C’est en 1992 que l’Organisation des Nations unies a reconnu pour la première fois que les changements climatiques constituaient un problème mondial majeur et urgent. Cette année-là, le Sommet de la Terre de Rio a débouché sur les premiers accords internationaux sur les changements climatiques. En 1997, le protocole de Kyoto a imposé aux pays développés de réduire leurs émissions de 5 % par rapport aux niveaux de 1990, mais les pays en développement (dont la Chine et l’Inde à l’époque) en ont été exemptés. Depuis, les pays développés ont réussi à réduire leurs émissions de 17 % (collectivement). Avant 2020, l’Allemagne avait réduit ses émissions de 30 %. Les États-Unis se sont retirés de l’accord de Kyoto en 2001.
D’autres conférences, réunions et sommets ont suivi : Copenhague en 2009, Cancún en 2010, Durban en 2011, Doha en 2012, Varsovie en 2013. Des accords sont conclus, des objectifs sont fixés, les pays se retirent, les objectifs ne sont pas atteints, les accords tombent à l’eau.
En 2015, la conférence de Paris a marqué un tournant dans l’action contre les changements climatiques. Cent quatre-vingt-seize pays ont signé l’accord de Paris, le plus important accord mondial sur le climat jamais conclu. Les résultats? Ils restent à déterminer... les pays peuvent choisir leurs propres objectifs et aucun mécanisme d’application n’est prévu pour s’assurer qu’ils les atteignent. Depuis, les réunions se sont multipliées, avec des résultats mitigés.
Cela dit, de nombreux pays — dont certains des plus importants — ont fait un effort concerté pour atteindre les objectifs fixés par ces séries d’accords et de pactes. Bien qu’il n’existe pas de mécanisme d’application permettant de les obliger à rendre des comptes, le simple fait de signer un accord mondial a, en fait, encouragé de nombreuses puissances mondiales à s’orienter vers les énergies renouvelables et une infrastructure plus verte, même si cela n’a pas été aussi rapide que beaucoup d’entre nous l’auraient souhaité.
Les progrès en matière de climat sont lents. Mais il s’agit tout de même de progrès. Cela peut être frustrant. On peut avoir l’impression que les choses avancent à un rythme d’escargot et pas assez vite compte tenu de l’urgence de la question. Mais les choses avancent, et l’on peut espérer que les conséquences les plus graves des changements climatiques pourront être évitées grâce à cela.
L’année dernière, le département de psychologie de l’Université York a rejoint le 1 in 5 Project. Ce projet mondial est un cadre permettant à la communauté universitaire de concentrer une partie de son intelligence collective sur le climat et la biodiversité, et le département de psychologie de l’Université York est le premier département universitaire au Canada à s’y associer. Cette initiative vise à ce que les établissements universitaires s’engagent à faire en sorte qu’un devoir, un projet ou un cours sur cinq comporte un élément lié aux changements climatiques. À l’instar d’autres accords, conventions et pactes sur le climat, il n’existe, dans le cadre de ce projet, aucun mécanisme d’application ni aucune obligation de rendre des comptes, si ce n’est la volonté d’améliorer l’avenir de tous les habitants de la planète.
Heather Prime, directrice du Prime Family Lab de l’Université York, s’est lancée avec enthousiasme dans ce projet, ce qui l’a amenée à intégrer la question des changements climatiques dans son propre programme d’études et à réfléchir plus régulièrement à la crise climatique. Les universités et les institutions qui adhèrent au 1 in 5 Project ne sont pas expressément tenues de respecter le mandat. Mais l’effet est toujours là. Il peut être lent — plus lent que nous ne le souhaiterions — mais ce n’est pas le cas des chercheurs d’aujourd’hui. La lenteur des travaux scientifiques sur les changements climatiques est le résultat d’années passées à éviter la question au sein de la communauté scientifique dans son ensemble. Selon Mme Prime,
« [Le 1 in 5 Project] est en quelque sorte un défi lancé à chacun pour qu’il réfléchisse à la manière dont il peut aborder la question des changements climatiques dans le cadre de sa discipline. De plus, il implique les étudiants dans le processus. À bien des égards, les nouvelles générations sont plus engagées dans la cause, car ce sont elles qui seront les plus touchées ».
Il n’a pas été facile pour Mme Prime de mettre en œuvre le mandat du 1 in 5 Project dans ses cours, et il se peut qu’il ne soit pas encore totalement intégré. Son laboratoire s’intéresse tout particulièrement aux dynamiques familiales — comment les enfants assimilent leurs croyances et leurs valeurs au sein de leur famille, comment les facteurs de stress des parents et des soignants se répercutent sur les enfants dont ils ont la charge, etc. À première vue, ce n’est pas le genre de cadre où la recherche sur les changements climatiques peut jouer un rôle majeur.
Mais comme le disent Heather et ses étudiants, les changements climatiques interviennent dans pratiquement tous les aspects de notre vie, ce qui signifie qu’ils peuvent avoir un impact sur pratiquement tous les projets de recherche que l’on peut concevoir, non seulement en sciences de l’environnement, mais aussi en sciences sociales. Vous étudiez les inégalités de revenu? Elles seront exacerbées par les changements climatiques. La dépression et l’anxiété? Pour beaucoup, ces problèmes sont aggravés par la crainte d’une catastrophe imminente à laquelle nous sommes tous confrontés.
