La COVID-19 est une maladie infectieuse qui, non seulement, présente un risque important pour la santé publique et la façon dont nous faisons face à notre vie quotidienne, mais aussi un défi important quant à la façon dont nous mourons et dont nous faisons le deuil de nos proches.
La mort et le processus de la mort
La distanciation physique qu’impose la COVID-19 fait en sorte que de nombreuses personnes meurent – ou sont confrontées à la perspective de mourir – sans la présence de leur famille et de leurs amis, ce qui entraîne chez elles un sentiment d’isolement et de la détresse psychologique. En raison des contraintes auxquelles sont confrontés les travailleurs de la santé et les établissements de soins, il se peut que les personnes en soins palliatifs ne puissent faire respecter intégralement leurs directives médicales anticipées (p. ex., lieu de décès préféré, traitements visant à prolonger la vie)[i]. Cela peut être particulièrement problématique et pénible pour les personnes qui sont tout à fait conscientes que leurs directives ne sont pas respectées.
La distanciation physique imposée par la pandémie entraîne également de la détresse chez les membres de la famille et les amis, qui ne sont pas autorisés à être avec leurs proches lorsqu’ils sont malades ou mourants; ils n’ont donc pas la possibilité de tenir la main de leur proche, d’avoir avec lui une dernière conversation significative, d’exprimer leur attachement, de s’excuser ou demander pardon ou simplement de lui dire au revoir[ii]. En outre, certaines restrictions provinciales actuelles obligent les familles à décider rapidement (entre une et trois heures suivant le décès, selon que le décès s’est produit à l’hôpital ou dans un établissement de soins de longue durée) de l’endroit où envoyer le corps, ce qui cause encore plus de détresse.
Répercussions sur le deuil
Chaque culture a des coutumes et des rituels de deuil qui lui sont propres. En raison des restrictions relatives à la distanciation physique, il est difficile pour les gens de se réunir avec d’autres personnes en deuil pour traverser ensemble cette épreuve, de passer du temps avec le défunt ou présenter ses derniers hommages à la personne décédée, de se soutenir mutuellement et/ou de trouver du réconfort dans leurs traditions culturelles ou laïques, ce qui complique le deuil et entraîne un sentiment d’isolement[iii].
Lorsqu’ils n’ont pas l’occasion de dire au revoir à leur proche et qu’il leur est impossible de se réunir pour s’apporter les uns les autres du réconfort physique, les êtres chers risquent de ne pas parvenir à résoudre leur deuil – ce que l’on qualifie également de « perte ambiguë »[iv]. Ils pourraient ressentir de la colère contre les personnes qui ont mis en place les restrictions, regretter de ne pas avoir eu la possibilité de tenir la main de leur proche ou de s’excuser ou demander pardon, craindre que l’être cher ne reçoive pas les soins appropriés ou n’obtienne pas les traitements nécessaires pour soulager la douleur et se sentir coupables de leur propre impuissance et de leur incapacité à être avec l’être cher dans les moments difficiles.
On ignore combien de temps seront en place les mesures de distanciation physique; par conséquent, il est important que les gens trouvent de nouvelles façons d’appréhender le processus de la mort et de faire face à leur deuil. Pendant le processus de la mort, les appels vidéo, s’ils sont possibles, peuvent mettre les patients en contact avec les membres de leur famille, de qui ils sont séparés en raison des restrictions de voyage et des interdictions de visite; cela apporte un certain réconfort aux patients dans leurs derniers jours et leurs derniers instants. Après la mort, les amis et la famille peuvent se réunir de manière virtuelle, utiliser des mémoriaux en ligne, écrire des nécrologies plus étoffées et/ou prévoir de célébrer les funérailles lorsque les restrictions relatives à la distanciation physique seront levées[v]. Bien que ces moyens permettent dans une certaine mesure d’honorer la personne décédée, ils ne peuvent remplacer le réconfort physique et le sentiment de solidarité qu’apporte une étreinte ou une poignée de main.
Deuil perturbé, compliqué ou prolongé
Bien que le deuil soit une réponse normale à la perte, « le processus de deuil lui-même est très personnel et individuel, de sorte que chaque personne appréhende et vit son deuil différemment[vi]. » [traduction] Pour beaucoup de gens, se réunir pour célébrer des funérailles ou pour accomplir un autre rituel culturel afin d’honorer la mort de la personne décédée est une étape essentielle – et normale – du processus de deuil. Le fait de ne pas pouvoir se rassembler pour faire son deuil peut non seulement conduire à une perte ambiguë, mais aussi augmenter la probabilité de vivre un deuil perturbé, compliqué ou prolongé.
