Comprendre la crise des opioïdes
Lorsqu’on évoque les opioïdes, tels que la codéine, la morphine et l’oxycodone, on pense souvent à des médicaments prescrits pour soulager la douleur. Cependant, les sentiments de joie et de bien-être que procure le soulagement de la douleur sont aussi ce qui fait des opioïdes une substance qui crée de la dépendance, conduisant parfois à une utilisation problématique qui va au-delà de l’usage médical auquel ils sont destinés.
Au Canada, la crise des opioïdes est un problème de santé publique qui a des effets dévastateurs, les décès liés aux opioïdes étant en augmentation constante depuis une dizaine d’années. En 2018, près de 10 % des Canadiens à qui l’on avait prescrit des opioïdes ont déclaré en faire un usage problématique. Dans ces cas, faire un usage problématique peut signifier altérer le produit avant de le prendre ou prendre une dose supérieure à ce qui a été prescrit afin de se sentir mieux ou d’atteindre un état d’euphorie.
Les facteurs de risque
Alors, comment en sommes-nous arrivés là et pourquoi cela empire-t-il? Pour assembler toutes les pièces du puzzle, il est important d’examiner les facteurs de risque systémiques (c’est-à-dire le rôle de la société dans son ensemble) et qui contribuent à la crise des opioïdes.
Quelles sont les personnes les plus exposées?
Même si tout le monde doit être conscient des risques de dépendance liés à la prise d’un opiacé sur ordonnance, certains groupes peuvent être particulièrement vulnérables à l’utilisation problématique d’opioïdes.
- En 2021, 88 % des surdoses d’opioïdes se sont produites dans trois provinces canadiennes : la C.-B., l’Alberta et l’Ontario[1]. Le fait que les populations y soient plus nombreuses et que la prévalence de l’itinérance chronique y soit plus élevée contribue probablement à aggraver l’impact de la crise des opioïdes dans ces provinces.
- La majorité des décès liés aux opioïdes au Canada sont le fait de personnes d’âge moyen (c.-à-d. entre 20 et 59 ans) (voir note de bas de page 1).
- Les hommes sont à l’origine de la plupart des hospitalisations (68 %) et des décès (74 %; voir note de bas de page 1) liés aux opioïdes, car ils sont plus susceptibles de chercher et de consommer des opioïdes de manière risquée. Par exemple, ils sont plus susceptibles de se procurer des opioïdes auprès d’une source illégale, de consommer des médicaments au-delà du dosage recommandé, d’utiliser des médicaments plus puissants (par exemple, le fentanyl) ou de ne pas utiliser les médicaments selon le mode d’ingestion recommandé.
- Les femmes seraient plus promptes à passer de la consommation d’opioïdes à la dépendance, souffriraient de conséquences émotionnelles et physiques plus graves de la consommation de drogue et seraient plus susceptibles de faire un mauvais usage des opioïdes après s’en être fait prescrire.
Les impacts de la COVID-19
Bien que le paysage de la COVID-19 évolue rapidement, on ne peut pas parler de la crise des opioïdes sans tenir compte des effets de la pandémie. D’une part, les personnes qui consomment des opioïdes et d’autres substances psychoactives courent un risque plus élevé de contracter la COVID-19. D’autre part, la COVID-19 a considérablement aggravé l’impact de la crise des opioïdes. En effet, par rapport à l’année précédant la pandémie (avril 2019 – mars 2020, 3 747 décès), les décès liés aux opioïdes ont augmenté d’environ 95 % (avril 2020 – mars 2021, 7 362 décès; voir note de bas de page 1). Ces statistiques inquiétantes ont conduit à ce que certains experts appellent « la pandémie de l’ombre ». Ainsi, en Colombie-Britannique, près de quatre fois plus de personnes sont décédées d’une surdose d’opioïdes que de COVID-19.
Plusieurs facteurs peuvent contribuer à cette recrudescence des décès liés aux opioïdes pendant la pandémie, notamment : 1) produits de rechange plus puissants accessibles sur le marché des drogues illicites toxiques; 2) mesures de confinement réduisant l’accès au soutien social/par les pairs, aux sites d’injection supervisés et aux services sociaux; 3) consommation accrue de substances psychoactives pour faire face à l’isolement, à l’anxiété et au stress (voir note de bas de page 1).
Comment la psychologie peut-elle être utile?
Traitement
Le traitement de première ligne pour le trouble lié à l’usage d’opioïdes est la médication. Plus précisément, des opioïdes plus doux et à action plus longue, comme la méthadone, sont utilisés pour remplacer les opioïdes à action plus courte (par exemple, l’héroïne, l’oxycodone, le fentanyl) afin de prévenir les symptômes de sevrage et de réduire l’état de manque. Cela se fait sans sensation d’euphorie ou somnolence, ce qui permet à la personne dépendante aux opioïdes de réduire sa dépendance et de retrouver une vie stable sans perturber le système.
