Portraits de psychologues

Psychology is rooted in science that seeks to understand our thoughts, feelings and actions. It is also a broad field – some psychology professionals develop and test theories through basic research; while others work to help individuals, organizations, and communities better function; still others are both researchers and practitioners.

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Profils du Mois de la psychologie : Marjolaine Rivest-Beauregard et Justine Fortin

Marjolaine Rivest-Beauregard et Justine Fortin

Marjolaine Rivest-Beauregard et Justine Fortin

Les étudiantes en psychologie de Montréal Marjolaine Rivest-Beauregard et Justine Fortin ont créé le balado Sors de ma tête au début de la pandémie de COVID-19 pour contrer la désinformation et rendre la science accessible aux non-scientifiques. Elles se sont joints au balado de l’SCP, Mind Full, pour discuter de leur travail qui s’est un peu élargi au moment où ils se préparent à lancer leur troisième saison.

Marjolaine Rivest-Beauregard et Justine Fortin : Sors de ma tête

Le transfert des connaissances est une compétence rare, que ne possèdent pas nécessairement la plupart des personnes qui pratiquent une discipline scientifique. Pour être bon dans le transfert des connaissances, vous devez posséder une base de connaissances dans votre domaine, mais aussi un style de communication qui incite ceux qui ne font pas partie de votre milieu scientifique à vouloir en savoir plus sur ce sujet. Le transfert des connaissances nécessite également une capacité à prendre de la hauteur par rapport aux connaissances scientifiques. Qu’est-ce que les gens ordinaires aimeraient savoir? Comment puis-je leur expliquer cela tout en restant aussi fidèle que possible au matériel source? Quels sont les mots que je pourrais utiliser et qui pourraient perdre mon public, et quelle terminologie et quels concepts apparemment complexes pourraient être saisis intuitivement?

Comme pour toutes les compétences que l’on peut perfectionner, l’un des meilleurs moyens de devenir un bon vulgarisateur est de s’entraîner. C’est dans cet esprit que Marjolaine Rivest-Beauregard et Justine Fortin se sont lancées dans un projet qui leur était cher : expliquer des concepts et des études psychologiques complexes au grand public dans le but de lutter contre la désinformation en ligne.

Justine et Marjolaine sont sur le point de lancer la troisième saison de leur balado francophone Sors de ma tête. Étudiantes en psychologie et collègues, résidant à Montréal, elles ont commencé ce projet en 2021 en s’intéressant à la COVID-19 et à la désinformation qui l’entoure. Elles voulaient recueillir les données dont elles disposaient sur la COVID-19, puis s’entretenir avec deux autres personnes. Un expert ou une experte pour parler de la science, et quelqu’un qui dispose d’une grande plateforme publique pour parler directement aux gens.

Justine est à l’UQAM, Marjolaine à McGill. Elles se sont connues parce qu’elles avaient le même superviseur, le Dr Alain Brunet. Celui-ci a bien sûr été le premier invité de l’émission (voir le balado de la SCP, Mind Full, où la première invitée est la Dre Karen Cohen, chef de la direction) pour discuter des réactions émotionnelles des gens à la COVID-19 et aux confinements. L’autre invitée de leur premier épisode était Cassandra Bouchard, créatrice de contenu sur Instagram. Cassandra publie des vidéos amusantes en ligne et parle de problèmes de santé mentale – relations toxiques, arrêt du tabac, troubles de l’alimentation, etc.

Le processus de sélection d’un influenceur en ligne pour participer à Sors de ma tête est probablement plus ardu que le processus de sélection de l’expert. Après tout, dans la plupart des domaines, il est facile de savoir qui possède l’expertise, mais pour ceux et celles qui ont un public et qui discutent de problèmes de santé mentale sur leurs plateformes, il est un peu plus difficile de déterminer qui possède à la fois les compétences et le talent de communicateur nécessaires pour faire le lien avec le public. Selon Marjolaine, voici quelques caractéristiques que ces personnes doivent posséder :

  • Elles parlent ouvertement et souvent de santé mentale.
  • Elles sont prêtes à parler ouvertement de leurs propres histoires et expériences.
  • Elles sont disponibles le jour et l’heure où le balado sera enregistré!

Justine dit qu’elles regardent aussi l’auditoire des personnes qu’elles invitent. Elle explique : « Nous ne sommes pas connues des 18-35 ans, donc les personnes qui ont un grand nombre d’abonnés sont les bienvenues. Notre objectif est de toucher le plus de gens possible. » Elle ajoute que c’est en grande partie une question de personnalité et d’énergie. Elle essaie d’associer des personnes ayant un niveau d’énergie similaire et une bonne chimie entre elles pour une discussion qui produit un bon balado. L’obtention d’un jumelage réussi n’est pas une mince affaire, mais peut produire un contenu très enrichissant. Justine confie :

« L’un de mes épisodes favoris est le dernier que nous avons fait en 2022 [Trahison amoureuse avec Michelle Lonergan et Marie Gagné]. On s’est tellement amusées, on riait tout le temps, on parlait des trahisons qu’on avait vécues, des béguins qu’on avait eus étant enfants. C’est un sujet un peu triste, mais la conversation était légère et super agréable. »

Actuellement, Marjolaine se concentre sur la recherche. Elle espère obtenir son doctorat et poursuivre ses recherches sur les effets des catastrophes et des crises sur la santé mentale, dans une optique de prévention. Elle aimerait également être consultante en gestion de crise, c’est-à-dire quelqu’un qui permet de mobiliser les interventions en situation de catastrophe (le tremblement de terre en Turquie, la récente tragédie à Laval) d’une manière solide sur le plan scientifique et fondée sur des preuves.

Le parcours professionnel de Justine, du moins tel qu’elle le voit en ce moment, est un peu différent. Elle se concentre à la fois sur la recherche et sur le travail clinique, et espère un jour ouvrir une clinique en tant que neuropsychologue. Elle souhaite vraiment continuer à travailler avec les personnes qui ont reçu un diagnostic de cancer et parle avec passion du « chimio-cerveau » et des autres problèmes qui touchent les personnes traitées pour un cancer. Elle souhaite également continuer à faire de la recherche, et déclare : « Je ne veux pas être professeure en tant que telle, mais j’aimerais continuer à faire de la recherche. Peut-être dans le laboratoire de Marjo! »

Il est à espérer que ces deux partenaires et collaboratrices continueront à travailler ensemble sur des projets, petits et grands. La troisième saison de Sors de ma tête sera lancée très prochainement, et si Justine et Marjolaine restent discrètes sur le contenu de cette année, elles ont laissé entendre que les changements climatiques seront un sujet de premier plan en 2023.

On ne sait pas encore combien de temps le balado va durer. Est-ce que ce sera un projet qu’elles maintiendront jusqu’à la fin de leurs études? La fin de la COVID-19? Peut-être beaucoup plus longtemps? Seul le temps nous le dira. Ce qui est certain, c’est que ce sont des personnes comme Justine et Marjo, qui ont consacré temps et énergie au transfert des connaissances, qui seront les vulgarisatrices du savoir de demain. Des personnes qui peuvent combler le fossé entre les scientifiques et le public, qui peuvent pousser les gouvernements à prendre des décisions qui reposent sur des données concrètes et des études qui ne sont pas connues. Avec le balado Sors de ma tête, elles ont déjà passé deux ans à faire précisément cela.


Mois de l’histoire des noirs : Herman George Canady

Herman George Canady photo

Dr Herman George Canady
Herman George Canady a eu une influence durable sur la psychologie, influençant des théories comme l’anxiété intergroupe et la menace des stéréotypes. Il a également été l’un des premiers à organiser un groupe de psychologues noirs.

À propos de Herman George Canady

La théorie psychologique actuelle de « l’anxiété intergroupe » décrit un sentiment de malaise que de nombreuses personnes ressentent lorsqu’elles interagissent avec des personnes appartenant à des groupes autres que le leur. Une grande partie de cette théorie doit beaucoup à Herman George Canady, dont les travaux ont porté sur l’interaction entre étudiants noirs et examinateurs blancs lors de tests de QI. Si l’examinateur est blanc et que l’enfant noir a été victime de discrimination et de préjugés de la part de Blancs dans le passé, il risque d’être anxieux et de mal réussir le test simplement parce qu’il est administré par une personne dont la présence le rend nerveux.

L’étude du professeur Canady intitulée « The Effect of ‘Rapport’ on the I.Q.: A New Approach to the Problem of Racial Psychology » fut la première étude de ce type à examiner les tests d’intelligence sous cet angle et a donné lieu à de nombreuses autres études sur l’effet de la méfiance à l’égard des Blancs sur les résultats obtenus par les enfants noirs aux tests. À bien des égards, Canady a été l’un des premiers psychologues à axer ses recherches sur l’expérience des Noirs aux États-Unis.

L’absence d’inclusion des Noirs dans la recherche et le manque de connaissances psychologiques à propos des Noirs américains en général ont conduit le professeur Canady à mener un mouvement destiné à rassembler les psychologues noirs dans le cadre d’une association ou d’une autre structure de ce genre. Il écrit A Prospectus of an Organization of Negroes Interested in Psychology and Related Fields et l’a envoyé à ses collègues de l’American Teachers Association (autrefois la National Association of Teachers in Colored Schools), proposant de créer une section de psychologie au sein de l’ATA.

Canady a présenté sa proposition au congrès de l’ATA, qui s’est tenu au Tuskegee Institute, en 1938. Celle-ci a été approuvée à l’unanimité, mais le début de la Seconde Guerre mondiale l’a fait rapidement dérailler. Plus tard, la cause sera reprise lorsque des psychologues noirs s’organiseront lors du congrès de l’APA de 1968 pour discuter de leur mécontentement face aux « abus de la psychologie et aux définitions blanches du comportement qui placent les Noirs sous un jour négatif. »

Le professeur Canady a obtenu son baccalauréat, sa maîtrise et son doctorat à l’université Northwestern. Il a ensuite occupé le poste de président du département de psychologie du West Virginia Collegiate Institute (devenu le West Virginia State College) pendant 40 ans avant de prendre sa retraite en 1968. Il est décédé en 1970, mais son influence se fait toujours sentir dans la recherche sur l’anxiété intergroupe, dans les études sur les dangers des stéréotypes et dans la volonté constante de sortir la psychologie d’un modèle centré sur les Blancs.


Profils du Mois de la psychologie : Jessica Jennings

painting by Jessica Jennings
Jessica Jennings
Jessica Jennings

Jessica Jennings, artiste, mère, étudiante en psychologie à l’Université Mount Royal, est une Dénée des Premières Nations de Cold Lake. Jessica est la première lauréate du prix de la SCP pour les étudiants autochtones de premier cycle.

À propos de Jessica Jennings

Étudiante de premier cycle à l’Université Mount Royal à Calgary, Jessica est une passionnée des gens. Elle aime créer des liens avec les gens, les rencontrer, sortir et faire des choses. Notre entretien s’est déroulé via Zoom – presque une première pour elle! Alors que la plupart d’entre nous sont maintenant des habitués des plateformes virtuelles, Jessica a trouvé des gens qui partagent son besoin de contacts en personne et évite, autant que faire se peut, le monde virtuel en ligne constamment branché.

C’est cet amour pour les gens, et le désir de les aider, qui a conduit Jessica vers sa carrière actuelle. Elle a envisagé d’autres professions d’aide, comme les soins infirmiers et la profession de sage-femme, mais c’est son intuition qui l’a menée vers la psychologie.

« J’avais un professeur qui parlait de la façon dont il avait pris des décisions dans sa carrière, et comment il n’avait pas écouté son intuition lorsqu’est venu le temps de décider du chemin à prendre. Il avait un diplôme en droit, et plusieurs autres diplômes, mais disait que s’il avait écouté son intuition, il n’aurait pas suivi cette voie. »

Jessica est une Dénée des Premières Nations de Cold Lake, en Alberta, où les Autochtones sont aux prises avec de nombreux problèmes et difficultés. C’est là qu’elle espère faire carrière, car elle aimerait travailler avec des femmes autochtones en tant qu’intervenante en toxicomanie. En grandissant, elle a vu de ses propres yeux comment les membres de sa communauté, y compris sa mère, étaient confrontés à des problèmes de consommation d’alcool et d’autres substances. S’inscrire à un programme de psychologie a été la première étape vers cet objectif, et jusqu’à présent, tout ce qu’elle a fait à l’école a été passionnant, stimulant et a renforcé sa conviction d’avoir fait le bon choix.

« Je serai vraisemblablement aux études pendant les cinq à sept prochaines années, donc il est vraiment difficile de prédire comment tout cela va évoluer. Je suis sûre que mes projets vont grandir et se transformer au cours des prochaines années. Mais je vois que les gens de ma communauté ont des difficultés, et j’aimerais faire partie de leur parcours de guérison. »

Attirée en particulier par la psychologie de la personnalité, Jessica avoue être une adepte des tests de personnalité. Elle mentionne qu’elle a récemment fait le test de personnalité de l’ennéagramme, qui définit neuf traits de personnalité différents. Bien qu’aucun de ces tests ne permette de qualifier Jessica d’« extravertie extrême », c’est ainsi qu’elle se décrit elle-même – un autodiagnostic précoce de la part d’une future psychologue qui pourra un jour établir ces distinctions pour d’autres personnes.

Mère de deux jeunes garçons, Jessica se lance dans son parcours universitaire un peu plus tard que les autres étudiants. C’est sa première véritable incursion dans l’enseignement supérieur (elle ne compte pas vraiment le bref passage dans un collège biblique de la Saskatchewan). Ses garçons sont ravis et fiers de la décision de leur mère de s’engager dans un parcours d’études aussi ardu, même si elle dit qu’ils ne sont pas très enthousiastes à l’idée d’être chassés de la chambre pour qu’elle puisse étudier. Parce que cela implique beaucoup d’heures d’étude!

Les demandes de bourses d’études et de subventions représentent également un travail considérable. Jessica, qui a reçu un prix de l’Université Mount Royal il y a quelques années, affirme que ce coup de pouce financier lui a été très utile tout au long de ses études. Cette année, elle a consacré 15 heures à la préparation de sa demande pour le tout premier prix de la SCP destiné aux étudiants autochtones de premier cycle. En fait, elle a dû créer un CV dans ce but précis, n’en ayant pas rédigé depuis plusieurs années. Ce travail a porté fruit : Jessica a remporté le prix, et sa première année à l’Université Mount Royal sera par conséquent (financièrement, du moins) un peu plus facile.

Cette passion pour la psychologie mènera Jessica loin dans la vie; elle n’en est qu’à sa première année, et elle a déjà reçu de nombreux prix! Mais c’est sa passion pour l’art qui lui a permis de tenir bon jusqu’à présent. Pendant des années, elle a développé un catalogue et a acquis une réputation, si bien qu’encore aujourd’hui, elle reçoit des commandes d’amis et vend des œuvres. Elle travaille à l’acrylique, à l’huile et à l’aquarelle, et s’est récemment lancée dans le coulage, une technique où l’on verse de la peinture de manière à créer de magnifiques motifs.

Bien sûr, les études (en particulier un programme intensif comme la psychologie), combinées à l’éducation de deux enfants, laissent très peu de temps pour l’art. Jessica affirme que si l’art a été relégué au second plan par rapport à une carrière de psychologue, elle s’y remet dès qu’elle a une pause des études.

« Il y a toujours des gens, et des amis, qui veulent une peinture. J’essaie donc de m’y consacrer pleinement quelques jours par mois. Mais c’est si difficile de trouver le temps! »

Depuis qu’elle est à Calgary, Jessica tire le meilleur de ce que la ville a à offrir en matière de culture. Elle emmène ses enfants à la montagne pour leur apprendre la planche à neige, et elle parle en termes élogieux de la grande qualité et de l’incroyable diversité des restaurants du centre-ville. Elle a même adopté la musique country, et elle est très enthousiaste à l’idée d’aller voir le tout premier spectacle de Nate Smith au Canada.

Bien qu’il soit impossible de savoir exactement quel chemin nous réserve nos études et notre carrière, surtout au cours de la première année d’études, Jessica a déjà une assez bonne idée de ce à quoi elle veut que ce chemin ressemble. Elle aimerait faire ses études supérieures ici, à Calgary, la ville qu’elle aime et que ses enfants considèrent comme leur foyer. Ensuite, elle aimerait devenir psychologue agréée et travailler dans le domaine de la santé mentale liée à la toxicomanie, auprès des Autochtones.

Une chose est certaine avec une personnalité aussi dynamique que celle de Jessica : que ce soit en classe, sur les pistes de ski, dans une salle de concert ou même (peut-être!) sur Zoom, elle se fera beaucoup d’amis et en chemin, elle nouera des liens pour la vie.


Mois de l’histoire des noirs : Robert Lee Williams II

Robert Lee Williams II photo

Dr Robert Lee Williams II
Célèbre pour trois livres importants et pour avoir inventé le mot « Ebonics », le Dr Robert Lee Williams II a passé sa longue et influente carrière à combattre le stéréotype raciste selon lequel les Noirs étaient moins intelligents que les Blancs.

À propos de Robert Lee Williams II

« Cars is whips and sneakers is kicks
Money is chips, movies is flicks »

  • Big L., ‘Ebonics’

Le mot « Ebonics » (« ébonique ») n’existait pas avant 1973, l’année où le professeur Robert Lee Williams II a pris le mot « ebony » et le mot « phonics » (ébène et phonétique), les a combinés et a inventé un tout nouveau terme pour désigner « les caractéristiques linguistiques et paralinguistiques qui, sur un continuum concentrique, représentent la capacité de communication des descendants d’esclaves d’origine africaine d’Afrique occidentale, des Caraïbes et des États-Unis. » Publié en 1975, son livre, Ebonics: The True Language of Black Folks, retrace les racines de l’ébonique jusqu’en Afrique et réfute les préjugés selon lesquels l’ébonique n’est qu’un argot ou du mauvais anglais.

Le professeur Williams est né en Arkansas en 1930 et s’est inscrit au Dunbar Junior College à l’âge de 16 ans. Il a abandonné ses études après seulement un an, ayant été rapidement désillusionné après avoir été invité à passer un test de QI. Les résultats du test laissaient entendre qu’il était plus apte au travail manuel qu’à des activités plus intellectuelles. Si ce test a eu un impact considérable sur son estime de soi, les préjugés raciaux dans les tests standardisés sont devenus par la suite la force motrice de certains de ses travaux les plus importants, en particulier, le Black Intelligence Test of Cultural Homogeneity, ou BITCH-100, qu’il a créé en 1972 pour prendre en compte les facteurs culturels qui affectent les Noirs américains de manière différente des Blancs.

Robert Lee Williams II a obtenu son doctorat en psychologie clinique en 1961 à l’université de Washington. En 1968, il a cofondé l’Association of Black Psychologists, dont il a ensuite été le deuxième président. L’ABP a été créée en tant qu’alternative à l’American Psychological Association, qui a été critiquée pour son soutien intentionnel et non intentionnel à une société américaine structurellement raciste. Pour les membres de l’ABP, c’était « les Noirs d’abord, les psychologues ensuite ».

Il a ensuite fondé le premier département d’études noires à l’université de Washington, où il a travaillé comme professeur de psychologie, d’études africaines et d’études afro-américaines de 1970 à 1992. Il a continué à jouir d’une grande notoriété grâce à ses apparitions dans les médias et à ses livres – The Collective Mind: Toward an Afrocentric Theory of Black Personality, publié en 1981, Racism Learned at an Early Age through Racial Scripting, paru en 2007, et History of the Association of Black Psychologists:, Profiles of Outstanding Black Psychologists, publié en 2008.

Le professeur Williams a été marié à Ava Kemp pendant 70 ans, et ce jusqu’à son décès en 2018. Il est décédé en 2020 à l’âge de 90 ans. Il avait huit enfants, dont quatre sont devenus psychologues.


Profils du Mois de la psychologie : Nardeen Yalda

Nardeen Yalda
Nardeen Yalda

Notre balado Mind Full a donné la parole à Nardeen Yalda et à sa professeure à l’Université Western, la Dre Leora Swartzman. La Dre Swartzman a créé un programme visant à jumeler des étudiants avec des organismes communautaires afin de mettre en œuvre le changement sur le terrain. Ce programme a permis à Nardeen de collaborer avec des organismes qui aident les sans-abri.

https://soundcloud.com/user-389503679/university-of-western-leora-nardeen-012323-mixdown/s-dg4joc01cHL


Mois de l’histoire des noirs : Ruth Winifred Howard

Ruth Winifred Howard photo

Dre Ruth Winifred Howard
L’une des premières femmes noires à obtenir un doctorat en psychologie, Ruth Winifred Howard a formé des infirmières noires et a travaillé avec des enfants et des jeunes au cours de sa longue carrière.

À propos de Ruth Winifred Howard

Il existe un débat quant à savoir qui a été la première femme noire à obtenir un doctorat en psychologie. Certains disent que c’est Inez Beverly Prosser, qui a obtenu son doctorat en 1933 à l’université de Cincinnati. D’autres pensent qu’il s’agit de Ruth Winifred Howard, car ils considèrent qu’un doctorat en psychologie ne compte que s’il est délivré par un programme de psychologie – elle a obtenu en 1934 un doctorat en psychologie et développement de l’enfant à l’université du Minnesota. On ignore si les deux femmes se sont souciées de cette distinction.

Ruth Winifred Howard est née en 1900 à Washington (D.C.). Son père était le pasteur de l’église baptiste de Zion et était très impliqué dans de nombreuses initiatives communautaires. Ruth dira plus tard que c’est ce qui l’a poussée à vouloir à aider les autres et l’a conduite à devenir psychologue. Ce chemin a commencé au Simmons College de Boston, où elle s’est spécialisée en travail social et a obtenu un baccalauréat en 1921. Il s’est terminé à l’université du Minnesota, où elle a obtenu son doctorat en psychologie 13 ans plus tard.

Pour sa recherche au doctorat, la Dre Howard a étudié les triplés. Plus précisément, elle a lancé l’étude la plus complète jamais réalisée sur les triplés, en étudiant plus de 200 groupes de triplés, de leur naissance jusqu’à l’âge de 70 ans. Pour des raisons encore inconnues, il a fallu plus de dix ans avant que cette recherche ne soit publiée, en 1946, dans le Journal of Psychology et en 1947, dans le Journal of Genetic Psychology. À cette époque, elle avait épousé un autre psychologue, Albert Sidney Beckham, et s’était installée à Chicago.

Avec son mari, Ruth Winifred Howard a ouvert un cabinet privé où elle s’est occupée d’enfants et de jeunes, tout en travaillant comme psychologue au centre McKinley, qui portait le terrible nom de centre McKinley pour enfants attardés. Elle a également été psychologue à la Provident Hospital School of Nursing, où elle formait des infirmières noires, et a été psychologue pour le Chicago Board of Health jusqu’en 1972.

En 1964, le mari de Ruth Albert est décédé. Elle a continué à travailler pendant encore quelques années, tant en pratique privée que pour le Chicago Board of Health. La Dre Ruth Winifred Howard est décédée en 1997, à quelques jours de son 97e anniversaire, en léguant un héritage important. Plus qu’une simple pionnière, ouvrant la voie à d’autres qui suivront ses traces, la Dre Howard a amélioré les conditions de vie de centaines d’enfants à Chicago et dans le monde entier.


Profils du Mois de la psychologie : Nancy Tangon

Nancy Tangon
Nancy Tangon

Nancy Tangon est une représentante des étudiants de la SCP à l’Université de l’Alberta. Sa famille originaire du Soudan du Sud a exercé une influence considérable sur sa vie, y compris sur sa décision de faire carrière en psychologie.

Avec son amie Priscilla Ojomu, Nancy a créé le forum en ligne Canada Confesses, qui recueille des témoignages anonymes de personnes qui mettent en lumière le racisme latent dans la société canadienne. Elles parlent de leur projet dans le balado Mind Full de la SCP https://soundcloud.com/user-389503679/mindful-9-canada-confesses-01162023-mixdown-1/s-Y9IhuOvB5gY

À propos de Nancy Tangon

« Nous avons fait un camp d’entraînement de trois heures sur Zoom sur la façon de créer une présentation et de devenir un bon conférencier. »

La première leçon, lorsqu’il s’agit de créer une présentation, est de faire en sorte que cette présentation ne dure pas trois heures. Mais un camp d’entraînement? Cela peut durer aussi longtemps que vous le voulez. Dans ce cas, Nancy Tangon et ses collègues étudiants représentant la SCP à l’Université de l’Alberta ont choisi le format « camp d’entraînement » — et le format Zoom — par nécessité. En raison de la pandémie, bien des choses sont devenues plus compliquées. Trouver des moyens de communiquer de manière virtuelle avec les gens a engendré un certain chaos, mais aussi beaucoup de créativité!

Ce fut le cas lorsque Nancy et sa camarade Priscilla Ojomu ont voulu créer un projet. Avant la pandémie, elles se sont rencontrées dans le cadre du programme de sensibilisation à la diversité et de développement des compétences pour les jeunes de l’organisme On-Site Placement offert sur le campus — en personne, si vous vous souvenez de l’époque où cela se faisait! Grâce à ce programme, elles ont appris beaucoup de choses sur la question de la diversité dans différents contextes, et ont été chargées de créer un projet à la fin du cours. Malheureusement, à ce moment-là, la COVID-19 a surgi et le projet a dû passer en mode virtuel.

Au cours de la pandémie, les gens sont devenus plus conscients de plusieurs problèmes, notamment ceux liés à la discrimination et aux inégalités. Au Canada, beaucoup d’entre nous se sentaient étrangers à ces questions, comme s’il s’agissait d’une particularité américaine ou que nous faisions d’une certaine manière mieux que les autres. Comme le dit Priscilla, « beaucoup de Canadiens ne savent pas que ces problèmes existent partout au Canada ». Alors, comment Nancy et elle pouvaient-elles contribuer à cette prise de conscience?

Leur réponse est Canada Confesses, un projet qui, au départ, était modeste, mais qui, depuis, a pris une ampleur et une signification beaucoup plus grandes. Le concept du projet était simple. Il y a un décalage entre ce que Nancy et Priscilla ont appris dans leur programme, ainsi que leurs propres expériences, et ce que les autres Canadiens comprennent de la situation. Elles ont donc créé un lieu où les personnes marginalisées peuvent raconter leur histoire de manière anonyme, accéder à des ressources pouvant les aider, et aider les autres Canadiens à comprendre la vérité sur ce qui se passe dans notre pays. Ce n’est pas la personne qui publie anonymement un message qui se confesse, même si on appelle ces messages des « confessions » — c’est le Canada lui-même qui avoue les préjudices que subissent aujourd’hui de nombreuses communautés ainsi que la marginalisation structurelle de plusieurs d’entre elles. Pour tout savoir sur Canada Confesses, écoutez le balado Mind Full de la SCP.

En tant que co-créatrice de Canada Confesses, Nancy n’a pas encore présenté sa propre « confession » — elle est très occupée! En plus de gérer une plateforme en ligne qui connaît un succès soudain et qui continue de croître à pas de géant, elle en est également à sa quatrième année d’études à l’Université de l’Alberta, où elle effectue une majeure en psychologie et une mineure en sciences biologiques. Elle est très présente au sein de la SCP : elle a été pendant deux ans représentante des étudiants sur le campus et a joué un rôle important au Comité des droits de la personne et de la justice sociale de la SCP en tant que responsable du groupe de travail sur la discrimination fondée sur le capacitisme et les handicaps.

« J’étais un peu intimidée [à l’idée de rejoindre le Comité des droits de la personne et de la justice sociale]. Toutes les personnes qui en font partie sont soit des étudiants de cycle supérieur, soit des professeurs, et au début, j’avais un peu l’impression d’être l’étudiante de premier cycle qui suivait derrière. Mais c’est vraiment génial! J’ai beaucoup appris de la Dre Ada Sinacore et de la Dre Laurie Ford, qui font également partie du sous-comité. »

Nancy, qu’elle soit finissante ou non, apporte beaucoup d’expérience au comité du conseil d’administration de la SCP — et à sa propre vie, ses études et ses activités. Cela tient en grande partie à sa famille et à sa communauté, dont elle est très proche. Sa famille, du côté de son père, est originaire de la tribu Bari, au Soudan du Sud, un endroit où Nancy n’a pu se rendre qu’une seule fois. Elle garde le contact et correspond avec les membres de sa famille qui vivent encore là-bas, et entretient également des liens étroits avec la communauté sud-soudanaise d’Edmonton.

« La communauté sud-soudanaise d’Edmonton est assez importante, je connais beaucoup de gens ici — surtout lorsque je compare avec l’époque où je vivais à Halifax avec ma famille. Je croise même certains membres de la communauté dans mes cours, ce qui est vraiment bien. Lorsque j’ai décidé d’aller à l’université, je voulais faire quelque chose d’extraordinaire dans ma communauté. Dans la communauté sud-soudanaise, la psychologie est très intéressante pour beaucoup de gens. »

Sa famille et sa communauté sont quelques-uns des facteurs qui ont façonné le désir de Nancy de s’orienter vers la psychologie, et qui l’ont même guidée dans le choix de certains cours qu’elle a suivis une fois à l’université. Dans la famille de Nancy, on adore parler de ses rêves. Elle dit : « Lorsque je me réveille, je dois parler de mes rêves. J’en parle à au moins cinq personnes avant de commencer ma journée! Je dois les analyser un tout petit peu, je dois connaître l’interprétation de quelqu’un d’autre, et j’adore vraiment l’analyse des rêves. » Bien sûr, elle s’est sentie obligée d’étudier cette matière avant d’obtenir son diplôme, et elle parle maintenant avec enthousiasme des niveaux « subjectif » et « objectif » de l’analyse des rêves.

Il n’a pas fallu longtemps à Nancy pour déterminer que la psychologie était le programme qui lui convenait — ou dans quelle direction elle voulait aller.

« Dès le premier jour, mon tout premier professeur m’a motivée. Son nom est Peggy St-Jacques. Elle venait tout juste de commencer à enseigner à l’université, et elle effectuait des recherches sur la mémoire. Je lui ai dit : ‘Je ne sais pas exactement ce que je veux faire comme recherche, mais c’est sûrement en recherche que je veux faire carrière jusqu’à la fin de mes jours’. »

Nancy est maintenant sur la bonne voie, puisqu’elle travaille comme assistante de recherche et envisage un avenir où la recherche fera partie de son quotidien. Elle est particulièrement attirée par la psychologie du développement et espère travailler avec des enfants d’âge préscolaire âgés de trois à cinq ans. La route sera longue, mais Nancy a la détermination, l’ingéniosité et la curiosité nécessaires pour en faire une réussite. Et lorsqu’elle y parviendra, cette réussite s’ajoutera à une longue série de succès qui auront commencé ici même, à Edmonton.

« Lorsque j’ai commencé à travailler au projet Canada Confesses, il était pratiquement impossible de savoir où cela nous mènerait. J’ai eu la chance de rencontrer énormément de personnes qui travaillent dans le même domaine, et de participer à d’autres projets en ligne. J’ai désormais une amie pour la vie, une équipe formidable, et beaucoup de belles choses à anticiper pour l’avenir. »


Profils du Mois de la psychologie : Kevin Prada

Kevin Prada and Thilini Dissanayake (and Myrtle)
Kevin Prada

Kevin Prada est étudiant à l’Université du Manitoba, où ses recherches portent sur les difficultés de la communauté francophone 2SLGBTQ+ au Manitoba.

Kevin et ses collègues, y compris Thilini Dissanayake, ont lancé une initiative dans leur région appelée A Listening Ear. Ils se sont joints au balado de l’SCP Mind Full pour expliquer le projet.
https://soundcloud.com/user-389503679/psychology-month-kevin-prada-and-thilini-dissanayake-lend-a-listening-ear/s-Ze0rXFQvsaN

À propos de Kevin Prada

« Le français est une langue assez binaire. On n’y pense peut-être pas, mais comment devenir neutre dans une langue qui dépend si fortement de la binarité de genre? »

Nous entendons beaucoup parler d’« intersectionnalité » ces derniers temps, en référence à la façon dont les catégorisations sociales interagissent les unes avec les autres. Un individu ou un groupe peut être lié aux autres en fonction de sa race, de sa sexualité, de son genre ou de son statut socio-économique, ainsi que d’une multitude d’autres identités distinctes, mais inextricables. En tant que telle, l’identité de chaque personne est unique, mais chacune se connecte et se croise, et se superpose à d’autres, ce qui entraîne des formes singulières d’oppression ou de stigmatisation pour certaines, des privilèges pour d’autres, ou un mélange des deux pour d’autres encore.

C’est le cas pour nous tous, mais peu d’entre nous ont une conscience aussi aiguë de cette intersectionnalité que Kevin Prada, tant sur le plan personnel que dans ses recherches. Kevin est étudiant au programme spécialisé en psychologie de l’Université du Manitoba. Franco-Manitobain et queer, Kevin constate depuis longtemps les lacunes du système de santé mentale manitobain, qui affectent tant la communauté 2SLGBTQ+ que la communauté francophone. Cela l’a amené à collaborer à son premier grand projet de recherche[i], qui lui a valu le Prix Ken Bowers pour la meilleure recherche réalisée par un étudiant, décerné par la SCP.

Sa recherche portait sur ces deux identités – les communautés 2SLGBTQ+ et les communautés de langue officielle en situation minoritaire du Manitoba. Dans la première étude de ce genre réalisée dans l’Ouest canadien, Kevin et ses collègues ont lancé une analyse exploratoire des besoins des Manitobains qui sont à la fois francophones et membres de la communauté 2SLGBTQ+, et donc, doublement minoritaires. Lancé par le Collectif LGBTQ du Manitoba, dont le premier mandat était de recueillir des données sur les besoins de cette communauté très spécifique, ce projet communautaire a été mené par des chercheurs de l’Université de Saint-Boniface.

« Avant de commencer à faire quoi que ce soit pour une communauté, nous devons mieux comprendre où elle en est, quels sont ses besoins et quelles sont ses expériences sur le plan de la discrimination et de la stigmatisation. Nous savons que les populations francophones minoritaires du Manitoba affichent des indicateurs de santé inférieurs à ceux de la population générale. Nous savons que des tendances similaires ont été observées dans l’ensemble des populations queers au Canada et à l’étranger. Lorsque les deux identités sont réunies, il est logique que ces problèmes s’aggravent. »

Ce projet a toujours été conçu comme un projet de recherche à volets multiples. Kevin et ses collègues ont terminé la première phase du projet, en sondant 80 personnes âgées de plus de 18 ans. Les deuxième et troisième phases ont déjà commencé et se concentrent sur les contextes scolaires et familiaux, pour déterminer à la fois les besoins des mineurs francophones queers et en questionnement en milieu scolaire, et aussi pour examiner la transition vers la parentalité pour les familles queers dans un contexte de langue officielle minoritaire. Cela lui a valu de nombreuses occasions de prendre la parole lors de journées de perfectionnement professionnel pour des écoles d’immersion française et des circonscriptions scolaires francophones, qu’il commente ainsi :

« Beaucoup de membres du personnel sont prêts et désireux de créer proactivement des classes accueillantes pour les personnes queers, mais ne savent pas toujours par où commencer. Il s’en est suivi des questions et des discussions très utiles, qui m’ont montré à quel point il est important de discuter avec les gens de ces questions parfois complexes et ce, de manière ouverte et non menaçante, en particulier en tenant compte des implications qu’elles pourraient avoir dans les environnements scolaires. »

Lorsque l’intersectionnalité est abordée de la bonne manière, un effet d’entraînement se produit souvent, parfois de manière délibérée, parfois de manière involontaire et surprenante. Pour Kevin, ces effets d’entraînement ont été extrêmement positifs et encourageants, et ont renforcé l’orientation qu’il souhaite donner à sa carrière.

