Être un proche aidant peut être une expérience positive, mais il arrive que le stress associé aux responsabilités d’aidant naturel compromette le bien-être de l’aidant et de la personne aidée, si l’aidant n’a pas le soutien approprié.
Qu’est-ce qu’un aidant?
Les aidants (également appelés « proches aidants » ou « aidants naturels ») sont des personnes impliquées dans le cercle de soins, notamment les membres de la famille et d’autres personnes importantes, qui fournissent un soutien non rémunéré à une personne qui en a besoin. En 2018, selon les estimations, 7,8 millions de Canadiens (une personne sur quatre) ont fourni un certain niveau de soins à un membre de la famille ou à un ami atteint d’une maladie chronique physique ou mentale ou d’une incapacité (Statistique Canada, 2018). Les aidants ont effectué 5,7 milliards d’heures de soins non rémunérés, et la valeur économique annuelle de ces soins est de 97,1 milliards. De plus, la contribution des aidants à l’économie a représenté 4,2 % du produit intérieur brut, et 32,2 % des dépenses nationales en soins de santé.
Généralement, le degré d’implication non rémunérée du soignant varie au fil du temps et dépend de la disponibilité des ressources externes, des besoins de la personne aidée et des aidants eux-mêmes (leurs besoins et leur propre capacité à aider). Certaines personnes ont besoin d’aide pour accomplir quelques tâches seulement, tandis que d’autres, en raison de déficiences plus prononcées, nécessitent des soins et une supervision continus pour accomplir la majorité ou la totalité des activités de la vie quotidienne. Par exemple, les soins que requiert un parent âgé sont souvent moins exigeants que ceux à fournir à un enfant ou à un conjoint malade (Statistique Canada, 2012). Les soins requis peuvent également varier au fil du temps. Certains problèmes de santé sont limités dans le temps et surviennent plus tard dans la vie (p. ex., maladie d’Alzheimer) tandis que d’autres durent toute la vie (p. ex., maladie mentale, enfants ayant des problèmes de développement).
En outre, il est possible que vous donniez des soins à un proche dont la capacité physique, mentale, émotionnelle, sociale ou cognitive est diminuée en raison de l’âge, d’un accident, ou d’une maladie physique ou mentale grave. Bien que la plupart des aidants naturels déclarent donner des soins à une personne à la fois, il n’est pas rare qu’un aidant s’occupe de plusieurs amis ou membres de la famille. Plus d’un Canadien sur cinq (22 %) a déclaré compter dans sa famille plus d’une personne atteinte d’un problème de santé mentale en 2012 (Pearson, 2015).
En tant qu’aidant, vous pouvez vous attendre à exécuter une variété de tâches, notamment :
- Transporter la personne ou faire les courses
- Nourrir la personne ou préparer les repas
- Habiller, donner le bain et faire la toilette
- Gérer l’élimination et la propreté/incontinence
- Transfert/levage
- Gérer les comportements difficiles
- Administrer des médicaments, aider aux soins médicaux/thérapies
- Assurer la liaison avec les fournisseurs de services de santé
- Aider à l’entretien intérieur et extérieur de la maison et aux tâches ménagères
- Offrir du soutien émotionnel et des stratégies d’adaptation
- Socialisation
- Surveiller la sécurité de l’être cher
- Surveiller le confort de l’entourage
Ces tâches peuvent se présenter individuellement ou conjointement, et chacune d’elle a des répercussions sur le stress vécu par l’aidant.
Quels sont les causes et les symptômes du stress de l’aidant?
Comme aidant, il se peut que vous ressentiez des symptômes de stress. Si le stress n’est pas géré adéquatement, il risque de devenir chronique. Cela est particulièrement vrai lorsque les soins sont donnés à long terme, par exemple, lorsqu’il s’agit d’un enfant ayant un trouble du développement ou une maladie chronique, ou de proches de tous âges atteints d’une maladie mentale ou physique chronique grave. Dans beaucoup de cas, le caractère imprévisible de certains problèmes de santé a une forte incidence sur le stress vécu par l’aidant; les aidants naturels ne sont pas toujours en mesure de contrôler ou de prédire les défis associés à leurs responsabilités d’aidant. Cela peut être particulièrement difficile pour les aidants qui ne s’adaptent pas facilement aux situations inattendues.
