Psychologie sociale et de la personnalité
La Dre Cheryl Harasymchuk est professeure agrégée au département de psychologie de l’Université Carleton, où elle effectue des recherches qui portent sur les relations dans une perspective sociopsychologique. Elle est la présidente de la Section de la psychologie sociale et de la personnalité de la SCP. La Dre Katherine Starzyk est professeure agrégée de psychologie sociale et de psychologie de la personnalité à l’Université du Manitoba, où elle étudie la façon dont les gens réagissent à l’injustice sociale. Le Dr John Zelenski est professeur de psychologie à l’Université Carleton et la psychologie de la personnalité est le plus ancien des nombreux domaines de recherche auquel il s’intéresse.
Si vous suivez notre série du Mois de la psychologie, vous vous souvenez peut-être du Dr Zelenski, qui a également participé à notre portrait sur la psychologie de l’environnement. Comme c’est le cas pour de nombreuses disciplines de la psychologie aujourd’hui, il existe de nombreux recoupements entre la psychologie sociale et de la personnalité, et d’autres domaines d’études.
« Mes premiers travaux en psychologie de l’environnement consistaient à essayer de mesurer les différences individuelles reliées à ce que nous appelons le “rapport à la nature”. Il s’agit du degré auquel les gens se sentent liés à la nature et à l’environnement et en font partie. La façon dont nous appréhendons l’environnement ressemble presque à une relation sociale, et nous empruntons donc certaines techniques et mesures à la psychologie sociale. Puisque le “rapport à la nature” est lié à de bonnes choses, comme le bonheur et les comportements écologiques, il serait bon de le renforcer. »
Cela fait écho à ce qui se passe plus largement en psychologie de la personnalité. Il y a 20 ans, ce champ d’études essayait de déterminer quelles étaient les dimensions les plus importantes de la personnalité. Il y a bien sûr des milliers de différences individuelles potentielles, et les chercheurs en psychologie sociale ont donc essayé de donner un sens à tout cela. Ce travail se poursuit, mais les psychologues de la personnalité sont parvenus à un certain consensus au cours des deux dernières décennies. Ils peuvent désormais commencer à poser des questions sur la façon dont les comportements et les traits psychologiques évoluent dans le temps, ou sur la façon d’accroître les traits psychologiques souhaitables et de susciter l’intérêt de certains types de personnes. Selon le Dr Zelenski, « la psychologie de la personnalité s’intéresse davantage à des questions de fond, au changement et à la stabilité, au lieu de se limiter simplement à comprendre de quoi on parle. »
Il y a une différence entre la « psychologie de la personnalité » et la « psychologie sociale », et à un moment donné, toutes les deux n’étaient pas dans de très bonnes dispositions l’une envers l’autre. Certains disent (comme le Dr Zelenski) que c’était comme une rivalité entre frères et sœurs. D’autres disent que c’était une bataille des extrêmes. D’une façon ou d’une autre, un rapprochement s’est opéré au fil des années, au point que toutes les deux font désormais équipe et sont à bien des égards inextricablement liées, comme Nas et Jay-Z, qui ont finalement cessé de s’insulter par chansons interposées et se sont réunis pour faire de la belle musique dans le cadre de la tournée du spectacle « I Declare War » (qui porte bien son nom). La Dre Harasymchuk fait la distinction entre les deux domaines.
« La psychologie est l’étude du pourquoi et du comment de nos comportements. Les psychologues sociaux étudient la façon dont les gens sont façonnés par les personnes qui les entourent et par l’environnement en général. Et les psychologues de la personnalité étudient comment définir et mesurer les différences importantes entre les personnes – allant des gènes jusqu’à la culture.