« Il y a maintenant des gens, en Alberta et ailleurs, qui s’inspirent de notre projet de recherche pour créer le leur dans leur propre province. Ainsi, les retombées de notre travail ont été encore plus importantes que ce que nous avions prévu. Et pour moi, qui suis un étudiant et un chercheur franco-manitobain queer, le fait d’avoir pu faire cela pour ma communauté m’a beaucoup apporté. Nous avons également mis l’accent sur le fait que ce projet devait être réalisé par la communauté, pour la communauté et à partir de la communauté. Non seulement les membres de la communauté ont été impliqués à chaque étape (moi y compris), mais ils ont également été les premiers à entendre ce que nous avons découvert. Nous avons organisé deux réunions de mobilisation communautaire auxquelles seules les personnes de notre communauté étaient invitées. À la suite de l’une d’entre elles, un participant a déclaré avec émotion : ‘c’est ce que nous savons et disons depuis des décennies – maintenant notre expérience est représentée dans ces données’. Ce fut une sorte d’expérience cathartique pour beaucoup de gens. »

Le grand objectif de Kevin, globalement, est de travailler avec les communautés minoritaires. Pour “entendre le silence et voir l’invisible”, comme il le dit lui-même. Pour lui, c’est comme un mantra qu’il se répète avant de lancer un projet ou de passer à la phase suivante, le genre de leitmotiv qu’il fera un jour broder, encadrer et accrocher au mur devant son bureau pour se rappeler constamment pourquoi il fait ce qu’il fait.

« Utiliser l’intersectionnalité comme l’un des principaux cadres de cette étude était vraiment primordial; elle permet de prendre conscience qu’une personne queer d’expression française ne peut pas être comprise par le seul fait de son identité francophone, ou simplement de sa diversité sexuelle ou de genre. C’est ‘c’est tout cela à la fois’. Ces deux identités ET leur âge, ET leur statut socio-économique, ET leur santé, leur appartenance à une minorité visible, la liste est longue. En fait, nous avons constaté que les répondants étaient assez nombreux à ne pas se sentir les bienvenus dans la communauté francophone en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, OU dans la communauté 2SLGBTQ+ du Manitoba parce qu’ils sont francophones. »

Bien sûr, il existe de nombreuses minorités linguistiques au Manitoba en plus du français. Dans le cadre d’un projet qui n’a rien à voir avec cette recherche, Kevin et ses collègues Saeid Maghsoudi, Thilini Dissanayake et Aman Mir ont lancé une initiative intitulée ‘A Listening Ear’ (une oreille attentive), dans le cadre de laquelle ils ont installé des stands dans toute la ville de Winnipeg pour converser avec de parfaits inconnus dans NEUF langues différentes – les incitant à s’arrêter pour discuter en affichant, par exemple, un drapeau sri-lankais. L’initiative a été couronnée de succès, et vous pouvez en entendre davantage dans le balado Mind Full de la SCP.

C’est le genre d’action de sensibilisation dont Kevin fait sa marque. Dès son plus jeune âge, il a pu constater à quel point il était important de se rapprocher des autres et à quel point la solitude peut être grande lorsque personne ne tend la main. C’est l’une des raisons pour lesquelles il a choisi la psychologie comme carrière.

« J’ai grandi dans un foyer où les problèmes psychologiques étaient assez importants, notamment ceux de mère. J’ai vu l’échec du système alors que je n’étais qu’un petit garçon à qui personne ne se préoccupait de demander ‘Salut, comment ça va?’. » Chez moi, les tentatives de suicide ont été nombreuses, les épisodes maniaques aussi, et pendant tout ce temps, personne ne s’est arrêté pour se dire : ‘Oh mon Dieu, il y a un petit garçon de huit ans qui vit ici, est-ce qu’il va bien?’. Rétrospectivement, j’ai vu tout cela et je me suis dit que si j’étais passé par là, je n’étais sûrement pas le seul. Si j’ai choisi la psychologie, c’est avant tout pour m’assurer que l’impact collatéral des problèmes de santé mentale est une priorité, en particulier dans les familles qui sont aux prises avec des problèmes de cette nature. »

En grandissant, il a constaté de plus en plus de défaillances dans ce système – pour les jeunes 2SLGBTQ+, pour les communautés francophones, et surtout pour les personnes qui, comme lui, se trouvaient à l’intersection des deux.

« Je n’ai jamais eu l’occasion de parler à une personne queer dans mon enfance et mon adolescence, et encore moins à un psychologue queer. La première fois que j’ai rencontré un conseiller queer a été une véritable révélation pour moi, et je n’ai eu accès au soutien à cet égard qu’à l’âge de 27 ans. C’est donc formidable de pouvoir faire quelque chose pour une communauté marginalisée, en particulier dans le domaine de la psychologie qui, par le passé, a toujours été peu accueillante pour les personnes queers. »

Le but ultime de Kevin est de travailler comme clinicien et de rencontrer les gens, faire connaissance avec eux et offrir un soutien clinique adapté sur le plan culturel. Il ne connaît pas de psychologues cliniciens francophones pratiquant au Manitoba, n’a pas rencontré de psychologues cliniciens queers pratiquant ouvertement dans sa province, et souligne les difficultés extrêmes rencontrées dans la province pour obtenir des informations sur la santé physique et sexuelle queer en français. Il existe sans aucun doute un manque de représentation et, comme le montre sa recherche, un besoin de services plus adaptés à la culture dans la région immédiate dans laquelle vit Kevin. Il veut être l’un des premiers à fournir ces services.

« Avec les bons outils, le bon état d’esprit et une compréhension adéquate des traumatismes et du stress chez les minorités, n’importe qui peut être un bon psychologue clinicien auprès d’une personne queer. Mais on passe à un autre niveau quand on parle en connaissance de cause, sur la base de son expérience personnelle. »

La langue française, de par sa nature même, rend certaines communications difficiles pour la communauté 2SLGBTQ+. Lorsque même une table, un avion à hélice ou un bloc de fromage se voient attribuer un genre masculin ou féminin, cela peut rendre la tâche plus difficile pour les personnes qui ne s’identifient ni à l’un ni à l’autre. En anglais, nous utilisons « they » comme un pronom qui peut être compris par tout le monde. En français, des pronoms tout à fait nouveaux ont été proposés, le plus utilisé étant « iel/iels ». Cependant, à ce jour, ces nouveaux mots ne sont toujours pas officiellement acceptés par l’Académie française.

Appréhender notre identité propre à travers le prisme de l’intersectionnalité peut être un parcours porteur d’autonomie ou de privation de droits, d’oppression ou de valorisation, de confusion ou de clarté. Dans de nombreux cas, c’est tout cela à la fois. Naviguer dans ces eaux n’est pas chose facile, surtout pour les personnes dont les identités croisées sont à la fois marginalisées et en opposition les unes avec les autres. L’expérience personnelle de Kevin, son implication directe dans les communautés touchées et son mantra – « entendre le silence et voir l’invisible », comme il le dit lui-même, font qu’il est bien placé et bien équipé pour être à l’avant-garde du changement dont le Manitoba a désespérément besoin.


[i] Living in a liminal space: Experiences of 2SLGBTQ + official language minority Canadians during the COVID-19 pandemic

 


Mois de l’histoire des noirs : Francis Cecil Sumner

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Dr Francis Cecil Sumner
Première personne noire à recevoir un doctorat en psychologie, Francis Cecil Sumner a passé sa carrière à améliorer l’éducation des Afro-Américains en augmentant le financement et l’enseignement de l’histoire.

À propos de Francis Cecil Sumner

Première personne noire à recevoir un doctorat en psychologie, Francis Sumner est né en Arkansas en 1895. Ses parents s’inquiétaient de la qualité de l’éducation que le jeune Francis recevait à l’école primaire locale, et ils lui ont donc enseigné à la maison à partir des livres dont ils disposaient. Lorsqu’il a fait sa demande d’admission au Lincoln College, une université traditionnellement noire aujourd’hui connue sous le nom d’université Lincoln, il a indiqué dans son dossier qu’il « avait reçu des cours privés de son père dans les matières du secondaire », car il n’avait pas de diplôme d’études secondaires.

Francis Cecil Sumner a réussi l’examen d’entrée et a commencé sa scolarité au Lincoln College à l’âge de 15 ans. À 19 ans, il a été reçu comme major de promotion avec un diplôme en philosophie. Il a poursuivi ses études à l’université Clark pour obtenir un deuxième baccalauréat, où il a établi une relation de mentorat avec le président de cette université de l’époque, le psychologue d’avant-garde, G. Stanley Hall.

Sumner s’est engagé dans l’armée américaine en 1918 et a servi en Allemagne pendant la Première Guerre mondiale avant de retourner à l’université Clark pour terminer son doctorat en 1920. À l’époque, comme aujourd’hui, la psychologie scientifique était très eurocentriste, et le professeur Sumner s’est attaché à démanteler le racisme et les préjugés influencés par cet eurocentrisme. Plus précisément, les études de l’époque qui prétendaient démontrer l’infériorité intellectuelle des Afro-Américains. Il s’est attaqué aux inégalités dans le système judiciaire et aux disparités en matière de santé mentale entre les personnes de races différentes.

En 1939, sa demande d’adhésion à la Southern Society for Philosophy and Psychology a été rejetée, après que celle-ci a modifié ses statuts dans le but explicite d’exclure tout membre noir. D’autres membres de la Société ont menacé de démissionner si le professeur Sumner n’était pas accepté, et sa candidature a finalement été retenue, la direction de la Société rejetant la faute sur un secrétaire.

De 1928 jusqu’à sa mort, le professeur Sumner a été président du département de psychologie de l’université Howard, une université de recherche traditionnellement noire située à Washington (D.C.). Pendant cette période, il a enseigné à de nombreux étudiants en psychologie noirs, dont Kenneth Bancroft Clark, un leader influent du mouvement des droits civiques et le premier président noir de l’American Psychological Association.

L’héritage du professeur Sumner perdure aujourd’hui, car les efforts qu’il a déployés tout au long de sa vie pour améliorer l’éducation des Afro-Américains en augmentant le financement et l’enseignement de l’histoire et de l’expérience des Noirs ont influencé l’éducation moderne de nombreuses manières. À sa mort, il a fait l’objet d’hommages de toutes sortes, certains le qualifiant de « chercheur le plus inspirant de l’université Howard », d’autres de « père de la psychologie noire ».


Spotlight: CPA Student Mentor Sam Ayers-Glassey and Mentee Naya Goguen

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Sam Ayers-Glassey
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Naya Goguen

Pour beaucoup d’étudiants du Programme de mentorat étudiant de la SCP, l’aide la plus précieuse qu’un mentor puisse leur offrir est de les guider dans la poursuite de leurs études supérieures. Pour Naya Goguen, l’aide la plus précieuse que lui a offerte Sam Ayers-Glassey a consisté à la guider dans le processus qui l’a menée à prendre la direction opposée.

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Spotlight: CPA Student Mentor Maya Atlas and Mentee Kiana Chubey

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Maya Atlas
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Kiana Chubey

La mentore Maya Atlas a proposé la candidature de sa mentorée Kiana Chubey pour le Prix du mentoré de l’année de la Section des étudiants. Bien que les parcours qui les ont menées à l’étude de la psychologie soient très différents, un lien solide les unit parce qu’elles poursuivent les mêmes objectifs.

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Spotlight: Linnea Kalchos, Président de la section étudiante de la SCP

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Linnea Kalchos

Linnea Kalchos est la nouvelle présidente de la Section des étudiants de la SCP. Elle espère poursuivre, et développer, l’héritage de la Section des étudiants en matière de justice sociale.

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Spotlight: CPA Student Mentor Kayla Hollett and Mentee Liran Leidershnaider

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Kayla Hollett
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Liran Leidershnaider

Kayla Hollett est mentore dans le cadre du Programme de mentorat étudiant de la SCP depuis un certain temps, et cette année, elle a proposé la candidature de son mentoré Liran Leidershnaider pour le Prix du mentoré de l’année. Leur lien est renforcé par la plateforme virtuelle qu’ils utilisent pour leurs interactions.

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Spotlight: CPA Student Mentor Stephanie Woolridge and Mentee Ava Homiar

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Stephanie Woolridge
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Ava Homiar

Stephanie Woolridge était finaliste pour le Prix du mentor de l’année de la Section des étudiants de la SCP. Le lien qu’elle entretient avec sa mentorée Ava Homiar est profond et va bien au-delà de l’aspect des études.

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Psychology Students Addressing Homelessness With Dr. Steve Joordens And Zaynab Azeem


Psychology Students Addressing Homelessness With Dr. Steve Joordens And Zaynab Azeem
Dr. Steve Joordens gave his first-year psychology class a group project – bust some myths around homelessness by collaborating with a local organization. Zaynab Azeem was inspired to work with Blankets for TO, and has turned that inspiration into a podcast of her own!


Needle Fear And Needle Pain With Dr. Meghan McMurtry


Needle Fear And Needle Pain With Dr. Meghan McMurtry
Dr. Meghan McMurtry joins Mind Full to talk about needle fears, needle pain, and coping strategies for all of us who experience one or the other. This includes advice about vaccinating infants and very young children.


Gender diversity issues, terminology, and human rights with Dr. Jesse Bosse and Aida


Gender diversity issues, terminology, and human rights with Dr. Jesse Bosse and Aida
Dr. Jesse Bosse is a gender-queer psychologist in Ottawa who works primarily with trans, non-binary, and gender-diverse people. Aida is a young trans person who is currently undergoing Hormone Replacement Therapy. We spoke to them both about the issues confronting gender diverse people, human rights issues, and the effects of the pandemic on this population.”


Profils des membres: Les Drs Karen Dyck et Melissa Tiessen

Karen Dyck and Melissa TiessenLes Drs Karen Dyck et Melissa Tiessen ont lancé l’initiative The Intentional Therapist pour aider les femmes praticiennes à prendre soin d’elles-mêmes. Ils animeront un atelier précongrès au Congrès 2022 de l’SCP à Calgary.

À propos de Karen Dyck et Melissa Tiessen

Intentional Therapist

C’était en septembre 2007 et Melissa Tiessen venait de commencer sa résidence postdoctorale d’un an au programme de psychologie des communautés rurales et nordiques de l’Université du Manitoba, avec, comme superviseure principale, la Dre Karen Dyck. Melissa connaissait bien la vie en milieu rural et nordique, puisqu’elle a grandi dans une communauté du nord du Manitoba. Karen figure parmi les premiers psychologues à avoir été embauchés au sein du programme de psychologie des communautés rurales et nordiques, en 1997. Bien que Karen n’ait pas été élevée dans une communauté rurale ou nordique, elle est originaire du Manitoba, et son intérêt pour la psychologie du milieu rural et nordique est né pendant qu’elle effectuait son doctorat en psychologie clinique à l’université du Dakota du Sud, dans un programme spécialisé en psychologie communautaire et interculturelle. Melissa et Karen étaient loin de se douter à l’époque que ce ne serait que le début d’une longue relation, qui passerait du statut de superviseure-supervisée à celui de collègues, d’amies et finalement de cofondatrices d’Intentional Therapist.

Au fil des 15 années de leur relation, Melissa Tiessen et Karen Dyck ont partagé de nombreuses expériences professionnelles, allant du travail au sein du système public de santé dans les régions rurales du Manitoba jusqu’à la pratique privée. Bien que Melissa ait quitté le Manitoba en 2010, elles ont continué à communiquer entre elles et à se voir lorsque leurs déplacements les conduisaient aux mêmes endroits. C’est au cours de l’une de ces rencontres au Manitoba, en 2018, que Melissa et Karen ont commencé à discuter de la prise en charge du bien-être personnel, de l’épuisement professionnel et de nombreux problèmes touchant les psychologues et les autres professionnels de la santé mentale. Ayant travaillé dans les systèmes de soins de santé publics et privés, elles ont observé et vécu certains des défis que les professionnels de la santé mentale doivent relever lorsqu’il s’agit de prendre soin d’eux-mêmes. Ils ont réfléchi au fait que ces défis peuvent être communs à tous les professionnels de la santé mentale, mais que certains d’entre eux sont propres et liés, par exemple, au milieu de travail (p. ex., les cliniciens en santé mentale des régions rurales et du Nord peuvent être confrontés à des difficultés tout aussi importantes que celles de leurs homologues urbains, mais très différentes) et au sexe.

C’est ainsi que Melissa et Karen ont eu l’idée de créer The Intentional Therapist, une communauté en ligne qui propose des ressources, des ateliers, des bulletins d’information et, surtout, des liens avec d’autres professionnelles de la santé mentale. La raison pour laquelle elles ont choisi de se concentrer sur les femmes qui pratiquent dans le domaine de la santé mentale est qu’en plus des pressions et du stress qui touchent tous les professionnels de la santé mentale, les femmes doivent faire face à certains obstacles supplémentaires.

Comme l’explique Melissa, « le principal facteur qui affecte les professionnelles de la santé mentale lorsqu’il s’agit de prendre soin d’elles-mêmes est la socialisation liée au sexe. De nombreuses femmes sont exposées, dès leur naissance, à des messages différents de ceux qui s’adressent aux hommes. Ces messages insistent sur le fait qu’il est typiquement féminin de prendre soin des autres, d’aider les autres et de les faire passer en premier. Il est parfois bon de faire passer les besoins des autres avant les siens, mais cela peut conduire à un scénario où la petite fille devient une femme et se dirige vers une profession soignante. Les messages selon lesquels il faut prendre soin des autres, elle les reçoit dans sa vie personnelle et les intègre plus tard dans sa vie professionnelle. Il peut alors devenir très difficile de faire ce qu’il faut pour prendre soin de soi. »

La socialisation liée au sexe a été encore plus étudiée au cours des deux dernières années, en période de pandémie. Les femmes, y compris celles qui mènent des carrières professionnelles bien rémunérées, se sont souvent retrouvées à assumer des rôles de genre plus archaïques. Dans de nombreux cas, le travail des hommes est devenu prioritaire, tandis que celui des femmes a été réduit pour leur permettre de s’occuper de leurs enfants ou de leurs parents âgés.

Karen est une proche aidante pour ses parents âgés; elle est également une psychologue clinicienne en pratique privée et exerce à Oakbank, au Manitoba. Selon elle, le travail et la fonction d’aidant ne sont pas les seuls domaines où il y a un décalage. Traditionnellement, le temps de loisirs des femmes est également lié à celui de leur conjoint. À mesure que le statut et les revenus des hommes se sont améliorés, ces derniers ont eu davantage accès aux loisirs. Les loisirs des femmes sont alors liés à ceux de leur conjoint, et elles n’ont souvent pas le droit de jouir de leur temps libre comme bon leur semble. Les activités de loisirs étant indispensables pour prendre soin de soi, il devient encore plus difficile de prendre du temps pour soi.

Alors, à quoi ressemble « prendre soin de soi et de son bien-être »? Pour Karen et Melissa, cela se résume à quatre éléments : le premier consiste à « tisser des liens » (comme ceux que l’on établit avec les professionnelles de la santé mentale animées par les mêmes idées et qui composent le réseau Intentional Therapist). Le deuxième élément est la « compassion » (envers soi-même, envers vos clients). Le troisième élément est le « courage » (c’est-à-dire faire quelque chose qui peut vous mettre mal à l’aise). Pour de nombreux professionnels de la santé mentale, toute discussion au sujet de l’argent peut être embarrassante. Mais il se peut qu’augmenter vos frais, par exemple, soit une véritable nécessité. Si vous osez aborder le sujet, même si cela est pénible, il vous sera beaucoup plus facile par la suite de parler de choses de même nature.

Le quatrième élément est la « créativité ». Comme le mentionne Karen, prendre soin de soi va bien au-delà de se faire plaisir avec du chocolat et un bain moussant. La créativité et l’attitude ludique peuvent aider les gens à intégrer l’humour dans leur vie quotidienne et à découvrir des activités qui les aident à surmonter les difficultés. Ces activités et cette vision des choses sont différentes d’une personne à l’autre. Si Karen et Melissa aiment toutes deux la décoration de gâteaux, ce n’est pas le cas de tout le monde.

Pour certains, ce sera la course, pour d’autres, la peinture, et pour d’autres, le tissage de sacs en plastique pour fabriquer des paillassons (comme Melissa l’a fait durant la pandémie). L’important est de prendre soin de soi de manière intentionnelle pour que cela devienne une priorité et demeure important jour après jour. D’où l’adjectif « Intentional » dans le nom du réseau (Intentional Therapist). L’initiative de Melissa et Karen se veut proactive et vise à atteindre les praticiennes avant qu’elles ne commencent à voir se manifester des symptômes d’épuisement professionnel. Le bulletin d’information, les ateliers (y compris un atelier précongrès présenté au congrès de la SCP de cette année) et le réseau de professionnelles de la santé mentale sont destinés à servir de rappel régulier. Vous êtes importantes vous aussi – et pour offrir de bons soins à vos clients, vous devez aussi prendre soin de vous.

Nota : Intentional Therapist et l’atelier qu’il propose au congrès de la SCP ne sont offerts qu’en anglais.


Profils du Mois de la psychologie : Dre Charlene Senn et Dre Lorraine Radtke, Section des femmes et de la psychologie

Dre Charlene Senn
Dre Charlene Senn
Dr. Lorraine Radtke
Dre Lorraine Radtke

Dre Charlene Senn et Dre Lorraine Radtke, Section des femmes et de la psychologie
La Section des femmes et de la psychologie de l’ACP crée une communauté de chercheurs, d’enseignants et de praticiens intéressés par la psychologie des femmes et la psychologie féministe. Dans le cadre du Mois de la psychologie d’aujourd’hui, le Dr Lorraine Radtke et la Dre Charlene Senn discutent du travail qu’elles font dans ce domaine.

À propos de Dre Charlene Senn et Dre Lorraine Radtke

Section Femmes et psychologie de la SCP

Nous sommes en 1976. Martha Lear vient d’inventer le terme « deuxième vague féministe » dans le New York Magazine, et ce mouvement est en plein essor. Aux États-Unis, le Titre IX vient d’être adopté, interdisant la discrimination fondée sur le sexe dans toute école recevant des fonds fédéraux. En Suède, le groupe 8 vient d’être fondé et milite pour l’égalité des salaires, le développement des garderies et la journée de travail de six heures. Au Canada, la SCP tient son congrès annuel dans un hôtel de Montréal.

Il y a un autre hôtel de l’autre côté de la rue, devant celui où se tient le congrès de la SCP. Bien que cet hôtel ne soit pas affilié à celui où se déroule le congrès, les deux établissements sont reliés par un tunnel souterrain qui passe sous la rue. Pendant que le congrès bat son plein, de nombreuses femmes s’éclipsent, passent discrètement dans ce tunnel pour tenir une réunion clandestine de leur côté de la rue. Ces étudiantes diplômées et chercheuses féministes non titularisées sont là pour présenter leurs communications les unes aux autres. Ces communications traitent de sujets relatifs à la psychologie des femmes et des jeunes filles, et elles ont un autre point commun. Lorsqu’elles ont été présentées à la SCP pour être incluses au programme du congrès, elles ont toutes été rejetées sommairement.

Cette réunion hors site, en marge du congrès, a été baptisée « Symposium souterrain ». Ce n’est pas tellement parce qu’elle était clandestine – les médias en ont fait grand cas – mais fort probablement parce qu’on y accédait par le tunnel souterrain reliant les deux hôtels. L’événement a connu un énorme succès, où les idées fusaient et la salle était pleine à craquer. C’est ce succès qui a mené, quatre ans plus tard, à la désignation d’un groupe d’intérêt appelé « Femmes et psychologie ». Ce groupe est devenu plus tard la Section Femmes et psychologie, ou SWAP (Section for Women and Psychology) – et c’est là que nous en sommes aujourd’hui.

Les membres de la Section Femmes et psychologie n’ont pas besoin de s’identifier comme des chercheuses ou des intellectuelles féministes, mais beaucoup d’entre elles le font encore. La présidente de la section, la Dre Lorraine Radtke, maintient certainement la tradition de ce récit des origines. La Dre Radtke est professeure émérite au département de psychologie de l’Université de Calgary, où elle a travaillé pendant près de 40 ans.

« Je m’identifie comme une psychologue féministe parce que j’accorde la priorité aux femmes et aux filles et que j’adopte une perspective critique à l’égard du statu quo. Je m’intéresse aux changements sociaux et à l’amélioration de la vie des femmes et des filles, » explique-t-elle.

La psychologie féministe a changé au fil des ans. L’un des principaux changements est le fait que la recherche et la pratique clinique sont désormais menées dans un cadre intersectionnel. Cela signifie qu’il faut être ouvert aux points de convergence et aux différences entre les femmes et les filles. Cela signifie également être attentif à la manière dont les facteurs sociaux, comme le sexe, l’origine ethnique, la sexualité et la situation socio-économique, influent sur leur vécu. La Dre Charlene Senn est professeure à l’Université de Windsor et affiliée au programme de psychologie sociale appliquée de la même université et dit de ses recherches et des recherches de ses collègues qu’elles sont toujours soucieuses de ce cadre intersectionnel. Elle affirme également que l’étude des femmes et de la psychologie est un sujet plus vaste que ce que beaucoup peuvent penser.

« Je suis une psychologue sociale féministe – la distinction me semble importante car la psychologie est perçue comme étant individuelle, alors qu’en fait elle s’intéresse aussi aux forces environnementales, culturelles et sociales. Je donne un cours de deuxième cycle en psychologie féministe et en psychologie des femmes et du genre. Nous étudions l’énorme travail effectué par les psychologues féministes dans de très nombreux domaines, où la psychologie se transforme grâce au travail qui se fait dans ces domaines. »

La Section Femmes et psychologie n’était pas réservée au départ aux psychologues féministes et elle compte aujourd’hui des chercheuses de tous les domaines, des étudiantes de divers départements du Canada et des psychologues cliniciennes, dont certaines travaillent principalement avec des femmes et des filles.

« Parallèlement à la recherche féministe ou à la recherche liée aux femmes et aux filles, il se fait de la recherche féministe sur une variété de sujets, comme la masculinité, et il existe un axe de recherche qui étudie également le statut des femmes en psychologie et s’intéresse à certaines questions comme les inégalités dans le domaine. Il y a donc une véritable variété », précise la Dre Senn.

La Dre Radtke abonde dans le même sens et déclare que cette grande variété de travaux réalisés sous l’angle de la psychologie des femmes et des filles constitue une grande partie de l’histoire de la section.

« Dans les premières années, les membres de la Section Femmes et psychologie étaient très actives au sein de la SCP et d’autres associations professionnelles au Canada et militaient pour l’égalité entre les sexes et la participation des femmes. Elles plaidaient en faveur de la révision des normes éthiques afin d’y intégrer une dimension qui tiendrait compte des préoccupations des femmes et des filles. La section a toujours eu un côté activiste, et encore aujourd’hui, elle compte un comité de la condition féminine, chargé de veiller à ce que tous les sexes et tous les genres soient égaux au sein de la discipline, et que ces normes continuent d’être respectées ».

C’est grâce à l’approche élargie et à la diversité des membres de la Section Femmes et psychologie et du comité de la condition féminine que la section a pu collaborer avec la Section de la psychologie des autochtones, la Section des étudiants et la Section de la psychologie des communautés rurales et nordiques pour organiser un débat d’experts virtuel lors du congrès de la SCP de 2021, portant sur les conclusions du rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, et sur son impact sur la psychologie au Canada.

« Ce fut une très belle collaboration et ce fut très réussi. Il a été décidé que le comité ferait le suivi de ce débat d’experts en produisant un rapport non seulement sur le débat lui-même, mais en présentant aussi quelques recommandations. Il s’agit d’une tâche considérable pour un comité qui est relativement petit, qui se concentrera sur cette question au cours de l’année à venir », dit la Dre Radtke.

Le débat d’experts sur les femmes autochtones disparues et assassinées était un événement central au congrès de la SCP de 2021; personne n’a eu besoin de se faufiler l’autre côté de la rue pour exprimer son point de vue. La Dre Radtke souligne que des progrès ont été réalisés tant au sein de la discipline qu’au sein de l’organisation elle-même.

« Il est évident que la SCP est devenue plus égalitaire. Il y a plus de femmes qui assument la fonction de présidente de la SCP, et plus de femmes qui siègent au conseil d’administration que par le passé. Bien que ces problèmes soient moins importants à l’heure actuelle, il y a encore quelques questions qui nécessitent une attention particulière, comme la mise en candidature d’un plus grand nombre de femmes distinguées pour les prix de la SCP. »

Ces questions ne disparaîtront jamais complètement, et il y a encore beaucoup de travail à faire pour les membres de la Section Femmes et psychologie et les psychologues qui travaillent dans le domaine de la psychologie des femmes. Pendant la pandémie, les emplois des maris ont pris le pas sur ceux des femmes – même lorsque la femme est une universitaire, même lorsqu’elle gagne plus que son mari – car la garde des enfants est encore trop souvent perçue sous un angle traditionnellement patriarcal. Les cas de violence à l’égard des femmes continuent d’augmenter, car beaucoup de femmes sont piégées à la maison avec leur agresseur. La Dre Senn, dont la spécialité est la prévention de la violence, dit que lorsque les campus rouvriront, le nombre d’agressions sexuelles reviendra probablement au niveau d’avant la pandémie. En fait, il n’a pas baissé depuis les années 1980.

Le domaine de la psychologie des femmes a beaucoup progressé depuis le Symposium souterrain, mais il reste encore beaucoup à faire pour que le travail des psychologues féministes soit reconnu. Selon la Dre Senn, « nous devons encore faire des efforts pour que les connaissances acquises grâce aux recherches exceptionnelles menées par les psychologues féministes soient davantage intégrées dans la société. » Elle fait une pause et échange un regard complice avec la Dre Radtke. « Y compris dans les manuels d’introduction à la psychologie ».


Profils du Mois de la psychologie : Dr Joshua Bourdage et Dre Winny Shen, Psychologie industrielle et organisationnelle

Dr. Joshua Bourdage
Dr Joshua Bourdage
Dr. Winny Shen
Dre Winny Shen

Dr Joshua Bourdage et Dre Winny Shen, Psychologie industrielle et organisationnelle
La psychologie industrielle-organisationnelle est l’étude de la psychologie en milieu de travail. Nous avons parlé au Dr Joshua Bourdage et à la Dre Winny Shen de la culture du travail, la structure organisationnelle et la grande diversité du travail qu’effectuent les psychologues I/O.

À propos de Dr Joshua Bourdage et Dre Winny Shen

Psychologie industrielle et organisationnelle

Lorsque j’étais à l’école secondaire, je suis allé passer une entrevue de sélection après avoir répondu à une annonce que j’avais vue dans le journal. J’ai été embauché sur-le-champ et j’ai été tout de suite intégré. J’ai commencé mon premier quart de travail une heure plus tard, sans avoir vraiment compris ce que le travail impliquait. La toute première chose que l’on m’a fait faire fut de me placer en cercle avec mes nouveaux collègues, les bras autour des épaules des uns et des autres; on a ensuite éteint toutes les lumières et fait jouer « Eye of the Tiger » dans son intégralité. Puis, apparemment suffisamment motivés, on nous a envoyés faire du porte-à-porte pour vendre des abonnements à des produits de boucherie pour la charcuterie Meat of the Month. J’ai alors su qu’il en serait ainsi chaque jour. « Eye of the Tiger ». Chaque jour. Je suis rentré à la maison au milieu de mon premier quart de travail et je ne suis jamais retourné.

C’était les années 1990; on peut le deviner, peut-être, parce que les offres d’emploi paraissaient encore dans le journal, et que les gens pensaient encore qu’« Eye of the Tiger » était la chanson énergisante ultime parce que Jurassic 5 n’avait pas encore fait paraître « Jayou ». C’était aussi avant que la psychologie industrielle-organisationnelle (I/O) ne devienne plus officielle au Canada. Le Dr Joshua Bourdage est professeur agrégé à l’Université de Calgary et le président actuel de la Société canadienne de psychologie industrielle et organisationnelle (SCPIO), la section de la SCP qui s’intéresse au domaine de la psychologie industrielle-organisationnelle. La discipline remonte à plusieurs décennies, la section a été fondée au milieu des années 1970 et, selon le Dr Bourdage, elle s’est vraiment implantée au Canada au début des années 1990.

« Elle repose en grande partie sur le concept d’organisation scientifique du travail et Frederick Taylor [un ingénieur mécanique américain reconnu pour avoir amélioré l’efficacité industrielle au cours du XXsiècle] et sur la façon dont nous pouvons optimiser les personnes et les tâches afin que le travail soit effectué le plus efficacement possible. Notre travail initial portait donc surtout sur la sélection, l’évaluation, le classement et l’augmentation de la productivité. Puis nous nous sommes adaptés, en même temps que le reste de la psychologie, à des concepts tels que le mouvement des relations humaines - l’idée que les gens ont des sentiments, des émotions et un état intérieur. Nous avons ensuite commencé à réfléchir et à nous interroger sur d’autres choses, par exemple : les travailleurs heureux sont-ils des travailleurs productifs? Ou encore, qu’est-ce qui motive les gens, outre la méthode de la carotte et du bâton – les motivations intrinsèques et extrinsèques? C’est là que nous nous penchons davantage sur l’étude du leadership, du changement, de la politique, etc. ».

La Dre Winny Shen est une psychologue du travail et des organisations et travaille à la Schulich School of Business de l’Université York. Elle est la présidente sortante de la SCPIO et ses études portent sur la diversité et l’inclusion, le leadership et le bien-être des travailleurs. Elle souligne que les deux premières guerres mondiales (à ce jour, les deux seules guerres mondiales...) sont le moment où la psychologie I/O est devenue une discipline officielle.

« Le désir d’appliquer la psychologie à la résolution de problèmes pratiques existe depuis le tout début. Les deux guerres mondiales ont été l’un des catalyseurs de la croissance de la psychologie industrielle/organisationnelle en tant que discipline. L’armée et le gouvernement se sont aussi rendu compte qu’il y avait un nombre considérable de personnes et une foule de postes à pourvoir, et ils ne savaient pas vraiment comment affecter les personnes au bon poste, pour s’assurer de tirer le meilleur parti des personnes qui occupent des postes militaires importants. C’est devenu la base d’une grande partie de la psychologie I/O – évaluations, tests d’intelligence, évaluation de la personnalité et analyse des emplois. Après les deux guerres, on a pris conscience qu’un grand nombre de ces processus et de ces compétences pouvaient être appliqués à des organisations et des industries privées, et que beaucoup de personnes avaient été formées dans ce domaine dans le cadre de l’effort de guerre. »

En termes simples, la psychologie I/O, c’est l’étude de la psychologie en milieu de travail. En termes encore plus simples, il s’agit de l’application de principes psychologiques pour étudier le monde du travail – les travailleurs dans le contexte des équipes de travail, dans le contexte de l’organisation dans son ensemble. C’est un domaine qui s’intéresse au travail à de multiples échelles et dans de multiples perspectives. Cela signifie que la psychologie I/O dispose d’un très large éventail de points de vue et de spécialités. La Dre Shen explique :

« Vous trouverez des psychologues du travail et des organisations dans un large éventail d’endroits. Certains psychologues I/O sont des universitaires comme Josh et moi. Nos recherches sont en grande partie axées sur la compréhension des expériences des travailleurs et des phénomènes organisationnels. Vous trouverez des psychologues I/O dans de nombreux contextes pratiques. Nous sommes généralement formés comme scientifiques-praticiens, alors nous faisons les deux. Nous travaillons par exemple pour des organisations, pour veiller à ce que leurs processus d’embauche soient scientifiquement fondés, ou les aider à former leurs employés pour qu’ils aient les connaissances et les compétences nécessaires pour accomplir leur travail. Notre travail pourrait également porter sur la motivation ou le climat – certains des côtés les plus agréables du travail, qui font que les travailleurs vivent des expériences positives au travail et qu’ils ont de bonnes relations avec leurs collègues et l’organisation dans son ensemble. Nous pouvons aussi être des coachs. Nous pouvons travailler dans l’analytique. Certains travaillent dans des domaines très précis, par exemple, un grand nombre de psychologues I/O travaillent actuellement dans le domaine des soins de santé. Beaucoup d’entre nous travaillent en collaboration avec des psychologues de l’éducation sur diverses questions, comme la délivrance de titres et certificats et l’autorisation d’exercer. Une fois que vous savez où chercher, vous nous trouverez à des tas d’endroits! »

Un ancien président de la SCPIO est l’un des psychologues du travail et des organisations qui contribuent à la compréhension des problèmes de santé en milieu de travail, où la collaboration avec de nombreuses autres disciplines de la psychologie fait partie intégrante de la description de poste. Le Dr Bourdage précise.