Le stress lié au soutien d’un proche peut être direct ou indirect. Dans certains cas, il découlera du nombre, de la durée et de l’intensité des tâches reliées aux soins à donner, ainsi que de la perte ou du deuil qui sont souvent associés au fait d’avoir un membre de la famille ou un ami atteint d’une maladie ou d’une incapacité mentale ou physique chronique. Dans d’autres cas, le stress est associé aux difficultés financières que causent un arrêt de travail ou le coût du traitement, aux conflits interpersonnels, aux problèmes de santé de l’aidant et aux relations sociales, qui sont souvent compromises par les obligations d’aidant. Le stress indirect n’est pas moins important, mais il est parfois difficile à déceler au début du cycle de soins.
On estime à 6,1 millions le nombre d’aidants qui doivent combiner activités professionnelles et prestation de soins à un proche. Cinquante pour cent des aidants sont âgés de 45 à 65 ans, c’est-à-dire à l’époque de leur vie où leurs revenus sont les meilleurs (Statistique Canada, 2013). Il est possible que votre travail soit perturbé, par exemple, que vous deviez vous absenter sans rémunération ou interrompre temporairement votre carrière. On s’intéresse de plus en plus aux jeunes aidants : des enfants et des jeunes de moins de 25 ans qui offrent des soins et de l’accompagnement à des membres de leur famille atteints d’une maladie chronique, d’un handicap, d’une maladie mentale, de toxicomanie ou d’alcoolisme ou de problèmes reliés à la vieillesse. Même si peu de recherches sont disponibles actuellement au Canada, il y a des preuves de la prévalence croissante des jeunes aidants et des conséquences que ceux-ci subissent du fait d’être un proche aidant (Stamatopoulos, 2018).
Dans certaines situations de soins, la maladie ou l’incapacité aura une incidence sur la santé physique ou mentale du proche aidant, ainsi que sur sa stabilité émotionnelle. De nombreux aidants naturels déclarent négliger leurs propres besoins; certains négligent de prendre rendez-vous chez le médecin lorsqu’ils en ont besoin, sautent des repas ou s’alimentent mal, ne dorment pas suffisamment, fument, abusent de l’alcool ou de la drogue et ignorent leur détresse psychologique ou émotionnelle. De plus, les aidants naturels plus âgés, qui ont un statut socioéconomique plus faible ou un réseau limité de soutien, semblent plus vulnérables.
Voici d’autres symptômes de stress que l’aidant peut éprouver :
- Dépression, anxiété ou irritabilité
- Difficulté à se concentrer
- Trouble du sommeil
- Sentiment d’épuisement malgré un repos suffisant
- Système immunitaire affaibli
- Perte d’intérêt à l’égard des besoins, des désirs et des passe-temps personnels
- Ressentiment accru envers la personne aidée, la famille ou les amis
- Baisse de la satisfaction tirée du rôle d’aidant naturel
- Sentiment d’impuissance, désespoir et isolement
Chacun de ces facteurs, pris ensemble ou individuellement, peut avoir un impact important sur le stress vécu par l’aidant.
Cependant, l’expérience d’offrir des soins à un proche peut être satisfaisante, et la plupart des aidants naturels déclarent en retirer des avantages, pour eux-mêmes et pour leur famille (National Opinion Research Center, 2014). Les conséquences positives du rôle d’aidant sont, notamment, l’établissement de liens et d’un engagement plus forts, la débrouillardise, la fierté et la satisfaction, ainsi que la croissance et l’adaptation. De plus, les aidants naturels déclarent que leur rôle donne un sens à leur vie, et augmente leur tolérance et leur capacité d’empathie et de compassion. L’information et le soutien aux aidants naturels peuvent aider à faire ressortir les aspects positifs de l’expérience de proche aidant et réduire le stress qui lui est associé.
Que dois-je faire pour réduire le stress qu’engendre mon rôle d’aidant naturel?
Le counselling, la thérapie, la méditation de pleine conscience, le yoga, la tenue d’un journal intime ou la présence d’un animal de compagnie sont des moyens utiles pour réduire le stress de l’aidant.
Communiquez vos préoccupations et vos besoins aux personnes autour de vous. Envisagez de faire appel à des organisations locales, des groupes de soutien et des associations qui aident à la prestation des soins. Ceux-ci pourront vous orienter vers des ressources avec lesquelles partager les responsabilités. Rencontrer d’autres aidants qui vivent des situations semblables à la vôtre peut contribuer à briser l’isolement et vous permettre d’échanger sur les expériences difficiles que vous vivez. Les plateformes de médias sociaux peuvent être particulièrement utiles pour se mettre en contact avec d’autres aidants, surtout lorsque le proche aidant ne peut pas sortir de la maison ou est isolé.