Les approches psychosociales pour traiter le trouble lié à l’usage d’opioïdes tendent à être associées à des traitements pharmacologiques. Par exemple, lorsqu’elles sont associées à un traitement à la méthadone, plusieurs approches psychologiques se sont révélées efficaces pour réduire la consommation d’opioïdes. Il s’agit notamment de la thérapie cognitivo-comportementale, de la thérapie d’organisation des contingences et des interventions comportementales dispensées sur le Web.
La dépendance aux opioïdes survient souvent après qu’un individu s’est vu prescrire des opioïdes comme analgésiques par le système médical. Les interventions psychologiques pour la prise en charge de la douleur constituent donc une autre voie de traitement importante des troubles liés à l’usage d’opioïdes. La recherche montre que les interventions psychologiques de prise en charge de la douleur suivantes sont efficaces :
- Thérapie cognitivo-comportementale
- Thérapie d’acceptation et d’engagement
- Méditation de pleine conscience
- Hypnothérapie
- Rétroaction biologique
- Autogestion du trouble
- Entretien motivationnel
Prévention
Les interventions préventives « en amont » visent à aborder les facteurs de risque biopsychosociaux tout au long de la vie, tels que les antécédents familiaux/personnels de toxicomanie, le faible niveau socio-économique, les expériences négatives vécues pendant l’enfance (par exemple, abus et/ou négligence), les troubles mentaux coexistants (par exemple, l’anxiété et la dépression), la prise en charge de la douleur chronique, le manque de soutien social et les traumatismes présents ou passés. Il peut s’agir de stratégies de santé publique ciblées visant à réduire le risque de consommation d’opioïdes sur ordonnance à des fins non médicales.
Réduction des méfaits
La réduction des méfaits fait référence à l’ensemble des stratégies utilisées pour minimiser les conséquences négatives souvent liées à la consommation de substances psychoactives. En ce qui concerne la consommation d’opioïdes, il s’agit de services tels que des sites d’injection sûrs où les personnes peuvent s’injecter des stupéfiants en présence de personnel médical, des trousses de naloxone à emporter pour renverser les effets d’une surdose, des tests de dépistage des maladies infectieuses, des thérapies de substitution aux opioïdes et la fourniture de seringues propres aux personnes qui consomment de la drogue par voie intraveineuse. L’accès équitable, le jour même, aux services de réduction des méfaits s’est avéré être une stratégie efficace et essentielle pour sauver des vies et réduire l’impact de la crise des opioïdes.
Tandis que la COVID-19 continue d’aggraver la crise des opioïdes, de nombreux hauts responsables de la santé publique ont exhorté le gouvernement fédéral à miser davantage sur les stratégies de réduction des méfaits. Parmi ces stratégies figure la décriminalisation de la possession d’opioïdes et d’autres drogues illégales pour un usage personnel. Cela permettrait d’éliminer les obstacles juridiques qui empêchent les personnes souffrant de troubles liés à l’usage d’opioïdes d’accéder à ces derniers. En outre, fournir un « approvisionnement sécuritaire » aux personnes souffrant de troubles liés à l’usage d’opioïdes est une autre stratégie réalisable et efficace. Cela permettrait aux personnes qui en ont besoin d’avoir facilement accès à des opioïdes légaux et réglementés.
Où puis-je obtenir plus d’informations?
Guides pratiques de l’Initiative canadienne de recherche en abus de substances : https://crism.ca/projects/covidfrench/
Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances : https://www.ccsa.ca/fr
Trousse d’outils de Santé Canada : COVID-19 et consommation de substances : https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/dependance-aux-drogues/trousse-outils-consommation-substances-covid-19.html
Lettre de la ministre de la Santé à l’appui de traitement et l’approvisionnement plus sécuritaire : https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/dependance-aux-drogues/lettre-ministre-traitement-approvisionnement-plus-securitaire.html
Pour savoir si une intervention psychologique peut vous aider, consultez un psychologue agréé. Les associations provinciales et territoriales de psychologues, et certaines associations municipales de psychologues offrent des services d’aiguillage. Pour connaître les noms et les coordonnées des associations provinciales et territoriales de psychologues, veuillez vous rendre à l’adresse http://www.cpa.ca/publicfr/Unpsychologue/societesprovinciales/.
La présente fiche d’information a été préparée par Madeleine Sheppard-Perkins, M. Sc., candidate au doctorat, Université Carleton.
Date : septembre 2023
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[1] Santé Canada, Agence de la santé publique du Canada, et Department of Health and Human Services des États-Unis. (2022). Livre blanc conjoint Canada–États-Unis : Consommation de substances et méfaits pendant la pandémie de COVID-19 et approches de la surveillance et réponses fédérales. Department of Health & Human Services des États-Unis, Office of the Assistant Secretary for Health. https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/publications/vie-saine/livre-blanc-canada-etats-unis-consommation-substances-mefaits-pendant-pandemie-covid-19-approches-surveillance-reponses-federales.html