« L’un de nos présidents précédents, le Dr Tom O’Neill, travaille avec des équipes dans un milieu de soins de santé. Il travaille plus précisément avec des équipes de réanimation pour maximiser leur performance. Un spécialiste en ergonomie, comme un psychologue de l’environnement, pourrait examiner la disposition de la salle et l’équipement qu’elle contient pour voir comment cela influence le travail, si certains éléments gênent les gens. Tandis que Tom s’intéresse davantage à la communication, aux conflits et à d’autres choses de ce genre. »

Lorsque j’ai commencé à travailler à la radio, j’étais producteur d’une émission intitulée Sentimental Journey sur la station de radio pour adultes locale. L’animateur de l’émission enregistrait son émission sur un magnétophone à bobines, puis fournissait une liste des chansons qu’il avait mentionnées au cours de l’émission. Certaines étaient sur CD, d’autres sur ordinateur et d’autres sur vinyle. Je devais veiller à ce qu’il y ait 60 minutes de musique et d’animation par heure, mais l’animateur ne se préoccupait pas beaucoup de cela. Parfois, une « heure » contenait 35 minutes de musique et d’animation, et d’autres fois, 85 minutes. Je suis probablement la dernière personne à la radio, du moins à Ottawa, qui faisait passer de la musique à partir d’une table tournante à l’antenne, et qui devait coller les bobines à l’aide d’une lame de rasoir et de ruban adhésif. J’ai essayé de montrer à l’animateur comment utiliser le logiciel informatisé de suivi de la voix, qui nécessitait de démarrer le programme, puis d’appuyer sur la barre d’espacement pour enregistrer et appuyer de nouveau sur celle-ci pour arrêter l’enregistrement. Un psychologue I/O m’aurait vraiment été utile pour le convaincre qu’appuyer sur une barre d’espacement ne fait pas de quelqu’un un « geek » et que la technologie peut parfois aider et faciliter les choses!

La technologie et son évolution rapide sur les lieux de travail ont été un sujet de discussion important pour les psychologues I/O au cours des quelque 10 dernières années, mais, selon le Dr Bourdage, il s’agit d’une petite partie du travail et des recherches réalisés sur la culture et l’amélioration du lieu de travail.

« C’est extrêmement vaste – les types de travaux présentés ne serait-ce que l’année dernière au congrès de la SCP étaient très diversifiés. Il y a eu des présentations sur la sélection du personnel – comment améliorer l’embauche et recruter les bonnes personnes pour un emploi à pourvoir? Comment la personnalité et les différents éléments situationnels comme le leadership influencent-ils les attitudes et les comportements des employés? Nous avons également abordé des sujets plus actuels et urgents, comme le genre et la diversité en milieu de travail, ainsi que l’utilisation de la technologie au travail. De plus, beaucoup de personnes relèvent le défi de comprendre comment le travail et les pratiques dans lesquelles nous nous impliquons changent en raison de la COVID. Comment continuer de favoriser une bonne dynamique de groupe malgré le passage au travail à distance? Comment les gens font-ils face au travail à distance de manière productive? Et bien sûr, beaucoup de psychologues du travail et des organisations s’intéressent à la santé mentale. Certains d’entre nous travaillent avec des travailleurs de la santé pour mieux comprendre l’épuisement professionnel et le stress, ainsi que leur incidence sur le milieu de travail. Comment intervenir pour aider les travailleurs et les organisations dans ce domaine? »

Quand j’étais au collège, j’ai eu mon premier contact avec le travail virtuel. J’ai été embauché par une entreprise de matériel promotionnel, et après la première entrevue, je n’ai plus jamais revu un seul de mes collègues. Je recevais un appel me disant où était le « produit ». (Je plaisantais toujours avec la voix au téléphone sur les dangers de parler de « produit » sur un téléphone portable, mais je ne crois pas qu’il ait jamais compris ce que je voulais dire.) Je me présentais ensuite à l’adresse indiquée, où se trouvait un gros camion. J’entrais, je voyais quel était le « produit », puis je passais la journée à offrir des échantillons gratuits du nouveau pain Dempster’s dans une épicerie locale, d’eau Dasani dans une salle de sport ou de Miller Genuine Draft dans un bar. Bon, ce n’était pas du « travail virtuel » à proprement parler, mais simplement du travail sans collègues!

Il doit y avoir une étude sur la motivation entourant un cadre de travail comme celui-ci. Je n’avais absolument aucun moyen de savoir avec certitude si je faisais bien mon travail – ou, dans bien des cas, si je le faisais tout simplement! Je n’avais aucun contact avec mes collègues, je n’avais donc aucun cadre de référence pour savoir s’ils faisaient leur travail du mieux qu’ils le pouvaient ou si, à la fin de la journée, ils emportaient chez eux la caisse supplémentaire de Corn Nuts qu’ils n’avaient pas distribuée pour la partager avec leurs colocataires, tout aussi pauvres et affamés qu’eux. Comme dans tout travail virtuel, il y a probablement du bon et du mauvais, soutient la Dre Shen.

« Ce passage à grande échelle vers le travail virtuel est compliqué! Il y a sûrement de bonnes choses, comme l’évaluation plus objective du travail des employés, car on voit le travail indépendamment de la personne qui le fait. Mais il y a aussi des aspects négatifs, comme le fait que les gestionnaires ont l’impression de ne plus avoir de contrôle parce qu’ils ne peuvent pas voir directement les gens travailler. De plus, la frontière entre ce qui relève du travail et ce qui relève de la vie privée est un problème que les entreprises essaient de gérer parce que cela ne posait pas vraiment de problème dans le passé. »

Selon le Dr Bourdage, bien que le passage au travail virtuel et l’adoption des nouvelles technologies aient constitué un changement majeur – tant pour la main-d’œuvre que pour les psychologues – l’expertise des psychologues I/O a permis de faciliter la transition vers cette nouvelle réalité.

« Nous avions déjà constaté une évolution vers les nouvelles technologies, qu’il s’agisse de l’apprentissage automatique ou de l’intelligence artificielle, dans le cadre de la prise de décision, de l’embauche ou du passage à un travail plus virtuel. D’une certaine manière, la COVID n’a fait qu’accélérer certaines choses, de la même manière qu’elle a accéléré ou mis en évidence certaines inégalités – par exemple, les personnes qui sont le plus susceptibles de supporter le poids des responsabilités liées à la garde des enfants. Une grande partie du travail et de la recherche que nous effectuons depuis des décennies sert de base à certaines de ces choses – nous avons la chance de disposer d’une expertise dans des domaines tels que la santé mentale et la stigmatisation au travail, la sécurité au travail, la sélection, l’embauche et le recrutement. Donc, je dirais que nous avons déjà cette expertise et elle a simplement été transférée au nouveau contexte actuel. »

En ce qui concerne l’équité, la diversité et l’inclusion, l’une des spécialités de la Dre Shen, celle-ci affirme que la pandémie a été une arme à double tranchant lorsqu’il a été question de rendre les lieux de travail plus accueillants et plus agréables.

« Je pense que, d’une part, la possibilité de travailler de manière virtuelle est une idée que les porte-parole des personnes handicapées, par exemple, défendent depuis longtemps, car elle rendrait le lieu de travail beaucoup plus inclusif et constituerait une forme d’adaptation utile pour un large éventail de handicaps. Mais pour de nombreuses entreprises, cette solution n’est pas un aménagement « raisonnable » pour de nombreux emplois de leur registre. Mais la pandémie a mis en évidence le fait que certaines de nos idées sur la manière dont le travail est effectué ou sur le type de travail qui peut être effectué de manière virtuelle – souvent très efficacement – n’étaient pas assez audacieuses. Les entreprises et les organisations étaient peut-être auparavant trop frileuses pour essayer certaines choses de ce genre.

Le revers de la médaille est que nous devons être modérément prudents en ce qui concerne l’équilibre entre la responsabilité de l’employé et celle de l’employeur. C’est un peu une zone grise. Par exemple, si j’ai besoin d’une connexion Internet très coûteuse pour faire mon travail, qui va payer? Ou si je me blesse à la maison en faisant quelque chose qui est relié à mon travail – est-ce un accident du travail? Certaines recherches indiquent que nous ne sommes pas aussi prudents dans nos communications par courrier électronique que nous le serions en personne, ce qui peut contribuer à l’impression d’être victime d’intimidation.

Nous avons beaucoup de problèmes à résoudre. Nous avons certainement la possibilité de remodeler le travail de manière plus équitable, mais il reste aussi beaucoup de problèmes potentiels qui sont moins visibles à certains égards. Parfois, les gens ne se sentent pas à l’aise de partager certains aspects de leur espace virtuel ou personnel. Les entreprises doivent bien prendre garde de ne pas supposer que tous les employés disposent du même type de ressources ou du même type de configuration. »

Au début de la pandémie, la Dre Shen a mené une étude avec ses collègues sur les expériences des Américains et des Canadiens d’origine asiatique sur les lieux de travail, au moment où des attitudes xénophobes commençaient à se manifester. Elle fait actuellement des recherches qui portent sur la division du travail dans les ménages pendant la pandémie et sur ses répercussions sur les attitudes au travail. En particulier, la tendance des femmes à avoir l’impression qu’elles doivent mettre leur carrière en veilleuse afin de s’adapter aux changements survenus dans les responsabilités du ménage. De manière plus générale, en raison de mouvements sociaux comme La vie des Noirs compte et Chaque enfant compte, les psychologues I/O ont un regain d’intérêt pour l’étude des expériences des travailleurs noirs et autochtones. Selon la Dre Shen, il est très important que les pratiques fondées sur des données probantes restent au premier plan lorsqu’on examine la question de la diversité et de l’inclusion au travail.

« Je fais partie d’un grand consortium qui essaie d’aider les employeurs à élaborer des outils pour les employeurs et les employés afin de faciliter les échanges sur la divulgation d’un handicap pendant le processus d’embauche. Beaucoup d’employeurs veulent s’impliquer, mais ne savent pas nécessairement comment procéder si un employé ou un candidat révèle un handicap. Un large éventail de questions découle de la notion de “nous voulons créer une atmosphère inclusive, qu’est-ce que cela signifie et à quoi cela ressemble-t-il?”

Au fur et à mesure que nous devenons plus conscients, un grand nombre de personnes veulent faire des changements. Mais beaucoup de ces questions peuvent être mal interprétées et entraîner des effets en cascade. Par exemple, de plus en plus d’études montrent que certaines politiques relatives à l’embauche et à l’équité en matière d’emploi peuvent être interprétées par les gens comme “les normes sont différentes” ou “ils ne sont là que pour X”, et cela peut avoir des conséquences insidieuses et négatives pour les personnes qui sont perçues comme ayant bénéficié de ces politiques en milieu de travail. C’est très important, mais aussi très complexe.

On a souvent tendance à se concentrer sur la représentation plutôt que sur l’inclusion. Cela peut créer des problèmes parce que l’on cherche à intégrer les gens, sans se rendre compte que l’environnement dans lequel on les intègre n’est pas très favorable. Cela peut en fin de compte conduire à des problèmes de maintien de l’effectif où les groupes sous-représentés se succèdent. »

L’importance de fonder les politiques et les procédures sur des données scientifiques de qualité est reprise par le Dr Bourdage.

« L’une des choses que nous soutenons est la pratique fondée sur des données probantes. Je crois que plusieurs de ces choses relèvent du bon sens, mais je pense qu’il faut beaucoup de connaissances, de formation et d’expertise pour comprendre non seulement l’équité, la diversité et l’inclusion, mais aussi le changement organisationnel, la culture organisationnelle, la façon dont les systèmes de récompense influencent les gens, ou les politiques organisationnelles. Ce sont là autant de domaines dans lesquels les psychologues I/O se plongent avec différentes optiques pour comprendre ces choses et alimenter la pratique fondée sur des données probantes.

En fait, tout, depuis le moment où vous décidez de postuler à un emploi jusqu’aux questions que l’on vous pose lors d’un entretien d’embauche, en passant par la manière dont vous êtes accueilli et intégré dans votre nouveau bureau, vos interactions quotidiennes sont toutes guidées et étudiées par les psychologues I/O. Cela touchera de manière tangible presque tous les individus, chaque jour, pendant une grande partie de leur vie. »

Lorsque j’étais à l’université, j’ai répondu à une offre d’emploi qui sollicitait des sauveteurs pour travailler dans les piscines des immeubles d’Ottawa pendant l’été. À la fin de mon entretien d’embauche, j’avais été engagé non seulement comme sauveteur, mais aussi comme cadre intermédiaire dans une société de sécurité, où je travaillais à la répartition des alarmes et supervisais les agents de sécurité de toute la ville. C’était une entreprise qui acceptait tous les contrats possibles – je répondais également aux plaintes des employés pour une variété de magasins de vêtements canadiens et je tenais des registres pour des entreprises d’entretien de bâtiments, entre autres choses. Les sauveteurs étaient payés au salaire minimum, les cadres intermédiaires du centre de contrôle étaient payés 0,15 $ de plus de l’heure. L’offre d’emploi de l’époque, qui remonte à 1999 environ, mentionnait seulement « sauveteur » et comprenait un numéro de téléphone. Aujourd’hui, les choses sont quelque peu différentes, dit la Dre Shen.

« Chaque fois que vous allez en ligne et que vous consultez une offre d’emploi, celle-ci a probablement été créée par une forme d’analyse de poste que les psychologues I/O effectuent pour comprendre ce qui est au centre de l’emploi en question. Pour savoir comment faire correspondre une personne à un emploi, nous devons d’abord comprendre la nature exacte de cet emploi et ce qu’il implique.

L’évaluation annuelle du rendement que vous détestez ou que vous adorez peut-être – la science y est pour beaucoup. Peut-être que votre milieu de travail utilise la rétroaction à 360 degrés, où vous évaluez votre patron et vos collègues. Beaucoup de psychologues I/O ont participé à l’élaboration de cette méthode et l’ont popularisée. »

Lorsque je travaillais à la radio, j’avais un examen annuel du rendement au cours duquel plusieurs patrons s’asseyaient avec moi pour fixer les objectifs de l’année suivante et examiner mes progrès par rapport aux objectifs de l’année précédente. La rencontre se présentait invariablement comme suit : « Vous avez dépassé les attentes à quatre de vos cinq objectifs et atteint le cinquième. Excellent travail! Je vais vous donner 4/5 dans tous les domaines ». Pourquoi recevais-je 4/5 alors que j’avais dépassé l’objectif? Et quand avais-je atteint l’objectif? Il s’avère qu’une politique de l’entreprise stipulait que si un employé recevait un 5/5 sur le rapport remis au siège social, il devait obtenir une augmentation. Le Dr Bourdage dit : « La psychologie I/O peut fournir les outils, mais que les gens les utilisent bien ou non, c’est en quelque sorte leur affaire! Le travail des psychologues I/O consiste à travailler avec les organisations pour les aider à adopter ces outils et ces meilleures pratiques. »

La station de radio pour adultes où j’ai travaillé n’existe plus, la compagnie de sécurité ne fait plus de sécurité ou de sauvetage et l’entreprise de matériel promotionnel a disparu. J’ignore si l’entreprise de vente porte-à-porte d’abonnements à des produits de boucherie fait toujours des affaires, car je ne me souviens plus de son nom. Je suppose qu’elles n’existent plus. Je me demande cependant, si elles étaient toujours là, comment elles se porteraient. D’une part, la pandémie a peut-être créé une demande qui n’existait pas auparavant et qui a permis d’offrir un service d’abonnement de produits de boucherie, mais elle a aussi voué à l’échec le modèle de vente en porte-à-porte. À l’heure où je vous parle, une partie du travail des psychologues I/O serait probablement parvenue à ces entreprises, et celles-ci offriraient probablement un meilleur environnement de travail – si ce n’est qu’en remplaçant « Eye of the Tiger » par « Turn Down For What ». Le Dr Bourdage croit que la plupart des entreprises évoluent dans une meilleure direction.

« En tant que président actuel de la SCPIO, je regarde le travail qui se fait autour de moi et j’ai l’impression que notre domaine est particulièrement bien placé pour aider à résoudre les problèmes contemporains. »


Profils du Mois de la psychologie : Dre Cheryl Harasymchuk, Dre Katherine Starzyk, et Dr John Zelenski, Psychologie sociale et de la personnalité

Dr. Cheryl Harasymchuk
Dre Cheryl Harasymchuk
Dr. John Zelenski
Dr John Zelenski
Dr. Katherine Starzyk
Dre Katherine Starzyk

Dre Cheryl Harasymchuk, Dre Katherine Starzyk, et Dr John Zelenski, Psychologie sociale et de la personnalité
La psychologie sociale et la psychologie de la personnalité sont deux disciplines différentes, mais qui sont inextricablement liées. Nous avons parlé avec la Dre Cheryl Harasymchuk, la Dre Katherine Starzyk et le Dr John Zelenski de l’histoire controversé et du présent harmonieux de ces deux champs d’études, et du travail qu’ils font pour nous inciter tous à devenir meilleurs.

À propos de Dre Cheryl Harasymchuk, Dre Katherine Starzyk, et Dr John Zelenski

Psychologie sociale et de la personnalité

La Dre Cheryl Harasymchuk est professeure agrégée au département de psychologie de l’Université Carleton, où elle effectue des recherches qui portent sur les relations dans une perspective sociopsychologique. Elle est la présidente de la Section de la psychologie sociale et de la personnalité de la SCP. La Dre Katherine Starzyk est professeure agrégée de psychologie sociale et de psychologie de la personnalité à l’Université du Manitoba, où elle étudie la façon dont les gens réagissent à l’injustice sociale. Le Dr John Zelenski est professeur de psychologie à l’Université Carleton et la psychologie de la personnalité est le plus ancien des nombreux domaines de recherche auquel il s’intéresse.

Si vous suivez notre série du Mois de la psychologie, vous vous souvenez peut-être du Dr Zelenski, qui a également participé à notre portrait sur la psychologie de l’environnement. Comme c’est le cas pour de nombreuses disciplines de la psychologie aujourd’hui, il existe de nombreux recoupements entre la psychologie sociale et de la personnalité, et d’autres domaines d’études.

« Mes premiers travaux en psychologie de l’environnement consistaient à essayer de mesurer les différences individuelles reliées à ce que nous appelons le “rapport à la nature”. Il s’agit du degré auquel les gens se sentent liés à la nature et à l’environnement et en font partie. La façon dont nous appréhendons l’environnement ressemble presque à une relation sociale, et nous empruntons donc certaines techniques et mesures à la psychologie sociale. Puisque le “rapport à la nature” est lié à de bonnes choses, comme le bonheur et les comportements écologiques, il serait bon de le renforcer. »

Cela fait écho à ce qui se passe plus largement en psychologie de la personnalité. Il y a 20 ans, ce champ d’études essayait de déterminer quelles étaient les dimensions les plus importantes de la personnalité. Il y a bien sûr des milliers de différences individuelles potentielles, et les chercheurs en psychologie sociale ont donc essayé de donner un sens à tout cela. Ce travail se poursuit, mais les psychologues de la personnalité sont parvenus à un certain consensus au cours des deux dernières décennies. Ils peuvent désormais commencer à poser des questions sur la façon dont les comportements et les traits psychologiques évoluent dans le temps, ou sur la façon d’accroître les traits psychologiques souhaitables et de susciter l’intérêt de certains types de personnes. Selon le Dr Zelenski, « la psychologie de la personnalité s’intéresse davantage à des questions de fond, au changement et à la stabilité, au lieu de se limiter simplement à comprendre de quoi on parle. »

Il y a une différence entre la « psychologie de la personnalité » et la « psychologie sociale », et à un moment donné, toutes les deux n’étaient pas dans de très bonnes dispositions l’une envers l’autre. Certains disent (comme le Dr Zelenski) que c’était comme une rivalité entre frères et sœurs. D’autres disent que c’était une bataille des extrêmes. D’une façon ou d’une autre, un rapprochement s’est opéré au fil des années, au point que toutes les deux font désormais équipe et sont à bien des égards inextricablement liées, comme Nas et Jay-Z, qui ont finalement cessé de s’insulter par chansons interposées et se sont réunis pour faire de la belle musique dans le cadre de la tournée du spectacle « I Declare War » (qui porte bien son nom). La Dre Harasymchuk fait la distinction entre les deux domaines.

« La psychologie est l’étude du pourquoi et du comment de nos comportements. Les psychologues sociaux étudient la façon dont les gens sont façonnés par les personnes qui les entourent et par l’environnement en général. Et les psychologues de la personnalité étudient comment définir et mesurer les différences importantes entre les personnes – allant des gènes jusqu’à la culture.

Au début, il y avait des positions extrêmes, où deux camps s’affrontaient. L’un disait que ce n’est que le contexte, et l’autre, que c’est la façon dont vous êtes né qui façonne votre comportement. Depuis ce temps, beaucoup de preuves ont montré que les choses ne se situent pas à un extrême ou à un autre. Par exemple, j’étudie les relations selon une perspective sociopsychologique, ce qui signifie que je m’intéresse surtout à la façon dont le conjoint d’une personne, ou son meilleur ami façonnent le comportement de cette dernière. Mais dans toutes mes recherches, j’examine aussi les variables relatives aux différences individuelles. Les situations dépendent de la personnalité de cette personne, et de la façon dont elle pourrait réagir face à son conjoint ou à son meilleur ami. Si elle a l’habitude de réagir très négativement aux facteurs de stress, dans le contexte d’une relation où elle se dispute avec son conjoint ou son meilleur ami, ses comportements pourraient être plus négatifs et démesurés que ceux d’une personne qui est plus apte à gérer ses émotions. »

L’intégration de la recherche sociale et de la recherche sur la personnalité présente beaucoup d’avantages concrets. La Dre Starzyk a travaillé avec des collaborateurs et des partenaires afin d’accroître la motivation du gouvernement à prendre des mesures en réponse à la crise de l’eau potable chez les Premières nations. Le groupe comprend des psychologues sociaux/psychologues de la personnalité, des sociologues, des économistes, des spécialistes du droit, des scientifiques en science du sol, etc.; ensemble, ils réfléchissent à la manière de faire pression pour atténuer la crise et soutiennent le travail des organisations de défense des droits qui constituent le visage public de cet effort. Il s’agit d’une approche à plusieurs volets, où les psychologues sociaux et les psychologues de la personnalité sont chargés d’influencer l’opinion publique.

« Certaines de nos recherches visent à comprendre, notamment, quand et pourquoi les gens commenceront à soutenir un meilleur accès à l’eau potable pour les Premières nations au Canada. Ou à quel moment les gens commenceront à se préoccuper du racisme ou aux éléments nécessaires à la réalisation de la (ré)conciliation. Même dans ce contexte, où nous étudions des choses qui semblent très basées sur le groupe, nous examinons cette année comment la plupart des variables individuelles de la personnalité permettent de prédire chacune de ces choses conjointement. Donc, encore une fois, nous avons affaire à une véritable intégration de la psychologie sociale et de la psychologie de la personnalité. Bien que nous puissions mettre en place des cadres plus susceptibles d’inciter les gens à agir et à se préoccuper de ces choses, nous souhaitons également comprendre quelles sont les personnes que ces cadres influenceront le plus, celles que nous pouvons mobiliser plus facilement et celles qui nécessitent peut-être une approche différente. Cela a pris beaucoup de temps, mais le croisement est enfin là! » Intégrant ses travaux en psychométrie et en relations intergroupes, le Canadian Reconciliation Barometer a publié son premier rapport en février 2022 (https://reconciliationbarometer.ca).

Au cours des dernières décennies, un autre changement important a été apporté à la façon dont les recherches elles-mêmes sont menées. La Dre Harasymchuk explique :

« L’un des principaux changements qui ont eu une incidence sur la psychologie en général, ainsi que sur la psychologie sociale et de la personnalité, est l’importance accrue accordée à la promotion de nos méthodes de recherche par la transparence et la réplication. Il est désormais plus courant dans notre domaine de voir les chercheurs préinscrire leurs hypothèses de recherche. Autrement dit, avant de commencer à mener leur étude et à recueillir des données, ils déclarent publiquement ce qu’ils s’attendent à trouver.

Dans le même ordre d’idées, nous assistons à une évolution vers une collaboration scientifique accrue. Si vous cherchez à obtenir un nombre suffisant de participants pour être plus confiant à l’égard de vos résultats, il faudra regrouper plusieurs laboratoires et ressources. Nous nous sommes toujours engagés à faire des recherches de qualité, mais au cours des 20 dernières années, nous avons beaucoup appris sur l’importance de la réplication et de la taille des échantillons. »

Le travail de la psychologie sociale et de la psychologie de la personnalité a non seulement subi de nombreux changements au cours des 20 dernières années, mais il a aussi grandement contribué aux changements que nous observons dans notre vie quotidienne. Toute publicité diffusée en ligne ou à la télévision, toute plateforme de médias sociaux ou application interactive est conçue en fonction de la façon dont les gens pensent. La Dre Starzyk dit qu’elle voit souvent Facebook, Google et des agences de publicité recruter explicitement des diplômés en psychologie sociale et en psychologie de la personnalité – ils ont même des kiosques à leurs congrès!

Si une grande partie de ce qui nous entoure s’inspire de la psychologie sociale et de la personnalité, nos propres comportements peuvent être expliqués (ou peut-être étudiés) par des chercheurs dans ce domaine – chaque décision que nous prenons, chaque acte que nous posons, intéressera probablement un psychologue quelque part! La Dre Harasymchuk en donne un exemple.

« Il existe une sous-discipline qui s’intéresse au jugement et à la prise de décisions. La question n’est pas de savoir quelles sont les choses objectives que nous vivons dans une situation donnée, mais quelle est notre perception relative à ces choses. Notre perception peut influencer notre décision de faire 10 minutes de route supplémentaires pour nous rendre à une station-service où nous savons que nous pourrons économiser quelques cents par litre plutôt que d’aller à la station la plus proche. »

Le rôle des psychologues sociaux et de la personnalité a été un peu plus étudié l’année dernière, car ceux-ci sont au premier plan lorsqu’il s’agit de trouver des moyens de faire adhérer les gens aux mesures de santé publique. Il ne suffit sûrement pas de « formuler votre message dans ce sens et tout le monde portera un masque et se fera vacciner ». La question est plutôt de savoir quel type de message, d’image et de rhétorique incitera le plus grand nombre de personnes à prendre les précautions nécessaires pour se protéger. Le Dr Zelenski dit que ce processus est très complexe.

« Lors de l’un de mes séminaires de deuxième cycle, pas plus tard que la semaine dernière, nous examinions des articles contradictoires dans une revue très prestigieuse, et l’un d’entre eux disait : “Voici les choses que les psychologues sociaux ont apprises; appliquez-les à la pandémie!” L’autre venait d’un groupe composé principalement de psychologues sociaux et de psychologues de la personnalité et disait : “Attendez une seconde. Nous avons fait une tonne d’études, mais surtout sur les étudiants. Ce qu’elles nous ont appris n’est peut-être pas suffisant ni prêt à être appliqué.” Entre les deux, il y a des politiciens et des décideurs qui doivent prendre des décisions dans l’immédiat et qui veulent savoir si ces données scientifiques sont utiles ou non. Donc, même au sein de notre domaine, il y a un débat. Nous ne manquons pas de poser ces questions et d’y répondre, et si nos conseils ne sont pas aussi avisés qu’ils pourraient l’être dans cinq ans, beaucoup de gens estimeront qu’ils sont au moins suffisamment judicieux pour être utiles dans l’immédiat. »

Selon la Dre Starzyk, ce qui est surtout difficile, c’est maintenir la confiance des gens envers le gouvernement afin de les amener à faire confiance aux mesures de santé publique préconisées par ce gouvernement.

« Les gouvernements ne transposent pas toujours les résultats de la recherche en politiques, et ils se comportent de manière vraiment incohérente. Nous savons beaucoup de choses sur ce qui suscite la confiance à l’égard du gouvernement. Lorsqu’il dit que l’on peut circuler sans masque partout où l’on veut, puis que trois jours plus tard, les directives sont différentes, les gens commencent à se demander si cette politique est fondée sur un motif valable.

Même si nous savons que la question des contacts n’est plus aussi importante et qu’il n’est plus nécessaire de désinfecter tout ce qui se trouve dans la maison, l’une des raisons pour lesquelles les gouvernements ont hésité à annuler ce type de conseils est que cela aurait pu diminuer la confiance des gens. Je pense que ce n’est pas très sage, il faut choisir ce que la science offre de mieux à ce moment-là et éviter que les gens dépensent de l’argent pour acheter des choses dont ils n’ont pas besoin. »

La recherche en psychologie de la personnalité et en psychologie sociale a beaucoup fait, mais reste un peu méconnue du grand public. Nous espérons que cela changera. Les psychologues sociaux et les psychologues de la personnalité nous aident à combattre le racisme, à nous comporter de façon plus écologique et tentent de nous convaincre de porter un masque et de nous faire vacciner. Pour vivre mieux.


Profils du Mois de la psychologie : Dr Randal Tonks et Dre Gira Bhatt, Psychologie internationale et interculturelle

Dr. Randal Tonks
Dr Randal Tonks
Dr. Gira Bhatt
Dre Gira Bhatt

Dr Randal Tonks et Dre Gira Bhatt, Psychologie internationale et interculturelle
La psychologie internationale et la psychologie interculturelle sont deux domaines distincts, mais connexes. L’étude des différences et des similitudes culturelles apporte depuis longtemps une perspective nécessaire à la psychologie, et ce travail s’accélère à mesure que le monde devient de plus en plus connecté. Nous avons parlé au Dr Randal Tonks et à la Dre Gila Bhatt du travail qu’ils font dans ce domaine.

À propos de Dr David Nussbaum et Dr Yusef Karimi

Extrémisme et terrorisme

« J’avais un camarade de classe à l’école secondaire qui était extrêmement intelligent. Il n’était pas religieux à cette époque; la plupart des Kurdes sont séculiers et ils ne croient pas beaucoup en une religion fondamentaliste ou extrémiste. Alors que j’étais étudiant à la maîtrise à l’université, j’ai appris qu’il s’était associé à Al Qaeda en Afghanistan. À ce moment-là, je me demandais pourquoi les gens souhaitaient rallier Daech, Al Qaeda et d’autres groupes extrémistes. Surtout que la plupart de mes amis et moi-même avions toujours été contre ces groupes dans ma province. Environ un an après, j’ai entendu dire qu’il avait été tué en Afghanistan avec Abdullah Massoud. J’étais en état de choc. Pourquoi? Pourquoi les avait-il rejoints? Où étaient les racines psychologiques de tout ce processus? »

Le Dr Yusef Karimi est Kurde. Il est venu au Canada de l’Iran, quand sa femme a obtenu un bon emploi ici il y a un peu plus d’un an. Il a terminé son doctorat en psychologie du counseling en Iran, où il s’est particulièrement consacré à comprendre ce qui motive les gens à s’associer à des groupes comme Al Qaeda. Pendant quatre ou cinq ans, il s’est rendu dans les villages de long de la frontière de l’Iran et de l’Irak lors de la prière du vendredi, et passant le reste de la fin de semaine à interviewer les membres de groupes extrémistes.

« J’ai communiqué avec eux, recueilli beaucoup d’information à leur sujet, en plus d’interviewer 16 djihadistes salafistes. Malheureusement, après ces entrevues, trois d’entre eux se sont joints à Daech en Syrie et se sont fait tuer là-bas. En tant qu’être humain et psychologue, j’avais appris à connaître ces gens pendant un moment. Leur mort m’a beaucoup déprimé. À cette époque, ma première idée était de trouver le moyen de convaincre les gens de ne pas s’associer à ces groupes extrémistes au départ. À ce jour, j’essaie toujours de trouver la réponse à cette question. »

La réponse, selon le Dr Karimi, ne se trouve certainement pas dans ce que l’Occident a fait sur le plan du contre-terrorisme, en envahissant l’Afghanistan et l’Irak avec pour objectif l’édification de la nation, menant des frappes de drones en Syrie et en Somalie, sans compter les autres interventions qui commencent par des agressions et aboutissent à des occupations militaires. Il évoque les événements récents survenus en Afghanistan, la résurgence des talibans après le retrait des États-Unis, comme exemple patent des lacunes de cette stratégie.

« Je crois que ce qui a été fait au Moyen-Orient sur le plan de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme est voué à l’échec en raison des répercussions de l’emploi de méthodes inappropriées. L’éradication de l’extrémisme actuel requiert une approche phénoménologique qui s’attaque aux racines du problème. Les politiciens et les responsables des politiques préfèrent habituellement définir et évaluer les groupes extrémistes présentement actifs au Moyen-Orient en fonction de leur capacité organisationnelle existante, plutôt que des menaces réelles qu’ils posent.

En tant que psychologue, en tant que personne ayant visité ces pays du Moyen-Orient et qui fait partie de cette culture, ce que nous avons observé au cours des derniers mois en Afghanistan est l’échec des efforts des 20 dernières années visant l’édification de la nation. Nous pouvons considérer de multiples facteurs ayant mené à ce revers, mais à mon avis, il en est un que nous devrions examiner de très près. C’est-à-dire l’absence de connaissances des caractéristiques individuelles du peuple afghan. Dans cette situation, la psychologie peut nous fournir une très grande quantité de connaissances sur les caractéristiques d’une communauté donnée. Et cela peut nous mener loin sur la voie de la pacification et de la résolution des conflits. »

Les talibans, de retour aux commandes de l’Afghanistan, ont fait les gros titres ces dernières semaines lorsqu’ils se sont joints au reste du monde pour appeler à une résolution pacifique de l’invasion russe en Ukraine. En soi, cet appel a suscité beaucoup de réactions partout dans le monde : « quand les talibans réclament la paix, on sait qu’il se passe quelque chose de terrible… », ce qui traduit une sérieuse absence de nuance et de compréhension à l’égard de la région.

En 1989, les moudjahidines afghans ont défait l’Union soviétique, la repoussant hors de l’Afghanistan après une guerre longue et coûteuse. Puis, ils sont arrivés à renverser le gouvernement afghan soutenu par les communistes en place à ce moment, mais se sont rapidement fractionnés, et après une seconde guerre civile en Afghanistan, ont cédé le pouvoir aux talibans. Les moudjahidines se sont dispersés dans toutes les directions, dont l’une était menée par Oussama ben Laden, un des supporteurs les plus connus des moudjahidines.

L’agression soviétique, maintenant russe, n’a rien de nouveau. Avant l’invasion odieuse de l’Ukraine, ces derniers jours, les forces militaires de Poutine et les fermes de bots s’adonnaient au cyberterrorisme partout sur la planète, ce qui aurait pu être un signal pour le reste du monde qu’ils préparaient quelque chose de plus conventionnellement violent.

Le Dr David Nussbaum est le président de la Section de l’extrémisme et du terrorisme de la SCP. Le Dr Nussbaum a un doctorat en psychologie biologique, mais il souligne qu’il a vraiment appris la psychologie clinique au volant d’un taxi qu’il conduisait deux nuits par semaine pendant quatre ans, alors qu’il terminait son doctorat. Il a fait des études postdoctorales en neuropsychologie, au cours desquelles il s’est intéressé à la psychologie médicolégale. Il est devenu membre de la Section de la justice pénale de la SCP, et en a été le président pendant sept ans. Il y a fait la rencontre du Dr Wagdy Loza, alors psychologue en chef au pénitencier de Kingston. Le Dr Loza a lancé la Section de l’extrémisme et du terrorisme et le Dr Nussbaum fut l’un des premiers signataires ayant contribué à obtenir le statut initial de la section. Cela l’a orienté vers le terrorisme au Moyen-Orient, mais il parle du lien entre le communisme, l’extrémisme et le terrorisme depuis de nombreuses années.