En exprimant vos préoccupations et vos besoins, vous êtes moins susceptible de vous sentir isolé et seul dans la prestation des soins. Cela vous donnera l’occasion d’évaluer votre bien-être émotionnel. Cela vous donnera également la possibilité d’évaluer ce que vous ressentez par rapport à vos responsabilités d’aidant. Bien que, dans certains cas, vous n’ayez pas d’autre choix que de vous acquitter de vos responsabilités, sachez que vous avez le droit de dire « non » lorsque vous vous sentez dépassé. Acceptez que vos sentiments et vos besoins soient légitimes; ils affectent votre santé et votre capacité à fournir les soins requis.
Demandez de l’aide à votre famille ou à vos amis et acceptez l’aide qu’on vous offre. Si votre entourage ne vous propose pas directement de l’aide, parlez aux membres de votre famille ou à vos amis qui seraient en mesure de vous aider. Vous vous sentirez peut-être moins stressé si vous confiez à quelques personnes certaines responsabilités. Il est important de partager les responsabilités lorsque d’autres personnes participent à la prestation des soins. Ainsi, chaque personne se sent à l’aise et capable de mener à bien ses responsabilités.
Soyez attentif à votre santé physique et mentale. Allez à vos rendez-vous chez le médecin ou chez d’autres professionnels de la santé, mangez de manière équilibrée et assurez-vous de dormir suffisamment. Il est recommandé de réserver au moins 30 minutes quatre fois par semaine pour faire de l’exercice. Il est important de prendre une pause pour prévenir l’épuisement physique et mental. Prenez un peu de temps chaque semaine pour socialiser ou pour pratiquer un passe-temps ou des activités de loisirs. Concentrez-vous sur les choses sur lesquelles vous avez un certain contrôle et abordez vos responsabilités de manière positive tout en ayant de la compassion envers vous-même. La bienveillance envers soi et la pensée positive se révèlent efficaces pour contrer le stress chronique et l’épuisement.
Comment les psychologues peuvent-ils aider à atténuer le stress de l’aidant?
Les aidants naturels sont souvent en lien avec plusieurs prestataires de soins, y compris des médecins, des psychologues, des infirmières, des physiothérapeutes, des travailleurs sociaux et du personnel de soutien à domicile. Ces personnes connaissent des stratégies de réduction du stress qui peuvent vous aider.
Le psychologue peut vous accompagner dans le processus de reconnaissance de la perte et du deuil qui sont souvent associés aux soins à un proche. La réduction proactive du stress est importante, car elle vous permet de maintenir votre propre bien-être et de mieux remplir vos tâches d’aidant naturel. Cela, en plus du soutien et de l’information sur la maladie de votre proche et son évolution, peut atténuer certaines des conséquences négatives de la responsabilité d’aidant naturel.
La thérapie peut aussi vous aider à trouver les aspects positifs de la prestation de soins à un proche, tant pour la famille que pour vous-même. Parfois, dans le cadre des soins à un proche, une dynamique relationnelle difficile se développe. Le psychologue peut aider l’aidant et la personne qui a besoin de soins à échanger afin de mieux comprendre et connaître les besoins de chacun, ce qui réduit du même coup le stress.
Thérapie cognitivo-comportementale (TCC), thérapie interpersonnelle et thérapie psychodynamique sont des types des psychothérapies qui peuvent vous aider. Toutes les formes de psychothérapie vous permettent de faire face à votre stress, vos préoccupations, vos inquiétudes et d’autres symptômes, avec l’aide d’un thérapeute, dans un environnement sûr.
- Dans le cadre d’une TCC, le thérapeute explorera avec vous vos pensées et vos comportements défaitistes, qui ont une influence négative sur votre vie. L’objectif de la TCC est de vous fournir les compétences nécessaires pour remettre en question ces pensées négatives et ces comportements inadaptés, et pour apprendre à gérer vos émotions négatives. En réduisant au minimum l’influence négative de vos pensées, de vos comportements et de vos émotions, vous serez capable de développer un point de vue équilibré sur les événements qui se produisent chaque jour dans votre vie et dans votre environnement.
- Avec la thérapie interpersonnelle, vous apprendrez à autoévaluer votre difficulté à communiquer vos besoins aux autres. L’objectif de la thérapie est d’améliorer les habiletés de communication pour arriver à faire bien comprendre vos intentions et à veiller à ce que vos besoins soient satisfaits. Cela peut aider à réduire certains sentiments accablants associés aux soins à un proche. Cela permettra également de renforcer vos relations avec la famille, les amis, la personne aidée et toutes les ressources qui peuvent vous soutenir dans la prestation des soins.
