Psychologie du sport et de l’exercice
Brooke d’Hondt n’a que seize ans, et elle a déjà une équipe d’entraîneurs et d’experts qui l’aident à exceller en snowboard demi-lune. Brooke a terminé à la dixième place à l’épreuve de demi-lune en planche à neige pour le Canada aux Jeux olympiques de Beijing, et lorsque les Jeux seront terminés, elle retournera à l’école. Imaginez être dans son cours de gymnastique!
La psychologie du sport a en quelque sorte émergé des cours de gymnastique; l’éducation physique est née dans le monde de l’éducation et a évolué au fil du temps vers la psychologie du sport que nous connaissons aujourd’hui. Habituellement, les programmes d’études supérieures en psychologie du sport sont dispensés dans les écoles de kinésiologie des universités. Ils offrent des diplômes qui produisent des scientifiques spécialistes de la psychologie du sport.
Aujourd’hui, deux voies principales s’offrent aux personnes qui souhaitent exercer la psychologie du sport et deux types de titres de compétences existent en Amérique du Nord. L’un d’eux est le psychologue agréé, dont le champ d’activité est le plus vaste lorsqu’il a acquis la formation et l’expérience nécessaires pour se dire spécialisé en psychologie du sport et de l’exercice ou en psychologie de la performance. L’autre est un professionnel appelé « conseiller en performance mentale » (CPM). Les personnes qui détiennent ce titre sont titulaires de diplômes scientifiques et ont suivi une formation appliquée, mais leur champ d’activité est limité à l’application des connaissances psychologiques dans le contexte de la performance ou du sport.
La Dre Zarina Giannone a emprunté ces deux voies. Psychologue agréée spécialisée en psychologie du sport et de la performance, la Dre Giannone a fait sa formation de deuxième cycle en psychologie du counseling, mais a suivi une formation appliquée en psychologie du sport (le CPM).
« La psychologie du sport est l’un des domaines de la science du sport au sens large, explique-t-elle. Même mon propre travail en tant que psychologue du sport n’est qu’une petite part d’un plus grand gâteau, dans la mesure où il couvre l’application de la psychologie de la performance. Il consiste à prendre des données scientifiques et théoriques et à les appliquer à des situations réelles. »
La question de la santé mentale des athlètes n’a jamais été autant sous les projecteurs qu’aujourd’hui. Des athlètes de haut niveau parlent de leur santé mentale, se retirent de leur sport pour prendre soin de leur santé mentale et rendent publiques leurs difficultés. Naomi Osaka, Simone Biles, Calvin Ridley, Clara Hughes, Andy Robertson. La liste des athlètes qui ont commencé à parler publiquement de la santé mentale s’allonge de jour en jour. C’est une tendance qui enthousiasme la Dre Giannone.
« Même pendant mes sept années d’études supérieures, j’ai remarqué certains changements très intéressants. Au début des années 2000, le domaine se concentrait davantage sur les aptitudes mentales traditionnelles enseignées aux équipes, aux athlètes et aux entraîneurs. Imagerie mentale, régulation de l’éveil, contrôle de l’attention, ce genre de choses. Ce sont des compétences importantes qui, si elles sont bien maîtrisées par les athlètes, peuvent améliorer leurs performances. Il s’agit également de compétences transférables qui peuvent améliorer le bien-être général et le fonctionnement quotidien. Ces derniers temps, les psychologues et les CPM personnels sont de plus en plus recherchés. Cela s’explique, entre autres, par le fait que les athlètes se sentent plus à l’aise pour divulguer leurs problèmes de santé mentale. La stigmatisation associée à ces problèmes a diminué. Cela signifie que le rôle des psychologues dans les clubs et les organismes sportifs est plus prisé qu’avant. »
Les Colts d’Indianapolis, par exemple, ont lancé une initiative appelée Kicking The Stigma et le porte-parole de la campagne est le défenseur vedette Darius Leonard, qui parle ouvertement de ses crises d’angoisse et de sa dépression. Mais pour chaque équipe qui s’attaque aux problèmes de santé mentale et tente de lutter contre la stigmatisation qui leur est associée, il semble y avoir un autre groupe qui tarde à faire de même. La Ligue canadienne de hockey a récemment publié un rapport dévastateur sur l’existence d’un « code du silence » qui a permis à l’inconduite à l’extérieur de la patinoire de devenir une « norme culturelle ».