« Les gens sont séduits par la promesse d’une utopie communiste, le paradis du travailleur. Sauf qu’après cinq ans dans une économie marxiste, ils sont chanceux de pouvoir manger. Ils pourraient invoquer qu’ils ressentent le remords de l’acheteur et qu’ils veulent se débarrasser du gouvernement. C’est à ce moment que la nature totalitaire, draconienne de l’étatisme émerge. Pensez aux goulags russes, et ainsi de suite. »

La nature totalitaire et draconienne de Poutine l’étatiste est actuellement manifeste, tandis que le monde réagit à l’invasion de l’Ukraine par une condamnation quasi universelle. Cependant, il est intéressant de noter la différence entre la réaction du monde à cette invasion, lorsqu’on la compare avec l’invasion américaine de l’Afghanistan ou l’offensive de l’Arabie saoudite au Yémen. La guerre est la guerre, qu’elle ait lieu au Moyen-Orient ou en Europe, et le Dr Nussbaum affirme sans ambages qu’il n’existe pas de lieu unique où le terrorisme, ou les idéologies qui le produisent prospèrent.

« Le terrorisme ne se limite pas à une région géographique, à une idéologie particulière; il y a des terroristes partout au monde, et ce, depuis des millénaires. Aujourd’hui, dans les 25 ou 30 dernières années, c’est devenu un enjeu majeur parce que diverses idéologies cherchent à prendre le contrôle de la planète (ou d’immenses parties de la planète). L’une des choses qu’ils font pour influencer les gouvernements et les citoyens est l’utilisation du terrorisme pour instiller la peur afin que les gens se soumettent à leurs diktats. C’est toujours fait dans un but politique. »

Le Dr Karimi mentionne qu’au cours de l’histoire, nous avons souvent dû revoir ce que nous pensions savoir, en raison d’une violence extrémiste que nous n’avions pas envisagée auparavant.

« Nous avons fait l’expérience du fascisme et du racisme en Allemagne avant la Seconde Guerre mondiale. Au XXe siècle, Hannah Arendt affirmait qu’avec la montée du totalitarisme nous étions confrontés à un nouveau phénomène et à une nouvelle réalité. La classe politique n’avait jamais fait face à cette situation auparavant, alors elle disait que nous devions établir une nouvelle science de la politique pour expliquer et interpréter le terrorisme. Tout comme ce qu’affirmait Alexis de Tocqueville au XVIIIe siècle après la Révolution française. Aujourd’hui, la psychologie, et la psychologie politique en particulier, fait face à un autre phénomène inédit et à une nouvelle réalité. Cela soulève plusieurs questions. Par exemple, comment pouvons-nous comprendre l’individu dans une société comme l’Afghanistan, ou la Syrie ou l’Irak, dans laquelle l’ordre social repose largement sur une structure tribale? Le fait de tenter d’édifier une nouvelle nation en Afghanistan n’était absolument pas aligné avec cette culture. »

Après le 11-Septembre, l’extrémisme a commencé à devenir un problème grave en Amérique du Nord, les groupes d’extrême droite à idéologie anti-islamiste essaimant partout. Les efforts déployés par l’Occident pour supprimer ces groupes et éviter de leur donner une tribune n’ont eu qu’un effet limité et, ces dernières années, l’extrémisme a atteint de nouveaux sommets en gagnant en puissance.

Selon le Dr Karimi, la solution à ce problème est semblable à la solution au terrorisme moyen-oriental : rejoindre les gens avant qu’ils ne deviennent extrémistes. Ce sera un processus de longue haleine, et ça ne peut se produire du jour au lendemain, mais le fait de comprendre la culture et de l’accueillir sèmera les graines d’une désescalade de l’extrémisme à l’avenir. Il dit du Canada, où il habite depuis un an,

« De nombreux immigrants viennent au Canada et c’est bien ainsi puisqu’ils apportent avec eux une grande quantité de connaissances de l’extérieur. Mais nous devrions avoir un plan pour intégrer ces gens et leur culture. C’est bien beau d’accueillir beaucoup d’immigrants et de réfugiés. Mais on doit compter sur un plan pour les intégrer à la société canadienne. Les voir vivre avec d’autres Canadiens de manière intégrée, pour qu’ils ne soient pas perçus comme “l’autre”, ce qui est actuellement le cas pour nombre d’entre eux. C’est bien que nous ayons un pays multiculturel, mais nous pourrions faire beaucoup plus pour tirer profit de ce multiculturalisme afin de rendre le Canada meilleur. »


Profils du Mois de la psychologie : Dr David Nussbaum et Dr Yusef Karimi, Extrémisme et terrorisme

Dr. David Nussbaum
Dr David Nussbaum
Dr. Yusef Karimi
Dr Yusef Karimi

Dr David Nussbaum et Dr Yusef Karimi, Extrémisme et terrorisme
L’extrémisme et le terrorisme ne se limitent pas à une région géographique ou à une période donnée. Nous en voyons les résultats partout dans le monde, ici en Amérique du Nord, au Moyen-Orient, et plus récemment, en Europe. Le Dr David Nussbaum et le Dr Yusef Karimi discutent du rôle de la psychologie dans la compréhension, et éventuellement, dans la prévention de la violence extrémiste.

À propos de Dr David Nussbaum et Dr Yusef Karimi

Extrémisme et terrorisme

« J’avais un camarade de classe à l’école secondaire qui était extrêmement intelligent. Il n’était pas religieux à cette époque; la plupart des Kurdes sont séculiers et ils ne croient pas beaucoup en une religion fondamentaliste ou extrémiste. Alors que j’étais étudiant à la maîtrise à l’université, j’ai appris qu’il s’était associé à Al Qaeda en Afghanistan. À ce moment-là, je me demandais pourquoi les gens souhaitaient rallier Daech, Al Qaeda et d’autres groupes extrémistes. Surtout que la plupart de mes amis et moi-même avions toujours été contre ces groupes dans ma province. Environ un an après, j’ai entendu dire qu’il avait été tué en Afghanistan avec Abdullah Massoud. J’étais en état de choc. Pourquoi? Pourquoi les avait-il rejoints? Où étaient les racines psychologiques de tout ce processus? »

Le Dr Yusef Karimi est Kurde. Il est venu au Canada de l’Iran, quand sa femme a obtenu un bon emploi ici il y a un peu plus d’un an. Il a terminé son doctorat en psychologie du counseling en Iran, où il s’est particulièrement consacré à comprendre ce qui motive les gens à s’associer à des groupes comme Al Qaeda. Pendant quatre ou cinq ans, il s’est rendu dans les villages de long de la frontière de l’Iran et de l’Irak lors de la prière du vendredi, et passant le reste de la fin de semaine à interviewer les membres de groupes extrémistes.

« J’ai communiqué avec eux, recueilli beaucoup d’information à leur sujet, en plus d’interviewer 16 djihadistes salafistes. Malheureusement, après ces entrevues, trois d’entre eux se sont joints à Daech en Syrie et se sont fait tuer là-bas. En tant qu’être humain et psychologue, j’avais appris à connaître ces gens pendant un moment. Leur mort m’a beaucoup déprimé. À cette époque, ma première idée était de trouver le moyen de convaincre les gens de ne pas s’associer à ces groupes extrémistes au départ. À ce jour, j’essaie toujours de trouver la réponse à cette question. »

La réponse, selon le Dr Karimi, ne se trouve certainement pas dans ce que l’Occident a fait sur le plan du contre-terrorisme, en envahissant l’Afghanistan et l’Irak avec pour objectif l’édification de la nation, menant des frappes de drones en Syrie et en Somalie, sans compter les autres interventions qui commencent par des agressions et aboutissent à des occupations militaires. Il évoque les événements récents survenus en Afghanistan, la résurgence des talibans après le retrait des États-Unis, comme exemple patent des lacunes de cette stratégie.

« Je crois que ce qui a été fait au Moyen-Orient sur le plan de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme est voué à l’échec en raison des répercussions de l’emploi de méthodes inappropriées. L’éradication de l’extrémisme actuel requiert une approche phénoménologique qui s’attaque aux racines du problème. Les politiciens et les responsables des politiques préfèrent habituellement définir et évaluer les groupes extrémistes présentement actifs au Moyen-Orient en fonction de leur capacité organisationnelle existante, plutôt que des menaces réelles qu’ils posent.

En tant que psychologue, en tant que personne ayant visité ces pays du Moyen-Orient et qui fait partie de cette culture, ce que nous avons observé au cours des derniers mois en Afghanistan est l’échec des efforts des 20 dernières années visant l’édification de la nation. Nous pouvons considérer de multiples facteurs ayant mené à ce revers, mais à mon avis, il en est un que nous devrions examiner de très près. C’est-à-dire l’absence de connaissances des caractéristiques individuelles du peuple afghan. Dans cette situation, la psychologie peut nous fournir une très grande quantité de connaissances sur les caractéristiques d’une communauté donnée. Et cela peut nous mener loin sur la voie de la pacification et de la résolution des conflits. »

Les talibans, de retour aux commandes de l’Afghanistan, ont fait les gros titres ces dernières semaines lorsqu’ils se sont joints au reste du monde pour appeler à une résolution pacifique de l’invasion russe en Ukraine. En soi, cet appel a suscité beaucoup de réactions partout dans le monde : « quand les talibans réclament la paix, on sait qu’il se passe quelque chose de terrible… », ce qui traduit une sérieuse absence de nuance et de compréhension à l’égard de la région.

En 1989, les moudjahidines afghans ont défait l’Union soviétique, la repoussant hors de l’Afghanistan après une guerre longue et coûteuse. Puis, ils sont arrivés à renverser le gouvernement afghan soutenu par les communistes en place à ce moment, mais se sont rapidement fractionnés, et après une seconde guerre civile en Afghanistan, ont cédé le pouvoir aux talibans. Les moudjahidines se sont dispersés dans toutes les directions, dont l’une était menée par Oussama ben Laden, un des supporteurs les plus connus des moudjahidines.

L’agression soviétique, maintenant russe, n’a rien de nouveau. Avant l’invasion odieuse de l’Ukraine, ces derniers jours, les forces militaires de Poutine et les fermes de bots s’adonnaient au cyberterrorisme partout sur la planète, ce qui aurait pu être un signal pour le reste du monde qu’ils préparaient quelque chose de plus conventionnellement violent.

Le Dr David Nussbaum est le président de la Section de l’extrémisme et du terrorisme de la SCP. Le Dr Nussbaum a un doctorat en psychologie biologique, mais il souligne qu’il a vraiment appris la psychologie clinique au volant d’un taxi qu’il conduisait deux nuits par semaine pendant quatre ans, alors qu’il terminait son doctorat. Il a fait des études postdoctorales en neuropsychologie, au cours desquelles il s’est intéressé à la psychologie médicolégale. Il est devenu membre de la Section de la justice pénale de la SCP, et en a été le président pendant sept ans. Il y a fait la rencontre du Dr Wagdy Loza, alors psychologue en chef au pénitencier de Kingston. Le Dr Loza a lancé la Section de l’extrémisme et du terrorisme et le Dr Nussbaum fut l’un des premiers signataires ayant contribué à obtenir le statut initial de la section. Cela l’a orienté vers le terrorisme au Moyen-Orient, mais il parle du lien entre le communisme, l’extrémisme et le terrorisme depuis de nombreuses années.

« Les gens sont séduits par la promesse d’une utopie communiste, le paradis du travailleur. Sauf qu’après cinq ans dans une économie marxiste, ils sont chanceux de pouvoir manger. Ils pourraient invoquer qu’ils ressentent le remords de l’acheteur et qu’ils veulent se débarrasser du gouvernement. C’est à ce moment que la nature totalitaire, draconienne de l’étatisme émerge. Pensez aux goulags russes, et ainsi de suite. »

La nature totalitaire et draconienne de Poutine l’étatiste est actuellement manifeste, tandis que le monde réagit à l’invasion de l’Ukraine par une condamnation quasi universelle. Cependant, il est intéressant de noter la différence entre la réaction du monde à cette invasion, lorsqu’on la compare avec l’invasion américaine de l’Afghanistan ou l’offensive de l’Arabie saoudite au Yémen. La guerre est la guerre, qu’elle ait lieu au Moyen-Orient ou en Europe, et le Dr Nussbaum affirme sans ambages qu’il n’existe pas de lieu unique où le terrorisme, ou les idéologies qui le produisent prospèrent.

« Le terrorisme ne se limite pas à une région géographique, à une idéologie particulière; il y a des terroristes partout au monde, et ce, depuis des millénaires. Aujourd’hui, dans les 25 ou 30 dernières années, c’est devenu un enjeu majeur parce que diverses idéologies cherchent à prendre le contrôle de la planète (ou d’immenses parties de la planète). L’une des choses qu’ils font pour influencer les gouvernements et les citoyens est l’utilisation du terrorisme pour instiller la peur afin que les gens se soumettent à leurs diktats. C’est toujours fait dans un but politique. »

Le Dr Karimi mentionne qu’au cours de l’histoire, nous avons souvent dû revoir ce que nous pensions savoir, en raison d’une violence extrémiste que nous n’avions pas envisagée auparavant.

« Nous avons fait l’expérience du fascisme et du racisme en Allemagne avant la Seconde Guerre mondiale. Au XXe siècle, Hannah Arendt affirmait qu’avec la montée du totalitarisme nous étions confrontés à un nouveau phénomène et à une nouvelle réalité. La classe politique n’avait jamais fait face à cette situation auparavant, alors elle disait que nous devions établir une nouvelle science de la politique pour expliquer et interpréter le terrorisme. Tout comme ce qu’affirmait Alexis de Tocqueville au XVIIIe siècle après la Révolution française. Aujourd’hui, la psychologie, et la psychologie politique en particulier, fait face à un autre phénomène inédit et à une nouvelle réalité. Cela soulève plusieurs questions. Par exemple, comment pouvons-nous comprendre l’individu dans une société comme l’Afghanistan, ou la Syrie ou l’Irak, dans laquelle l’ordre social repose largement sur une structure tribale? Le fait de tenter d’édifier une nouvelle nation en Afghanistan n’était absolument pas aligné avec cette culture. »

Après le 11-Septembre, l’extrémisme a commencé à devenir un problème grave en Amérique du Nord, les groupes d’extrême droite à idéologie anti-islamiste essaimant partout. Les efforts déployés par l’Occident pour supprimer ces groupes et éviter de leur donner une tribune n’ont eu qu’un effet limité et, ces dernières années, l’extrémisme a atteint de nouveaux sommets en gagnant en puissance.

Selon le Dr Karimi, la solution à ce problème est semblable à la solution au terrorisme moyen-oriental : rejoindre les gens avant qu’ils ne deviennent extrémistes. Ce sera un processus de longue haleine, et ça ne peut se produire du jour au lendemain, mais le fait de comprendre la culture et de l’accueillir sèmera les graines d’une désescalade de l’extrémisme à l’avenir. Il dit du Canada, où il habite depuis un an,

« De nombreux immigrants viennent au Canada et c’est bien ainsi puisqu’ils apportent avec eux une grande quantité de connaissances de l’extérieur. Mais nous devrions avoir un plan pour intégrer ces gens et leur culture. C’est bien beau d’accueillir beaucoup d’immigrants et de réfugiés. Mais on doit compter sur un plan pour les intégrer à la société canadienne. Les voir vivre avec d’autres Canadiens de manière intégrée, pour qu’ils ne soient pas perçus comme “l’autre”, ce qui est actuellement le cas pour nombre d’entre eux. C’est bien que nous ayons un pays multiculturel, mais nous pourrions faire beaucoup plus pour tirer profit de ce multiculturalisme afin de rendre le Canada meilleur. »


Profils du Mois de la psychologie : Dre Wendy Darr, Dr Allister MacIntyre, Dre Susan Dowler et Dr Damian O’Keefe, Psychologie du milieu militaire

Dr. Wendy Darr
Dre Wendy Darr
Dr. Allister MacIntyre
Dr Allister MacIntyre
Dr. Damian O’Keefe
Dr Damian O’Keefe

Dre Wendy Darr, Dr Allister MacIntyre, Dre Susan Dowler et Dr Damian O’Keefe, Psychologie du milieu militaire
Les psychologues dans l’armée jouent de nombreux rôles, de la sélection du personnel à la conception de la formation en passant par un certain nombre de rôles thérapeutiques. Nous avons échangé avec la Dre Wendy Darr, le Dr Allister MacIntyre, la Dre Susan Dowler et le Dr Damian O’Keefe pour en apprendre davantage sur le sujet.

À propos de Dre Wendy Darr, Dr Allister MacIntyre, Dre Susan Dowler et Dr Damian O’Keefe

Psychologie du milieu militaire

Au milieu des années 1980, « un véritable exercice militaire était mené en Europe, impliquant des pays de partout dans le monde. Les Allemands de l’Ouest ont été chargés de la “guerre psychologique”. Il s’agissait d’un exercice d’entraînement et tous les individus qui y étaient engagés savaient que ce n’était pas une vraie guerre. Les Allemands de l’Ouest ont rédigé un seul tract qui a mis un terme à tout l’exercice. Ils ont attendu la fin de la deuxième semaine de l’exercice. Les soldats de première ligne avaient dormi dans la boue, ils étaient crasseux et ils étaient fatigués. S’ils dormaient un peu, ils étaient privés de sommeil – en fait, ils se sentaient absolument malheureux. Le tract que les Allemands de l’Ouest ont distribué ressemblait en tout point à une publicité de la pizzeria du coin, offrant de livrer des pizzas gratuitement à leurs camarades de l’échelon arrière : les infirmiers, les personnes chargées de l’approvisionnement et celles qui n’étaient pas au combat. Quand les soldats sur le terrain ont réalisé que pendant qu’ils vivaient dans la boue et mangeaient des boîtes de rations, leurs collègues soldats étaient derrière eux, à manger de la pizza gratuite, ils se sont dit merde, et ils ont démissionné. On ne ferait pas ça dans un vrai scénario de guerre, mais dans ce scénario en temps de paix, l’énorme écart entre leurs conditions de vie et ce qu’ils percevaient des conditions de vie des autres a suffi pour qu’ils décident de ne plus jouer le jeu ».

Le Dr Allister MacIntyre a passé 31 ans dans les Forces armées canadiennes en tant qu’officier de sélection du personnel. Il est titulaire d’un doctorat en psychologie sociale, mais sa thèse portait davantage sur les comportements au travail : la culture, le climat et le leadership au sein de l’Aviation royale canadienne. Quand il était encore un militaire en uniforme, il s’est rendu en Allemagne de l’Ouest. Il y a suivi un cours offert par l’armée sur la guerre psychologique, destiné aux officiers de l’OTAN. Il intègre aujourd’hui certains des principes qu’il a retenus au cours sur l’influence et la persuasion qu’il donne au Collège militaire.

En général, quand nous pensons à la guerre psychologique, nous pensons aux militaires américains faisant jouer du Van Halen à tue-tête pendant des jours pour faire sortir Manuel Noriega de sa forteresse au Panama. (Le fait de lancer Panama de Van Halen dans ce scénario était, selon l’humble avis de l’auteur de ces lignes, un moyen plutôt ringard et beaucoup trop direct.) Récemment, le soi-disant convoi de la liberté qui a bloqué Ottawa pendant trois semaines a été accusé de mener une guerre psychologique par les politiciens, les juges et les forces de l’ordre, parce qu’ils ont usé de leurs klaxons incessants et de sirènes stridentes pour perturber le sommeil et le quotidien des résidents du quartier. Le Dr MacIntyre affirme que le concept général est beaucoup plus vaste que cela.

« La “guerre psychologique” n’est pas vue comme une discipline de la psychologie, elle est beaucoup plus associée à une discipline militaire qui se sert de principes psychologiques. Elle implique des choses comme la propagande, pour influencer vos ennemis et aussi pour obtenir le soutien sur le front intérieur. Les gens croient que la guerre psychologique vise à faire quelque chose à l’ennemi, mais il s’agit surtout d’obtenir le soutien de sa propre nation pour dire “nous faisons vraiment un travail légitime ici”. Certaines des choses que j’ai apprises dans ce cours étaient assez fascinantes pour ce qui est d’apprendre à connaître la culture du groupe que l’on tente d’influencer, en vue de déterminer les déclencheurs à employer pour le faire pencher dans un sens ou dans l’autre. »

Le Dr Damian O’Keefe a un doctorat en psychologie du travail et des organisations et il étudie le comportement humain en milieu de travail. Tout comme le Dr MacIntyre, il compte 30 ans de service militaire et il travaille actuellement à titre de scientifique civil de la Défense à la Division recherche et analyse (personnel militaire) du ministère de la Défense nationale, où il dirige des recherches appliquées pour soutenir les politiques relatives au personnel des Forces armées canadiennes. Il s’empresse de souligner que les psychologues canadiens ne participent pas à la guerre psychologique.

« Nous avons presque tous obtenu nos diplômes au Canada, donc nous respectons tous le code d’éthique de la SCP. S’abstenir de faire du mal représente le principe fondamental qui nous guide. »

L’emploi le plus courant pour un psychologue en uniforme dans les forces militaires canadiennes est celui d’officier de sélection du personnel. La psychologie fait partie des forces militaires canadiennes depuis la Deuxième Guerre mondiale, quand les psychologues ont aidé l’armée à mettre en place un mécanisme efficace de sélection des volontaires qui allaient occuper divers postes dans l’armée. Depuis, les psychologues sont engagés dans la sélection du personnel militaire. Vous pouvez en apprendre davantage sur les origines de la psychologie dans le contexte militaire et le travail qu’accomplissent actuellement les psychologues dans un chapitre de l’ouvrage Canadian Handbook for Careers in Psychological Science, corédigé par Damian O’Keefe, Samantha Urban et Wendy Darr.

La Dre Wendy Darr travaille aussi à la sélection et à l’évaluation, et elle a récemment remplacé le Dr O’Keefe à la tête de la Section de la psychologie du milieu militaire de la SCP. Elle est également scientifique civile de la Défense et elle dirige des recherches et des analyses relatives au personnel pour les forces militaires. Les recherches de la Dre Darr sont axées sur l’élaboration de nouveaux outils de sélection pour la sélection et le recrutement de personnes qui souhaitent devenir des soldats, des marins et des aviateurs. Elle décrit les critères qui permettent aux candidats d’être acceptés dans l’armée au Canada.

« Nous souhaitons surtout trouver ce que 100 ans de recherche ont déterminé comme le meilleur prédicteur de rendement au travail, c’est-à-dire la capacité cognitive générale. Les forces armées canadiennes forment tout le monde, et une grande part de cette formation est très dispendieuse. Alors, nous voulons nous assurer d’investir dans les personnes qui possèdent les aptitudes et la capacité de réussir, particulièrement dans les emplois plus techniques. Ainsi, à la base, nous cherchons à voir si vous êtes sain d’esprit et possédez la capacité d’apprendre. La seconde dimension concerne la personnalité. Êtes-vous compatible avec les exigences d’un environnement militaire? Nous sommes à la recherche de personnes qui adhèrent aux valeurs militaires. Le candidat a-t-il l’aptitude innée de réussir dans un milieu reposant sur des règles, d’être organisé et structuré, et d’agir comme un meneur lorsque nécessaire? Nous cherchons également des personnes qui ont ce qu’il faut pour offrir un bon rendement dans un contexte d’adversité. Êtes-vous stable sur le plan émotionnel? L’entraînement militaire peut être ardu, alors nous voulons nous assurer que les gens ont ce qu’il faut pour composer avec les pressions de l’entraînement. »

Les forces militaires comptent sur toutes les disciplines de la psychologie. Elles disposent de psychologues du travail et des organisations, de psychologues spécialisés en psychologie sociale et de psychologues cliniciens pour soutenir les militaires lorsqu’ils sont aux prises avec des problèmes de santé mentale. Ces psychologues travaillent dans les cliniques militaires et dans certaines unités spécialisées. La vaste majorité des psychologues travaillent dans les 31 cliniques militaires situées partout au Canada, qui comprennent sept centres de soutien pour trauma et stress opérationnels (CSTSO) et prodiguent des soins de santé mentale très semblables à ce qui est offert dans les hôpitaux. (Aussi tiré du Canadian Handbook for Careers in Psychological Science.)

La Dre Susan Dowler est psychologie clinicienne en chef à la Direction de la santé mentale des Services de santé des Forces canadiennes. Elle est la responsable principale de la pratique en psychologie, ce qui signifie qu’elle participe à l’élaboration des lignes directrices relatives à la pratique et à la conformité, mène des enquêtes en cas de problèmes et met en place des formations éducatives. Au contraire des officiers de sélection du personnel, les psychologues cliniciens sont toujours des civils.

« Pour ce qui est des psychologues cliniciens, ils ne sont pas membres du personnel militaire, ils ne sont pas des personnes en uniforme. Ils sont soit des employés de la fonction publique ou des professionnels contractuels. Certains autres pays ont des psychologues cliniciens intégrés aux unités, par exemple les États-Unis, mais en général ce n’est pas le cas au Canada. »

En janvier 1994, Roméo Dallaire envoyait le désormais célèbre ‘fax sur le génocide’ au siège de l’ONU, alertant qu’un génocide était planifié au Rwanda. Quelques mois plus tard, le génocide s’amorçait : entre 500 000 et un million de Tutsis ont été tués sur une période de 100 jours. Dallaire, se sentant abandonné et ignoré par l’ONU et ayant témoigné de mois d’horreurs inimaginables, a beaucoup souffert d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT) après le Rwanda. Il a milité en faveur de la création de services de santé mentale spécialisés pour traiter les blessures de stress opérationnel. Le Dr Dowler mentionne que le premier CSTSO a été créé en 1999.

Au fil du temps, les psychologues cliniciens sont de plus en plus engagés auprès de l’armée et ils jouent un rôle essentiel lorsque des problèmes surviennent. La stigmatisation associée à la recherche d’aide en santé mentale a toujours été omniprésente dans la société, mais plus particulièrement dans le milieu militaire où, comme le souligne le Dr MacIntyre, « on s’attend à ce que les gens soient forts ». Le Dr O’Keefe et lui-même se sont tous deux rendus en Australie, pour travailler avec l’armée australienne. Ils ont remarqué, il y a de nombreuses années, que tous les soldats qui avaient été déployés pour quelque raison que ce soit devaient consulter un psychologue à leur retour en Australie. Ce n’était qu’un dépistage, mais cette démarche éliminait une part de l’ostracisme entourant le fait d’avoir à parler à un professionnel, puisque tout le monde devait le faire. Le Dr Dowler indique qu’une pratique similaire est en place dans les forces militaires canadiennes.

« Nous faisons depuis longtemps du dépistage postdéploiement. Entre trois à six mois après le déploiement, les soldats remplissent des questionnaires et ont une entrevue avec un travailleur social. Si une information est jugée comme étant potentiellement problématique, le militaire est orienté vers les services de santé mentale. Pour voir un psychologue, il faut être aiguillé par le personnel médical. »

Le dépistage postdéploiement n’est qu’une partie du processus auquel sont soumis les soldats après avoir participé à des combats. Les psychologues ont ajouté une nouvelle étape pour rendre le retour au Canada et à la vie familiale un peu plus facile et plus réussi. Le Dr O’Keefe explique :

« Quand les soldats reviennent d’un déploiement outremer, ils passent par une “décompression dans un tiers lieu”. C’est-à-dire deux ou trois jours pendant lesquels ils sortent du théâtre des opérations qui étaient potentiellement très difficiles. Ils se rendent dans un endroit très calme et la plupart du temps au climat assez chaud, où ils reçoivent des breffages de la part de gens comme Susan (psychologues cliniciens) et d’autres professionnels qui leur disent “si vous ressentez ce symptôme, voici ce que vous devez faire”. On ne peut pas mettre des soldats dans un avion et les renvoyer chez eux directement d’Afghanistan. Ils ont besoin de temps pour décompresser et pour absorber ce qu’ils ont vécu. Et, évidemment, pour obtenir de l’aide professionnelle s’ils en ont besoin. »

Les psychologues font partie du processus militaire depuis le moment où un individu s’enrôle jusqu’aux années qui suivent sa dernière mission. Ils les aident à s’entraîner, à performer et à guérir pour qu’ils soient aussi sains, adaptés et émotionnellement stables que possible lorsqu’ils se rendront à leur soirée pizza.


Profils du Mois de la psychologie : Alejandra Botia et Emily Winters, section des étudiants

Alejandra Botia
Alejandra Botia
Emily Winters
Emily Winters

Alejandra Botia et Emily Winters, section des étudiants

Les étudiants en psychologie, comme tous les étudiants, ont eu une adaptation difficile à faire ces deux dernières années. Alejandra Botia et Emily Winters nous ont parlé de ce qu’elles font pour aider leurs camarades étudiants à relever les nouveaux défis posés par la COVID.

À propos de Alejandra Botia et Emily Winters

Section des étudiants

Emily Winters est beaucoup moins verte, mesure environ un mètre et demi de plus que Yoda et parle de manière beaucoup moins énigmatique que lui. Elle est étudiante au doctorat en psychologie clinique à l’Université de Regina et elle est la première responsable de la JEDI de la Section des étudiants en psychologie de la SCP. C’est la première année que la Section des étudiants en psychologie dispose d’une personne responsable de la justice, de l’équité, de la diversité et de l’inclusion – eh oui, le nom a été choisi intentionnellement à partir des propositions d’autres membres étudiants.

« Je suis la première personne à occuper ce poste, et j’étais très heureuse lorsqu’on l’a créé. Nous avons déjà commencé à recruter des bénévoles pour former un comité JEDI, et cela devrait bientôt être terminé. Son rôle principal sera de compiler des listes de ressources qui seront mises à la disposition des membres de la section. Nous espérons également organiser un événement en vue du congrès de 2022, destiné aux étudiants et portant sur la justice, l’équité, la diversité et l’inclusion. »

Lorsque le Haut Conseil Jedi a été créé, ses membres ont été choisis très intentionnellement. Plo Koon était un Kel Dor originaire de Dorin – c’est lui qui devait porter des lunettes et un masque pour pouvoir respirer dans certaines atmosphères. Adi Gallia représentait le peuple tholothien, Ki-Adi-Mundi, avec son cerveau binaire, représentait Céréa. Et Mace Windu a été choisi pour satisfaire tous les admirateurs qui aiment vraiment voir Samuel L. Jackson en action. Le comité JEDI de la Section des étudiants en psychologie sera semblable – un comité chargé de la diversité et de l’inclusion doit également veiller à la représentativité.

« Comme il s’agit d’un rôle joué par la section pour les étudiants, c’est un objectif très important pour nous – rendre la population étudiante aussi diverse et équitable que possible. Il est également important de penser à long terme pour que les cliniciens, les chercheurs et les psychologues en général intègrent ces valeurs dans leur travail et leur pratique. J’essaie de garder à l’esprit qu’il ne suffit pas d’augmenter le nombre d’étudiants issus de groupes marginalisés pour obtenir des changements concrets. Cela ne peut être notre seule stratégie. Nous devons nous assurer que les psychologues pensent de cette façon : qui ils embauchent dans leurs laboratoires, à quoi ressemble la composition de leur cabinet. »

Cette idée, à savoir que le simple fait de recruter des étudiants d’origines diverses n’aboutira pas à une diversification à long terme, est également reprise au conseil d’administration de la SCP. Alejandra Botia est étudiante de troisième année en psychologie à l’Université de la Colombie-Britannique et elle est la présidente de la Section des étudiants en psychologie. Son rôle de présidente consiste notamment à représenter la section au conseil d’administration.

« J’ai rejoint le conseil d’administration à l’été 2020, à une époque où nous discutions beaucoup de la justice sociale et des injustices raciales. Ce qui me plaît le plus dans le fait d’avoir rejoint la SCP à ce titre, c’est de rencontrer des gens comme Emily, et de siéger au conseil d’administration aux côtés de personnes qui travaillent très dur et qui tiennent véritablement à se réunir pour discuter de sujets intéressants et difficiles. Il faut beaucoup de courage et d’humilité pour être capable de se présenter dans ces contextes. Ce que je constate, c’est que le conseil se réunit pour faire cela. Et je suis aussi très inspirée par les étudiants que j’ai rencontrés. Souvent, il faut encore plus de courage pour se montrer dans ce contexte, car en tant qu’étudiants, nous avons souvent moins de pouvoir. Au conseil d’administration, j’essaie de faire en sorte que la parole des étudiants soit de plus en plus entendue. L’une des choses merveilleuses que nous avons faites l’année dernière a été d’élaborer un sondage auprès des membres étudiants pour savoir ce qu’ils attendaient du rôle actuel d’Emily. Qu’est-ce qui était important pour eux? Ce qu’ils voulaient que nous considérions, même le nom. C’est là que je peux vraiment faire le lien entre ce que fait la Section des étudiants et ce que fait le conseil d’administration. »

Les membres du comité exécutif de la Section des étudiants en psychologie ont dû faire leur travail dans une période d’agitation sans précédent, la pandémie ayant fait que les réunions virtuelles sont devenues la norme. Les membres du comité exécutif sont tous désormais comme Ki-Adi-Mundi, qui n’a jamais assisté en personne à une seule réunion du Haut Conseil Jedi et qui s’est toujours présenté sous forme d’hologramme. Cela a présenté des difficultés non seulement pour le comité exécutif, mais aussi pour les étudiants en général.

Selon Emily, « la transition vers l’université a été assez difficile pendant la pandémie, probablement plus difficile qu’elle ne l’aurait été autrement – surtout pour les étudiants de premier cycle. La transition vers l’apprentissage en ligne a été difficile, et beaucoup de gens n’aiment pas ça. Pour certains, cela fonctionne très bien, mais pour beaucoup, c’est un véritable défi. Le fait d’être isolé a également été très difficile pour les étudiants. Beaucoup d’étudiants de mon programme quittent leur province d’origine pour faire des études supérieures. Ils cessent donc de vivre chez leurs parents pour aller vivre complètement seuls dans l’hiver très froid de la Saskatchewan. Être étudiant est difficile, et le fait d’avoir l’impression d’être seul rend les choses encore plus difficiles. »

Alejandra dit qu’en plus de l’isolement, il y a eu de nombreuses difficultés pratiques.

« Par ailleurs, les étudiants nous disent souvent que cela a perturbé leurs recherches et leur travail clinique. L’impossibilité de se rendre sur le campus et de mener leurs recherches comme ils en avaient l’habitude les oblige à faire preuve d’une grande créativité ou à mettre leur travail en veilleuse. Certains stages ne prenaient plus d’étudiants parce qu’ils ne pouvaient pas le faire. Le fait de devoir attendre, et peut-être de reporter certaines exigences de leur programme à cause de la pandémie, a vraiment préoccupé beaucoup d’étudiants. Les problèmes financiers ont également été soulevés – les étudiants ne sont pas très payés, si tant est qu’ils le soient; en raison de la pandémie, ils ont été privés des emplois qu’ils occupaient auparavant et des débouchés auxquels ils avaient accès auparavant. »

Pendant cette période, les liens, de quelque nature que ce soit, sont devenus plus importants que jamais. Le mentorat est l’un des moyens par lesquels ces liens se sont établis dans la Section des étudiants en psychologie. Où serait Luke Skywalker sans le mentorat de Yoda? Ou Anakin sans Obi-Wan… oubliez le dernier exemple. L’année dernière, Alejandra était la responsable du programme de mentorat étudiant de la SCP, et bien que le mentorat se soit toujours effectué de manière virtuelle, les étudiants de premier cycle et leurs mentors de deuxième et troisième cycles se trouvant rarement dans la même ville, et encore moins dans la même école, elle affirme que cette façon de communiquer est devenue plus importante et utile que jamais pendant la COVID.