Au début, il y avait des positions extrêmes, où deux camps s’affrontaient. L’un disait que ce n’est que le contexte, et l’autre, que c’est la façon dont vous êtes né qui façonne votre comportement. Depuis ce temps, beaucoup de preuves ont montré que les choses ne se situent pas à un extrême ou à un autre. Par exemple, j’étudie les relations selon une perspective sociopsychologique, ce qui signifie que je m’intéresse surtout à la façon dont le conjoint d’une personne, ou son meilleur ami façonnent le comportement de cette dernière. Mais dans toutes mes recherches, j’examine aussi les variables relatives aux différences individuelles. Les situations dépendent de la personnalité de cette personne, et de la façon dont elle pourrait réagir face à son conjoint ou à son meilleur ami. Si elle a l’habitude de réagir très négativement aux facteurs de stress, dans le contexte d’une relation où elle se dispute avec son conjoint ou son meilleur ami, ses comportements pourraient être plus négatifs et démesurés que ceux d’une personne qui est plus apte à gérer ses émotions. »
L’intégration de la recherche sociale et de la recherche sur la personnalité présente beaucoup d’avantages concrets. La Dre Starzyk a travaillé avec des collaborateurs et des partenaires afin d’accroître la motivation du gouvernement à prendre des mesures en réponse à la crise de l’eau potable chez les Premières nations. Le groupe comprend des psychologues sociaux/psychologues de la personnalité, des sociologues, des économistes, des spécialistes du droit, des scientifiques en science du sol, etc.; ensemble, ils réfléchissent à la manière de faire pression pour atténuer la crise et soutiennent le travail des organisations de défense des droits qui constituent le visage public de cet effort. Il s’agit d’une approche à plusieurs volets, où les psychologues sociaux et les psychologues de la personnalité sont chargés d’influencer l’opinion publique.
« Certaines de nos recherches visent à comprendre, notamment, quand et pourquoi les gens commenceront à soutenir un meilleur accès à l’eau potable pour les Premières nations au Canada. Ou à quel moment les gens commenceront à se préoccuper du racisme ou aux éléments nécessaires à la réalisation de la (ré)conciliation. Même dans ce contexte, où nous étudions des choses qui semblent très basées sur le groupe, nous examinons cette année comment la plupart des variables individuelles de la personnalité permettent de prédire chacune de ces choses conjointement. Donc, encore une fois, nous avons affaire à une véritable intégration de la psychologie sociale et de la psychologie de la personnalité. Bien que nous puissions mettre en place des cadres plus susceptibles d’inciter les gens à agir et à se préoccuper de ces choses, nous souhaitons également comprendre quelles sont les personnes que ces cadres influenceront le plus, celles que nous pouvons mobiliser plus facilement et celles qui nécessitent peut-être une approche différente. Cela a pris beaucoup de temps, mais le croisement est enfin là! » Intégrant ses travaux en psychométrie et en relations intergroupes, le Canadian Reconciliation Barometer a publié son premier rapport en février 2022 (https://reconciliationbarometer.ca).
Au cours des dernières décennies, un autre changement important a été apporté à la façon dont les recherches elles-mêmes sont menées. La Dre Harasymchuk explique :
« L’un des principaux changements qui ont eu une incidence sur la psychologie en général, ainsi que sur la psychologie sociale et de la personnalité, est l’importance accrue accordée à la promotion de nos méthodes de recherche par la transparence et la réplication. Il est désormais plus courant dans notre domaine de voir les chercheurs préinscrire leurs hypothèses de recherche. Autrement dit, avant de commencer à mener leur étude et à recueillir des données, ils déclarent publiquement ce qu’ils s’attendent à trouver.
Dans le même ordre d’idées, nous assistons à une évolution vers une collaboration scientifique accrue. Si vous cherchez à obtenir un nombre suffisant de participants pour être plus confiant à l’égard de vos résultats, il faudra regrouper plusieurs laboratoires et ressources. Nous nous sommes toujours engagés à faire des recherches de qualité, mais au cours des 20 dernières années, nous avons beaucoup appris sur l’importance de la réplication et de la taille des échantillons. »
Le travail de la psychologie sociale et de la psychologie de la personnalité a non seulement subi de nombreux changements au cours des 20 dernières années, mais il a aussi grandement contribué aux changements que nous observons dans notre vie quotidienne. Toute publicité diffusée en ligne ou à la télévision, toute plateforme de médias sociaux ou application interactive est conçue en fonction de la façon dont les gens pensent. La Dre Starzyk dit qu’elle voit souvent Facebook, Google et des agences de publicité recruter explicitement des diplômés en psychologie sociale et en psychologie de la personnalité – ils ont même des kiosques à leurs congrès!
