Le transfert des connaissances est une compétence rare, que ne possèdent pas nécessairement la plupart des personnes qui pratiquent une discipline scientifique. Pour être bon dans le transfert des connaissances, vous devez posséder une base de connaissances dans votre domaine, mais aussi un style de communication qui incite ceux qui ne font pas partie de votre milieu scientifique à vouloir en savoir plus sur ce sujet. Le transfert des connaissances nécessite également une capacité à prendre de la hauteur par rapport aux connaissances scientifiques. Qu’est-ce que les gens ordinaires aimeraient savoir? Comment puis-je leur expliquer cela tout en restant aussi fidèle que possible au matériel source? Quels sont les mots que je pourrais utiliser et qui pourraient perdre mon public, et quelle terminologie et quels concepts apparemment complexes pourraient être saisis intuitivement?
Comme pour toutes les compétences que l’on peut perfectionner, l’un des meilleurs moyens de devenir un bon vulgarisateur est de s’entraîner. C’est dans cet esprit que Marjolaine Rivest-Beauregard et Justine Fortin se sont lancées dans un projet qui leur était cher : expliquer des concepts et des études psychologiques complexes au grand public dans le but de lutter contre la désinformation en ligne.
Justine et Marjolaine sont sur le point de lancer la troisième saison de leur balado francophone Sors de ma tête. Étudiantes en psychologie et collègues, résidant à Montréal, elles ont commencé ce projet en 2021 en s’intéressant à la COVID-19 et à la désinformation qui l’entoure. Elles voulaient recueillir les données dont elles disposaient sur la COVID-19, puis s’entretenir avec deux autres personnes. Un expert ou une experte pour parler de la science, et quelqu’un qui dispose d’une grande plateforme publique pour parler directement aux gens.
Justine est à l’UQAM, Marjolaine à McGill. Elles se sont connues parce qu’elles avaient le même superviseur, le Dr Alain Brunet. Celui-ci a bien sûr été le premier invité de l’émission (voir le balado de la SCP, Mind Full, où la première invitée est la Dre Karen Cohen, chef de la direction) pour discuter des réactions émotionnelles des gens à la COVID-19 et aux confinements. L’autre invitée de leur premier épisode était Cassandra Bouchard, créatrice de contenu sur Instagram. Cassandra publie des vidéos amusantes en ligne et parle de problèmes de santé mentale – relations toxiques, arrêt du tabac, troubles de l’alimentation, etc.
Le processus de sélection d’un influenceur en ligne pour participer à Sors de ma tête est probablement plus ardu que le processus de sélection de l’expert. Après tout, dans la plupart des domaines, il est facile de savoir qui possède l’expertise, mais pour ceux et celles qui ont un public et qui discutent de problèmes de santé mentale sur leurs plateformes, il est un peu plus difficile de déterminer qui possède à la fois les compétences et le talent de communicateur nécessaires pour faire le lien avec le public. Selon Marjolaine, voici quelques caractéristiques que ces personnes doivent posséder :
- Elles parlent ouvertement et souvent de santé mentale.
- Elles sont prêtes à parler ouvertement de leurs propres histoires et expériences.
- Elles sont disponibles le jour et l’heure où le balado sera enregistré!
Justine dit qu’elles regardent aussi l’auditoire des personnes qu’elles invitent. Elle explique : « Nous ne sommes pas connues des 18-35 ans, donc les personnes qui ont un grand nombre d’abonnés sont les bienvenues. Notre objectif est de toucher le plus de gens possible. » Elle ajoute que c’est en grande partie une question de personnalité et d’énergie. Elle essaie d’associer des personnes ayant un niveau d’énergie similaire et une bonne chimie entre elles pour une discussion qui produit un bon balado. L’obtention d’un jumelage réussi n’est pas une mince affaire, mais peut produire un contenu très enrichissant. Justine confie :
« L’un de mes épisodes favoris est le dernier que nous avons fait en 2022 [Trahison amoureuse avec Michelle Lonergan et Marie Gagné]. On s’est tellement amusées, on riait tout le temps, on parlait des trahisons qu’on avait vécues, des béguins qu’on avait eus étant enfants. C’est un sujet un peu triste, mais la conversation était légère et super agréable. »
Actuellement, Marjolaine se concentre sur la recherche. Elle espère obtenir son doctorat et poursuivre ses recherches sur les effets des catastrophes et des crises sur la santé mentale, dans une optique de prévention. Elle aimerait également être consultante en gestion de crise, c’est-à-dire quelqu’un qui permet de mobiliser les interventions en situation de catastrophe (le tremblement de terre en Turquie, la récente tragédie à Laval) d’une manière solide sur le plan scientifique et fondée sur des preuves.
Le parcours professionnel de Justine, du moins tel qu’elle le voit en ce moment, est un peu différent. Elle se concentre à la fois sur la recherche et sur le travail clinique, et espère un jour ouvrir une clinique en tant que neuropsychologue. Elle souhaite vraiment continuer à travailler avec les personnes qui ont reçu un diagnostic de cancer et parle avec passion du « chimio-cerveau » et des autres problèmes qui touchent les personnes traitées pour un cancer. Elle souhaite également continuer à faire de la recherche, et déclare : « Je ne veux pas être professeure en tant que telle, mais j’aimerais continuer à faire de la recherche. Peut-être dans le laboratoire de Marjo! »
Il est à espérer que ces deux partenaires et collaboratrices continueront à travailler ensemble sur des projets, petits et grands. La troisième saison de Sors de ma tête sera lancée très prochainement, et si Justine et Marjolaine restent discrètes sur le contenu de cette année, elles ont laissé entendre que les changements climatiques seront un sujet de premier plan en 2023.
On ne sait pas encore combien de temps le balado va durer. Est-ce que ce sera un projet qu’elles maintiendront jusqu’à la fin de leurs études? La fin de la COVID-19? Peut-être beaucoup plus longtemps? Seul le temps nous le dira. Ce qui est certain, c’est que ce sont des personnes comme Justine et Marjo, qui ont consacré temps et énergie au transfert des connaissances, qui seront les vulgarisatrices du savoir de demain. Des personnes qui peuvent combler le fossé entre les scientifiques et le public, qui peuvent pousser les gouvernements à prendre des décisions qui reposent sur des données concrètes et des études qui ne sont pas connues. Avec le balado Sors de ma tête, elles ont déjà passé deux ans à faire précisément cela.