Le deuil désigne la période au cours de laquelle une personne éprouve de la tristesse ou de la douleur à la suite de la perte d’un être cher, comme un parent, un enfant, un conjoint, une conjointe, un ami ou une amie proche. Le deuil désigne également la réaction psychologique à la perte d’un proche. Le deuil peut faire suite à différentes pertes :
- Décès du conjoint ou de la conjointe: avant l’âge de 55 ans, environ un pour cent des adultes sont veufs ou veuves, mais à 85 ans, c’est le cas de la majorité des gens. La mort du conjoint ou de la conjointe après plusieurs décennies de vie commune peut être un choc énorme et oblige la personne endeuillée à s’adapter à la perte de l’être cher.
- Deuil blanc: lorsque le conjoint ou la conjointe est atteint d’une maladie débilitante, comme la maladie d’Alzheimer, ou est admis dans un établissement de soins pour les personnes âgées, le deuil peut survenir avant la mort physique. On parle parfois de « deuil blanc », mais il s’agit à bien des égards d’un véritable deuil. Alors que la personne qui s’occupe du conjoint ou de la conjointe malade subit beaucoup de stress du fait de son rôle d’aidant, elle fait aussi le deuil d’un compagnon de vie et de l’affection qu’apportait la relation conjugale.
- Mort d’un enfant: pour les parents, la mort d’un jeune enfant peut être une expérience douloureuse sur le plan émotionnel. Pour nous tous, la mort d’un enfant est bouleversante. Les travailleurs de la santé, comme les médecins et les infirmières qui travaillent en pédiatrie, éprouvent parfois une grande détresse lorsqu’ils sont témoins de la mort de leurs jeunes patients. Environ une personne sur dix de plus de 65 ans perdra un de ses enfants adultes, et cette perte peut épuiser considérablement le réseau de soutien familial pendant que les parents vieillissent.
- Deuils successifs: en raison de leur âge, les personnes âgées vivront plusieurs deuils du fait de la perte successive de leurs frères et sœurs et de leurs amis, desquels elles étaient souvent très proches. À mesure que nous vieillissons, il se peut que notre réseau social rétrécisse avec la mort de nos amis, et nous devons nous reconstituer notre réseau, parfois plusieurs fois. Pour bien vieillir, il est essentiel de maintenir et de rebâtir notre réseau social.
- Animaux de compagnie: la recherche montre que la mort d’un animal de compagnie peut entraîner beaucoup de douleur.
- D’autres situations, rencontrées dans la vie, peuvent également déclencher une réaction d’adaptation semblable à une réaction de deuil, comme la détérioration de la santé (amputations), la retraite et la perte du statut de travailleur, et le divorce.
Bien que plusieurs éléments que nous présentons dans la présente fiche d’information s’appliquent aux jeunes adultes et aux enfants, une grande partie de ce que nous savons sur le deuil vient de l’étude psychologique du deuil chez les personnes d’âge mûr et les personnes âgées, en particulier le deuil faisant suite à la mort du conjoint ou de la conjointe.
Qu’est-ce que le deuil?
Le chagrin et la douleur causés par la perte d’un être cher sont normaux. Le deuil, en particulier celui qui suit la mort d’un enfant, a été observé chez plusieurs animaux sociaux intelligents comme le dauphin et l’éléphant. La création de liens sociaux et de liens d’attachement est nécessaire pour la survie et le bien-être de nombreuses espèces. Lorsque ce lien est rompu, le deuil est une réaction normale.
