Qu’est-ce qu’une déficience intellectuelle?
Selon l’American Association on Intellectual and Developmental Disabilities, une déficience intellectuelle :
- apparaît avant l’âge de 18 ans
- se manifeste dans différents contextes (p. ex. à l’école, à la maison) par des limitations observables à la fois dans :
- le fonctionnement adaptatif (p. ex. hygiène personnelle, compétences sociales)
- le fonctionnement intellectuel (c’est-à-dire aptitude à réfléchir de l’enfant).
Ces limitations ne s’expliquent pas par le contexte culturel. Même si un enfant a des limitations, il peut avoir des forces dans d’autres domaines. Les enfants qui ont une déficience intellectuelle sont capables d’apprendre et d’améliorer certains aspects de leur fonctionnement lorsque les difficultés qui leur sont propres sont bien identifiées et qu’ils reçoivent un soutien personnalisé.
Certains problèmes physiques et stades du développement de l’enfant font augmenter le risque de développer une déficience intellectuelle. Premièrement, les erreurs chromosomiques et génétiques mènent parfois à des syndromes associés à la déficience intellectuelle (p. ex. trisomie 21). La déficience intellectuelle peut aussi être causée par d’autres facteurs qui surviennent dans les périodes prénatale, périnatale et postnatale (par exemple, poids très faible à la naissance, infection, traumatisme physique). La déficience intellectuelle se classe en trois catégories, selon le degré :
- Déficience intellectuelle légère :
- les enfants qui ont une déficience intellectuelle légère éprouvent parfois des difficultés à l’école, et, généralement, ils peuvent vivre de façon autonome.
- Déficience intellectuelle moyenne :
- dans beaucoup de cas, ces enfants atteignent au plus le niveau de la troisième année du primaire et dépendent d’autrui dans certains aspects de leur vie.
- Déficience intellectuelle profonde :
- ces enfants exigent habituellement de l’aide pour accomplir la majorité des activités quotidiennes, et plusieurs de ces enfants ne maîtrisent pas totalement le langage.
Qu’entend-on par « non verbal »?
Pour les besoins de la présente fiche d’information, enfant non verbal désigne un enfant qui a reçu un diagnostic de déficience intellectuelle et qui ne communique pas avec des mots. En d’autres termes, cet enfant ne communique pas avec les autres verbalement ou à l’aide d’une forme de langage gestuel universellement reconnu (p. ex. langue des signes). Il arrive que l’on considère comme non verbaux les enfants qui connaissent quelques mots, mais qui ne les utilisent pas de manière constante ou significative.
Qu’est-ce que la douleur?
L’International Association for the Study of Pain définit la douleur comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à des lésions tissulaires réelles ou potentielles ou décrites en des termes évoquant de telles lésions ». L’expérience de la douleur (la façon dont la personne perçoit ce qu’elle ressent) est différente de l’expression de la douleur (la façon dont la personne montre qu’elle a mal). La douleur est subjective : autant l’expérience de la douleur que l’expression de la douleur varient d’une personne à l’autre.
Comme les individus peuvent réagir différemment à la douleur, l’auto-évaluation est utilisée très souvent pour mesurer celle-ci. Toutefois, beaucoup d’enfants non verbaux qui ont une déficience intellectuelle sont incapables de faire une auto-évaluation précise de leur douleur. Pour cette raison, les soignants sont souvent amenés à estimer la gravité de la douleur éprouvée par un enfant en observant le comportement de ce dernier ou sa façon de l’exprimer. Ainsi, les facteurs sociaux peuvent également entrer en jeu et être particulièrement importants dans un contexte où l’on compte fortement sur les aidants et les personnes qui s’occupent des enfants.
Comment le fait d’avoir une déficience intellectuelle et d’être incapable de communiquer verbalement affecte-t-il l’expérience et l’expression de la douleur?
Dans le passé, on croyait que les enfants atteints d’une déficience intellectuelle ne ressentaient pas la douleur de la même façon que les autres enfants. Certaines personnes pensent encore que ces enfants ne ressentent pas la douleur, sont moins sensibles à la douleur ou y sont indifférents. Ces croyances sont incompatibles avec les résultats d’études de recherche récentes. La perception selon laquelle les personnes atteintes d’une déficience intellectuelle, en particulier les personnes non verbales, seraient insensibles à la douleur peut s’expliquer par le fait que ces dernières expriment la douleur différemment que les enfants qui n’ont pas de déficience intellectuelle. Plusieurs raisons expliquent cette différence, l’une d’entre elles étant la difficulté de communiquer.