« Le programme de mentorat a été formidable, en partie parce qu’il a permis d’établir des liens entre mentoré et mentor, mais aussi pour trouver des idées. Plusieurs questions ont surgi : « Je ne peux pas faire de stage, que puis-je faire d’autre? », et ainsi de suite. C’était une situation si peu habituelle, surtout pour des étudiants de premier cycle, que le fait d’avoir quelqu’un qui les aide à la traverser a été un exutoire très agréable. »

La pandémie a mis en lumière de nombreuses divisions au sein de la société canadienne, et plus particulièrement les inégalités dont souffrent plus lourdement que les autres les Noirs, les Autochtones et les personnes de couleur. Les étudiants en psychologie d’aujourd’hui et les membres de la Section des étudiants en psychologie ne font pas exception. Selon Alejandra,

« Les événements que nous avons vécus et dont nous avons été témoins ces dernières années ont également fait des ravages. Je pense aux Noirs et aux Autochtones, aux injustices raciales et à l’oppression systémique que beaucoup de personnes ont subies et continuent de subir. Je pense aussi aux crimes haineux contre les Asiatiques; de nombreux étudiants ont eux-mêmes fait l’expérience de la haine à caractère raciste pendant cette période. Pour les étudiants de couleur, ce fut une période particulièrement difficile. C’est l’une des raisons pour lesquelles il est si important de continuer à créer des lieux et des occasions permettant aux gens d’entrer en contact les uns avec les autres. »

Emily est maintenant chargée de créer l’une de ces possibilités de contact grâce à l’initiative JEDI. Le groupe vient juste de démarrer, mais elle et le reste du comité exécutif de la section ont une vision particulière de ce nouveau groupe.

« Il est encore tôt et je veux être sûre que le processus sera très collaboratif. Je veux m’assurer que le comité que nous allons créer est le plus diversifié possible du point de vue de la défense des intérêts. Je veux m’assurer qu’il y a, au comité, quelqu’un qui peut se concentrer sur la question des personnes handicapées, quelqu’un qui peut se charger des questions qui touchent les Noirs, etc. Nous voulons nous assurer d’avoir cette représentation dans la mesure du possible, sans attendre de ces personnes qu’elles parlent au nom de toute une communauté et qu’elles représentent un point de vue unique! Pour ma part, l’une des choses que je veux vraiment défendre, c’est la cause des peuples autochtones. Je suis de descendance inuite et européenne. La famille de mon père vient du Nunatsiavut, un territoire qui s’étend le long de la côte du Labrador; c’est donc une cause qui me tient personnellement à cœur. Je pense que c’est le cas pour beaucoup de gens, surtout avec la découverte des fosses dans les pensionnats; c’est un sujet qui intéresse beaucoup de gens. Comme responsable de la JEDI, une chose que j’aimerais faire, c’est de me plonger dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation et les appels à l’action. Pour voir ce que nous pouvons faire dans notre optique, et comme section. Et examiner où nous en sommes dans le domaine de la psychologie en général et où nous pouvons aller dorénavant et ce que nous pouvons mettre en œuvre. Je pense également qu’il est important de se pencher sur la COVID et sur la façon dont elle a touché particulièrement les communautés racisées, car il est évident que la pandémie a eu des répercussions disproportionnées sur les PANDC. »

Ce qu’Emily n’a pas dit – mais aurait peut-être pu dire – c’est « Tu dois désapprendre tout ce que tu as appris. Fais-le ou ne le fais pas! Il n’y a pas d’essai. »


Profils du Mois de la psychologie : Dr Jim Cresswell et Dr Thomas Teo, Histoire et philosophie de la psychologie

Dr Jim Cresswell
Dr Jim Cresswell
Dr Thomas Teo
Dr Thomas Teo

Dr Jim Cresswell et Dr Thomas Teo, Histoire et philosophie de la psychologie

Le domaine de l’histoire et de la philosophie de la psychologie est un champ d’études très vaste. Il implique en grande partie un mode de pensée axé sur une « vue d’ensemble ». Nous avons échangé avec le Dr Jim Cresswell et le Dr Thomas Teo sur leur manière de percevoir cette vue d’ensemble.

À propos de Dr Jim Cresswell et Dr Thomas Teo

Histoire et philosophie de la psychologie

« Pensez aux films et aux émissions de zombis : les zombis sont littéralement des sous-hommes. Vous pouvez tuer les zombis, les maltraiter sans vergogne, ils n’ont aucun droit. En réalité, vous avez le devoir de tuer les zombis parce qu’ils menacent d’anéantir votre mode de vie. »

Le Dr Thomas Teo est membre de la faculté des études historiques, théoriques et critiques du programme de psychologie de l’Université York. Pendant toute sa carrière professionnelle, il a activement contribué aux avancées en matière de psychologie théorique, critique et historique. Il a commencé par s’intéresser à l’histoire du racisme, a travaillé sur la relation entre la psychologie et le racisme et sur la mesure dans laquelle la psychologie scientifique peut être une forme de violence, que le Dr Teo désigne comme de la « violence épistémologique » (l’épistémologie est une branche de la philosophie s’attardant aux connaissances). Récemment, il a étudié la réémergence de la subjectivité fasciste, reposant sur le concept de sous-humains et le racisme, ainsi que la notion de suprématie culturelle que nous observons en Occident.

« Tandis que le racisme peut dans une certaine mesure reposer sur la science, notamment à l’aide de chiffres et de graphiques, la notion voulant que des gens soient sous-humains ne le peut pas. L’idée d’une classe de sous-humains, pensez aux zombis, constitue strictement une ontologie [la branche de la philosophie qui traite de l’être] visuelle. Vous ‘voyez’ et savez ce qu’est un zombi et vous n’avez pas besoin d’une explication scientifique pour le faire. Et il en est ainsi pour certains individus quand ils voient, disons, des migrants qui arrivent à la frontière. Ils courent, forment une caravane, ils marchent dans la neige, transportant des valises, jusqu’à la frontière, vers un endroit où ils ne peuvent obtenir d’accès “régularisé”. Ce comportement semble “anormal”, déviant de la façon dont les Américains et les Canadiens “ordinaires” se comportent. Cela montre visuellement qu’“ils” ne sont pas comme “nous”, qu’ils sont une classe de sous-hommes. Vous pouvez les maltraiter, les séparer de leurs familles, les mettre en cage. »

Le Dr Teo avance en fait que de les mettre en cage représente un moyen de les faire paraître encore plus sous-humains aux yeux du grand public. Cette situation prend sa source dans une longue tradition de déshumanisation des autres, en les dépeignant comme dégoûtants, parasitaires, hirsutes et désespérés. Ce qui correspond exactement à ce à quoi ressembleront les migrants retenus en cage à la frontière, sans douche ou savon ou nourriture décente, des semaines ou des mois durant.

« Je fonde cet argument sur deux sources, poursuit-il, dont l’une est une auteure américaine [Lothrop Stoddard] qui a écrit sur le “sous-homme”, une catégorie comprenant les “races inférieures”, les gens pauvres, les communistes et les bolchevistes. La seconde source est un manuel éducatif produit par les SS en Allemagne nazie, un livret ayant réellement pour titre “Sous-humain”. Il y avait très peu de texte; il y avait tout bonnement des images qui opposaient les humains aux sous-humains. Les soldats allemands face aux soldats soviétiques; les bonnes mamans allemandes face aux mères juives; l’art allemand face à l’art dégénéré. Tout est visuel, nous pouvons observer que le “sous-humain” ne présente pas les caractéristiques d’un être humain complet. Les personnages représentés semblent être en mauvais état, sales, désorganisés. Cela signifie aussi que n’importe qui peut devenir un sous-homme. Non seulement les Noirs ou les Juifs, mais quiconque est un ennemi de l’Allemagne, Churchill et Roosevelt en faisant partie. Le concept du sous-humain est très malléable. Il ne signifie pas seulement que vous êtes inférieur aux autres, mais aussi qu’il est impératif de faire quelque chose. Si vous êtes un parasite, une coquerelle, un rat, “Je” dois vous exterminer ou vous faire disparaître. »

Le Dr Teo évoque fréquemment la « subjectivité », soutenant que la discipline de la psychologie doit se concentrer davantage sur cette dimension afin de donner un sens à l’immense quantité d’informations que nous avons glanées des études empiriques depuis des décennies. Par exemple,

« Nous avons divisé la subjectivité en pensée, sentiment et volonté. Puis, nous avons divisé la pensée en attention, perception, cognition et mémoire. La mémoire peut être divisée en mémoire à long terme, à court terme et épisodique. Puis, vous examinez la manière dont un seul petit aspect de la subdivision d’une subdivision est lié à un autre petit aspect. Et il devient très difficile de relier le tout à un ensemble, à un point de vue à la première personne (subjectivité). »

Poser un regard sur l’ensemble de la situation est le mantra des personnes qui travaillent dans le domaine de l’histoire, de la théorie et de la philosophie de la psychologie. Le Dr Jim Cresswell est professeur à l’université Ambrose et président de la Section de l’histoire et de la philosophie de la psychologie de la SCP. En plus de son travail dans les sphères de l’histoire et de la théorie, ses champs d’expertise sont, entre autres, la psychologie sociale et culturelle, ainsi que l’immigration et l’adaptation dans le contexte de la recherche communautaire. Il insiste également sur la nécessité d’adopter une perspective plus large.

« En tant que discipline, la psychologie se voit contrainte de composer avec le postcolonialisme, ce qui implique la mise en lumière de biais systémiques, subtils mais omniprésents, à l’égard des gens marginalisés de tout acabit. En psychologie, nous n’avons pas vraiment le bilan le plus reluisant, et cela résulte en grande partie du fait que nous n’avons pas beaucoup de formation nous incitant à réfléchir à ce que signifient nos théories sur le plan des grands enjeux comme la discrimination systémique. Nous focalisons le plus souvent sur le soutien aux individus et sur le travail empirique au moment présent. Or, les psychologues se trouvent ainsi dans une sorte de milieu culturel où se concentrer “uniquement sur ce que la science ou les données indiquent” à propos de l’individu ne passe plus la rampe comme c’était le cas auparavant. Nous devons nous demander comment et pourquoi nos efforts empiriques ont très bien fonctionné pour certaines populations, mais assez mal pour d’autres. » »

Bien que ces entretiens aient été menés il y a quelques mois, plusieurs des propos tenus pas les Drs Cresswell et Teo à ce moment-là trouvent un écho puissant aujourd’hui, particulièrement pour les « autres » populations qui vivent des situations très difficiles à la suite de l’invasion aberrante de l’Ukraine dirigée par Vladimir Poutine, sans compter la propagande aux effluves fascistes et les campagnes de désinformation qui l’accompagnent. Le Dr Teo décrit ainsi la « subjectivité fasciste » :

« Vous pouvez avoir des politiques fascistes, de l’autoritarisme, de la désinformation, de la propagande, et ainsi de suite. La subjectivité fasciste est une dimension individuelle. Si je crois que la richesse ne devrait pas être partagée avec “l’autre”, et que j’étaye ma croyance d’arguments racistes ou sous-humains, alors j’entre dans la subjectivité fasciste. Elle repose sur la notion que la richesse devrait exclure “l’autre” ou que la richesse peut être extraite de “l’autre”. Selon la subjectivité fasciste classique, je peux me rendre dans d’autres pays et extraire la richesse de “ces gens” parce qu’ils sont inférieurs, ils sont des sous-humains, ils sont des parasites. Ils peuvent même être exterminés s’ils deviennent un trop lourd fardeau. »

La pandémie mondiale des deux dernières années est un autre exemple de l’attitude de la société à l’égard de la vie humaine. Le Dr Teo établit une distinction entre ceux qui sont déshumanisés au point où leur extermination n’a que peu d’importance, et ceux qui sont déshumanisés au point où leur mort n’a que peu d’importance, quoique ces deux situations illustrent clairement les deux faces d’une même médaille.

« Nous avons certaines idées sur l’habilité à tuer et l’habilité à mourir. En vertu du nazisme classique, les Juifs sont tuables, tout comme les gitans, les homosexuels, les ennemis, et ainsi de suite. Puisqu’ils sont de races inférieures ou sous-humains, ils n’ont pas le même statut que nous et il n’y a aucun problème à les tuer. L’habilité à mourir est une notion plus intéressante, parce qu’elle nous mène de la subjectivité fasciste plus classique vers sa réémergence à notre époque, où elle s’applique aussi aux démocraties libérales. Dans cette culture, nous tenons des débats, particulièrement en temps de pandémie, où les gens disent que les personnes âgées peuvent être habilitées à mourir, les gens présentant des problèmes médicaux préexistants pourraient être habilités à mourir, les personnes en prison et les travailleurs précaires sont habilités à mourir. Les gens ont fourni des arguments économiques sur l’habilité à mourir de plusieurs de leurs concitoyens : “Si vous voulez préserver votre mode de vie, et votre économie, alors nous devons accepter que certaines personnes meurent.”

Au Canada, nous en avons témoigné depuis longtemps. Les peuples autochtones ont été considérés comme étant tuables, et on pourrait également avancer que dans plusieurs régions des États-Unis, les populations noires sont encore considérées comme tuables, sans conséquence. Actuellement, dans les démocraties libérales, il est impératif que nous discutions de ce problème et de la réalité de l’habilité à mourir, la version plus douce de l’habilité à tuer sous la subjectivité fasciste. »

Cette subjectivité, reposant sur une philosophie impliquant la pensée axée sur une vue d’ensemble et sur les théories fondamentales qui tentent de relier diverses écoles de pensée les unes aux autres, n’est pas nouvelle. Le Dr Cresswell affirme qu’à ses débuts, la psychologie était clairement centrée sur la subjectivité, mais qu’au cours du siècle, elle s’est éloignée du mode de pensée globale. Ce n’est que tout récemment qu’un effort concerté a été investi pour réintégrer de façon signifiante cette philosophie à la psychologie.

« Les premiers psychologues, James, Hall et Piaget pour n’en nommer que quelques-uns, avaient environ 100 ans d’avance sur leur époque concernant la façon de réfléchir à des sujets comme la subjectivité, la recherche et le pluralisme. Le behaviourisme et le cognitivisme, venus plus tard, se sont éloignés de ce mode de pensée initial, qui était plus large et plus systématique. Quand vous regardez en arrière et consultez certains de ces premiers auteurs, vous retrouvez beaucoup d’information pertinente pour le contexte actuel de la discipline de la psychologie.

Les psychologues du 20e siècle se sont largement concentrés sur le travail empirique, tout en délaissant la théorie qui sous-tend ce travail empirique. Le virage culturel a débuté dans les années 1990, provoqué par le discours sur l’éventualité que notre travail puisse être ethnocentrique. Il en résulte un tournant récent, où nous commençons à prêter attention à la théorie qui guide notre recherche et à ce que nous estimons être la signification de nos observations. »

Quoiqu’ils ne soient pas philosophes au sens strict du terme, le Dr Teo et le Dr Cresswell tiennent tous deux des propos plus philosophiques que ne le font la plupart des psychologues. En tant qu’observateurs de l’histoire, ils étudient également l’évolution de la philosophie qui inspire aujourd’hui la discipline. À l’instar de la pensée globale, le Dr Cresswell indique que la pensée philosophique dans la sphère de la psychologie a vu le jour il y a plus d’un siècle.

« Il est probablement plus juste de s’attarder aux personnages comme Sigmund Freud ou William James, en tant que théoriciens ayant mis de l’avant des présuppositions sur la façon d’appréhender le monde. En revanche, pensez à la manière dont les manuels de première et deuxième année parlent d’eux en tant que chercheurs qui ont été “réfutés” par les progrès de la science. Nous disons aux étudiants qu’ils peuvent passer outre à ces figures, sans poser de question sur ce qui est considéré comme de la science et selon qui. Ce message est une posture quelque peu problématique à adopter. Si vous prenez la théorie cognitive et que vous examinez le behaviourisme ou la psychanalyse du point de vue de votre paradigme cognitif, le behaviourisme ou la psychanalyse seront toujours “réfutés”. Si vous examinez la théorie cognitive à travers la lentille du behaviourisme ou de la psychanalyse, la théorie cognitive échouera toujours. Ce que je veux dire c’est que nous devons enseigner aux étudiants à composer avec les paradigmes antérieurs qui ont instauré les conditions permettant le travail empirique. Alors, quand un manuel affirme que nous avons dépassé ceci ou cela, il ignore le fait que la psychologie n’a pas suivi un développement progressif précis à titre de discipline unifiée. En réalité, elle est faite de multiples disciplines et nous devons reconnaître l’existence de différents paradigmes, ce qui suppose de former les étudiants sur la façon de réfléchir à l’histoire et à la théorie. »

Récemment, on a vu l’intérêt croissant que suscite le retour à certaines des périodes où ces idées ont pris de l’importance, particulièrement au tournant du 20e siècle et dans les années 1960 et 1990. Je sais que pour certains, le fait de penser aux années 1990 sous un angle historique pourrait sembler un peu déconcertant. Par exemple, il n’y a que quelques mois qu’Alanis Morisette lançait Jagged Little Pill, n’est-ce pas? (En fait, il y a 26 ans aujourd’hui, elle gagnait un Grammy pour cet album. Elle a maintenant 47 ans.) Le Dr Cresswell affirme que désormais, les années 1990 font réellement partie de l’histoire.

« Prenez Wilhelm Wundt, à qui on attribue le structuralisme et la création du premier laboratoire de psychologie. La moitié de son travail portait sur la völkerpsychologie, qui est la “psychologie de la communauté et des peuples”. Il est utile de revoir une telle théorie culturelle. Un autre corpus littéraire que nous voyons actuellement en histoire et en philosophie concerne la critique et la philosophie continentales. Les gens comme Foucault et les phénoménologues ayant en partie favorisé la naissance de la pensée postcoloniale qui s’est largement répandue travaillaient surtout à l’extérieur de la discipline de la psychologie. Cependant, il est utile de comprendre une telle théorie dans un milieu où nous sommes confrontés à l’injustice systémique. »

Le domaine de la psychologie appelle à se souvenir, et à apprendre, de sa propre histoire. Un aspect auquel nous aussi, en tant que société, devrions nous attarder bien davantage. Je me souviens d’un autre moment historique de la culture pop des années 1990, 1994 pour être plus précis. Une chanson de protestation lancée à la mémoire de Johnathan Ball et Tim Parry, deux enfants tués lors des attentats à la bombe de Warrington perpétrés par l’IRA l’année précédente.

« But you see, it's not me
It's not my family
In your head, in your head, they are fighting
With their tanks, and their bombs
And their bombs, and their guns
In your head, in your head they are crying »

  • The Cranberries, Zombie

Profils du Mois de la psychologie : Dre Veronica Hutchings, Charlene Bradford, et Dre Reagan Gale, Psychologie des communautés rurales et nordiques

Dr. Veronica Hutchings
Dr. Veronica Hutchings
Dr. Reagan Gale
Dr. Reagan Gale

Dre Veronica Hutchings, Charlene Bradford, et Dre Reagan Gale, Psychologie des communautés rurales et nordiques
Vivre dans une petite communauté, en particulier dans le Nord, présente des défis particuliers. Être psychologue dans ces régions comporte également des défis particuliers. Nous avons parlé à la Dre Veronica Hutchings, à Charlene Bradford et à Dre Reagan Gale, de leur travail au Yukon et à Terre-Neuve.

À propos de Dre Veronica Hutchings, Charlene Bradford, et Dre Reagan Gale

Psychologie des communautés rurales et nordiques

« Les flics ont probablement la vie facile dans une petite ville.

Flic : “Pouvez-vous me décrire votre agresseur?”

Victime : “Oui, il mesurait environ 5’ 10’’…”

Flic : “mmh mmh”

Victime : “Il portait un manteau brun…”

Flic : “mmh mmh”

Victime : “Et c’était… Jim”. »

Je paraphrase un sketch comique d’un humoriste canadien que j’ai entendu un jour à l’émission Juste pour rire. L’identité de l’humoriste et la date du spectacle se sont avérées impossibles à trouver sur Google! Je me souviens d’avoir pensé à l’époque, oui, mais ça doit être difficile aussi pour le flic. La victime connaît Jim, car il connaît tous les habitants de la ville, mais il doit en être de même pour le policier, qui connaît également Jim. La situation est la même pour les psychologues qui travaillent en milieu rural et nordique.

La Dre Veronica Hutchings est psychologue aux services de counseling et de psychologie du campus Grenfell de l’Université Memorial, sur la côte ouest de Terre-Neuve-et-Labrador. Elle est également professeure agrégée aux facultés de médecine et de psychologie. La Dre Hutchings est l’actuelle présidente de la Section de la psychologie des communautés rurales et nordiques de la SCP.

« L’épuisement professionnel est un phénomène courant dans les régions rurales, si l’on considère les relations duelles et le défi que posent les frontières thérapeutiques, auquel on est confrontés dans les petites collectivités. Imaginez que votre liste d’attente s’allonge et que vous vous trouvez dans un petit endroit où les gens savent que vous êtes le seul psychologue ou l’un des rares psychologues de l’endroit. Vous vous retrouvez avec une forte pression : “puis-je prendre cette personne, elle va vraiment mal, puis-je en prendre une de plus?” Cela peut être très épuisant. Je travaille ici, sur le campus Grenfell, et dans la moitié des magasins où je vais, les employés sont des étudiants à qui j’enseigne. J’ai passé 10 ans à Halifax, et pendant cette période, je crois que je n’ai rencontré un client que deux fois! »

La fourniture de services dans les collectivités rurales et éloignées pose d’autres problèmes, parmi lesquels l’accès à Internet, surtout en cette période de pandémie. Mme Charlene Bradford est une psychologue agréée, enregistrée en Alberta, qui exerce en pratique privée au Yukon. Mme Bradford est la présidente de la Psychological Society of the Yukon.

« Au Yukon, nous avons incontestablement des problèmes d’Internet et tout le monde s’en plaint. L’Internet est très cher, et dans les collectivités situées plus au nord, l’accès est très inégal. Il vaut mieux ne pas faire trop de thérapie virtuelle, car il y a souvent un décalage, ou l’écran se fige et on perd contact avec la personne au mauvais moment. Lorsque la pandémie a frappé et que nous avons commencé à faire des choses de manière virtuelle, je suivais une formation sur la prestation de thérapies virtuelles et je me suis dit – bien sûr, cela va fonctionner ici à Whitehorse où les connexions Internet le permettent, mais il est impossible de se fier à la fiabilité de l’Internet dans les communautés rurales.

Au Yukon, nous avons la chance d’avoir une compagnie aérienne exceptionnelle qui dessert régulièrement plusieurs de nos communautés nordiques, ce qui donne lieu à de nombreux vols. Cela aide, mais il faut aussi avoir des cliniciens capables de se déplacer. »

La Dre Hutchings dit que certaines collectivités du Labrador ont les mêmes problèmes d’Internet. Tant à Terre-Neuve qu’au Yukon, certaines petites communautés ont entièrement fermé leurs portes ce qui fait en sorte qu’il n’y a pas de services psychologiques accessibles par avion. Mme Bradford a vu de petites communautés être durement touchées par le virus, qu’elle qualifie de « dévastateur ». La pandémie avait déjà entraîné une demande massive et des temps d’attente très longs, et les communautés touchées de plein fouet par la COVID n’ont fait qu’accroître le besoin d’aide psychologique.

La pandémie et la petite taille des communautés où travaillent les psychologues dans les zones rurales et nordiques ne sont que deux éléments qui ont une incidence sur la façon de travailler des psychologues et qui font que leur façon de fonctionner soit bien différente en zone urbaine. La Dre Reagan Gale est directrice de la psychologie clinique pour le gouvernement du Yukon. Elle est autorisée à exercer en Alberta, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut et en Ontario, et elle est l’actuelle vice-présidente de la Psychological Society of the Yukon.

« J’ai grandi en Ontario, et ce que je peux dire depuis mon arrivée dans le Nord, c’est que je constate combien la nécessité de mettre l’accent sur la sécurité culturelle et les modes de connaissance et de compréhension autochtones devient encore plus cruciale lorsqu’on se déplace vers le Nord et lorsqu’on travaille dans certaines petites communautés des autres provinces où il y a une grande proportion de membres des Premières nations, d’Inuits et de Métis.

Je pense que les compétences nécessaires pour aider les personnes que nous recevons sont différentes et qu’il faut faire preuve de souplesse. Je reviens tout juste de l’Ontario où j’ai passé une semaine à faire des évaluations dans une communauté où la sécurité alimentaire est un problème majeur, où les enfants ont continuellement faim. Je suis sûre que c’est le cas pour de nombreuses personnes en milieu urbain, mais dans une petite communauté, nous parlons d’une norme culturelle de la faim. Ce n’est pas aberrant ou exceptionnel, c’est une norme dans la communauté : les enfants ont faim. Cela nous incite, en tant que cliniciens, à aborder la pratique différemment. »

Vous avez peut-être remarqué que Mme Bradford et la Dre Gale sont toutes deux « autorisées à exercer en Alberta », même si elles travaillent toutes deux au Yukon. Cela s’explique par le fait que le Yukon est la seule province ou le seul territoire du Canada où les psychologues ne sont pas encore soumis à une réglementation quelconque.

« Le Yukon est la dernière instance canadienne où tout est permis en matière de pratique professionnelle de la psychologie, en l’absence de réglementation, » explique-t-elle.

Si un psychologue du Yukon veut être agréé (et beaucoup le sont), il doit obtenir l’agrément auprès d’un organisme provincial en dehors de son territoire. Selon Mme Bradford, bien qu’il s’agisse d’une solution partielle, elle ne règle pas certains problèmes fondamentaux liés à l’absence de réglementation au Yukon.

« Il n’y a pas d’organisme de réglementation de quelque forme que ce soit au Yukon, de sorte que bon nombre d’entre nous qui exercent la profession de psychologue ont pris l’initiative de demander l’agrément dans une autre province ou un autre territoire. C’est bien, parce que nous passons par le processus de réglementation, mais c’est aussi problématique parce qu’il n’y a pas de réglementation au Yukon, ce qui signifie plusieurs choses. Premièrement, les ordres professionnels auprès desquels nous sommes agréés n’ont qu’une capacité limitée d’appliquer quoi que ce soit en dehors de leur compétence, ce qui est le cas du Yukon. L’autre problème est qu’il y a des gens qui exercent la psychologie et qui ne sont pas agréés au Canada, et ils peuvent le faire parce que ce n’est pas un titre
réservé ici. »

Beaucoup de choses peuvent arriver lorsque des personnes qui ne sont pas tenues d’adhérer à des normes de pratique particulières peuvent se faire appeler « psychologues ». Peut-être n’ont-ils pas satisfait aux critères d’accès à la profession dans un autre territoire. Un psychologue remplit des fonctions délicates et importantes, comme les évaluations diagnostiques. On imagine difficilement à quoi pourrait ressembler cette démarche pour les clients, dont beaucoup sont très vulnérables, lorsqu’elle est effectuée par une personne qui n’a pas les qualifications requises. La Dre Gale voit souvent cela dans son travail.

« En ma qualité de directrice de la psychologie clinique pour le gouvernement du Yukon, des gens me téléphonent pour me demander quelles sont les possibilités de pratique au Yukon. C’est souvent parce qu’ils n’ont pas satisfait aux exigences requises pour avoir l’autorisation d’exercer dans une autre province ou un autre territoire. Peut-être ont-ils passé l’EPPP (Examination for Professional Practice in Psychology) le nombre maximum de fois prévu et n’ont pas pu le réussir, de sorte qu’ils ne peuvent pas obtenir l’agrément dans la province ou le territoire dans lequel ils résident. Des cliniciens qui ont fait l’objet de mesures disciplinaires de la part de leur organisme de réglementation et qui pourraient perdre leur droit d’exercer en tant que “psychologue” ont également pris contact avec moi. Le Yukon est le seul endroit où il n’y a aucune interdiction de ce type de pratique. »

Comment peut-on corriger la situation? Et pourquoi le Yukon est-il la dernière instance au Canada à adopter une réglementation? Mme Bradford affirme que les deux autres territoires du Canada ont un système qui pourrait être reproduit au Yukon.

« Les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut ont conclu une entente avec le College of Alberta Psychologists, qui s’occupe de la réglementation. Nous aimerions avoir cela au Yukon, et les raisons en sont nombreuses. L’une des plus importantes est que nous sommes un petit territoire. La réglementation protège vraiment les gens. Si les choses ne se passent pas bien avec votre psychologue, ou si quelque chose vous semble bizarre, il existe une procédure de plainte. Dans une petite communauté, vous voulez être sûr lorsque vous déposez ces plaintes qu’elles ne seront pas adressées à votre ami, votre voisin, quelqu’un que vous croisez à l’épicerie [comme Jim]. Un grand organisme de réglementation offre cette protection aux habitants des petites provinces ou des petits territoires comme le nôtre. C’est le modèle que nous essayons d’adopter. »

La Psychological Society of Yukon est très petite, en ce sens qu’elle ne compte que 12 membres – des psychologues qui se sont regroupés pour collaborer et défendre les choses qui sont importantes pour eux.

« Notre association a pour objectif de promouvoir l’accès à des services psychologiques de haute qualité fondés sur des données probantes pour les Yukonais, dont beaucoup vivent dans des communautés nordiques éloignées. Bien sûr, Whitehorse est une ville nordique et rurale pour une grande partie du Canada, mais nous parlons de communautés beaucoup plus petites que Whitehorse. Elle a un autre objectif, à savoir défendre la réglementation de la psychologie. Je ne veux pas parler au nom des 12 membres de l’association, mais nous sommes ouverts à toute voie jugée la plus durable pour notre ministère des Services aux collectivités, qui est le ministère du gouvernement qui détient la compétence en cette matière. Personnellement, je pense que nous sommes un groupe trop petit pour nous autoréglementer. Pour ma part, je préférerais conclure un accord avec une instance du Sud. Mais si le gouvernement peut le faire, nous voulons nous associer à lui pour y parvenir. »

Mme Bradford se souvient d’un moment mémorable à l’Assemblée législative du Yukon – oui, il y a des débats à l’Assemblée législative du Yukon qui, bien que peu connus du reste du Canada, peuvent être mémorables!

« Le chef de l’opposition interrogeait la personne qui est censée encadrer la profession de psychologue. Il a dit : “Si je comprends bien, en l’absence de réglementation, je peux mettre ma propre plaque indiquant ‘Services psychologiques de Currie’, est-ce exact?” Le ministre responsable a dit “Oui, c’est ce que je comprends” ».

La question de la réglementation a deux volets. La réglementation de la psychologie instaure une norme de pratique qui garantit que les psychologues qui fournissent des services aux personnes dans les communautés rurales et nordiques le font à l’aide de méthodes fondées sur des données probantes; qu’ils seront guidés par des normes professionnelles qui, au minimum, tentent de ne pas nuire aux personnes avec lesquelles ils travaillent. Le deuxième avantage de la réglementation est de créer un mécanisme de plainte, de sorte que les personnes qui sont lésées par les services fournis disposent de recours et d’une procédure à suivre. La réglementation ne peut pas empêcher tous les préjudices, mais elle fournit un ensemble de règles qui réduisent au minimum les dommages potentiels. Selon Mme Bradford, le problème devrait être assez facile à résoudre.

« De notre point de vue, il n’y a pas beaucoup de raisons de ne pas aller de l’avant. Reagan a consulté des représentants juridiques pour savoir quelle est la façon la plus simple de faire avancer les choses, et cela pourrait être aussi simple qu’un protocole d’entente avec le College of Alberta Psychologists. Nous comprenons qu’il s’agit simplement d’un décret du gouvernement. »

Et pourtant, ce n’est pas encore fait. La Dre Gale nous en dit un peu plus.

« Les obstacles sont les obstacles normaux à l’élaboration des lois par le gouvernement. Notre gouvernement est petit et notre territoire est petit. Les membres de notre société sont reconnaissants pour les travaux de délivrance de permis que le gouvernement fait déjà. Il ne s’agit pas de critiquer les importants efforts en matière de réglementation qui sont déjà en cours – mais simplement que dans une région aussi petite, la capacité en ressources humaines pour ajouter une autre profession est une tâche difficile. Nous pensons que ce n’est pas beaucoup demander, mais dès qu’on élargit l’offre d’un gouvernement, il y a une décision politique qui se prend. Nos efforts de lobbying ont porté leurs fruits lors des élections territoriales du printemps 2021, et les trois partis se sont engagés à réglementer la psychologie, mais c’est le parti dont l’engagement était le plus vague qui a fini par former le gouvernement. Mais nous sommes chanceux que les deux autres partis soient intéressés et que le sujet de la réglementation soit abordé à l’Assemblée législative. »

L’un des avantages supplémentaires en aval de la réglementation est la stabilité. Mme Bradford est au Yukon depuis 19 ans (pas toutes en tant que psychologue agréée) et elle a vu un véritable changement dans le paysage de la santé mentale du territoire.

« Les gens qui travaillent comme psychologues au Yukon, et qui sont agréés, sont ici depuis un certain temps. Nous sommes investis dans la collectivité, nous assurons la continuité des services et nous établissons une relation de confiance qui a la possibilité de se développer au fil des ans, car les gens consultent la même personne. Dans le passé, il y avait un certain roulement, car les personnes qui occupaient certains postes en santé mentale n’avaient pas toutes forcément le même niveau de formation ou de connaissances pour être en mesure de gérer toutes les situations. Elles n’ont peut-être pas mis l’accent, comme la psychologie le fait, sur l’importance de prendre soin de soi et la prévention de l’épuisement. J’ai donc vraiment remarqué ce changement, car il y a maintenant plus de psychologues, et les gens restent, le roulement est réduit et les services sont plus efficaces. »

Ce type d’évolution vers les pratiques exemplaires, les traitements fondés sur des données probantes et la stabilité s’est également produit dans d’autres provinces et territoires. La Dre Hutchings est la première psychologue à travailler aux services de counseling et de psychologie du campus Grenfell.

« Il y a sept ans, lorsque je suis arrivée ici, on a fait pression pour que mon prédécesseur soit remplacé par un psychologue, car on reconnaissait l’importance de la psychologie. Il y a 10 ans, sur le même campus, il n’y avait pas de formulaires de demande ni de procédures pour obtenir le consentement. Les cliniciens qui y travaillaient n’étaient pas agréés par un organisme officiel. Désormais, il existe un processus, une procédure de consentement éclairé et un service plus structuré qui fonctionne dans un cadre réglementé. »

Les personnes vivant dans des communautés éloignées ont des besoins différents de ceux des petites communautés, bien qu’il y ait beaucoup de chevauchements. Par exemple, les communautés qui doivent être approvisionnées par avion peuvent avoir plus de difficultés à avoir accès à la nourriture, ce qui a des répercussions importantes sur la santé mentale. Cela signifie que pour les psychologues qui travaillent dans ces régions, il n’existe pas d’approche unique. Les statisticiens ont débattu pendant des années de ce qui constitue les communautés « rurales », et la Dre Hutchings tente de définir ce que « rural » signifie réellement pour les psychologues.

« Tout ce qui est au Nord est rural, mais tout ce qui est rural n’est pas au Nord. Et il existe des degrés de ruralité différents, bien sûr. Par exemple, Cornerbrook (population d’environ 20 000 habitants), où je me trouve, est une sorte de plaque tournante de la côte ouest de Terre-Neuve. Mais pour toute intervention médicale importante, il faut quand même faire huit heures de route pour aller à St. John’s. C’est un peu subjectif, mais je définis la ruralité principalement par la taille de la communauté, puis aussi par la distance qui la sépare d’un centre plus “urbain”. »

Ou, plus simplement, plus vous êtes en milieu rural, plus vous avez de chances de connaître Jim.


Profils du Mois de la psychologie : Dr Stryker Calvez et Dr David Danto, Psychologie des peuples autochtones

Dr Stryker Calvez
Dr Stryker Calvez
Dr David Danto
Dr David Danto

Dr Stryker Calvez et Dr David Danto, Psychologie des peuples autochtones
Aujourd’hui, la psychologie est confrontée à la nécessité de modifier ses pratiques pour accueillir les personnes autochtones et attirer des praticiens autochtones, et la Section de la psychologie des autochtones affirme que cela impliquera des discussions importantes et difficiles. Nous avons parlé de la question avec le Dr Stryker Calvez et le Dr David Danto.