- Avec la thérapie psychodynamique, vous découvrirez les sentiments inconscients qui influencent négativement votre humeur et votre attitude. Le but de cette thérapie est de vous amener à reconnaître, comprendre et gérer ces sentiments inconscients. Cette thérapie s’est révélée moins efficace que la TCC et la thérapie interpersonnelle dans le traitement de la dépression et du stress de l’aidant.
Certains proches aidants éprouvent des symptômes suffisamment graves pour envisager la médication. Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) constituent la classe d’antidépresseurs privilégiée pour traiter la dépression causée par le stress de l’aidant. Les ISRS agissent sur l’équilibre de la sérotonine dans le cerveau, ce qui aide à la régulation de l’humeur; les effets secondaires courants des ISRS sont l’agitation, la sécheresse de la bouche, la somnolence, les nausées et les étourdissements, pour n’en nommer que quelques-uns. Les médicaments prescrits par un médecin peuvent être combinés avec l’une des psychothérapies mentionnées, et une approche combinée est plus efficace.
Où puis-je obtenir plus d’information?
L’Association canadienne pour la santé mentale – fournit des informations et des ressources utiles pour les personnes qui s’occupent d’un proche atteint d’une maladie mentale :
https://cmha.ca/mental-health/finding-help/family-caregiver-support
L’Association canadienne des soins à domicile – fournit des informations et des ressources utiles pour les aidants :
http://www.cdnhomecare.ca/content.php?doc=223
American Psychological Association (APA) – fournit des informations et des ressources utiles pour les aidants :
http://www.apa.org/search.aspx?query=caregiver
http://www.apa.org/search.aspx?query=caregiving
Associations provinciales de psychologues – donne accès à de l’information sur les associations professionnelles de chaque province ou territoire :
http://www.cpa.ca/public/whatisapsychologist/PTassociations
Pour savoir si une intervention psychologique peut vous aider, consultez un psychologue agréé. Les associations provinciales et territoriales, et certaines associations municipales offrent des services d’aiguillage. Pour connaître les noms et les coordonnées des associations provinciales et territoriales de psychologues, veuillez vous rendre à l’adresse
http://www.cpa.ca/public/whatisapsychologist/PTassociations.
Références
L’enquête sociale générale de Statistique Canada a été réalisée en 2018 auprès de répondants âgés de quinze ans et plus qui habitent dans une des dix provinces canadiennes. L’estimation conservatrice de la valeur des soins non rémunérés a été calculée au moyen de la méthode du coût de remplacement généraliste. L’ensemble des heures annuelles de soins non rémunérés, pour sept différentes tâches liées aux soins, ont été multipliées par le salaire horaire médian (17 $ de l’heure) que coûterait l’embauche de personnel de soutien à domicile pour remplacer le travail des aidants (https://www.guichetemplois.gc.ca/rapportmarche/salaire-profession/20667/ca ).
Pearson, C. (octobre 2015). « L’incidence des problèmes de santé mentale sur les membres de la famille », Coup d’œil sur la santé, Statistique Canada, catalogue no 82-624-x, https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/82-624-x/2015001/article/14214-fra.htm.
Hollander, M. J., G. Lui et N. L. Chapell (2009). « Who Cares and How Much? The Imputed Economic Contribution to the Canadian Healthcare System of Middle-Aged and Older Unpaid Caregivers Providing Care to The Elderly, Law & Governance, volume 12, no 2, 42-49/a.
Stamatopoulos, V. (2018) https://yorkspace.library.yorku.ca/xmlui/handle/10315/37847?locale-attribute=fr
Stamatopoulos, V. (2018). The young carer penalty: Exploring the costs of caregiving among a sample of Canadian youth, Child & Youth Services, volume 39, no 2-3, 180-205, DOI: 10.1080/0145935X.2018.1491303
National Opinion Research Center. (Mai 2014). « Long term care in America: Expectations and realities ». Tiré de http://www.longtermcarepoll.org/PDFs/LTC%202014/AP-NORC-Long-Term%20Care%20in%20America_FINAL%20WEB.pdf
Sinha, M. (2012). Portrait des aidants familiaux, 2012. Statistique Canada, Division de la statistique sociale et autochtone. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/89-652-x/89-652-x2013001-fra.htm.
Turcotte, M. (2013). Être aidant familial : quelles sont les conséquences? Ottawa : Statistique Canada. Tiré de : https://www150.statcan.gc.ca/n1/fr/pub/75-006-x/2013001/article/11858-fra.pdf?st=MiNJCt6i.
La présente fiche d’information a été préparée pour la Société canadienne de psychologie par Ella Amir, AMI-Québec et Anna Beth Doyle, Université Concordia.
Date : mai 2022
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