Comment les enfants ayant une déficience intellectuelle font-ils savoir aux autres qu’ils ont mal?
Comme il est mentionné ci-dessus, les soignants sont souvent amenés à faire état de la douleur ressentie par ces enfants. Dans certains cas, les soignants sont capables de constater la source de la douleur (p. ex. une plaie ouverte), mais dans d’autres cas, ce n’est pas possible. Le fait de ne pas voir d’où vient la douleur ne signifie pas que la douleur n’existe pas. Malgré cela, il est parfois difficile pour les soignants d’évaluer la douleur (sa présence et/ou sa gravité), car les enfants non verbaux ayant une déficience intellectuelle n’expriment pas toujours clairement la douleur. Dans certains cas, même les soignants qui connaissent très bien l’enfant ont de la difficulté à évaluer l’ampleur et l’emplacement de la douleur. La recherche donne à penser que les parents d’un enfant non verbal atteint d’une déficience intellectuelle sont capables d’identifier les comportements fréquents adoptés par cet enfant lorsqu’il souffre (voir la section ci-dessous).
Selon des études récentes qui visaient à créer une liste des mécanismes courants utilisés dans cette population pour exprimer la douleur, certains comportements communs peuvent indiquer que l’enfant a mal. Par exemple, la Non-Communicating Children’s Pain Checklist[1] [2] est une échelle utile à une variété de personnes qui s’occupent d’enfants non verbaux (c.-à-d. professionnels de la santé, enseignants, parents). La liste des comportements qui figurent dans la Non-Communicating Children’s Pain Checklist est présentée ci-dessous. Il convient de mentionner que chaque personne peut exprimer différemment la douleur; il faut donc tenir compte des comportements de base de l’enfant. De même, certains de ces comportements ne sont pas toujours une manifestation de la douleur; ils peuvent exprimer de la détresse ou de la frustration. En outre, l’enfant ne montrera pas nécessairement tous ces signaux à la fois lorsqu’il a mal.
- Signes vocaux: gémissements/pleurnichements/geignements (assez faibles), cris (très forts), pleurs (moyennement forts).
- Comportement social : l’enfant ne coopère pas, est grognon/irritable/mécontent; moins d’interactions avec les autres/retrait, recherche le confort ou la proximité physique; difficile à distraire/incapacité à le satisfaire.
- Expression du visage : sourcils froncés, regard différent, ne sourit pas; lèvres avancées/serrées/moue/voix tremblante; serre les dents ou grince des dents/sort la langue.
- Activité : reste immobile/moins actif/calme; saute partout/agité/excité.
- Corps et membres : raideur/mouvements involontaires/tendu/rigide; gesticule ou touche la partie du corps qui est douloureuse; protège/préfère/préserve la partie du corps douloureuse; sensibilité au toucher.
- Signes physiques : sueur; changement de couleur; larmes; souffle court.
Comment pouvons-nous nous assurer que la douleur ressentie par un enfant non verbal ayant une déficience intellectuelle est évaluée et prise en charge adéquatement?
Il est essentiel d’évaluer efficacement la douleur pour traiter celle-ci efficacement. Ces processus sont difficiles, car ils sont influencés par de nombreux facteurs, y compris les différentes formes d’expression de la douleur et les limitations cognitives. La recherche a montré que les soignants primaires et secondaires ont des croyances différentes quant à la douleur, dont certaines sont inexactes. Ces croyances peuvent également influencer les décisions en matière de soins. Premièrement, les programmes de formation peuvent servir à améliorer les connaissances au sujet de la douleur chez les personnes qui s’occupent d’enfants présentant une déficience intellectuelle. Deuxièmement, l’élaboration et la mise en œuvre d’outils d’évaluation de la douleur efficaces pour ces soignants pourraient aider à améliorer la prise en charge de la douleur dans cette population. Certains milieux médicaux utilisent des « trousses d’outils » pour la prise en charge de la douleur chez les enfants handicapés, comme la Chronic Pain Assessment de l’hôpital Holland Bloorview[3] pour les enfants handicapés. Enfin, il pourrait être utile de partager l’information sur la douleur éprouvée par l’enfant avec les différentes personnes qui s’occupent de lui dans tous les milieux de soins. Le Caregiver Pain Information Guide[4] est un exemple de ressource en cours d’élaboration qui vise à servir à cette fin.
Où puis-je obtenir plus d’information?