À propos de Dr Stryker Calvez et Dr David Danto

Psychologie des peuples autochtones

« Le poisson est le dernier à découvrir l’eau. »

Le Dr Stryker Calvez est un Métis du territoire de la rivière Rouge, qui vit actuellement dans le territoire du Traité 6, à Saskatoon. Autrefois directeur des initiatives pédagogiques autochtones à l’Université de la Saskatchewan, il est aujourd’hui directeur principal, stratégie et habilitation en matière d’équité, de diversité et d’inclusion chez Nutrien. Le Dr Calvez est également le président de la Section de la psychologie des autochtones de la SCP et membre de longue date du Groupe de travail sur le partage des connaissances/comité permanent sur la réconciliation avec les peuples autochtones, aux côtés du Dr David Danto.

Le Dr David Danto est psychologue clinicien de formation, et le directeur du programme de psychologie de l’Université Guelph-Humber. Il a participé à un certain nombre d’efforts visant à autochtoniser et à décoloniser la psychologie, les établissements et les universités. Il est le président sortant de la Section de la psychologie des autochtones.

Eric Bollman est le spécialiste des communications de la Société canadienne de psychologie.

La conversation qui suit a eu lieu le 24 novembre 2021. Depuis, 93 tombes non identifiées ont été découvertes dans un ancien pensionnat de Williams Lake, en Colombie-Britannique. Douze ont été trouvées à Kamsack, en Saskatchewan, et 42, à Fort Perry, en Saskatchewan.

Eric : Je crois savoir qu’il est question de changer le nom de la Section de la psychologie des peuples autochtones pour mieux rendre compte de la nature collaborative du travail – pour se concentrer davantage sur le travail avec les peuples autochtones plutôt que d’en faire une section exclusivement consacrée aux peuples autochtones. Qu’est-ce qui a déclenché cette discussion?

Dr Calvez : Lorsque le nouveau comité de direction a été mis en place il y a environ un an, nous avons réalisé que nous étions majoritairement des non-Autochtones. En tant que communauté de personnes désireuses de soutenir les peuples autochtones du Canada, nous devrons peut-être changer notre façon de fonctionner. Nous devions donc vraiment réfléchir aux mécanismes de la section. La section a été conçue à l’origine pour soutenir les psychologues autochtones du Canada, pour leur donner un espace sûr et une plateforme pour s’exprimer. Bien que ce soit toujours notre mandat, nous voulions aussi reconnaître qu’il y avait un groupe croissant de personnes qui voulaient être utiles et apporter leur soutien. C’est pourquoi nous avons pensé que le nom devait en être le reflet. Plutôt que d’être une section constituée d’Autochtones, ce que nous devions faire, c’était travailler avec les Autochtones et réunir autant de personnes que possible pour créer un environnement sûr, où se trouve tout ce dont ils ont besoin et où discuter courageusement de ce qui leur est arrivé et de la façon de dépasser ce qu’ils ont vécu. Le changement de nom est censé traduire le développement d’une communauté qui veut travailler avec et pour les peuples autochtones. Et je pense que nous le faisons de la bonne façon. Nous avons beaucoup d’alliés, comme David.

Dr Danto : Il y a quelques années, j’ai travaillé avec Stryker à l’élaboration d’une réponse au rapport de la Commission de vérité et réconciliation au nom de la Société canadienne de psychologie et d’Esprits Sains Enfants Sains (connu à l’époque sous le nom de Fondation canadienne de psychologie). Ce qui est ressorti clairement des personnes présentes et des participants à ce processus, c’est que la psychologie n’a pas été une grande amie des peuples autochtones dans le passé, et même encore aujourd’hui, dans de nombreux cas. Cela est dû en grande partie à l’introduction dans les communautés autochtones d’une perspective et d’une approche occidentales externes de la psychopathologie, de la santé, du concept de la famille ou de la personnalité, etc. Et c’est dangereux. C’est ainsi que la psychologie a fait du mal aux gens. Cela s’est produit dans le contexte de l’éducation, de la recherche et de la pratique appliquée. Pour essayer d’appliquer nos principes éthiques sur un pied d’égalité avec tous les habitants de notre pays, nous avons la responsabilité de modifier ces pratiques néfastes et d’utiliser des approches adaptées. Nous devons poser les questions suivantes : « Comment la psychologie peut-elle être une bonne amie des peuples autochtones du Canada? » « Comment pouvons-nous être d’un bon soutien? » Dans bien des cas, je pense que la réponse à cette question est que nous pouvons respecter et reconnaître le fait qu’il existe déjà des méthodes de guérison, une sagesse et des connaissances qui sont utiles, qui favorisent la résilience, la force et le bien-être au sein des communautés. Comme je m’efforce d’apporter mon soutien de cette manière, je me demande ce que je peux faire au sein de ma profession pour encourager celle-ci à respecter davantage les modes de connaissance et de guérison autochtones et à faire preuve d’une plus grande humilité à leur égard. Ce n’est pas que la psychologie ne peut pas ou ne doit pas s’impliquer, mais nous devons décentraliser les approches que nous utilisons, et laisser la communauté locale guider et diriger ce qui a besoin d’être fait.

Dr Calvez : Il y a 1,7 million d’Autochtones au Canada et 38 millions de Canadiens. La (ré)conciliation ne concerne pas nécessairement que les Autochtones. Bien que les conséquences de la colonisation aient été principalement ressenties par les Autochtones, Murray Sinclair affirme que cette dernière a également porté préjudice aux non-Autochtones. Si l’on considère le mouvement actuel en psychologie, qui vise à répondre aux besoins des communautés autochtones du Canada, on constate qu’il n’y a pas assez de psychologues autochtones et pas assez de personnes formées adéquatement pour les soutenir. Nous devons donc réellement travailler avec des alliés, c’est-à-dire des personnes qui sont prêtes à investir du temps pour se familiariser avec les besoins des communautés autochtones et les comprendre, afin de fonctionner en tenant compte de leurs attentes.

Eric : David, vous avez parlé d’« humilité ». Est-ce la chose la plus importante qu’un allié doit posséder lorsqu’il entre dans cet espace?

Dr Danto : Tout ce que nous apprenons en psychologie concerne les façons de penser. Nous parlons de preuves « empiriques », et le mot « empirique » tire sa racine dans le mot « empeirikós », qui signifie « guidé par l’expérience ». Mais une grande partie de la méthodologie utilisée en psychologie a évolué pour se concentrer sur ce qui est objectif et ce qui est quantifiable objectivement. Ce n’est pas une mauvaise chose, mais lorsque nous parlons de l’expérience humaine, cela représente une abstraction de l’expérience. Le terme « empirique » a pris le sens de « quantitatif », mais ce n’est pas la même chose. « Empirique » signifie en réalité « conforme à l’expérience », et lorsque nous quantifions les choses, nous nous éloignons vraiment de cette description de l’expérience. C’est une façon de faire très occidentale. Nous respectons certains types de recherche en psychologie qui ne sont pas forcément adaptés aux conceptions et aux expériences culturelles de l’histoire. Parfois, ces approches occidentales de la connaissance nous enferment dans une ornière, je crois, qui nous fait penser que ce sont les seuls moyens de savoir qui soient valables, testables, vérifiables et concluants. Et cela signifie que nous manquons d’humilité face à d’autres modes de connaissance qui nous semblent inférieurs. Cela nous incite à ne vouloir mener que certains types de recherche dans des contextes qui ne s’y prêtent pas vraiment. Lorsque nous allons dans les communautés et utilisons des méthodes qui ne sont pas très adaptées, nous perdons le lien avec les participants à cette recherche. Ensuite, nous prenons les informations obtenues et nous les utilisons à notre manière, comme tout chercheur universitaire, et cela ne revient jamais à la communauté, la communauté n’a jamais l’occasion de donner son avis parce que les choses ne se font pas dans sa langue. Ce n’est pas une démarche participative ou collaborative, c’est plutôt une approche descendante. Et on se retrouve exactement dans la situation à laquelle nous sommes confrontés. Nous nous retrouvons avec des communautés qui ne font pas confiance aux universitaires et aux chercheurs, parce que, en faisant de la recherche en son sein, ils prennent une chose de plus de la communauté. On a pris la terre, on a pris les droits, et maintenant on prend le savoir, et au profit de qui? Au bénéfice de l’université et du chercheur, et non pour le bien-être de la communauté. Je pense que l’humilité est essentielle pour admettre qu’il y a de nombreuses façons de considérer les choses, et si vous pouvez prendre du recul et reconnaître que votre formation limite vraiment les possibilités qui peuvent être envisagées, plutôt que de les révéler – ce que ces méthodes sont censées faire!

Dr Calvez : Une autre facette de l’humilité culturelle est que l’éducation et le savoir occidentaux proviennent d’une position dominante. Toute la structure hiérarchique du monde occidental est construite de telle sorte que les uns dominent les autres en fonction de leur niveau d’éducation ou de leur groupe culturel. Et cela est intégré dans notre façon de voir le monde. L’humilité culturelle est un processus par lequel nous reconnaissons ce fait et le combattons. Nous devons décortiquer tout cela dans le contexte de la décolonisation, et l’humilité culturelle nous donne les outils nécessaires pour le faire.

Ce qui pourrait être plus important que l’humilité, c’est l’engagement. Le processus de (ré)conciliation va demander un effort énorme et va créer des tensions. Si l’on ne s’engage pas à aller jusqu’au bout de ce que nous tentons de faire, à savoir apporter la guérison aux peuples autochtones et non autochtones et au domaine de la psychologie, nous ne pourrons pas y arriver si les gens ne s’engagent pas à concrétiser leurs intentions.

Eric : Essayez-vous parfois de recruter davantage de personnes pour participer à cette (ré)conciliation, pour en faire des alliés, ou vous concentrez-vous davantage sur la création d’un espace où ces alliés peuvent apprendre et grandir aux côtés des Autochtones?

Dr Calvez : Un aspect important de la (ré)conciliation est que les gens doivent la trouver en eux-mêmes. Le point de départ est non pas de reconnaître les problèmes et de trouver des façons de les résoudre, mais de se connaître soi-même. Et se connaître en relation avec les peuples autochtones et avec une histoire plus que millénaire. Les gens doivent le découvrir par eux-mêmes. Plutôt que de la promotion [aller vers les gens pour les recruter afin qu’ils deviennent des alliés], il faudrait plutôt parler d’attrait [créer un espace où les gens veulent devenir des alliés et aller vers vous]. Nous voulons montrer aux gens que ce que nous faisons n’est pas nécessairement un droit absolu, quelque chose qui doit être fait – même si je pense que c’est vrai. Nous voulons leur montrer que cela profitera à tout le monde, y compris à notre profession. Il y a une bonne façon de procéder : nous en tirons tous des leçons, nous en profitons tous. Je pense que cela se fait non pas en disant aux gens qu’ils doivent le faire, mais en leur montrant les raisons pour lesquelles ils pourraient vouloir le faire. Les personnes qui se joignent à nous sur la base de leurs propres choix sont beaucoup plus à même de faire preuve de l’engagement dont j’ai parlé précédemment et de l’humilité culturelle.

Dr Danto : Dans le contexte postsecondaire, je pense que nous devons nous concentrer sur la création de lieux d’enseignement postsecondaire accueillants et culturellement sûrs, qui favorisent une pédagogie appropriée, réfléchie et critique pour les étudiants autochtones et non autochtones, plutôt que de recruter des étudiants autochtones. Si vous vous efforcez de poser les bonnes questions, de faire preuve d’autocritique à l’égard des processus mis en place et de créer un environnement sûr et culturellement accueillant, les gens seront plus nombreux à vouloir participer à ce que vous faites. Les Autochtones ont eu des expériences vraiment négatives en classe dans le cadre des cours de psychologie. Il y a des mythes sur les prédispositions génétiques, des hypothèses et des préjugés et des partis pris du fait de la longue histoire de la colonisation. J’utilise toujours l’expression « Le poisson est le dernier à découvrir l’eau ». Nous sommes tellement ancrés dans le contexte de la colonisation, qu’il s’agisse de la psychologie, des soins de santé ou de l’éducation, que même avec de bonnes intentions, il nous est très difficile de nous en rendre compte. Nous devons examiner attentivement les espaces dans lesquels nous invitons les Autochtones, car il se pourrait bien qu’ils soient exposés à de nouvelles expériences traumatisantes s’ils sont confrontés à des commentaires erronés, dépassés ou injustifiés. Nous avons le devoir d’être protecteurs.

Dr Calvez : Lorsque vous vous efforcez de recruter des gens uniquement parce que vous voulez plus d’Autochtones dans votre programme, c’est égoïste. Ce qui compte pour vous, ce ne sont pas les Autochtones, leurs besoins ou leurs désirs. Si c’est l’approche que vous adoptez pour soutenir les populations autochtones, vous échouerez à chaque fois. Nous devons modifier l’environnement pour que les autochtones y voient un lieu attrayant et intéressant où se poser. Que les choses soient claires : les collectivités autochtones ont tout autant besoin de professionnels de la santé mentale que le reste de la société. Nous devons nous y mettre maintenant, sans savoir avec certitude si nous allons attirer ces personnes, mais simplement parce que nous devons le faire comme communauté et comme profession. Je pense que nous allons dans cette direction. Beaucoup de changements ont été observés ces dernières années. Il va falloir que cela continue et s’accélère afin d’accroître l’intérêt des gens vis-à-vis de ce travail. Une fois qu’ils seront intéressés, ils se rendront compte que nous n’entravons rien de ce qui existe déjà dans la profession – au contraire, nous élargissons les possibilités et créons un espace plus vaste et plus ouvert pour que davantage de personnes trouvent ce qu’elles recherchent dans la profession.

Eric : Au cours des deux dernières années, on a découvert d’horribles fosses communes sur les sites des anciens pensionnats. Je pense que les Canadiens blancs ont été beaucoup plus choqués que les communautés autochtones, qui nous parlent depuis des années de l’existence de ces fosses communes. Est-ce vrai, et est-ce que cela a changé votre façon de travailler pour la (ré)conciliation?

Dr Calvez : Je pense qu’il est vraiment important de reconnaître que lorsque ces événements se produisent, ils traumatisent à nouveau les peuples autochtones. Nous sommes très affectés, car cela confirme ce que nous défendons depuis longtemps. Que la société canadienne ne nous a pas bien traités, et qu’elle est allée jusqu’à blesser et tuer des enfants pour en attester. Pour une personne issue de ces communautés, c’est l’expérience la plus horrible que l’on puisse vivre, de voir que même ses enfants ne sont pas en sécurité. J’ai des amis qui sont des survivants, et quand cela arrive, ça vous coupe le souffle, et il faut beaucoup de temps pour retrouver la conviction que tout va bien aller. C’est arrivé plusieurs fois cet été seulement. Nous savions que c’était grave, mais je ne pense pas que nous en connaissions l’ampleur. Je me réjouis que des personnes non autochtones réagissent à une situation qu’elles ne connaissaient pas. Réagir ainsi est tout à fait justifié – et il faut le faire. Mais imposer cette réaction aux Autochtones pour les aider à y faire face n’est pas forcément la meilleure chose à faire. Nous avons besoin que d’autres personnes se lèvent et s’expriment afin que nous n’ayons pas nécessairement à être sur le devant de la scène pendant que nous essayons de guérir. Voilà où nous allons en tant que profession. Nous devrions être en mesure de prendre la parole tout en reconnaissant qu’il est tout à fait inadéquat d’aller voir les personnes qui ont été blessées pour valider notre réaction. C’est un processus émergent, et tout cela est nouveau pour nous. Voilà ce qu’est la (ré)conciliation, c’est une idée nouvelle, que nous n’avons jamais vue ou eue auparavant. Nous allons devoir la découvrir et la construire à partir de nos expériences et de notre compréhension. Je pense que l’indignation que nous avons observée dans les communautés autochtones et non autochtones nous montre que nous allons dans la bonne direction parce que désormais, nous savons comment agir lorsque les gens sont extrêmement perturbés. Nous avançons dans la bonne direction en ce sens que nous essayons à présent de nous soutenir mutuellement dans ces processus. Je pense que c’est un moment fort pour nous en tant que communauté et en tant que société. Nous allons devoir faire face à de nombreuses tensions à mesure que de nouvelles révélations seront faites et que nous vivrons de plus en plus cette situation. Le plus important, ce sont les discussions que nous aurons sur ces questions et sur d’autres sujets – et ces discussions risquent d’être difficiles. Nous devons être prêts à discuter de ces questions, à la fois en tant que profession et en tant qu’individu.

Dr Danto : Je pense personnellement qu’un génocide a été commis à l’encontre des populations autochtones de notre pays. Il ne s’agit pas d’un « génocide culturel ». Mais d’un véritable génocide. Nous trouvons des corps sur les sites des pensionnats, et il ne fait aucun doute que nous en trouverons beaucoup d’autres, et que peu importe combien de corps seront retrouvés, beaucoup d’autres ne le seront pas. Je ne suis pas un Autochtone, mais je reconnais que cela s’est produit dans notre pays – qu’ici, dans notre pays, de nombreux Autochtones ont été tués en raison de leur identité. Si nous ne voulons pas l’admettre, nous devons nous demander pourquoi nous refusons de le faire. Pour moi, il est évident que c’est ce qui s’est passé. Pour avancer, cela fait partie de la vérité. Quand on nomme quelque chose, on a la responsabilité d’agir en conséquence.

Eric : Pourquoi les gens utilisent-ils le terme « génocide culturel » même s’il semble évident que ce qui s’est passé est un véritable génocide? Est-ce une façon de minimiser les dommages causés, ou d’utiliser un terme qui n’exige pas autant d’introspection de leur part, ou est-ce autre chose?

Dr Danto : Le système des pensionnats pour Autochtones au Canada a toujours eu pour but de « sauver » l’enfant tout en détruisant son côté autochtone. La rupture des liens culturels avec leur communauté et leur famille. Bien que cela ait pu être l’objectif déclaré du système des pensionnats et des adoptions forcées, les choses sont allées beaucoup plus loin. De nombreuses personnes ont perdu la vie dans ce système, et dans ces établissements financés par le gouvernement fédéral (et dans de nombreux cas, gérés par l’Église), de nombreux enfants ont perdu la vie. Il n’y a pas de doute sur qui en est responsable. Utiliser l’expression « génocide culturel » revient à choisir de définir les préjudices subis en fonction de leur intention, plutôt que de leur résultat. Nous ne ferions pas ça dans une cour de justice. Si votre intention était de harceler, mais pas de tuer, et que vous finissiez par le faire, vous ne seriez pas simplement accusé de harcèlement.

Dr Calvez : Nous devons reconnaître que le Canada, en tant que société, commence à peine à accepter ce qu’il a fait. Comme tremplin, ils ont procédé à un « génocide culturel ». Ils étaient encore persuadés que les pensionnats pouvaient être bénéfiques pour les enfants autochtones. Je pense que puisque nous voyons maintenant à quel point c’était faux, les gens vont accepter le fait que c’était plus qu’un génocide « culturel », que c’était purement génocidaire. Cela dit, je n’écarte pas la malveillance du génocide culturel lui-même. Je suis qui je suis grâce à mes ancêtres, mes croyances, mon identité, parce que tout ce que je suis est lié à la terre. Donc, m’enlever ma conception du monde, mes croyances et tout le reste, revient à me laisser avec rien. Bien que je puisse être là physiquement, je serais un étranger dans mon propre corps. L’utilisation du terme « génocide culturel » a constitué une avancée significative, mais nous sommes désormais plus précis. Nous avons compris les vérités qui l’entourent, et nous pouvons le désigner pour ce qu’il était vraiment, c’est-à-dire un génocide.

Eric : Vous avez dit que des progrès ont été réalisés et que nous allons dans la bonne direction. Pouvez-vous m’en donner un exemple concret?

Dr Calvez : Un grand groupe, auquel participaient David et moi, a élaboré la réponse de la psychologie au rapport de la Commission de vérité et réconciliation. Depuis lors, notre travail n’a pas été mis sur les tablettes. Nous observons l’émergence d’un dialogue stimulant à différents endroits dans le domaine de la psychologie. On assiste à un changement dans les normes d’éthique. Les normes vont changer, nous les renforçons et les améliorons, et nous y intégrons des méthodes qui soutiendront l’autochtonisation de la psychologie et la promotion de la (ré)conciliation. Le CSPP (Conseil des sociétés professionnelles de psychologues) et l’ACPRO (Association des organisations canadiennes de réglementation en psychologie) se mobilisent et redéfinissent la façon dont ils souhaitent voir les organismes de réglementation commencer à aborder ces questions. Et David donnera un atelier pour le CCPPP (Conseil canadien des programmes de psychologie professionnelle) avec Ed Sackaney intitulé « Allyship, Reconciliation and the Profession of Psychology ». Donc, même au sein de notre profession, nous commençons à observer d’énormes changements. Cela ne fait que commencer et les répercussions sur la profession commencent à se faire sentir.


Profils du Mois de la psychologie : Dre Lindsay McCunn et Dr John Zelenski, Environmental Psychology

Dre Lindsay McCunn
Dre Lindsay McCunn
Dr John Zelenski
Dr. John Zelenski

Dre Lindsay McCunn et Dr John Zelenski, Environmental Psychology
La psychologie de l’environnement compte deux branches principales. Nous avons parlé à la Dre Lindsay McCunn de la branche de la psychologie de l’architecture (la conception de bâtiments et de pièces pour le bien-être des occupants) et au Dr John Zelenski, de la psychologie écologique (qui s’intéresse aux comportements écologiquement durables par l’intermédiaire de la connexion des gens à la nature).

À propos de Dre Lindsay McCunn et Dr John Zelenski

Psychologie de l’environnement

« Quand je dis que je ne vous juge pas, je pense que je veux vraiment dire “pas plus que les autres.” ».

Je suis un peu nerveux à l’idée que, pendant notre réunion Zoom, la Dre Lindsay McCunn et le Dr John Zelenski puissent juger mon arrière-plan, décidément très encombré. Tous mes appareils électroménagers sont placés sur une tablette derrière moi, ce qui donne l’impression (exacte, il se trouve) que mon bureau à domicile est un coin exigu près de la cuisine. La Dre McCunn et le Dr Zelenski sont des psychologues de l’environnement, c’est-à-dire des spécialistes des espaces que nous occupons et de la manière dont nous interagissons avec eux. Le Dr Zelenski est plutôt gentil et honnête – en tant qu’êtres humains, nous percevons des indices subtils, à partir des espaces de chacun, mais cela n’est probablement pas propre aux psychologues de l’environnement. Nous jugeons tous les arrière-plans Zoom, ne serait-ce qu’un peu.

La Dre Lindsay McCunn est professeure de psychologie à l’Université Vancouver Island. Elle est la présidente de la Section de psychologie de l’environnement de la SCP et la rédactrice en chef adjointe du Journal of Environmental Psychology. Selon elle, les arrière-plans Zoom des gens ou la façon dont ils aménagent leurs jardins ou leurs espaces de vie sont sources de curiosité pour chacun d’entre nous.

« La façon dont les gens s’expriment, organisent leur domicile et placent des objets importants est vraiment intéressante. Sam Gosling a écrit un livre intitulé Snoopologie; il s’agit d’une étude portant sur la façon dont on peut déduire la personnalité et la façon de penser des gens en fonction de la manière dont ils rangent leurs bibelots et leurs affaires dans leur maison et leur bureau. »

La Dre McCunn se spécialise en psychologie de l’environnement et décrit ainsi sa spécialité.

« La psychologie de l’environnement, c’est l’étude des transactions entre les personnes et les lieux. Et j’entends par là beaucoup de types d’endroits – un café, un bureau, une école, un parc, un océan, une montagne. Nous étudions les différentes façons dont les gens interagissent avec leur environnement. De la même manière qu’un psychologue social étudie et analyse les relations et les interactions entre les individus et les autres, les psychologues de l’environnement étudient et analysent les relations entre les personnes et les lieux. Dans mes recherches, je m’intéresse à la façon dont les gens interagissent dans les collectivités et les milieux de travail, en particulier dans les hôpitaux, les écoles et les bureaux. À ce titre, je me penche sur le personnel, principalement, et sur les personnes qui utilisent les environnements d’une manière différente de celle à laquelle on pourrait s’attendre, comme les étudiants et les patients, les enseignants, etc. ».

Le Dr John Zelenski est professeur au département de psychologie de l’Université Carleton. Il est également un psychologue de l’environnement, mais il se spécialise dans un domaine bien différent de celui de la Dre McCunn. On pourrait dire que l’un et l’autre représentent les deux principales branches de la psychologie de l’environnement – la psychologie de l’architecture (Dre McCunn) et la psychologie de l’écologie (Dr Zelenski).

« En plus d’être un psychologue de l’environnement, je me considère aussi comme un psychologue de la personnalité qui se réclame de la psychologie positive. Je me suis beaucoup intéressé à ce que nous appelons le rapport à la nature, ou ce que d’autres appellent “la connexion avec la nature”. Je parle ici des impressions subjectives des gens : font-ils partie de la nature ou la nature est-elle distincte d’eux et n’a pas grand-chose à voir avec leur perception d’eux-mêmes? Je me suis aussi beaucoup intéressé de façon générale par ce que j’appelle un “chemin heureux vers la durabilité”. C’est l’idée que nous savons que la nature est capable de rendre les gens de bonne humeur. La nature est associée au bonheur, tant sur de longues périodes que sur le moment. Nous savons que les gens qui passent beaucoup de temps dans la nature et qui se sentent très liés à la nature adoptent des comportements proenvironnement et écologiquement durables. Au cours des dernières années, nous avons commencé à penser que l’inverse est peut-être vrai aussi. Si l’on peut amener les gens à faire quelques petits gestes pour la nature, en adoptant des comportements écologiquement durables, il serait possible de se servir de cela pour qu’ils se sentent plus proches de la nature et plus heureux de pratiquer ces activités. Nous pensons que les actions en faveur de l’environnement ne doivent pas nécessairement être onéreuses et que nous pouvons les associer à des émotions positives. »

Ce que « consacrer du temps dans la nature » signifie pour chaque personne est subjectif. Il s’agit peut-être de prendre un week-end pour faire de la randonnée dans les collines, de passer une journée à pêcher sur la glace ou simplement d’aller dans son jardin et s’occuper de son potager de radis. Pour la Dre McCunn, cela a entraîné de grands changements depuis le début de la pandémie de COVID-19. Elle nous parle par Zoom dans ce qui semble être un chalet dans les bois. Depuis quelques années, elle et sa famille vivaient dans le centre-ville de Nanaimo, en Colombie-Britannique, en face du service d’ambulance, du service de police et de la caserne de pompiers. Les sirènes ont augmenté considérablement lorsque la pandémie a commencé, leurs habitudes de sommeil ont commencé à en être affectées et ils ont décidé de louer un endroit à la campagne.

« Ce fut en quelque sorte une bonne étude de cas en psychologie de l’environnement, dans la mesure où nous pouvions réaliser ce qui nous stimulait dans notre environnement familial, puis décider comment le modifier pour notre santé mentale. Nous avons donc pensé à déménager dans un cadre naturel plus vaste où nous pourrions avoir un peu plus de contrôle sur les choses qui nous stimulent. Nous avons été très chanceux de pouvoir louer quelque chose à la campagne. C’était intéressant, parce que j’étais très attachée à la maison que nous possédions. L’une des choses que nous étudions, comme psychologues de l’environnement, est le “sentiment d’appartenance” ou un sentiment d’appartenance à un lieu, un sentiment identitaire ou un sentiment de dépendance. Au début de la pandémie, j’ai entendu beaucoup de questions sur la façon dont les gens faisaient face au sentiment de perte qu’ils ressentaient depuis qu’ils travaillaient à domicile. Pas seulement un sentiment de perte en rapport avec des éléments sociaux, mais aussi une perte des moyens habituels par lesquels ils se rendaient à leur lieu de travail. Peut-être prenaient-ils le même autobus tous les jours ou arrêtaient-ils au même café lorsqu’ils se rendaient à l’école ou au travail. Même le caractère physique de l’environnement de bureau ou de la salle de classe elle-même – cet environnement leur manquait. Je me suis donc demandé comment je réagirais lorsque je m’éloignerais de mon environnement familier auquel je m’étais vraiment attaché. Je ne voulais pas me mettre dans une position où je perdrais mon lien avec mon cadre habituel, mais je me suis rapidement attachée à cet endroit et aux caractéristiques naturelles qui l’entourent. Ce fut une belle aventure d’explorer la psychologie de l’environnement de l’intérieur et dans ce contexte. »

Se sentir proche de la nature, ce peut être aussi simple que de pouvoir sortir et toucher à un arbre, ou regarder par la fenêtre une montagne ou une variété d’espèces d’oiseaux. Alors, comment cela peut-il se traduire par des comportements plus respectueux de l’environnement, au moment où le changement climatique est devenu le problème le plus urgent de notre époque? Le Dr Zelenski donne l’exemple que voici.

« Nous avons beaucoup de bonnes preuves circonstancielles et d’études de laboratoire, et nous essayons de les assembler. Quelques programmes ont été prometteurs! Mon ancienne étudiante, amie et collaboratrice, Lisa Nisbet, a collaboré avec la Fondation David Suzuki pour relever le Défi nature 30×30. Ce défi consiste à consacrer 30 minutes dans la nature chaque jour pendant 30 jours. Les personnes qui s’inscrivent à ce défi ont tendance à être plutôt écologistes et déjà très proches de la nature. Mais au cours de ce mois, cette connexion semble se développer. Ce n’est pas un essai contrôlé randomisé, mais il semble que le fait de passer du temps dans la nature donne à ces personnes le sentiment d’être plus proches, ce qui les incite à adopter des comportements écologiquement durables. »

L’écologie est une division de la psychologie de l’environnement (relativement) nouvelle, et elle a sans aucun doute pris beaucoup d’ampleur au cours des 20 dernières années, les changements climatiques étant rapidement devenus un sujet de premier plan pour beaucoup d’entre nous. Le Dr Zelenski n’est pas le seul à avoir évolué dans cette direction.

« L’attention et l’importance accordées à l’aspect écologique de la psychologie de l’environnement semblent s’être accrues au cours des 10 ou 15 dernières années. Je suis venu à la psychologie écologique après mon doctorat, par simple intérêt personnel, et j’ai l’impression d’être l’un des millions de personnes qui ont suivi le mouvement, et ce, pour plusieurs raisons. Les gens semblent de plus en plus manifester des symptômes de dépression, d’anxiété, etc., et la nature semble offrir un répit agréable. De plus, la prise de conscience relative aux changements climatiques ne cesse de croître, car nous en voyons de plus en plus les effets. Et les décideurs politiques souhaitent savoir ce que les sciences sociales peuvent apporter pour résoudre ces problèmes. »

La dimension écologique de la discipline a émané naturellement de la branche traditionnelle de la psychologie de l’architecture, qui existe depuis les années 1960. Selon la Dre McCunn, il existe quelques programmes d’études supérieures officiels en « psychologie de l’environnement » au Canada, mais il y en a plus en Angleterre et aux États-Unis, aux Pays-Bas et en Amérique du Sud. Donc, lorsqu’elle dit aux gens qu’elle est une « psychologue de l’environnement », ceux-ci savent souvent ce qu’elle veut dire.

« Certaines personnes, à juste titre, divisent la dimension de la psychologie de l’architecture et la dimension de la psychologie de l’écologie. Je le fais aussi si je veux expliquer aux gens ce que j’étudie, parce que je suis plutôt du côté de l’architecture. Je travaille avec des ingénieurs, des gestionnaires d’installations et des urbanistes, mais j’ai aussi des collègues, comme John, qui s’intéressent au lien avec la nature et travaillent avec des personnes qui étudient les attitudes et les comportements proenvironnement. L’idée de conservation de la nature est devenue très populaire dans le domaine de la psychologie de l’environnement, sans pour autant prendre le pas sur la dimension architecturale, qui s’intéresse à l’infrastructure des immeubles, etc. En fait, la psychologie de l’environnement a débuté dans le contexte de l’architecture, mais elle s’est largement étendue à son autre volet, qui consiste à poser aux gens des questions sur leur conscience écologique et leur rapport à la nature. »

Les deux branches vont de pair. Pensez à la tendance à construire des bâtiments « verts », avec du chauffage à faible consommation d’énergie, des panneaux solaires, voire un jardin sur le toit.

Selon la Dre McCunn, « Quand un ingénieur me demande : “devrions-nous concevoir ce bâtiment en tenant compte de la durabilité”, il veut en réalité savoir – “les gens vont-ils le remarquer? S’en soucient-ils? Vont-ils apporter des changements à leurs comportements à l’intérieur (et à l’extérieur) de l’immeuble pour cette raison?” Je peux les aider à étudier la manière dont les gens se comportent, travaillent et fonctionnent dans des bâtiments plus (ou moins) durables. J’ai fait une étude dans une école d’études supérieures qui a montré que le fait qu’un immeuble de bureaux soit “vert” ou durable ne signifie pas nécessairement que cela permettra de prédire une forte productivité ou une forte satisfaction. Il est important de garder un œil critique sur ce que l’on attend d’une conception durable et sur ce que l’on n’attend pas. »

Pensez à des espaces dans lesquels vous vous êtes sentis immédiatement à l’aise avec les personnes qui vous entouraient – et d’autres où ce n’était pas le cas. Il est possible que ce ne soit pas les personnes présentes qui en soient la cause, mais la conception de l’espace qui a rendu les interactions plus embarrassantes, ou qui a rendu cette pièce, ce bâtiment ou ce wagon plus confortable. La Dre McClunn précise.

« Si l’on veut qu’un certain espace soit accueillant et confortable, on peut le concevoir pour qu’un certain nombre de personnes puissent s’y asseoir à une certaine distance. Je pense à la conception d’un café, ou un restaurant ou même une salle de classe où l’on veut que les gens s’assoient d’une certaine façon et cohabitent d’une certaine manière.

Je pense qu’il est important d’utiliser différentes méthodes, tout comme les autres psychologues le font. Nous sommes capables d’intégrer une variété de méthodes combinées dans notre travail. Nous utilisons l’observation naturaliste pour observer et voir comment les gens se déplacent et se comportent dans un espace afin de prendre des décisions de conception à partir de nos observations. Nous effectuons beaucoup de sondages et d’entrevues et, à partir de ceux-ci, nous pouvons aider les architectes et les concepteurs à rendre les bâtiments les plus humains possible. Si l’objet du travail clinique et d’autres types d’intervention psychologique est d’aider les gens à se sentir bien, alors la psychologie de l’environnement est tout à fait en phase avec cela. Nous voulons que les bâtiments soient conçus de manière à aider les gens à se sentir aussi bien, motivés, enthousiastes et en forme que possible. »

Le Dr Zelenski jette également un pont entre les deux côtés de la psychologie de l’environnement, et ce, de différentes manières. La collaboration avec des groupes qui font déjà un travail environnemental lui permet de recueillir plus facilement des données, et l’analyse de ces données permet à ces groupes de fonctionner de manière plus efficace et efficiente.

« J’ai collaboré avec un architecte, faisant ainsi le pont entre ces deux composantes de la psychologie de l’environnement. Il était très intéressé par la construction de bâtiments qui donneraient envie aux gens de se comporter de manière écologique. De même, il ne s’agit peut-être pas seulement de l’intérieur du bâtiment, mais aussi des espaces naturels proches du bâtiment qui pourraient encourager ces comportements. Il s’agit de poser une question plus nuancée sur les types de milieux naturels à proximité qui pourraient aider les gens à se sentir mieux, à être plus heureux et plus productifs.