Lorsqu’une personne qui était toujours à nos côtés, avec laquelle nous avions un fort attachement émotionnel meurt, nous devons intégrer plusieurs changements dans notre vie. Après avoir vécu plusieurs années une relation étroite avec un compagnon ou une compagne de vie, il se peut que nous nous définissions à travers la relation, et nous devons redéfinir notre identité. C. S. Lewis, l’auteur de la série de livres Narnia, décrit ainsi sa propre expérience du deuil : « Le deuil vient des innombrables pulsions, devenues habituelles, qui ne sont pas satisfaites. » Lewis a observé chez lui que beaucoup de pensées, de sentiments et d’actions quotidiennes se concentrent sur l’être aimé objectifié, « mais il se dresse alors un poste-frontière infranchissable entre soi et l’être aimé. » [traduction]
Modèles de réactions de deuil
Quelles sont l’intensité et la durée normales du deuil? Y a-t-il des étapes ou des phases qui jalonnent cette expérience? Le deuil se manifeste de plusieurs façons, et aucun modèle universel ne s’applique à la majorité des personnes.
Une personne sur trois (environ 30 % ou plus) éprouve une détresse relativement légère à la suite de la mort d’un conjoint, réussit à accepter rapidement la perte de l’être cher et reprend ses activités normales. Généralement, ces personnes ne vivent pas de deuil à retardement et leur santé n’est pas affectée. D’autre part, environ 30 % des personnes vivent des périodes de grande détresse. Enfin, environ le tiers des personnes se situe entre ces extrêmes et vit une détresse modérée. Pour terminer, 10 % des gens semblent vivre un deuil légèrement tardif environ six mois suivant le décès. Ces estimations sont approximatives car certaines études révèlent des résultats légèrement différents.
L’idée selon laquelle le deuil passe par différentes étapes est courante, et a été évoquée par Charles Darwin en 1872 : « Après une violente crise de souffrance morale et lorsque la cause de ces souffrances subsiste encore, nous tombons dans un état d’abattement; l’abattement et le découragement sont même quelquefois absolus. » Chez certaines personnes, la première étape est un état de choc ou de torpeur; environ trois mois suivant le décès, la personne endeuillée affiche une humeur dépressive accrue et souffre énormément de l’absence de l’être cher. En général, à mesure que se concrétise l’acceptation de la mort, vers la fin de la première année, la douleur, la tristesse et la colère associées à l’absence de l’être cher diminuent progressivement.
L’expérience du deuil
Le chagrin et la douleur causés par le deuil peuvent être très intenses. Les personnes chez lesquelles le chagrin est intense passeront, entre autres, par des périodes de tristesse, d’insomnie, de fatigue, de difficulté de concentration et de perte d’appétit. Elles souffriront beaucoup de l’absence de l’être cher. Lorsque la personne décédée est un conjoint de longue date, la personne endeuillée peut sentir la présence du conjoint décédé, par exemple, en entendant brièvement sa voix; cela est très fréquent et peut durer plus d’un an. Lorsqu’elles savent que c’est normal, plusieurs personnes trouvent réconfortant d’entendre la voix du conjoint décédé ou de rêver à lui la nuit.
Les symptômes d’un deuil intense ressemblent beaucoup aux symptômes de dépression. En fait, le deuil peut être plus intense qu’une dépression. Selon le DSM-5, le manuel diagnostique de l’American Psychiatric Association, il est parfois nécessaire de faire appel au jugement clinique d’un professionnel pour différencier un deuil intense d’une dépression. D’après le DSM-5, le deuil se différencie de la dépression du fait que le deuil se manifeste par vagues d’émotions, tandis que la dépression majeure est caractérisée par une humeur négative constante. Dans le cas du deuil, la personne endeuillée conserve habituellement une estime de soi positive et les réactions qui accompagnent le deuil sont reliées à la perte d’un être cher, tandis que la dépression englobe une perception négative de soi beaucoup plus vaste.
Combien de temps dure un deuil?
