La Dre Gittens est professeure au Georgian College et enseigne au programme universitaire de formation policière. Elle aide les étudiants à confronter leurs préjugés avant d’obtenir leur diplôme et devenir policiers, en les emmenant à la Barbade!
Le plat national de la Barbade est le poisson volant frit au coucou (une bouillie à base de farine de maïs et de gombos) agrémenté d’une sauce épicée. La cuisine barbadienne est aussi appelée cuisine Bajan, et les beignets de poisson et les gourmandises frites typiques de la Barbabe ont influencé la cuisine du monde entier. Comme c’est le cas de la nourriture, la Barbade elle-même a eu un impact culturel hors norme par rapport à sa petite taille. La Barbade a une population de moins de 300 000 habitants.
La ville de Barrie, en Ontario, fait, à elle seule, la moitié de la taille de la Barbade. Elle compte un peu plus de 150 000 habitants, et l’un d’eux est la Dre Eleanor Gittens. Native de la Barbade, la Dre Gittens est professeure au Georgian College et enseigne au programme universitaire de formation policière. Les principaux cours qu’elle donne actuellement portent sur les méthodes de recherche, la cybercriminalité, les problèmes de santé mentale dans les services policiers et les mouvements sociaux contemporains.
« Ce qui me passionne, c’est la recherche, dit-elle. J’aime faire des recherches avec les services de police, surtout lorsqu’ils ont une question ou une préoccupation, mais ne savent pas comment s’y prendre pour obtenir les preuves ou les données à partir de ce qu’ils ont déjà. Je peux les aider à y répondre. »
L’une de ces questions concernait les appels provenant d’établissements locaux de soins de longue durée de la ville d’Orillia. Le service de police de la PPO de la région a communiqué avec la Dre Gittens parce qu’il était préoccupé par le fait qu’il recevait de ces établissements trop d’appels de service qui ne nécessitaient pas la présence de la police. Étant donné que toute possibilité de recherche peut être intégrée à l’enseignement, la Dre Gittens et quelques-uns de ses étudiants ont créé une équipe de recherche chargée d’examiner la question. L’équipe a examiné tous les appels effectués pendant une certaine période pour déterminer ce que les preuves montraient.
Elle a découvert que la police provinciale de l’Ontario avait raison : de 60 % à 70 % des appels provenant d’établissements de soins de longue durée ne nécessitaient pas la présence de la police. Dans beaucoup de cas, les résidents appelaient le 9-1-1 directement de leur chambre pour une raison futile comme avoir égaré leur télécommande. La Dre Gittens et ses étudiants ont présenté leurs conclusions à la fois au service de police et aux établissements de soins de longue durée (et lors du congrès de la SCP de cette année-là).
Leurs recommandations ont conduit à des changements tant au service de police que dans les centres de soins eux-mêmes. Les organismes de soins de longue durée ont modifié la façon dont leurs résidents accèdent aux téléphones et les processus par lesquels le personnel communique avec les services d’urgence. La police a modifié ses politiques en ne se contentant pas de déterminer quand intervenir, mais en modifiant la manière dont elle répond aux appels de ces établissements afin de s’assurer que l’intervention est adaptée à la situation.
La plupart des étudiants qui suivent les cours de la Dre Gittens deviennent des policiers. Ces dernières années, l’accent a été mis sur les préjugés implicites dans le travail de la police et sur les conséquences de ces préjugés, en particulier pour les communautés de couleur.
« Souvent, les policiers se font une idée de l’identité des criminels et de l’endroit où se déroule l’activité criminelle en fonction de leurs propres préjugés et des sentiments qu’ils ont développés au fil du temps en travaillant sur le terrain, explique-t-elle. L’une des choses que nous essayons de faire lorsqu’il s’agit des droits de la personne et de la justice sociale est de briser certains de ces préjugés afin que les gens puissent commencer à voir les choses pour ce qu’elles sont plutôt que de les voir à travers le prisme de leurs préjugés. »
Alors, comment déconstruire certains de ces préjugés avant que ces étudiants obtiennent leur diplôme et deviennent des policiers un peu partout au Canada, au service de communautés très différentes ayant des besoins et des problèmes systémiques très différents? Même si, selon elle, il est impossible de se débarrasser entièrement des préjugés, la Dre Gittens s’est dit que le meilleur moyen de pousser les futurs policiers dans cette direction serait d’emmener ses étudiants – qui sont majoritairement blancs – à un endroit où ils constitueraient la minorité, loin de leur environnement social habituel. Les étudiants se trouvent à Orillia, une ville très peu diversifiée. La Dre Gittens est la seule professeure noire du Georgian College. Alors, où emmener ces étudiants?
À la Barbade. Elle les emmène à la Barbade.
« La Barbade est à 95 % noire. Les étudiants peuvent explorer la nourriture et la culture et visiter les postes de police et la prison. [Oui, il n’y a qu’une seule prison à la Barbade.] Nous avons déjà fait une visite de la Cour suprême, où les étudiants ont pu assister à une audience. Lors de ces voyages, ils ont l’occasion de voir certaines des subtilités du rôle de la culture dans le comportement des gens, la façon dont ils pensent et la façon dont ils sont perçus. Ce n’est qu’une expérience pour eux, mais je pense que c’est mieux que pas d’expérience du tout. »
Il est difficile de comprendre l’impact de la culture et de la tradition tant que l’on n’est pas en plein milieu d’une culture qui n’est pas la sienne. Bien sûr, les étudiants adorent l’expérience.
« Non seulement tous les étudiants aiment leur expérience, mais c’est aussi ce que recherchent les services de police de nos jours. Lorsque que je dois fournir des références pour un étudiant qui se destine au métier de policier, l’une des questions que posent les employeurs est : « que savez-vous de son point de vue sur la diversité? » Lorsqu’il s’agit d’un étudiant que j’ai emmené en voyage, je peux parler de la façon dont il s’est comporté pendant sa visite. Qu’est-ce qui le distingue des autres étudiants? Comment a-t-il accueilli, par exemple, la nourriture? Il y a des gens qui refusent de goûter à de nouveaux plats, simplement parce qu’ils ne les connaissent pas ou ne les comprennent pas! La peur est une émotion qui peut vraiment paralyser les gens. »
La Dre Gittens aime aider ses étudiants à améliorer leurs compétences culturelles dans sa vie professionnelle, et aime voyager dans sa vie personnelle. Malheureusement, les voyages avec ses étudiants et ses voyages personnels ont dû être mis en veilleuse durant la pandémie. Un jour, tout cela sera à nouveau possible. En attendant, la Dre Gittens se réjouit à l’idée d’amener d’autres étudiants à la Barbade pour qu’ils découvrent la culture, l’atmosphère et, bien sûr, la cuisine. Petit conseil pour quiconque y ira : « Goûtez au poisson! ».