Il y a un petit organisme sans but lucratif qui fournit des trousses d’analyse de l’eau. Il les distribue aux gens, qui les utilisent pour tester la qualité de l’eau à proximité; les gens téléchargent ensuite leurs données dans un genre de base de données participative qui permet de voir si le lac ou la rivière près de chez eux est en bon ou en mauvais état, et comment cela évolue au fil du temps. Il serait difficile pour moi de monter une expérience dans laquelle je distribuerais des tas de trousses d’analyse de l’eau, mais je peux essayer de suivre les personnes qui le font déjà pour voir si cela change leur sentiment de connexion avec la nature, si cela les rend heureux et si cela leur donne envie de faire d’autres choses bonnes pour l’environnement que de simplement tester l’eau. »

Depuis la mise en place de mesures de confinement en raison de la pandémie, nous entendons beaucoup de personnes dire qu’elles apprécient davantage la nature. C’est un moyen sûr de sortir de chez soi. Si on ne peut pas aller dans un centre commercial bondé ou à un concert, on peut toujours aller dans un parc et se promener. Les gens voient la nature comme une source de bien-être et un bon moyen de s’adapter, et certaines études indiquent que la nature est l’une des choses les plus positives que les gens ont ressenties au cours des deux dernières années, où la distanciation physique était imposée. Mais ce lien avec la nature, ainsi que la prise de conscience de la grave menace que représente le changement climatique, crée à certains égards de nouveaux problèmes.

Selon le Dr Zelenski, « Beaucoup de gens parlent d’écoanxiété et le fait que les gens soient de plus en plus conscients des changements climatiques pourrait être une arme à double tranchant. Cela peut donc être motivant – ce qui est un résultat positif, les gens voulant se comporter d’une manière plus écologique – mais certaines personnes pourraient être bouleversées ou inquiètes à tel point que cela créera de nouvelles formes de stress et d’inquiétude qui, chez elles, peuvent être inadaptées. »

L’un des moyens de lutter contre l’écoanxiété, un nouveau mot à la mode dans le domaine de la préservation de l’environnement, consiste à faire connaître les psychologues de l’environnement et à solliciter leurs conseils. Cette sensibilisation accrue se ressent également dans la dimension architecturale, car les contributions des experts de ce domaine sont maintenant perçues par beaucoup comme étant inestimables. La Dre McCunn dit qu’elle a vu ce changement directement.

« Lorsque je rencontre des ingénieurs, des architectes et des urbanistes, je constate qu’ils sont davantage sensibiliés à la psychologie de l’environnement et qu’ils sont tout à fait disposés à travailler avec nous. Lorsque je faisais ma maîtrise, j’ai remarqué que très peu de personnes occupant ces postes voulaient travailler avec un spécialiste en sciences sociales. Plusieurs d’entre eux disaient qu’ils faisaient ce genre de recherche accessoirement, et qu’ils “savaient déjà comment étudier les gens”. Aujourd’hui, ils font appel à moi car ils veulent intégrer cette dimension professionnelle à leur activité ou à leurs processus.

La cognition spatiale, par exemple, est un sujet très habituel en psychologie de l’environnement. Je pense qu’il est important de le mentionner car la population vieillit. Les psychologues de l’environnement consultent souvent les concepteurs pour savoir comment aider les personnes atteintes de démence à s’orienter dans une maison de soins, par exemple. Nous pouvons les observer et les aider avec des pancartes et des symboles, et des moyens d’intégrer leur psychologie dans la conception pour leur faciliter la vie. »

Êtes-vous déjà allé dans un magasin où il y a, sur le sol, un motif très simple qui se transforme un peu à l’approche des toilettes, et un peu plus près de la caisse? Peut-être y a-t-il des rampes d’escalier de couleur vive le long des murs, et le siège des toilettes est-il d’une couleur nettement différente du reste des toilettes. Le magasin est bien éclairé, mais pas trop, car il y a peu de surfaces réfléchissantes et pas de miroirs. Un magasin qui ressemble à ça a probablement été conçu pour être accessible aux personnes atteintes de démence, avec l’aide de psychologues de l’environnement.

Les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et de différents types de démence sont généralement suivies par une équipe de soins, notamment par un neuroscientifique (voir le portrait de la neuropsychologie clinique présenté plus tôt ce mois-ci). De plus en plus, les psychologues de l’environnement travaillent au sein d’équipes interdisciplinaires plus larges, et les neurosciences elles-mêmes prennent une place plus importante dans la discipline. La Dre McCunn dit qu’elle le constate grâce aux articles proposés au Journal of Environmental Psychology.

« Il y a beaucoup d’articles qui fusionnent les neurosciences et la psychologie de l’environnement. Je fais aussi cela dans mon propre travail – j’ai presque terminé une deuxième maîtrise en neurosciences appliquées, simplement pour approfondir mes recherches dans le domaine des neurosciences environnementales. J’aime chercher à comprendre des concepts tels que “que se passe-t-il dans le cerveau lorsque nous ressentons un attachement à un lieu? Est-ce différent de l’attachement que l’on ressent face à une personne? Que se passe-t-il dans le cerveau lorsque nous rencontrons différents contextes?” Ce sont des questions importantes qui, je pense, sont de plus en plus populaires. »

La psychologie de l’environnement devenant une discipline de plus en plus demandée, l’expertise des personnes travaillant dans ce domaine est appliquée à une variété de sujets sans cesse croissante. La Dre McCunn espère que cette tendance se poursuivra, afin que l’ensemble des compétences de ses collègues puisse être utilisé pour aider à résoudre des problèmes importants.

« Je souhaite que la psychologie de l’environnement fasse partie d’un grand nombre d’équipes très diverses. Bien sûr, les architectes et les urbanistes, mais aussi les cliniciens, les médecins, les neuroscientifiques, etc. Je crois que nous sommes de bons partenaires et nous pouvons ajouter des facettes aux questions de recherche qui peuvent enrichir une réponse et la rendre plus complète. Il est très difficile de tirer des conclusions à partir de quelques variables seulement. La mobilisation des données et de la modélisation dans le domaine de la psychologie de l’environnement peut nous aider à aider les autres à obtenir des réponses plus fiables à de vastes questions de société sur ce qui pousse les gens à agir et à penser de telle ou telle manière. J’aimerais voir la psychologie de l’environnement mettre à contribution son expertise dans toutes sortes de contextes et dans toutes sortes d’équipes. »

Mais soyez rassuré – si un psychologue de l’environnement se retrouve chez vous, il ne jugera pas la disposition de votre argenterie ni l’endroit où vous avez placé votre saucière, à côté du pot de Nutella. Du moins, pas plus que n’importe qui d’autre.


Profils du Mois de la psychologie : Dre Maria Rogers et Dre Maria Kokai, Psychologie éducationnelle et scolaire

Dr. Maria Rogers
Dre Maria Rogers
Dr. Maria Kokai
Dre Maria Kokai

Dre Maria Rogers et Dre Maria Kokai, Psychologie éducationnelle et scolaire
Bien que les termes « psychopédagogie » et « psychologie scolaire » soient parfois utilisés de manière interchangeable, ils peuvent également faire référence aux deux composantes de la psychologie tel qu’elle se pratique dans le système d’éducation : d’une part, les chercheurs qui élaborent les meilleures pratiques fondées sur des données probantes, et d’autre part, les psychologues scolaires qui mettent en œuvre les résultats de leurs recherches. La Dre Maria Rogers et la Dre Maria Kokai se sont jointes à nous pour nous donner plus d’explications.

À propos de Dre Maria Rogers et Dre Maria Kokai

Psychologie éducationnelle et scolaire

« C’est comme apprendre aux enfants à nager bien avant qu’ils n’aient la chance de plonger dans la partie profonde de la piscine. »

La Dre Maria Kokai est une psychologue scolaire qui a passé 30 ans au Toronto Catholic District School Board, dont les 14 dernières années comme chef du service de psychologie du conseil. Maintenant à la retraite, elle est la présidente désignée de la Section de la psychologie éducationnelle et scolaire de la SCP. Au cours de sa carrière, elle a constaté un changement dans le domaine de la psychologie scolaire, qui est passée d’une approche axée sur les évaluations et l’intervention auprès des enfants en difficulté à un modèle plus axé sur la prévention, mais cette évolution est trop lente.

« La COVID a vraiment attiré l’attention sur l’importance de la santé mentale et de son traitement sur une base régulière et cohérente. Elle a également mis en lumière les inégalités qui ont résulté des nombreuses fermetures d’écoles et des autres conséquences de la pandémie. Selon moi, une leçon à tirer, pour nous et pour les écoles, est de s’assurer que la santé mentale est abordée de manière préventive, sur une base régulière et intentionnelle – comme nous l’avons fait avec la lutte contre l’intimidation – afin que les enfants apprennent à faire face aux difficultés, à établir des relations et à résoudre les problèmes. Ils peuvent ensuite appliquer ces compétences dans des situations difficiles (ce qu’a été la COVID) afin de s’adapter plus facilement et avec moins de stress.

La psychologie scolaire au Canada est très différente selon les endroits. À certains endroits, les psychologues scolaires offrent toute la gamme de services qu’ils sont en mesure de fournir, tandis que dans d’autres, ils se concentrent sur les évaluations et les problèmes. Ce que nous aimerions voir dans la profession, ce serait de pouvoir fournir des services équitables et accessibles à tous les étudiants, quel que soit leur lieu de résidence, quelle que soit la province, la ville ou la région rurale. Dorénavant, tout le monde devrait avoir accès à des services de façon équitable. Nous ne sommes pas encore là. »

L’accent mis sur la prévention est un élément que les psychologues scolaires souhaitent voir dans tous les conseils scolaires du Canada. Des progrès importants ont été réalisés dans ce sens au cours des 10 dernières années environ, mais il reste encore beaucoup de travail à faire. Maria Rogers est professeure à l’École de psychologie de l’Université d’Ottawa. Elle est la présidente de la Section de la psychologie éducationnelle et scolaire de la SCP.

« Cela met en évidence des problèmes systémiques plus vastes dans ce domaine, dit-elle. Il n’y a pas assez de psychologues scolaires, et il n’y en a pas assez qui sortent des programmes d’études supérieures au Canada. Il n’y a pas assez de ressources affectées à la santé mentale dans les écoles. Nous voulons vraiment adopter une approche préventive en matière de santé mentale qui favorise la réussite scolaire. Certains conseils et districts sont plus en mesure que d’autres (avec de meilleures ressources) d’adopter une approche préventive. Cependant, de nombreux districts scolaires de plus grande taille travaillent selon une approche attentiste, où l’on ne réagit que lorsque l’élève est en échec scolaire, ce qui est vraiment regrettable. Il existe des parallèles avec notre système de soins de santé, où nous attendons souvent que quelqu’un soit vraiment malade pour la prise en charge au lieu de prendre des mesures préventives en amont. »

Certains des retards observés dans la mise en œuvre de programmes de prévention proviennent d’un malentendu fondamental dans le public sur ce que font les psychologues scolaires. Dans l’esprit de beaucoup de gens, la psychologie scolaire se résume aux tests et aux évaluations psychopédagogiques. Il s’agit là d’une description plutôt étroite et inexacte de la psychologie scolaire et de ce à quoi les psychologues scolaires sont formés pour contribuer au système d’éducation. Cette idée trouve son origine dans un modèle beaucoup plus ancien du travail de la psychologie scolaire, qui a vu le jour vers le milieu du XXe siècle. À l’époque, de nombreuses écoles classaient les élèves en fonction de leurs capacités et de leurs déficiences, et elles demandaient aux psychologues scolaires de participer à cette classification en évaluant les élèves pour déterminer leur admissibilité à divers programmes. Toutefois, les psychologues scolaires possèdent un éventail beaucoup plus large de compétences et d’expertise. Et une mauvaise compréhension ou une sous-utilisation de cette expertise peut priver les étudiants d’un large éventail de services qu’ils pourraient autrement recevoir. La Dre Kokai précise.

« Une grande partie du public pense encore que les psychologues scolaires s’occupent principalement des élèves en difficulté. C’est l’une des raisons pour lesquelles les gens parlent beaucoup des listes d’attente pour obtenir une évaluation, qui sont interminables et constituent un problème récurrent. Si les psychologues scolaires avaient la possibilité de se concentrer sur des mesures préventives – prévention et promotion de la santé mentale, et dépistage et intervention précoces des problèmes potentiels d’apprentissage et de santé mentale –, ces problèmes graves pourraient souvent être évités et il serait moins nécessaire de les évaluer. Nous préconisons une gamme complète de services de psychologie scolaire et c’est justement pour cette raison – en passant des problèmes proprement dits à une approche plus préventive, nous n’attendons pas que ces problèmes s’aggravent. »

Certaines régions ont adopté plus rapidement que d’autres une approche axée sur le bien-être des élèves, et la Dre Kokai cite un endroit où cela fonctionne.

« Un organisme appelé Santé mentale en milieu scolaire Ontario, qui joue un rôle consultatif auprès du ministère de l’Éducation et sert de ressource aux conseils scolaires, en est un bon exemple. Il y a environ 10 ans, le ministère de l’Éducation de l’Ontario a ajouté le bien-être des élèves à ses objectifs, en plus de la réussite scolaire. Cela signifie que les écoles sont désormais tenues de se concentrer sur le bien-être et la santé mentale des élèves et de s’occuper des problèmes liés à la santé mentale. Au cours de cette décennie, beaucoup de progrès ont été réalisés en général, et certains progrès ont été accomplis en ce qui concerne l’utilisation des compétences des psychologues scolaires pour soutenir les domaines de la prévention et de l’intervention précoce. »

Le plus grand changement en psychologie scolaire qui s’est opéré au cours des 30 dernières années est la réduction de l’écart entre la recherche et la pratique. Nous avons assisté à un effort systématique accru pour transférer les connaissances des chercheurs aux praticiens, afin de garantir que les psychologues et les autres professionnels de l’éducation qui travaillent avec des enfants puissent accéder aux résultats de la recherche et appliquer ces connaissances dans le cadre de pratiques fondées sur des données probantes destinées aux enfants dans les écoles. La Dre Rogers porte les deux chapeaux, étant à la fois chercheuse et praticienne.

« Je fais de la recherche en psychologie éducationnelle et je suis aussi praticienne. Je pense que, dans l’ensemble, la recherche nous a permis de mieux comprendre les liens entre la santé mentale des enfants et leur apprentissage. À une certaine époque, les deux concepts auraient été considérés comme des éléments distincts. La recherche a réuni ces disciplines pour comprendre comment ces éléments sont indissociables dans la vie d’un enfant. Je constate également que les chercheurs du monde entier sont de plus en plus nombreux à travailler ensemble et à apprendre les uns des autres. Nous mettons en commun les données et les ressources de plusieurs régions du monde afin de favoriser des études à plus grande échelle et dans une perspective plus large. »

La différence entre « psychopédagogues » et « psychologues scolaires » n’est pas aussi simple et ne tient pas à l’idée que le terme « pédagogie » désigne les chercheurs et le terme « scolaire », les praticiens. Dans certaines régions du Canada et ailleurs dans le monde, les termes sont interchangeables. Toutefois, pour la Section de la psychologie éducationnelle et scolaire de la SCP, les termes « pédagogie – recherche » et « scolaire – pratique » sont devenus des raccourcis utiles et sont bien compris par les personnes qui travaillent dans ce domaine. Les chercheurs produisent le savoir, les praticiens appliquent celui-ci. La Dre Kokai explique.

« La psychologie scolaire applique les connaissances scientifiques de la psychologie au milieu scolaire. Les psychologues scolaires appliquent leurs connaissances et leur expertise dans les domaines de l’apprentissage, de la santé mentale, du comportement et du développement de l’enfant pour aider tous les élèves à s’épanouir et à se développer le mieux possible. Ils établissent également des liens avec les personnes les plus importantes dans la vie des enfants – parents, enseignants, collectivités – et les soutiennent. Il s’agit d’un travail très collaboratif qui s’effectue dans l’intérêt de nos enfants et de nos jeunes. »

Cette collaboration a porté ses fruits au cours des dernières décennies, dans la mesure où les pratiques évoluent et où les priorités changent dans le but d’aider au mieux les élèves à maintenir leur bien-être et à s’épanouir dans un cadre scolaire. La Dre Rogers en donne un exemple.

« Au début des années 2000, les chercheurs ont commencé à s’intéresser vraiment au concept d’autorégulation ou de régulation des émotions. Certains chercheurs ont commencé à l’examiner dans le contexte éducatif et à étudier les effets de l’autorégulation sur l’apprentissage. Certains chercheurs, et des personnes orientées davantage vers la pratique, comme Stuart Shanker, ont élaboré des programmes et des outils pour les enseignants sur le thème de l’autorégulation et de son incidence sur le comportement. Cela a permis aux éducateurs de mieux comprendre le concept. »

Les psychologues et les chercheurs ont également collaboré à l’élaboration de nouvelles méthodes d’apprentissage de la lecture pour les enfants. Le SickKids de Toronto est l’un des endroits où une grande partie de ce travail a été effectué. Lorsque la Dre Kokai était la chef du service de psychologie du Toronto Catholic District School Board, celui-ci était l’un des sites expérimentaux du SickKids. Il s’agissait d’un lien direct entre les praticiens de l’éducation et les chercheurs. La Dre Rogers faisait son internat au SickKids il y a une quinzaine d’années, lorsque ce nouveau programme a été lancé.

« Ces dernières années, on a beaucoup parlé de la manière dont nous devrions apprendre à lire aux enfants. De nombreux chercheurs au Canada, principalement au SickKids, ont consacré des années de recherche au traitement phonologique et à la compréhension de la lecture. Ils ont élaboré un programme appelé « Empower », un programme de remédiation pour les élèves ayant des difficultés de lecture, qui est extrêmement rigoureux et fondé sur des preuves. Lorsque je faisais mon internat au SickKids, il y a environ 15 ans, Empower commençait tout juste à être mis en œuvre dans les écoles de Toronto, et il est désormais utilisé dans les écoles de l’ensemble du pays et les enseignants reçoivent une formation sur le programme. »

L’influence des connaissances scientifiques sur la psychologie scolaire n’est qu’une partie de ce vaste système de collaboration. Les psychologues de toutes disciplines collaborent et apprennent les uns des autres. Les compétences transmises par un psychologue scolaire peuvent être utiles à d’autres personnes que l’élève. La Dre Kokai se souvient de l’aide qu’apportait aux familles l’aide donnée à un enfant.

« Si vous êtes un parent, vous utiliserez les mêmes méthodes de communication et de gestion du comportement que celles que nous recommandons aux enseignants. Comment communiquer, comment établir des relations positives avec les enfants, pour les aider à devenir plus indépendants et à composer avec la pression des pairs ou les intimidateurs. Beaucoup de ces compétences s’appliquent également aux adultes. Les relations que vous entretenez dans votre milieu de travail, votre collectivité, et ainsi de suite. »

La Dre Rogers, qui travaille comme psychologue clinicienne en plus de ses fonctions à l’Université d’Ottawa, constate l’influence qu’un tel esprit de collaboration a eue sur tous les aspects de la discipline.

« Une des choses que la psychologie clinique a pu apprendre de la psychologie scolaire est la vision holistique de l’enfant dans ce système. Lorsque nous travaillons avec un enfant dans le cadre de la psychologie scolaire, nous travaillons avec lui dans le contexte de l’environnement scolaire, ou de sa famille, ou du système d’éducation dans son ensemble – souvent les trois. Généralement, la psychologie clinique a tendance à être plus axée sur l’individu, et de grands enseignements sont venus des écoles. »

 

Vous avez probablement lu et vu en ligne des parents qui se plaignent des « mathématiques modernes ». La manière dont les mathématiques sont enseignées dans de nombreuses écoles est en train de changer et de nombreux parents, en particulier les parents de la génération Y, la trouvent difficile à comprendre – que voulez-vous dire par « on ne retient plus 1 »? C’est ainsi que j’ai appris à calculer et qu’on m’a forcé à le faire, ça a marché pour moi! (Nous faisons bien sûr référence aux membres de la génération Y qui parlent comme des prospecteurs du XIXe siècle.) Il n’y a vraiment pas de « mathématiques modernes ». Les maths ne changent pas. 2 + 2 = 4. n! est égal à n x (n-1)… 1. Ce qui a changé, c’est la méthode d’enseignement, qui met davantage l’accent sur la compréhension des concepts que sur l’obtention de la bonne réponse. Mais le processus qui en résulte est si différent que les parents et les enfants ne se comprennent pas bien lorsqu’ils essaient de travailler ensemble sur les devoirs de mathématiques. La Dre Kokai affirme que, bien que les chercheurs étudient cette question depuis un certain temps, à sa connaissance, les psychologues n’ont été que peu ou pas du tout impliqués dans la mise en œuvre de ces nouveaux programmes.

« Cela semble être un exemple de “cloisonnement”, dont nous parlons parfois en éducation. Les psychologues n’ont pas collaboré à l’élaboration de cette nouvelle méthode d’apprentissage des mathématiques, qui s’est faite de façon cloisonnée. Ce que les psychologues scolaires essaient de faire, c’est de soutenir les élèves ayant des difficultés d’apprentissage pour les aider à acquérir des compétences en mathématiques. Mais je sais qu’il y a des chercheurs, ici en Ontario et probablement ailleurs, qui s’intéressent aujourd’hui aux mathématiques et aux compétences de base en mathématiques. Nous devrons écouter ces scientifiques et ces chercheurs et élaborer un programme de mathématiques qui tient compte des résultats de leurs recherches. »

Il existe beaucoup de bonnes raisons de faire intervenir les psychologues – dans tous les domaines de l’éducation, bien sûr, mais plus particulièrement en mathématiques. La Dre Rogers dit que « contrairement à la plupart des autres matières, les mathématiques comportent un aspect cognitif et psychologique qui fait que l’on a l’impression d’être bon en maths ou de ne pas l’être. Et cette perception de soi semble commencer très jeune. » Aider les enfants à franchir cette étape dès leur plus jeune âge est au cœur même de l’argument de la prévention : plus tôt on peut intervenir, meilleur est le résultat pour l’élève, tant sur le plan émotionnel que scolaire. Et plus il y a de chances qu’il soit capable de nager lorsqu’il arrivera dans la partie profonde de la piscine.


Mois de l’histoire des noirs : Dre Cranla Warren

Dre Cranla Warren photo
Photo: Enje Daniels Photography

Dre Cranla Warren
La Dre Cranla Warren est la vice-présidente du développement du leadership à l’Institute for Health and Human Potential. Son travail est axé sur le leadership et le mentorat, à la fois auprès des professionnelles et des jeunes filles noires.

À propos de Dre Cranla Warren

« Tu es ma thérapeute depuis nos 13 ans. »

L’amie d’enfance de la Dre Cranla Warren a communiqué avec elle pour la féliciter d’avoir été nommée parmi les 100 femmes noires canadiennes les plus remarquables de 2022 (voir Top 100 Accomplished Black Canadian Women for 2022). Elle affirme ne pas avoir été surprise de l’honneur rendu à la Dre Warren, puisqu’elle aide les gens depuis aussi loin qu’elle se souvienne, en jouant entre autres le rôle de « thérapeute » auprès de ses amis, et ce, dès son plus jeune âge. « Je n’ai jamais douté que tu serais thérapeute, comme tu as été la mienne depuis mes 13 ans! Mais tu as aidé énormément de personnes au fil des ans, dont les vies ont sans aucun doute changé après t’avoir connue. »

Pour la Dre Warren, cette passion transcende le simple fait d’offrir une épaule sur laquelle pleurer ou une oreille attentive. Elle est celle vers qui tous ses amis se tournent pour parler de leurs difficultés ou de leurs problèmes, et elle commence à étudier sérieusement ce qui motive et stimule les gens. Elle commence à lire des ouvrages de psychologie; ils étaient plutôt rares dans les années 1970, mais elle lit tous ceux qu’elle arrive à dénicher, comme les livres de la Dre Joyce Brothers, l’une des seules femmes psychologues renommées à cette époque.

« À l’adolescence, je suis devenue une étudiante du comportement humain, lisant tout ce qui me tombait sous la main, tentant de comprendre tout ce que je pouvais. J’ai réalisé que c’était la voie que je voulais emprunter, mais l’itinéraire fut très sinueux. »

Son parcours débute en travail social, puis elle se dirige vers la psychothérapie, pour finalement aboutir en affaires. À travers toutes ces expériences, la Dre Warren poursuit son étude du comportement humain, trouvant le moyen de nouer des liens avec les gens à toutes les étapes de son parcours. Elle obtient son doctorat en psychologie des organisations. Elle est actuellement la vice-présidente du développement du leadership à l’Institute for Health and Human Potential (IHHP), où elle se spécialise en culture organisationnelle et (comme son titre l’indique) en développement du leadership.

Une large part de son succès en tant que psychologue, professionnelle et personne vient de son habileté à comprendre les autres. Mais ce succès n’a pas été facile à atteindre. En réalité, tout a débuté de façon plutôt chaotique.

« Ne cherche pas à devenir psychologue, ce n’est pas dans tes cordes car tu auras trop d’obstacles à surmonter. Choisis quelque chose de réalisable, comme devenir secrétaire. »

Ce conseil est donné à une jeune Cranla Warren par un conseiller en orientation avant qu’elle ne fasse une demande à l’université, avant qu’elle ne façonne son cheminement de carrière, et avant que le titre de « Dre » ne soit inscrit devant son nom. Ce qui joue en sa défaveur : elle est une jeune fille noire, quelqu’un pour qui la réussite scolaire est peu probable, et pour qui le parcours vers le succès serait parsemé de dizaines d’obstacles inexistants pour les autres. Elle surmonte ces obstacles grâce, dit-elle, à une famille qui la soutient et à une succession de formidables mentors rencontrés non seulement à l’école, mais plus tard, tout au long de sa vie professionnelle.

« Je suis très chanceuse, j’en prends conscience tous les jours. J’ai eu d’incroyables mentors à chaque étape de mon parcours professionnel. Par contre, j’estime aussi que je suis allée activement les chercher. Ce n’est pas tout le monde qui sait comment être proactif à cet égard. Lorsque j’ai été embauchée par une entreprise pharmaceutique, j’avais travaillé dans un hôpital où j’étais clinicienne, mais je n’avais jamais travaillé dans une entreprise. J’avais donné une conférence, quelqu’un l’avait vue, et ils ont adoré ce que j’avais présenté, et ils savaient que j’étais une défenseure de la santé mentale. Ils voulaient une personne comme moi dans leur groupe d’éducation médicale. On m’a mise en contact avec les gens qui occupaient les postes de pouvoir et ils ont dit “Je crois en ce que je vous vois faire et je vais vous aider à monter dans cette entreprise”. Même si éventuellement, cela aurait pu mettre leur carrière en danger. Mes supporteurs, mentors et parrains du monde des affaires ont toujours été des hommes blancs, puisque c’est eux qui détenaient traditionnellement les sièges du pouvoir. »

Cette approche proactive dans les efforts de trouver des mentors et des parrains au sein d’une organisation est une dimension que transmet la Dre Warren à plusieurs professionnelles qui communiquent avec elle précisément à cette fin.

« On communique avec moi assez fréquemment, des femmes noires et des femmes de couleur en particulier, qui disent vouloir apprendre à briser le plafond de verre, tel qu’il existe dans leurs organisations. Elles veulent être des dirigeantes dans leur entreprise. Mais elles se heurtent continuellement à tant d’obstacles systémiques qu’elles ne savent pas comment s’y prendre. Je suis formée en coaching, et j’aide à les coacher en créant un plan de développement distinct de leurs organisations, pour les mener sur la voie du leadership. Cela commence surtout par la connaissance de soi, l’intelligence émotionnelle, votre façon de vous présenter. À partir de là, ça s’étend à l’organisation elle-même. Qui peut agir en tant que mentor pour elles? Qui pourrait être un parrain éventuel? Les femmes noires sont fréquemment ignorées et elles sont invisibles dans plusieurs organisations. »

La Dre Warren a déconstruit son propre parcours afin de cerner où se situent les obstacles, où se concentrent les sièges du pouvoir, et ce qu’il faut pour percer dans les organisations, particulièrement pour les femmes noires.

« À moins de compter sur une personne qui a son mot à dire et prend part aux décisions, et qui plaide en votre faveur, qui est votre champion, votre parrain, qui parle de vous et de vos habiletés quand vous n’êtes pas présente, il est très, très difficile d’avancer. »

Après avoir déconstruit son propre parcours et contribué à créer celui qui permettrait à plusieurs femmes noires de réussir dans les organisations de toute l’Amérique du Nord, la Dre Warren ne s’est pas arrêtée là. L’idée du mentorat, et la valeur qu’il transmet sont au cœur de sa philosophie à tout point de vue. Elle transmet également cette idée aux femmes et aux filles de sa région.

« Je suis mentore auprès des femmes et des filles noires depuis peut-être 20 ans. Au cours de la dernière décennie, très formellement, sous l’égide d’un groupe de coordination appelé Trust 15, où j’ai travaillé avec la fondatrice, Marcia Brown, pour offrir diverses expériences aux personnes inscrites à ses programmes Girls on the Rise et Ladies on the Rise. Elles n’avaient jamais rencontré auparavant une personne qui avait mon niveau d’instruction, et je me rendais à Toronto pour être un modèle, pour être une mentore, pour les soutenir dans leurs efforts de créer efficacement leurs rêves, et par la suite, élaborer un plan pour les réaliser. »

La Dre Warren a mis sur pied un programme qui permet à de jeunes Noires des quartiers défavorisés dont elle est la mentore de se rendre à Stratford, où elle vit, pour assister au célèbre festival du même nom. Elles ont la possibilité de visiter l’entrepôt et de rencontrer toutes sortes de personnes impliquées dans les productions théâtrales, des acteurs aux décorateurs. Elles sortent de cette expérience avec un sentiment nouveau de ce qui est possible. “Vraiment, on peut travailler dans la conception de costumes, la création d’accessoires ou la fabrication de perruques? Vous voulez dire que ça pourrait être de véritables emplois?” »

« Le conseil que m’a donné mon conseiller d’orientation [de ne pas viser trop haut] date des années 1970, et nous voilà dans les années 2020, et les jeunes filles noires entendent toujours le même message. Nous les emmenons donc en autobus à Stratford, en partenariat avec le festival, et nous leur offrons un tout nouveau regard sur le monde. C’est une expérience incroyable que de se promener le long de la rivière et de déjeuner à l’extérieur – des choses que ces filles n’ont généralement pas l’occasion de faire dans leur propre quartier. »

Pour les jeunes filles noires des quartiers défavorisés de Toronto, le simple fait d’être exposées à un monde de possibilités jusqu’ici inconnu peut ouvrir des portes, créer des rêves et des cheminements de carrière qui peuvent leur sembler inatteignables. Pour celles qui se lancent dans la réalisation de ces rêves, la valeur du mentorat reste tout aussi élevée, ce qui reste, à tout moment, une priorité pour la Dre Warren.

« En réalité, c’est grâce à mon mentor-parrain de l’industrie pharmaceutique, un homme blanc qui occupait un poste à la vice-présidence, que je suis maintenant ici à l’IHHP [Institute for Health and Human Potential]. Lorsqu’ils cherchaient quelqu’un, il leur a dit : “Voilà la personne dont vous avez besoin”. C’est toujours une question de savoir “qui est votre champion de l’intérieur?” »

Pour beaucoup trop de femmes et de filles noires au Canada et aux États-Unis, la réponse à cette question est « personne ». Mais plusieurs d’entre elles auront une réponse, si jamais on leur pose la question.

« Qui vous soutient? »

« La Dre Cranla Warren. »


Profils du Mois de la psychologie : Dre Andrea Howard, Psychologie du développement

Dr. Andrea Howard
Dre Andrea Howard

Dre Andrea Howard, Psychologie du développement
La psychologie du développement couvre tout, de la petite enfance à la vieillesse, car les êtres humains se développent continuellement tout au long de leur vie. La capacité de changer au fur et à mesure que nous évoluons est appelée « plasticité », et nous en avons parlé avec la Dre Andrea Howard.

À propos de Dre Andrea Howard

Psychologie du développement

« Le plastique ».

Lorsque Walter Brooke a lancé cette phrase mémorable à Dustin Hoffman dans Le Lauréat, nous étions en 1967. Brooke, qui jouait le rôle de M. Maguire, essayait de transmettre sa sagesse au jeune Benjamin Braddock, lui disant où se trouvait l’avenir. À l’époque, les spectateurs étaient au courant des capacités du plastique, mais ils auraient probablement été surpris de voir à quel point cette affirmation était prémonitoire. En 1976, le plastique était le matériau le plus utilisé aux États-Unis et est encore aujourd’hui le plus utilisé dans le monde. Rien n’indique que cette tendance va bientôt ralentir.

En raison de l’omniprésence du plastique, nous avons tous une idée prédéterminée de ce qu’il est, et lorsque nous entendons un terme comme « plasticité », cela peut sembler étrange. Lorsque nous pensons au plastique, nous pensons à des formes plutôt définies – des roues de voiture miniature et des bouteilles de Fresca, des rennes gonflables et d’autres objets. Pourtant, la « plasticité » est un terme utilisé pour indiquer la capacité d’être modelé, de changer, de s’adapter à un nouveau contenant en fonction des circonstances.

La Dre Andrea Howard est une psychologue du développement. Professeure agrégée au département de psychologie de l’Université Carleton et directrice du Pickering Centre for Research in Human Development de la même université, elle étudie le bien-être de la personne pendant les transitions importantes du développement comme le passage à l’âge adulte. Elle parle beaucoup de plasticité.

« Une personne peut à tout moment être modelée ou modifiée d’une façon ou d’une autre. Soit par elle-même, soit par son environnement, ses gènes ou une combinaison de tout cela. C’est un terme qui s’est imposé il y a de nombreuses années et que nous utilisons pour décrire le potentiel. Il n’y a vraiment jamais un moment dans la vie où autre chose ne pourrait pas arriver. Nous disons souvent que les gens partent d’un point commun. Comme deux enfants qui ont eu tous les deux des parents universitaires, ayant des revenus similaires, et des expériences de jeunesse semblables, mais qui ont fini à des endroits très différents. »

Il y a de cela de nombreuses années. Le terme a été utilisé pour la première fois dans les années 1630 et était souvent relié aux arts (sculpture, poterie, etc.). Le terme « plasticité » ne vient pas du mot « plastique », et lui est en fait antérieur de plusieurs siècles. Ils ont plutôt la même racine – « plasticus » en latin ou « plastikos » en grec, ce qui signifie « capable d’être modelé sous diverses formes ». Il est également à l’origine d’autres mots, comme « plâtre » et « plasticine ». La Dre Howard dit qu’il y a deux périodes dans la vie où la plasticité est le plus prévalente – la petite enfance et l’adolescence.

« La psychologie du développement a beaucoup appris sur le développement de l’enfant et les périodes cruciales de la vie pour tirer parti de cette plasticité – et son rôle dans la progression ou le recul d’un enfant par rapport à son potentiel. Les progrès nous ont permis de constater à quel point les trois premières années de vie – mais en réalité les six premières années – sont essentielles. Par exemple, l’école maternelle et les garderies préscolaires basées sur le jeu sont le résultat de ce travail. Nous ne traitons plus les enfants comme des adultes miniatures parce que nous comprenons qu’ils ont des besoins différents, et leur capacité à traiter les informations, à se développer et à s’épanouir est très différente de celle des adultes. La maternelle en Ontario, par exemple, est le reflet de la science du développement de l’enfant. Elle est très différente de celle que je fréquentais quand j’étais plus jeune. »

Pendant la petite enfance, l’enfance et l’adolescence, beaucoup de choses se produisent en très peu de temps. C’est pourquoi le développement des enfants présente un intérêt non seulement pour les psychologues, mais aussi pour les parents, les enseignants, les enfants eux-mêmes et le grand public. Mais la psychologie du développement est un champ d’études qui s’intéresse à toutes les étapes de la vie.

