seront les vulgarisatrices du savoir de demain. Des personnes qui peuvent combler le fossé entre les scientifiques et le public, qui peuvent pousser les gouvernements à prendre des décisions qui reposent sur des données concrètes et des études qui ne sont pas connues. Avec le balado Sors de ma tête, elles ont déjà passé deux ans à faire précisément cela.