Non-Communicating Children’s Pain Checklist[1],[2] :
- http://pediatric-pain.ca/our-measures/
- http://www.aboutkidshealth.ca/fr/resourcecentres/pain/painassessment/measurementofpain/pages/tools-for-measuring-pain.aspx
La Chronic Pain Toolbox[3] est accessible à l’adresse suivante :
Le Caregiver Pain Information Guide[4] est accessible à l’adresse suivante :
Autres ressources en ligne :
OUCH! How Understanding Pain can Lead to Gain when it Comes to Supporting Those with Developmental Disabilities * Ne traite pas seulement des enfants : https://www.porticonetwork.ca/documents/38160/99698/sss%2520vol%25206%2520issue%25205%2520-%2520ENGLISH.pdf/bf828358-15c9-48f6-a7d7-70812c0df146
Pain Assessment in the Nonverbal Patient: Position Statement with Clinical Practice Recommendations (MedScape) *Ne traite pas seulement des enfants ayant une déficience intellectuelle : http://www.medscape.com/viewarticle/533939.
Understanding Pain in Patients with Intellectual Disabilities (MedScape) *Ne traite pas seulement des enfants : http://www.medscape.com/viewarticle/752725.
Références citées :
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Breau, L.M., G.A. Finley, P.J. McGrath et C.S. Camfield (2002). Validation of the non-communicating children’s pain checklist–postoperative version. Anesthesiology, volume 96, no 3, 528-535.
Breau, L.M., M. Lotan et J.L. Koh (2011). Pain in individuals with intellectual and developmental disabilities. (Publié sous la direction de Patel, D.R., D.E. Greydanus, H.A. Omar et J. Merrick. Neurodevelopmental Disabilities: Clinical Care for Children and Young Adults, 255-276). New York : Springer.
Drew, C.J. et M.L. Hardman (2007). Intellectual disabilities across the lifespan. É.-U. : Pearson Education Inc.
Genik, L. M., C. M. McMurtry et L. M. Breau (2017). « Caring for children with intellectual disabilities part 1: Experience with the population, pain-related beliefs, and care decisions. » Research in Developmental Disabilities, volume 62, 197-208.
Genik, L. M., M. McMurtry, L. Breau et S.P. Lewis (2018). « Improving pain assessment and management knowledge of children’s respite workers: Development and preliminary effectiveness of the “Let’s Talk About Pain” training program ». Journal on Developmental Disabilities, volume 23, no 2, 115-115.
Genik, L.M., G.E. Millett et C.M. McMurtry (en cours de révision). Facilitating respite: Preliminary evaluation of the Caregiver Pain Information Guide for children with disabilities.
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Sous la direction d’Oberlander, T.F. et F.J. Symons (2006). Pain in children and adults with developmental disabilities. É.-U. : Paul H. Brookes Publishing.
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Zabalia, M., L.M. Breau, C. Wood, C. Lévêque, M. Hennequin, E. Villeneuve et G. Breau (2011). Validation of the French version of the non-communicating children’s pain checklist-postoperative version. Canadian Journal of Anaesthesia, volume 11, no 58, 1016-1023.
Pour savoir si une intervention psychologique peut vous aider, consultez un psychologue agréé. Les associations provinciales et territoriales, et certaines associations municipales offrent des services d’aiguillage. Pour connaître les noms et les coordonnées des associations provinciales et territoriales de psychologues, veuillez vous rendre à l’adresse https://cpa.ca/fr/public/unpsychologue/societesprovinciales/.
Le présent feuillet d’information a été rédigé pour la Société canadienne de psychologie par Lara M. Genik (Université de Guelph), la Dre C. Meghan McMurtry (Université de Guelph) et la Dre Lynn Breau (Glenrose Rehabilitation Hospital).
Mai 2020
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[2] Zabalia, M., L. M. Breau, C. Wood, C. Lévêque, M. Hennequin, E. Villeneuve … et G. Breau. (2011). Validation of the French version of the non-communicating children’s pain checklist-postoperative version. Canadian Journal of Anaesthesia, volume 58, no 11, 1016-1023.
[3] Orava, T., C. Provvidenza, A. Townley et S. Kingsnorth, S. (2018). « Screening and assessment of chronic pain among children with cerebral palsy: a process evaluation of a pain toolbox ». Disability and rehabilitation, 1-9.
[4] Genik, L.M., G.E. Millett et C.M. McMurtry (en cours de révision). Facilitating respite: Preliminary evaluation of the Caregiver Pain Information Guide for children with disabilities.