Si une grande partie de ce qui nous entoure s’inspire de la psychologie sociale et de la personnalité, nos propres comportements peuvent être expliqués (ou peut-être étudiés) par des chercheurs dans ce domaine – chaque décision que nous prenons, chaque acte que nous posons, intéressera probablement un psychologue quelque part! La Dre Harasymchuk en donne un exemple.
« Il existe une sous-discipline qui s’intéresse au jugement et à la prise de décisions. La question n’est pas de savoir quelles sont les choses objectives que nous vivons dans une situation donnée, mais quelle est notre perception relative à ces choses. Notre perception peut influencer notre décision de faire 10 minutes de route supplémentaires pour nous rendre à une station-service où nous savons que nous pourrons économiser quelques cents par litre plutôt que d’aller à la station la plus proche. »
Le rôle des psychologues sociaux et de la personnalité a été un peu plus étudié l’année dernière, car ceux-ci sont au premier plan lorsqu’il s’agit de trouver des moyens de faire adhérer les gens aux mesures de santé publique. Il ne suffit sûrement pas de « formuler votre message dans ce sens et tout le monde portera un masque et se fera vacciner ». La question est plutôt de savoir quel type de message, d’image et de rhétorique incitera le plus grand nombre de personnes à prendre les précautions nécessaires pour se protéger. Le Dr Zelenski dit que ce processus est très complexe.
« Lors de l’un de mes séminaires de deuxième cycle, pas plus tard que la semaine dernière, nous examinions des articles contradictoires dans une revue très prestigieuse, et l’un d’entre eux disait : “Voici les choses que les psychologues sociaux ont apprises; appliquez-les à la pandémie!” L’autre venait d’un groupe composé principalement de psychologues sociaux et de psychologues de la personnalité et disait : “Attendez une seconde. Nous avons fait une tonne d’études, mais surtout sur les étudiants. Ce qu’elles nous ont appris n’est peut-être pas suffisant ni prêt à être appliqué.” Entre les deux, il y a des politiciens et des décideurs qui doivent prendre des décisions dans l’immédiat et qui veulent savoir si ces données scientifiques sont utiles ou non. Donc, même au sein de notre domaine, il y a un débat. Nous ne manquons pas de poser ces questions et d’y répondre, et si nos conseils ne sont pas aussi avisés qu’ils pourraient l’être dans cinq ans, beaucoup de gens estimeront qu’ils sont au moins suffisamment judicieux pour être utiles dans l’immédiat. »
Selon la Dre Starzyk, ce qui est surtout difficile, c’est maintenir la confiance des gens envers le gouvernement afin de les amener à faire confiance aux mesures de santé publique préconisées par ce gouvernement.
« Les gouvernements ne transposent pas toujours les résultats de la recherche en politiques, et ils se comportent de manière vraiment incohérente. Nous savons beaucoup de choses sur ce qui suscite la confiance à l’égard du gouvernement. Lorsqu’il dit que l’on peut circuler sans masque partout où l’on veut, puis que trois jours plus tard, les directives sont différentes, les gens commencent à se demander si cette politique est fondée sur un motif valable.
Même si nous savons que la question des contacts n’est plus aussi importante et qu’il n’est plus nécessaire de désinfecter tout ce qui se trouve dans la maison, l’une des raisons pour lesquelles les gouvernements ont hésité à annuler ce type de conseils est que cela aurait pu diminuer la confiance des gens. Je pense que ce n’est pas très sage, il faut choisir ce que la science offre de mieux à ce moment-là et éviter que les gens dépensent de l’argent pour acheter des choses dont ils n’ont pas besoin. »
La recherche en psychologie de la personnalité et en psychologie sociale a beaucoup fait, mais reste un peu méconnue du grand public. Nous espérons que cela changera. Les psychologues sociaux et les psychologues de la personnalité nous aident à combattre le racisme, à nous comporter de façon plus écologique et tentent de nous convaincre de porter un masque et de nous faire vacciner. Pour vivre mieux.