Combien de temps devrait durer un deuil? Il n’y a pas de réponse simple à cette question. Cela dépend de la personne, des circonstances et de la culture. Nous n’avons pas à oublier l’être cher, et les souvenirs rappelant cette personne peuvent être douloureux pendant des années. De plus en plus, les experts du deuil croient qu’il est tout à fait normal et sain de sentir que le lien et la relation avec le défunt ne sont pas rompus. L’objet du deuil n’est pas d’oublier la personne décédée ni de réduire l’affection que nous avons pour elle. Mais la personne endeuillée doit pouvoir reprendre ses activités normales.
Plusieurs événements qui surviennent au cours de la première année peuvent être difficiles, comme le premier dîner en famille, le premier anniversaire de naissance, le premier anniversaire de mariage, les premières fêtes religieuses importantes ou le premier anniversaire du décès. Après le premier anniversaire du décès, l’intensité des réactions de deuil a généralement diminué, la personne étant revenue à ses activités quotidiennes et ayant retrouvé une humeur normale. Cependant, même après plusieurs années, de brèves vagues de chagrin peuvent encore surgir, en particulier lors des anniversaires.
Quand un deuil prolongé est-il considéré comme un deuil problématique?
Après la mort d’un proche, on considère généralement comme normales la plupart des réactions de deuil, même les plus intenses. Le deuil n’est généralement considéré comme un problème de santé mentale que s’il se prolonge excessivement. C’est le cas chez environ 7 % des gens.
Dans le cas d’un deuil prolongé ou compliqué, l’individu cesse de progresser, tarde à se remettre du stress du deuil et est habité par les souvenirs du passé, et ce, pendant des mois et des années. La personne endeuillée continue de s’ennuyer douloureusement de la personne décédée et s’isole, repoussant le retour à ses activités sociales normales. Les rappels et les réminiscences quotidiens du défunt continuent de s’accompagner d’accès émotionnels intenses. Parfois, la personne est dans un état de torpeur constant par rapport à son entourage, elle ressent continuellement de la solitude, une impression de vide et le sentiment que la vie n’a pas de sens; elle a des regrets et de la difficulté à accepter la mort. Dans certains cas, elle évitera constamment les lieux et les situations qui lui rappellent la personne décédée, y compris les rassemblements familiaux, les activités sociales avec les amis, l’église qu’elles fréquentaient toutes les deux, les centres médicaux et les funérailles. Chez la plupart des personnes en deuil, une grande partie de ces symptômes se manifestent de temps en temps; ce n’est que lorsque ces symptômes se prolongent exagérément et interfèrent avec le fonctionnement quotidien que le deuil est considéré comme étant problématique.
Plusieurs facteurs contribuent à prolonger le deuil. Le deuil peut être compliqué par les circonstances de la mort, par exemple, lorsque le proche est décédé subitement, de manière accidentelle, par suicide ou après une maladie grave et souffrante. La mort de son enfant, peu importe son âge, est difficile à accepter. D’autres facteurs, propres à la situation personnelle, peuvent contribuer au développement d’un deuil compliqué, comme le manque de soutien de la famille et des amis. Le style de personnalité de la personne endeuillée peut aussi conduire à un deuil compliqué. Par exemple, si la personne était excessivement dépendante du conjoint ou du parent décédé, le processus de deuil peut être plus difficile ou se prolonger.
Après combien de temps détermine-t-on qu’un deuil est trop long? La durée au-delà de laquelle le deuil doit être considéré comme un deuil prolongé fait l’objet de débat et de controverse. Selon la CIM-11 de l’Organisation mondiale de la santé, le trouble de deuil prolongé fait partie d’une catégorie diagnostique à part. Pour être considéré comme tel, il doit s’être écoulé au moins six mois après le décès. Dans la CIM-11, le trouble de deuil prolongé est considéré comme une réaction de stress aigu, semblable au trouble d’adaptation. Le DSM-5 de l’American Psychiatric Association propose une catégorie diagnostique similaire de trouble de deuil complexe persistant; pour être reconnu comme tel, il doit s’être écoulé 12 mois après le décès. Les durées minimales recommandées pour diagnostiquer un trouble de deuil prolongé doivent être considérées comme arbitraires. On considère qu’il faut au moins 12 mois pour se rétablir d’un deuil difficile. Il existe de nombreuses situations et une grande variété de réactions de deuil.