« Je connais certaines organisations et certaines équipes qui prennent la santé mentale très au sérieux, et il y a des psychologues du sport qui sont impliqués dans la résolution de problèmes dans une perspective de justice sociale, poursuit la Dre Giannone. Par exemple, ceux qui travaillent avec des cas d’abus ou d’inconduite sexuels. Ces psychologues ont contribué à la création de changements systémiques dans certaines organisations. On observe de plus en plus de politiques de santé mentale, ou de politiques de diversité et d’inclusion être mises en œuvre dans les organisations. J’espère que les gens en ressentiront les effets, et que ce ne sera qu’une question de temps avant que toutes les grandes organisations sportives emboîtent le pas. »
Pour la première fois depuis longtemps, les joueurs de la LNH ne sont pas présents aux Jeux olympiques. Cela signifie que les équipes de hockey qui s’affrontent se répartissent en deux catégories : soit un groupe de joueurs qui jouent ensemble dans un contexte ou un autre depuis longtemps, soit une équipe composée des meilleurs joueurs disponibles qui ont peu d’expérience de jeu entre eux. Comment créer une dynamique de groupe et développer la confiance de l’équipe? Selon la Dre Giannone, ces questions sont de plus en plus du ressort des psychologues du sport et des CPM.
« Les psychologues du sport ne se contentent plus d’offrir des formations classiques sur les aptitudes mentales et de simples évaluations des compétences mentales. Aujourd’hui, mon travail se concentre sur l’optimisation des performances, mais il concerne également d’autres difficultés propres au sport, notamment la dynamique de groupe entre les membres de l’équipe, le leadership des entraîneurs et la gestion de divers problèmes de santé mentale rencontrés par les athlètes, comme l’épuisement professionnel, la dépression, l’anxiété ou les troubles de l’alimentation. À bien des égards, le rôle du psychologue du sport a été réinventé et consiste désormais à répondre à la fois aux besoins psychologiques et aux exigences de la performance inhérentes au sport. »
La Dre Giannone travaille principalement en pratique privée au Vancouver Psychology Centre, où elle reçoit des clients en psychologie générale et d’autres personnes qu’elle aide en sa qualité de psychologue spécialisée en psychologie du sport et de la performance. Dans cet espace, elle voit un large éventail d’athlètes et d’artistes – des jeunes jusqu’aux professionnels. À l’occasion, elle accepte un contrat avec une équipe, pour laquelle elle met en œuvre un programme de développement des aptitudes mentales ou fournit d’autres services de groupe. Elle travaille également avec le Canadian Centre for Mental Health in Sport (CCMHS), où elle offre des services de santé mentale aux athlètes et aux artistes.
« Depuis 2013, le financement fédéral de ces services a vraiment augmenté, et ce, assez rapidement. Il existe aujourd’hui quelques services financés par le gouvernement fédéral destinés aux sportifs de niveau national. Par exemple, il y a le programme Plan de match, qui offre une vaste gamme de services aux athlètes brevetés de haut niveau au Canada. Mon rôle au CCMHS s’adresse à tous les sportifs, entraîneurs et administrateurs, quel que soit leur niveau, et permet à certaines personnes d’accéder à du financement à cet effet. Les autres pays sont un peu en retard dans ce domaine, ce qui fait du Canada un chef de file dans la sphère de la santé mentale des sportifs. »
Comme c’est le cas de tous les événements majeurs des deux dernières années, la COVID est une question centrale des Jeux olympiques de 2022. Elle a perturbé l’entraînement, entravé la consolidation des équipes et fait perdre à de nombreux athlètes la chance de concourir sur la scène mondiale. La COVID a même coûté à certains athlètes la chance de concourir après leur arrivée aux Jeux, lorsqu’un test positif a mis fin prématurément à leur parcours olympique. La Dre Giannone a vu tous les hauts et les bas créés par la pandémie chez les athlètes de tous les niveaux.