Ainsi, bien que le département de psychologie de l’Université York ait adhéré au 1 in 5 Project, il n’a pas encore atteint son objectif, à savoir qu’un devoir sur cinq donné à ses étudiants porte sur les changements climatiques. Comme c’est le cas de nombreuses initiatives en matière de changement climatique, il s’agit davantage d’une aspiration que d’un engagement. Mais son effet est indéniable.
Paul De Luca est étudiant au Prime Family Lab de l’Université York.
« Je pense que le mandat du 1 in 5 Project est très motivant, car la lutte contre les changements climatiques peut donner l’impression d’être un combat difficile. Mais lorsqu’on se rend sur le site Web du projet et qu’on voit tous les projets extraordinaires qui sont en cours, on a l’impression de faire partie d’un mouvement collectif. D’une certaine manière, cela oriente mon travail, car je peux faire défiler les pages et voir sur quoi travaillent d’autres écoles et d’autres laboratoires. Je peux m’en inspirer pour mon travail et peut-être repérer certaines lacunes. Je considère cela comme un mouvement collectif vers un objectif commun : parler des changements climatiques. »
C’est en quelque sorte une cible floue. Un projet sur cinq portera sur les changements climatiques… un jour. Mais le simple fait d’adhérer au projet et de s’engager a permis au département de psychologie de York de prendre part au débat et à ses étudiants de se familiariser avec la climatologie, et les a encouragés à réfléchir à leurs propres spécialités à travers ce prisme. Paul poursuit en parlant d’une étude qu’il a vue sur le site du 1 in 5 Project.
« Un projet proposé portait sur l’évolution, en fonction de l’âge, de la compréhension des changements climatiques par les enfants et de leur attitude à l’égard de l’environnement. De nombreuses recherches ont été menées du point de vue des adolescents, mais pas autant du point de vue des jeunes enfants d’âge scolaire. Lorsque je vois cela, je me mets à réfléchir aux mesures dont nous disposons actuellement et qui se sont avérées efficaces auprès des populations pédiatriques. Avons-nous les outils nécessaires pour aborder des sujets tels que la conscience de la crise climatique, les attitudes à l’égard de l’environnement et l’anxiété découlant de cette conscience? Et je ne sais pas si c’est le cas actuellement. »
Alex Markwell, une autre étudiante au laboratoire, prépare son doctorat et réfléchit à des sujets de thèse. Elle n’a pas accordé beaucoup d’attention au 1 in 5 Project et ne s’est pas penchée sur le sujet en profondeur, son engagement à lutter contre les changements climatiques étant déjà acquis. Pour elle, le site Web et le fait que l’Université York se soit engagée dans le projet sont encourageants.
« Cela fait du bien de savoir que beaucoup d’autres étudiants s’intéressent aux mêmes choses et sont passionnés par le même genre de choses. J’ai surtout étudié les recherches publiées au cours de la dernière décennie, mais c’est une bonne ressource pour examiner de plus près ce qui se fait actuellement. »
Pour l’instant, c’est ce que le 1 in 5 Project représente pour les étudiants et les professeurs de York : une ressource. C’est également une aspiration. Jusqu’à présent, les changements apportés au programme sont mineurs. Par exemple, Mme Prime donne un cours de premier cycle intitulé Atypical Development, qui porte sur l’évaluation et le traitement des problèmes de santé mentale chez l’enfant. Depuis trois ans, elle donne aux étudiants un devoir sur le thème de la COVID et les familles. Cette année, le devoir portait sur les changements climatiques.
Les étudiants ont proposé des modèles d’étude très intéressants. L’une d’entre elles étudiait le lien entre pénurie alimentaire et développement du cerveau. Une autre suivait les appels aux lignes d’écoute téléphonique en fonction des phénomènes météorologiques extrêmes. Une troisième étude se penchait sur les sécheresses récurrentes dans les régions rurales du Canada et sur les liens entre ces sécheresses et les problèmes de santé mentale. Les étudiants ont adhéré au projet, et pour ceux qui se sentaient anxieux face à la crise climatique, il s’agissait d’un moyen efficace de canaliser les efforts en ce sens. C’est une façon de relier les gens au rôle qu’ils jouent dans le devenir du monde.
Les changements sont minimes, mais ce sont des changements. L’idée derrière le 1 in 5 Project est assez simple : réunir des universitaires de toutes les disciplines pour s’attaquer collectivement au problème le plus grave au monde, tout cela en faisant un petit geste. Il semble que ce soit la voie à suivre et le moyen de sortir du pire de la crise climatique — nous n’avons pas tous besoin de changer de vie pour nous consacrer à cette cause. Nous pouvons tous faire de petites choses, et observer ceux qui nous entourent faire de petites choses à leur tour, et collectivement, cela est important pour aujourd’hui et pour l’avenir.