Lorsque la détresse psychologique devient trop grande
Les personnes qui vivent un deuil perturbé, compliqué ou prolongé présentent un risque accru d’abus d’alcool et de drogue, de troubles du sommeil, d’affaiblissement du fonctionnement immunitaire et de pensées suicidaires[vii].
Même si les chefs spirituels sont eux-mêmes privés de la possibilité d’accompagner les individus au moment de leur mort et d’accomplir les derniers rites de passage, ils peuvent être une source de réconfort pour les êtres chers et aider ceux-ci à faire face à la perte. Les psychologues et d’autres fournisseurs de soins de santé mentale peuvent également aider à traverser un deuil perturbé, compliqué ou prolongé.
Si les signes et les symptômes suivants augmentent ou s’aggravent avec le temps et nuisent au fonctionnement global, cela peut indiquer que la personne a besoin d’aide pour faire face à la perte :
- Dormir mal, dormir trop ou pas assez
- Éviter les autres, même dans les limites de la distanciation physique
- Maux de tête, problèmes d’estomac, douleurs au cou ou au dos
- Pleurer excessivement et sans cesse
- Parler moins et s’isoler
- Se sentir hébété ou déconnecté de soi ou de la réalité
- Se sentir anxieux, déprimé ou avoir des crises de panique
- Se sentir en colère, coupable, impuissant, indifférent ou confus
- Ne pas vouloir se lever le matin
- Avoir de la difficulté à se concentrer ou à réfléchir
- Manger trop pour se réconforter
- Boire plus d’alcool ou prendre des médicaments d’ordonnance plus que ce qui est prescrit
- Avoir peu de patience
- Vouloir surprotéger ses proches
Il est important de se rappeler que la plupart d’entre nous ont eu ou connu, à un moment ou à un autre, certains des signes et des symptômes énumérés ci-dessus, et que la COVID-19 cause beaucoup de stress chez la plupart des gens. Si vous constatez plusieurs de ces signes et de ces symptômes, et que ceux-ci :
- persistent au-delà de quelques semaines
- persistent au point où vous ne pouvez pas effectuer les activités domestiques ou professionnelles autorisées par les consignes de distanciation physique
- sont accompagnés de sentiments intenses de désespoir, de détresse, d’impuissance ou de pensées suicidaires
il serait avisé de consulter un professionnel de la santé membre d’une profession réglementée, comme un psychologue, votre médecin de famille, un psychiatre ou un autre fournisseur de soins de santé mentale.
Ressources :
Réseau ontarien des soins palliatifs, 2020. Planification de la prestation des soins palliatifs au cours de la pandémie de la COVID-19. https://www.virtualhospice.ca/covid19/fr/
Où puis-je obtenir plus d’information?
Pour obtenir des renseignements importants et à jour sur la COVID-19, visitez le site Web de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) à l’adresse https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/maladies/2019-nouveau-coronavirus.html.
Les associations provinciales et territoriales de psychologues, et certaines associations municipales de psychologues offrent des services d’aiguillage. Pour connaître les noms et les coordonnées des associations provinciales et territoriales de psychologues, veuillez vous rendre à l’adresse https://cpa.ca/fr/public/unpsychologue/societesprovinciales/.
La présente fiche d’information a été préparée pour la Société canadienne de psychologie par la Dre Lisa Votta-Bleeker, directrice générale associée de la Société canadienne de psychologie, la Dre Katy Kamkar, psychologue clinicienne au Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) et présidente de la Section du stress traumatique de la Société canadienne de psychologie, et Mme Eva Sheppard-Perkins, Société canadienne de psychologie.
Date : 11 mai 2020
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Numéro sans frais (au Canada) : 1-888-472-0657
[i] Arya, A., Buchman, S., Gagnon, B. et Downar, J., 2020. Pandemic palliative care: beyond ventilators and saving lives. Journal de l’Association médicale canadienne, 192(15), E400-E404.
[ii] https://www.apa.org/topics/covid-19/grief-distance
[iii] Leong, I., Lee, A., Ng, T., Lee, L., Koh, N., Yap, E., Guay, S. et Ng, L., 2004. The challenge of providing holistic care in a viral epidemic: opportunities for palliative care. Palliative Medicine, 18(1), 12-18.
[iv] https://www.apa.org/topics/covid-19/grief-distance
[v] Wolfelt, A., 2020. Exploring the Natural Complications of the “Whys” of Funerals During the Coronavirus Pandemic – Center For Loss & Life Transition. [En ligne] Center for Loss & Life Transition. Disponible à l’adresse https://www.centerforloss.com/2020/04/funeral-whys-during-coronavirus/.
[vi] https://weareunsinkable.com/when-struck-by-a-dark-cloud-grief-loss/
[vii] Shear, K.M. 2015. Complicated Grief, New England Journal of Medicine, vol. 372, No 2, 153-160.