« Au début, les sports étaient sur pause. Les tournois importants ont été reportés. À ce moment-là, il fallait vraiment modifier et faire évoluer les services psychologiques vers un mode de prestation en ligne. Nous avons fait des choses en équipe avec plus de 25 personnes sur Zoom! Au cours de la dernière année, de nombreux athlètes ont repris le sport, et il se présente des défis nouveaux auxquels nous n’avons jamais été confrontés auparavant. Le contenu du travail a changé – imaginez un jeune athlète qui n’a participé à aucune compétition au secondaire depuis deux ans. Il était en secondaire 2, et il est maintenant en secondaire 4. Ce que cela représente pour ces jeunes sur le plan du développement et du perfectionnement des compétences propres au sport est intéressant.
Mes recherches portent principalement sur le développement de l’identité dans le sport. Ce qui arrive lorsqu’une personne se blesse ou prend sa retraite, et la perte d’identité qui en découle. La COVID est à l’origine d’un grand nombre de menaces pour l’identité, qu’il s’agisse d’enfants ou d’athlètes olympiques. Ces personnes qui tirent du sport une telle estime de soi et une telle valeur sont involontairement contraintes de le mettre de côté pendant un certain temps. Cela peut être très déstabilisant pour les gens.
Je dirais, à l’inverse, que la COVID a offert aux athlètes une occasion inédite de pratiquer leur sport d’une manière nouvelle et différente. Prenons l’exemple d’un sportif qui n’avait jamais le temps de regarder des vidéos de lui-même. Désormais, il est capable d’apprendre des choses différentes sur lui-même. Il est peut-être capable de faire un peu plus de musculation. J’ai été frappée par la résilience et la créativité dont ont fait preuve les gens durant cette période.
Ce qui m’a vraiment frappée au début de la pandémie, c’est le passage de l’entraînement aux compétences physiques et mentales à la création de nouvelles conceptions de la culture d’équipe. Je me souviens d’être intervenue dans des équipes et d’avoir aidé à faciliter la réalisation des objectifs, et à cultiver les valeurs de l’équipe et les relations entre ses membres. Cela ne veut pas dire que je ne le ferais pas pendant une saison régulière, mais la pandémie a vraiment mis cela en évidence car il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire quand la situation était si incertaine. »
La santé mentale des athlètes est un domaine en expansion rapide. Le rôle des psychologues dans la résolution de certains problèmes sociaux et systémiques tels que les comportements inappropriés des athlètes, la violence dans le sport, les abus et le harcèlement, l’inclusion et la diversité culturelle, devient de plus en plus important. Les psychologues participent à la création de mesures de soutien, mais aussi à la promotion de changements systémiques au sein des systèmes et des organisations, et tout cela se répercute sur les athlètes. Mais leur influence et leur implication ne se limitent plus aux vestiaires.
Comme l’évoque la Dre Giannone, « les professionnels de la psychologie du sport sont désormais sortis du cadre traditionnel du sport et de l’exercice. Ils s’occupent des problèmes liés à la performance dans d’autres domaines. Il n’est pas rare de voir des psychologues du sport travailler avec des militaires, des artistes de la scène, des premiers intervenants ou des dirigeants d’entreprise de haut niveau. Presque tout le monde se retrouvant dans des situations très stressantes. Je m’attends à voir davantage de psychologues possédant ces compétences spécialisées se frayer un chemin dans divers milieux. »
Les Jeux olympiques, qui se déroulent en ce moment même, présentent une gamme de situations stressantes pour les athlètes, sous le regard du public, tous les jours, toute la journée. Nous pouvons nous réjouir de la performance improbable de l’équipe canadienne en poursuite par équipes de patinage de vitesse, mais aussi compatir à la douleur de l’équipe japonaise, dont la chute de l’une de ses membres a donné la médaille d’or au Canada. Nos yeux, les yeux du monde, ajoutent une pression inédite pour ces sportifs. Cette situation peut être difficile, et un psychologue peut aider l’athlète à y faire face. Que vous soyez Jennifer Jones, qui participe à ses deuxièmes Jeux olympiques à l’âge de 47 ans ou une planchiste de 16 ans, qui s’apprête à retourner à ses cours de géographie.