Quand et comment traite-t-on un deuil prolongé compliqué?
La douleur qui accompagne la mort d’un proche est une réaction normale. Le deuil n’est pas une maladie et ne requiert généralement pas de médicaments ou de traitements psychologiques, à moins que la sécurité de la personne soit menacée. Le traitement du deuil doit être abordé avec attention. Il n’est pas nécessairement souhaitable d’éliminer le chagrin et la douleur, lesquels font partie de l’adaptation affective normale à la mort d’un conjoint de longue date ou d’un être cher.
Il n’a pas été démontré que des interventions préventives, immédiatement après le décès, soient efficaces à long terme. Les interventions précoces auprès des personnes endeuillées, comme les groupes de soutien, peuvent apporter un soutien social utile ainsi que du réconfort, si elles sont menées avec soin, mais elles semblent n’avoir qu’un effet positif temporaire, et peu de données probantes confirment leur utilité à long terme. Les groupes de soutien pour les personnes endeuillées pourraient au contraire faire du tort s’ils transmettent à la personne que son deuil n’est pas normal ou s’ils nuisent à la capacité normale de la personne à faire face à son deuil en la confrontant à une douleur émotionnelle trop intense.
Les interventions psychologiques sont davantage indiquées lorsqu’il s’agit d’un deuil prolongé compliqué. Il est démontré que les interventions psychothérapeutiques utilisées pour traiter un deuil prolongé et effectuées au moins six mois suivant le décès sont modérément bénéfiques, mais leur efficacité est durable. Dans le cas du deuil prolongé, les thérapies individuelles s’avèrent plus bénéfiques que les interventions de groupe.
La thérapie cognitivo-comportementale (TCC), la thérapie de traitement cognitif, la psychothérapie interpersonnelle, la thérapie psychodynamique brève ou d’autres psychothérapies peuvent être utilisées pour aider la personne à faire des activités, et à explorer et comprendre l’impact de la perte. Certaines personnes devront aborder les aspects de leur relation avec la personne décédée qui compliquent le deuil. Il peut être important de réfléchir sur les regrets associés à la personne décédée. Par exemple, il pourrait être utile de revoir les blessures relationnelles passées, de pardonner les fautes et de se débarrasser des regrets, de la colère et de la culpabilité.
Les interventions cognitivo-comportementales sont utilisées pour aider les gens à revenir progressivement à leur routine quotidienne. L’un des éléments importants du traitement psychologique du traumatisme causé par le décès d’un être cher consiste à aider la personne à affronter les situations qu’elle évite par crainte qu’elles ne lui causent des souvenirs douloureux. L’évitement constant de ces situations augmente la réactivité aux émotions pénibles associées au deuil, et c’est seulement en s’exposant à ces situations que la détresse aiguë se dissipe progressivement. Il a été démontré que les stratégies cognitivo-comportementales sont plus efficaces que le soutien psychologique pour éliminer les comportements d’évitement.
Pour savoir si une intervention psychologique peut vous aider, consultez un psychologue agréé. Les associations provinciales et territoriales de psychologues, et certaines associations municipales de psychologues offrent des services d’aiguillage. Pour connaître les noms et les coordonnées des associations provinciales et territoriales de psychologues, veuillez vous rendre à l’adresse https://cpa.ca/fr/public/unpsychologue/societesprovinciales/ .
La présente fiche d’information a été préparée pour la Société canadienne de psychologie par le Dr Lorne Sexton, gestionnaire du service de psychologie de l’Hôpital général de Saint-Boniface, Office régional de la santé de Winnipeg, et professeur agrégé, département de psychologie clinique de la santé, Université du Manitoba.
Révision : septembre 2019
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