« Je pense que les gens ont l’impression que la psychologie du développement concerne seulement la psychologie de la petite enfance et de l’enfance, et ce n’est pas tout à fait vrai. Tous nos fondements théoriques portent sur les changements qui surviennent tout au long de la vie, et une grande partie des premiers travaux en psychologie du développement sont issus du vieillissement. Plusieurs des chercheurs les plus influents ont étudié le développement de la personne dans la dernière partie de la vie ainsi que le vieillissement cognitif. Aujourd’hui, beaucoup de psychologues du développement importants se concentrent encore sur cette étape de la vie. »

Lorsque j’étais étudiant à l’université, j’avais deux colocataires, Sang et Kent. Une année, nous avions organisé une fête du Super Bowl et mon père était là. Je me souviens d’un jeu où aucune des deux équipes n’avait pu récupérer un ballon perdu, et où le ballon a fini par sortir des limites du terrain. Mon père s’est tourné vers moi et m’a dit : « Aucune des deux équipes n’a été foutue de ramasser ce maudit ballon! » C’est à ce moment-là que j’ai senti que j’étais entré dans l’âge adulte. Papa me parlait comme à un ami, avec un juron tout à fait banal! En s’adressant à moi! Je suis un adulte! La Dre Howard étudie cette transition vers l’âge adulte, qui, selon elle, se présente différemment selon les personnes.

« Devenir adulte, cela ne se fait pas en un rien de temps. Les enfants commencent à se rapprocher de l’âge adulte dès leur naissance, mais beaucoup de choses se succèdent rapidement lorsque les adolescents arrivent à la fin du secondaire, apprennent à conduire à 16 ans et deviennent majeurs à 18 ans. La plupart des gens considèrent que la transition vers l’âge adulte commence à la fin de l’adolescence et se termine à la fin de la vingtaine, mais ce processus est très fluide et très individualisé. Certaines personnes auront l’impression d’avoir atteint l’âge adulte plus tôt que d’autres lorsqu’elles assument des rôles conventionnels comme occuper un emploi à temps plein, être chef de famille et payer ses propres factures.

Il y a beaucoup de gens de 60 ans et de 70 ans qui disent « Vous savez, je ne me sens pas vraiment comme un adulte ». Ou ils ont l’impression que d’une certaine manière ils le sont, mais que d’une autre manière, ils ne le sont pas. Il n’y a pas de règles officielles prescrivant le moment où un individu « devient » un adulte. Il n’existe pas de définition juridique de l’âge adulte, et lorsqu’un individu a 19 ans, il est majeur et a des droits légaux. Mais sur le plan du développement, nous sommes plus intéressés par la façon dont les gens se perçoivent et perçoivent les autres relativement à l’âge adulte.

Au cours des 30 dernières années, dans les pays occidentaux – les pays ayant plus de ressources – on a commencé à s’intéresser à des indicateurs moins tangibles de l’âge adulte. Comme la capacité de prendre soin de soi-même de manière générale et d’être responsable de ses actions, ou de se distinguer de ses parents dans une relation interpersonnelle, tandis qu’auparavant les marqueurs étaient le mariage, la maternité, le travail à temps plein, l’indépendance financière, et ainsi de suite. Mais ces choses ont beaucoup moins d’importance, et beaucoup de personnes qui n’ont pas nécessairement franchi toutes ces étapes du développement de la personne se sentent tout à fait adultes. Depuis longtemps, nous constatons que les gens se soucient davantage des caractéristiques intangibles pour déterminer si on a franchi le cap de l’âge adulte. »

L’adolescence, au moment où l’on s’approche de l’âge adulte – quelle que soit la définition que l’on donne à ce terme – est un moment clé du développement. Encore une fois, c’est parce que c’est une période où la plasticité est très forte. Selon la Dre Howard, le développement du cerveau des adolescents a fait l’objet de beaucoup de recherches au cours des dernières décennies.

« L’une des contributions les plus importantes de la psychologie du développement concerne la perception que nous avons des adolescents et la nécessité de les traiter comme des enfants plutôt que comme des adultes. Cela vient en grande partie de notre compréhension du développement du cerveau entre 10 ans et 25 ans. La neuropsychologie du développement nous a permis de comprendre que le cerveau continue de changer de façon très importante, et que l’adolescence en particulier est une période d’activité extrêmement élevée et de changements neurologiques. Cela est semblable à l’enfance pour ce qui est du niveau d’activité. Au fil des ans, notre façon d’envisager la prise de décision et la prise de risque chez les adolescents, ainsi que le fait de faire preuve de bon ou de mauvais jugement dans des situations intenses, a changé. Nous savons très bien qu’un jeune de 16 ans peut raisonner aussi bien qu’une personne de 30 ans pendant une situation calme sans implication émotionnelle – une situation qui ne nécessite pas une prise de décision rapide sous pression. Comme voter, par exemple. Mais le jeune de 16 ans n’est pas aussi doué pour décider s’il faut ou non brûler un feu rouge. Lorsqu’ils se trouvent avec leurs amis, les adolescents ont tendance à choisir des comportements plus risqués. C’est une constatation qui a aidé la société à décider de la manière de traiter les adolescents dans les situations décisionnelles et judiciaires. »

Donc, si les jeunes de 16 ans sont tout aussi capables que les adultes de prendre une décision comme choisir pour qui voter, pourquoi ne peuvent-ils pas voter? La Dre Howard poursuit.

« À une époque, les personnes de 18 ans ne pouvaient pas voter non plus, mais comme il fallait plus de gens pour faire la guerre, on a abaissé l’âge du vote. La décision d’interdire aux jeunes de 16 ans de voter n’a pas de base développementale. La question de savoir si notre pays choisira cette voie a davantage à voir avec la volonté des adultes de céder une partie du contrôle de la prise de décision à des personnes plus jeunes. Les études sur le développement des adolescents indiquent qu’un jeune de 16 ans devrait être en mesure de prendre une décision aussi éclairée qu’un adulte. »

Et pourtant, les jeunes de 16 ans ont le droit de conduire. Ceux d’entre nous qui ont, à un moment ou à un autre, été (ou ont eu) des adolescents se souviennent peut-être des primes d’assurance incroyablement élevées que nous devions payer – beaucoup plus élevées que celles des adolescentes, et astronomiquement plus élevées que celles de nos parents ou nos grands-parents. Je me souviens du moment où l’Ontario a instauré son programme de « délivrance graduelle des permis de conduire ». J’étais juste un peu trop jeune pour être exempté, et cela a ajouté une étape supplémentaire (et deux années supplémentaires) au processus d’obtention du permis de conduire. Cela a augmenté les dépenses, mais pas autant que les primes d’assurance. La Dre Howard dit qu’il y a une bonne raison à cela.

« Si votre assurance automobile était si chère lorsque vous aviez 17 ans, ce n’est pas parce que des psychologues du développement ont dit aux assureurs qu’il devait en être ainsi, mais parce que les compagnies d’assurance reconnaissaient que les adolescents étaient impliqués dans beaucoup plus de collisions que les autres conducteurs. Et cela est dû aux différences liées au développement. Le programme de délivrance graduelle des permis de conduire contribue grandement à faire des conducteurs novices des conducteurs plus prudents. »

En plus de modifier sa façon d’aborder les enfants en bas âge et les adolescents à l’adolescence, la psychologie du développement s’est orientée au cours des trois dernières décennies vers les études longitudinales. Les pionniers très influents dans le domaine se concentraient autrefois sur l’idée que le développement de la personne présentait une grande universalité. Jean Piaget, par exemple, est à l’origine de la célèbre théorie des « stades » du développement, qui divise la vie humaine en quatre stades distincts. Selon la Dre Howard, nous voyons les choses un peu différemment aujourd’hui.

« À une certaine époque, les questionnements portaient sur l’idée que les enfants atteignent un stade et ne peuvent pas ensuite régresser, et que tout le monde est assez semblable à chaque stade de leur développement. Nous savons désormais que cette façon de voir les choses est un peu trop figée. Notre domaine s’est éloigné des théories du développement par stades. En ce qui concerne la conception des études, je pense que le changement le plus important a été le passage des enquêtes et des expériences ponctuelles à la collecte de données sur une longue période (données longitudinales). Les données longitudinales ont toujours existé, mais elles sont devenues une composante beaucoup plus importante de la psychologie du développement qu’elles ne l’étaient, disons, dans les années 1990. Aujourd’hui, quand on fait une étude, on s’attend presque à recueillir des données sur des mois, des années, voire des décennies. »

Nous commençons à voir apparaître des études longitudinales plus importantes en raison de la COVID. La plupart d’entre nous ont été invités à participer à un sondage quelconque concernant leur santé mentale au cours des deux dernières années, leurs habitudes quotidiennes et leur perception de la pandémie à différents moments pendant cette période. La Dre Howard ne fait pas exception, même si, pour l’une de ses études, elle affirme que la COVID a fini par être davantage une parenthèse intéressante qu’un point central.

« En 2019, nous avons recueilli des données auprès d’étudiants de premier cycle de l’Université Carleton, des jeunes de 16 à 19 ans en première année. Ils sortaient tout juste de l’école secondaire et entamaient la transition vers l’université et nous pensons qu’une transition aussi importante que celle-là offre de grandes possibilités de changement. Nous avons recueilli des données quatre fois pendant la première année scolaire, pour voir si les indicateurs de bien-être que nous mesurions évoluaient d’un mois à l’autre. Des problèmes comme la dépression et l’anxiété ont tendance à s’aggraver entre le début et la fin du semestre, ce que nous avons constaté à maintes reprises. Ce qui a été vraiment utile pour nous dans cette collecte de données, c’est que nous avons fini par recueillir certaines données au moment où les confinements commençaient en raison de la COVID à la fin de l’année scolaire. Le fait de recueillir des données à différents moments me donne un ensemble de données qui me permettent de déterminer comment les personnes appartenant à la population étudiée se portaient avant et pendant la transition vers la nouvelle situation imposée par la pandémie. Cela permet de voir non seulement comment les groupes de personnes en général évoluent dans le temps, mais aussi comment les individus eux-mêmes évoluent par rapport à leurs propres références au fil du temps. »

La COVID a bien sûr été, pour nous tous, le principal sujet de discussion au cours des deux dernières années, mais depuis une dizaine d’années, ce sont les médias sociaux qui occupent une place prépondérante. LinkedIn a été lancé en 2003, suivi rapidement par MySpace. Twitter a été lancé en 2006, et en 2008, Facebook a dépassé MySpace pour devenir le site le plus populaire. Aujourd’hui, nous avons aussi Pinterest (2010), Instagram (2010), Snapchat (2011), TikTok (2017), la liste est longue et le paysage est sans fin. Il s’agit d’un sujet important dans le domaine auquel s’intéresse la Dre Howard, à savoir la transition vers l’âge adulte.

« On discute beaucoup sur la mesure dans laquelle l’utilisation des médias sociaux est problématique pour la santé mentale et le bien-être général des jeunes. Les psychologues du développement tentent de rappeler au monde que les choses qui se trouvent sur les téléphones ne sont pas des activités statiques que l’on fait, mais des contextes dans lesquels la vie se passe. Lorsque les enfants vont à l’école, ils découvrent tout un environnement avec des personnes autour d’eux qui peuvent les influencer, et ils influencent également l’environnement et les autres personnes par leur présence. Par exemple, une plateforme Instagram est un contexte de développement dans lequel les gens évoluent, ce qui est nouveau par rapport à ce que c’était il y a dix ans. Ainsi, aborder l’utilisation des médias sociaux sous l’angle du développement nous aidera à comprendre non seulement si le fait d’être sur la plateforme est bon ou mauvais pour la personne, mais aussi quels types d’expériences qui se vivent sur cette plateforme peuvent être malléables – en vous influençant d’une manière positive ou en générant des risques et des expériences négatives. »

À la fin de 2021, une étude menée par la plateforme Facebook elle-même a marqué l’actualité mondiale. La principale manchette était que Facebook savait qu’Instagram (dont il est propriétaire) a un effet négatif profond sur l’image corporelle des jeunes filles. Pour ajouter au caractère sensationnel de cette nouvelle, l’étude a été révélée par un lanceur d’alerte, et il semble bien que Facebook ait tenté de la dissimuler. Mais, selon la Dre Howard, les psychologues du développement ne croient pas aux titres sensationnels, aux résultats de l’étude, ni même à la validité de l’étude elle-même.

« Cette étude a vraiment posé problème, car elle n’est pas bien faite. Facebook a été accusé d’avoir caché cette recherche, mais il s’agissait d’un travail de très faible qualité qui ne montre pas du tout qu’Instagram est néfaste pour les adolescentes. Mais parce qu’elle a été enterrée et qu’une personne a lancé l’alerte à son sujet, elle a beaucoup de visibilité aujourd’hui. Dans le public, les parents et les politiciens s’inquiètent souvent du fait que les médias sociaux nuisent à nos adolescents. Du point de vue du développement, ce n’est pas la bonne question à poser. Les adolescents sont sur les réseaux sociaux, tout comme les adultes et certains enfants. Alors, que se passe-t-il dans ces environnements qui soit bon et mauvais? Qu’est-ce qui permet d’améliorer le potentiel de développement des individus et qu’est-ce qui l’entrave? L’étude révélée par le lanceur d’alerte a rassemblé des jeunes qui avaient répondu à des questions sur l’image corporelle et qui manifestaient une image corporelle négative, et leur a demandé à quel point ils pensaient qu’Instagram avait nui à leur image corporelle. Influencer les participants en leur disant : “C’est une des raisons pour lesquelles tu as une mauvaise image corporelle. À quel degré cette raison est-elle mauvaise?” n’est pas un bon moyen d’obtenir une réponse qui puisse nous renseigner sur la plateforme. Mais plus encore, quelque 70 % de ces filles, même après avoir été “conditionnées”, ont déclaré que ce n’était pas un problème, ou que cela les avait aidées. Mais on a mis l’accent sur les 30 % de filles qui ont dit que le fait d’être sur Instagram les faisait se sentir moins bien dans leur peau, ce qui a fait la une des journaux. Donc, la méthodologie de l’étude était mauvaise, la façon de poser la question était mauvaise, et les résultats ont été mal interprétés. Les psychologues du développement recommanderaient d’aborder cette question très différemment. »

Les médias sociaux ont certes des avantages et des inconvénients, et ont entraîné des développements positifs ainsi que des effets négatifs, plus médiatisés. Selon la Dre Howard, on peut dire la même chose de pratiquement tous les domaines étudiés par les psychologues du développement.

« Ce qui rassemble les gens sous la bannière de la psychologie du développement, c’est le fait qu’ils adhèrent à un cadre théorique définissant la façon dont ils considèrent la durée de vie. Les gens changent continuellement tout au long de leur vie. Le développement de la personne comporte toujours une part de plasticité et de malléabilité et les gens peuvent toujours changer. Il existe un potentiel de croissance positive ou négative en tout temps. Ce qui module notre expérience est ce qui se passe dans notre environnement. Nous adoptons une perspective théorique très large sur la façon dont les gens évoluent tout au long de leur vie, ce qui permet de rapprocher les psychologues qui étudient la petite enfance dans cette perspective et ceux qui étudient le vieillissement et la démence en fin de vie. »

La plasticité est toujours là. Et nous l’appellerons toujours « plasticité », même si nos conceptions modernes laissent entendre qu’un nom différent pourrait évoquer une représentation plus appropriée de sa mécanique. Cela dit, nous ne sommes pas malléables au point de la confondre avec le plastique.


Profils du Mois de la psychologie : Dre Elizabeth Hartney et Dre Mari Swingle , Électrophysiologie quantitative

Dr. Elizabeth Hartney
Dr. Elizabeth Hartney
Dr. Mari Swingle
Dr. Mari Swingle

Dre Elizabeth Hartney et Dre Mari Swingle , Électrophysiologie quantitative
Aujourd’hui, le Mois de la psychologie met en vedette l’électrophysiologie quantitative, c’est-à-dire l’étude de l’activité électrique du cerveau. Nous avons parlé avec la Dre Elizabeth Hartney et la Dre Mari Swingle de la valeur réelle des détecteurs de mensonges et des bienfaits de l’ennui.

À propos de Dre Elizabeth Hartney et Dre Mari Swingle

Électrophysiologie quantitative

Aucun mensonge détecté

Il y a une scène dans un épisode de Seinfeld où Jerry est interrogé à l’aide d’un détecteur de mensonges par un sergent de police qui ne le croit pas lorsqu’il lui dit qu’il n’a jamais regardé un épisode de Place Melrose. Grâce aux conseils de George (« ce n’est pas un mensonge si tu crois que c’est vrai! »), il s’en sort plutôt bien jusqu’à ce que l’anxiété prenne le dessus et qu’il craque sous la pression, admettant être vraiment accro à Place Melrose. Pour en savoir plus sur la « féminophobie » présente dans cette scène, voir l’article sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre présenté plus tôt dans le cadre du Mois de la psychologie!

Nous avons tous déjà vu des scènes semblables à la télévision et dans les films, où les gens ont des électrodes attachées à leurs doigts et à leurs mains, et où la machine quantifie les réponses données aux questions posées. Je pense que la plupart d’entre nous savent aujourd’hui que la machine ne mesure pas vraiment l’honnêteté mais plutôt l’anxiété. Et bien qu’elle ne soit pas très utile dans son but présumé – la détection des mensonges –, cette technologie est en fait très utile pour détecter l’anxiété! C’est le domaine de l’électrophysiologie quantitative.

La Dre Mari Swingle est psychologue clinicienne, chercheuse, auteure et conférencière. Elle a un doctorat en psychologie et une maîtrise en éducation, et elle a un certificat en neuroélectrophysiologie. Elle est la trésorière de la Section d’électrophysiologie quantitative de la SCP. Elle décrit la discipline de la façon suivante :

« Nous lisons l’activité électrique du cerveau, ce qui nous révèle beaucoup de choses. Nous pouvons lire à partir des niveaux supérieurs du cortex et obtenir beaucoup d’information, et nous pouvons aussi aller très profondément dans les structures et les circuits du cerveau. Il faut de l’équipement extrêmement perfectionné pour faire cela, et il faut des cliniciens extrêmement perfectionnés pour lire tout cela. »

La Dre Elizabeth Hartney, la présidente de la Section d’électrophysiologie quantitative, figure parmi ces cliniciens extrêmement perfectionnés. La Dre Hartney est psychologue agréée en Colombie-Britannique et elle possède une certification en neurofeedback et en biofeedback (deux formes courantes d’électrophysiologie quantitative).

« Nous sommes agréées par la BCIA, qui signifie Biofeedback Certification International Alliance. L’organisme offre la certification en biofeedback dans le monde entier. Le biofeedback englobe quelques sous-disciplines. Celle dans laquelle Mari et moi travaillons le plus étroitement est le neurofeedback EEG (électro-encéphalogramme) – mais nous pratiquons aussi le biofeedback avec capteurs périphériques, qui recueille d’autres informations biologiques pertinentes (p. ex., la réponse ectodermique – un mot compliqué pour désigner la sueur ou les cycles respiratoires) ailleurs dans le corps. Nous pourrions donc poser des électrodes sur le bout de vos doigts, sur la paume de votre main, pour lire la variabilité de la fréquence cardiaque ou la conduction cutanée. Il s’agit en fait de tout ce que l’on voit dans les détecteurs de mensonges à la télévision – qui ne sont pas vraiment efficaces pour détecter les mensonges, mais qui le sont pour détecter l’anxiété. L’anxiété est l’une des choses avec laquelle nous travaillons beaucoup. »

Le biofeedback est une thérapie qui permet de prendre conscience des fonctions de son propre corps et de mieux les contrôler. Il peut être utilisé pour aider les personnes présentant divers symptômes, allant du syndrome du côlon irritable aux effets secondaires de la chimiothérapie. La Dre Harney poursuit :

« Nous travaillons avec les gens pour obtenir des informations sur leur respiration, leur rythme cardiaque, leur tension artérielle, toutes sortes de phénomènes qui peuvent être psychosomatiques et impliquer à la fois l’esprit et le corps. Il y a des thérapeutes qui se spécialisent dans d’autres domaines, comme l’incontinence urinaire. Dans ce cas, l’approche utilisée vise à apprendre à l’individu à prendre le contrôle de son corps et de son cerveau – et dans certains cas, de sa vessie! »

Comme si les mots « électrophysiologie quantitative », « neurofeedback » et « biofeedback » n’étaient pas si rébarbatifs, les cliniciens spécialisés dans cette discipline ont tendance à en ajouter quelques-uns. Comme la physiologie, qui décrit aussi leur travail! Il y a la neurophysiologie, qui s’intéresse aux signaux du cerveau. Il y a aussi la physiologie générale, qui s’intéresse au corps en entier, y compris au cerveau. Selon les circonstances, les cliniciens spécialisés en électrophysiologie quantitative parleront uniquement du corps, uniquement du cerveau, ou des deux en même temps. La Dre Swingle parle des dimensions différentes que cela peut avoir.

« Beaucoup de recherches se sont faites sur ce que nous appelons la “cartographie cérébrale”. Alors, comment lire l’électricité et que nous dit-elle? Nous travaillons à partir de bases de données cliniques ou normatives. Les données normatives sont des mesures prises à partir du cerveau de personnes qui n’ont pas de symptômes ou de diagnostics déclarés. Elles ne souffrent pas de TDAH, de dépression, de psychose, etc. Nous regardons à quoi ressemble le cerveau dans ce cas, et nous pouvons ensuite traiter les personnes atteintes de TDAH, de dépression ou de psychose, et les aider à retrouver leur état normal (ou typique). Ce qu’Elizabeth et moi faisons principalement relève de l’autre volet, à savoir travailler à partir de bases de données cliniques. Cela signifie que nous mesurons l’activité électrique du cerveau des personnes qui souffrent réellement d’anxiété, d’insomnie, de difficultés scolaires, et ainsi de suite. Nous entraînons ensuite le cerveau à s’éloigner de cette mesure. »

Cela consiste principalement à exploiter les processus en cours dans certaines zones du cerveau et à en augmenter ou en diminuer la force. Cela peut être efficace pour traiter la dépression, l’anxiété, le TDAH et d’autres pathologies. Dans les situations où le cerveau lui-même a subi des dommages, le traitement est très différent.

Comme l’explique la Dre Swingle, « lorsque nous avons affaire à des AVC très graves ou des différences structurelles du cerveau, nous cherchons alors des connexions différentes [ce qui est souvent appelé neuroplasticité – la capacité du cerveau à compenser les parties endommagées en apprenant à utiliser d’autres parties pour accomplir les mêmes fonctions]. La majorité du travail que nous faisons vise à améliorer l’efficacité des connexions existantes. Certaines ne sont pas assez puissantes et d’autres, trop puissantes. Les travaux précurseurs de Davidson en sont un bon exemple. Il a étudié l’équilibre entre les lobes frontaux, le lobe gauche et le lobe droit. Il a découvert que si les activités électriques corticales étaient supérieures de plus de 15 % sur un lobe par rapport à l’autre, cela indiquait presque toujours une dérégulation émotionnelle. »

Montrer plus facilement le cerveau

 

 

Le domaine de l’électrophysiologie quantitative a beaucoup changé au cours des vingt dernières années, notamment en raison de l’avènement de l’ordinateur personnel et d’une plus grande puissance technologique. Pour une discipline qui dépend énormément de la technologie, cela a été une aubaine, mais a également rendu les pathologies, et leur traitement, beaucoup plus complexes. La Dre Harney réfléchit à cette évolution.

« En fait, les choses sont devenues plus faciles – mais aussi beaucoup plus compliquées – avec l’expansion des ordinateurs personnels. Ils ont rendu beaucoup plus divertissant le processus de réception et de renvoi de la rétroaction à partir du cerveau et vers le cerveau. Mais il y a là un problème. Avant d’avoir des ordinateurs, des psychologues comme nous utilisaient des lumières qui s’allumaient ou des sons qui résonnaient lorsque le cerveau accomplissait ce pour quoi nous l’entraînions. C’est la partie “rétroaction ou feedback” des termes “neurofeedback” ou “biolofeedback”. Et cela fonctionnait très bien! Aujourd’hui, nous avons des jeux d’ordinateur sophistiqués, des casse-tête et des vidéos qui s’allument et s’éteignent selon ce que fait le cerveau et nous disposons de tableaux impressionnants, qui nous permettent d’observer la fréquence des ondes cérébrales des gens à plusieurs endroits différents à la fois ».

La Dre Swingle donne un exemple précis du genre de travail qu’elle et la Dre Hartney pourraient réaliser pour un client. « Nous pourrions vouloir augmenter une onde cérébrale à un endroit particulier du cerveau dans un but bien précis. Par exemple, nous voulons augmenter les ondes thêta [un type d’ondes cérébrales] à l’arrière du cerveau parce que lorsque le niveau d’ondes thêta à l’arrière du cerveau est plus élevé, la tolérance au stress est plus grande. Nous pouvons utiliser cela pour aider à combattre l’insomnie, l’anxiété, les dépendances, tous des types de troubles qui pourraient bénéficier du calme du cerveau. Nous attachons une électrode à un endroit très précis et demandons à l’individu d’interagir avec un ordinateur. Une façon très simple de procéder est de faire sauter un criquet à l’écran lorsque les ondes thêta se déplacent par petits mouvements. Disons que nous avons affaire à une jeune personne qui souffre d’anxiété extrême et qui a besoin d’aide pour se calmer. Tout ce que nous faisons, c’est lui demander de faire sauter le criquet. Les petits enfants ne demandent pas comment on fait ça, pourquoi on fait ça. Ils disent simplement “OK”. Il est donc très facile de travailler avec les enfants! Dans les coulisses, nous observons les formes d’onde pures, les amplitudes et les rapports afin de voir la fréquence thêta monter, et nous manipulons les seuils pour faciliter ou compliquer le saut du criquet. Ce que nous faisons, c’est donner à cet enfant le contrôle pour augmenter les ondes thêta par lui-même. Quand on montre au cerveau un moyen plus facile de faire quelque chose, il le fait. »

Cultiver l’ennui

Pendant que je rédige le présent portrait, il y a derrière moi un téléviseur en sourdine. À l’écran, Équipe Canada est en train de jouer pour la médaille d’or contre les États-Unis aux Jeux olympiques. Mon téléphone est à côté de moi et émet constamment des notifications – Jonathan Stea vient tout juste de partager mon gazouillis, CTV Ottawa a lancé sur Instagram une vidéo en direct des manifestations au centre-ville d’Ottawa. Je n’ai pas joué à Words With Friends avec mes amis depuis trois semaines, et ils veulent que je sache que je leur manque. À tout moment, je dois arrêter de taper, car les notifications par courriel bloquent l’écran, et j’en ai reçu 14 depuis que j’ai commencé à écrire. La Dre Swingle a écrit un livre intitulé i-Minds: How Cell Phones, Computers, Gaming, and Social Media are Changing our Brains, our Behavior, and the Evolution of our Species qui traite justement de ce genre de choses.

« Un problème qui se pose dans notre discipline est que les choses sont devenues si sophistiquées qu’elles ne sont plus aussi efficaces, explique-t-elle. Un criquet qui saute pendant cinq minutes, c’est amusant. Un criquet qui saute pendant quarante minutes, c’est ennuyant! Et les enfants retournent à leurs jeux vidéo incroyablement évolués et spectaculaires. Nous obtenons donc de très bonnes données pendant la séance, mais le cerveau ne change pas de façon permanente. Lorsqu’on travaille avec des enfants, surtout ceux qui ont des difficultés d’attention, les écrans doivent être un peu ennuyants pour que le traitement fonctionne. C’est devenu une sorte de conflit intérieur dans notre discipline. »

Comment les choses ont-elles changé au cours des dernières décennies? Les enfants trouvent-ils le criquet ennuyant aujourd’hui parce qu’ils sont habitués à passer beaucoup de temps devant un écran interactif et à être davantage stimulés? S’ils avaient été exposés à cet exercice en 1988, auraient-ils trouvé le criquet divertissant plus longtemps? La Dre Swingle répond « oui » et « non ».

« Il y a 20 ans, on pouvait maintenir l’attention plus longtemps avec des stimuli moindres, mais c’était tout aussi ennuyant! Le problème est plus important maintenant parce que les nombreuses interactions avec la technologie influencent le développement du cerveau des enfants. Beaucoup d’enfants ne savent pas comment “supporter la monotonie” parce que tout se passe à un rythme effréné dans leur vie. Si l’enfant fait une heure de neurothérapie par semaine, mais consacre 20 heures aux jeux vidéo par semaine, le jeu l’emportera probablement. Et cela fait exactement le contraire de la neurothérapie; le cerveau s’entraîne à ne répondre qu’à l’excitation. »

Si vous vous entraînez sur un tapis roulant ou un rameur pendant 30 minutes par jour, c’est sûrement très bon pour vous, mais si vous passez le reste de la journée à ne manger que de la poutine et des coupes au beurre d’arachide, les effets du rameur seront probablement très diminués, et il est peu probable que vous obteniez les résultats que vous recherchez.

En même temps, si vous allez au centre de conditionnement physique tous les jours pendant trois mois et travaillez avec un entraîneur personnel pour trouver le programme d’entraînement qui vous convient, vous serez peut-être capable de maintenir le niveau de forme physique que vous désirez par la suite en n’y allant qu’une fois par semaine. C’est l’objectif de l’électrophysiologie – que les changements opérés dans votre cerveau fassent partie de vous-mêmes et se maintiennent après le processus.

Selon la Dre Hartney, « l’objectif ultime, c’est que votre client apprenne à changer d’état sans l’aide de la rétroaction. Or, nous constatons que les jeunes voient la thérapie par biofeedback comme une forme de divertissement et ne comprennent pas nécessairement qu’il s’agit d’un processus éducatif. Nous essayons de leur apprendre à changer d’état, mais parce qu’ils sont inondés de gadgets et d’animations, il est beaucoup plus difficile pour eux de généraliser ce qu’ils ont appris pendant une séance hors de l’environnement thérapeutique. »

Sur la valeur de l’ennui

Chaque vendredi soir, ma famille et moi faisons une soirée de jeux sur Zoom. Nous jouons à un jeu sur nos téléphones et nous partageons tous un même écran. Les progrès rapides de la technologie réalisés au cours des dernières années ont rendu possibles des choses extraordinaires, et c’est formidable de pouvoir nous retrouver de cette manière, en particulier pendant une pandémie où d’autres méthodes de communication ne sont pas nécessairement disponibles. Mais je remarque que les enfants abordent cela un peu différemment des adultes. Pendant que nous attendons le chargement du jeu, ils jouent à un autre jeu sur leur téléphone. Ou, bien que ce ne soit pas leur tour, ils distribuent les cartes sur la table de jeu ici, à la maison; ils peuvent donc jouer à un autre jeu pendant les 90 secondes d’interruption du jeu. La Dre Hartney explique pourquoi cela est de plus en plus courant.

« Nous sommes d’un âge où le fait de s’ennuyer était normal lorsque nous étions enfants. Si nous allions voir nos parents pour nous plaindre de nous ennuyer, ils nous donnaient une corvée ou nous disaient de nous occuper par nous-mêmes. Nous avons grandi avec l’idée que les choses étaient un peu ennuyantes et que nous devions chercher nous-mêmes comment nous amuser. La génération actuelle n’a tout simplement pas le même genre de référence. »

Comme la Dre Hartney, la Dre Swingle adore l’ennui!

« Toute la créativité et toutes les innovations émanent de l’ennui. Si vous ne vous ennuyez pas, vous n’avez pas l’occasion de développer votre curiosité, vous n’avez pas le temps de remarquer les choses par vous-même, de les assimiler, de voir les modèles, etc. Veuillez noter que la curiosité personnelle (interne) (générée par l’ennui) et l’exploration qui suit sont très différentes de la curiosité générée par un divertissement (externe) (générée par une excitation externe ou un divertissement externe plutôt que par l’éveil interne). Nous allons bien au-delà de nos travaux en électrophysiologie quantitative, mais ces éléments sont intrinsèquement liés. »

Avant d’aller trop loin au-delà de l’électrophysiologie quantitative, nous allons en rester là.

Alors, ennuyez-vous, les amis!


Profils du Mois de la psychologie : Dre Jen Theule et Dre Cathy Costigan , Psychologie de la famille

Dr. Jen Theule
Dr. Jen Theule
Dr. Cathy Costigan
Dr. Cathy Costigan

Dre Jen Theule et Dre Cathy Costigan , Psychologie de la famille
Le domaine de la psychologie familiale est aussi dynamique et complexe que les familles elles-mêmes. Nous avons parlé avec Jen Theule et Cathy Costigan des familles, des définitions et des vastes « systèmes » qui les englobent tous.

À propos de Dre Jen Theule et Dre Cathy Costigan

Psychologie de la famille

« Aucune personne saine n’est totalement indépendante. »

À la fin du troisième film de la saga du Parrain, Michael Corleone (Al Pacino) meurt seul dans une cour, ayant, semble-t-il, coupé tous les liens avec sa famille et l’entreprise familiale. Cependant, en y regardant de plus près, il ne peut pas avoir complètement coupé les liens avec sa famille – c’est elle qui a fait de lui ce qu’il est et qui a façonné la trajectoire de sa vie entière. En fait, même la cour où il est assis lorsqu’il s’effondre et meurt se situe dans la villa appartenant à Don Tommasino, un ami de la famille Corleone.

Dans notre culture, nous avons tendance, la plupart du temps, à considérer les gens comme des individus. De cette façon, nous considérons un individu sain séparément de sa famille et nous pensons rarement à lui dans ce contexte élargi. Les psychologues de la famille, quant à eux, pensent constamment à ce contexte. La Dre Jen Thele est professeure agrégée à l’Université du Manitoba et enseigne aux programmes de psychologie scolaire et de psychologie clinique; elle est également la présidente de la Section de psychologie de la famille de la SCP. Selon elle, beaucoup de choses que nous vivons dans notre vie quotidienne sont le résultat de la psychologie de la famille.

« Permettre aux parents de garder leur bébé avec eux dans la chambre d’hôpital après sa naissance au lieu de le garder à la pouponnière, comme cela se faisait autrefois, c’est un sujet qui intéresse la psychologie de la famille. Inviter les membres de la famille aux consultations médicales et aux discussions avec le médecin. Les réunions parents-enseignants. Tout ce qui permet d’impliquer la famille et d’impliquer plus de personnes aux discussions, c’est le genre de choses que les psychologues de la famille encouragent. »

Quand Amerigo Bonasera vient rendre visite à Don Corleone le jour du mariage de sa fille pour lui demander un service, il n’y a pas que lui et le parrain dans la chambre. Il y a d’autres personnes, dont le consigliere de la famille, Tom Hagen (Robert Duvall). Les décisions ne sont pas prises par le parrain seul. Il accorde de l’importance à la parole des personnes les plus proches de lui.

D’une part, il y a les découvertes apportées par la science et l’étude des familles, et d’autre part, il y a les applications de ces découvertes dans la gestion de la dynamique familiale, souvent, mais pas toujours dans le cadre d’une thérapie.

« Pour moi, la psychologie de la famille a deux volets, dit la Dre Theule. Premièrement, il s’agit de l’étude de “la famille” – les relations parents-enfants, les relations amoureuses, les familles multigénérationnelles, les groupes d’amis proches, ainsi de suite. Comprendre le fonctionnement des familles, autant les grandes unités familiales que les sous-systèmes qui les composent. Et deuxièmement, c’est l’application des connaissances ainsi acquises aux interventions. La thérapie familiale, le counseling matrimonial, par exemple. »

La Dre Cathy Costigan est professeure au département de psychologie de l’Université de Victoria.

« J’enseigne ce que nous appelons la “psychopathologie du développement”, ou les problèmes de santé mentale des enfants et des jeunes. J’enseigne cela à partir d’une optique familiale forte, qui consiste à comprendre le développement normal et anormal des enfants. J’enseigne également la thérapie familiale aux étudiants diplômés, laquelle implique des moyens d’intervention au “niveau des systèmes”. Nous ne voyons pas les problèmes comme “il y a quelque chose de défectueux chez l’enfant que nous devons réparer”; nous examinons plutôt les relations entre les différents membres de la famille et leurs modes de communication. Ce sont ces problèmes “systémiques” plus larges qui sont susceptibles de générer du stress dans une famille ou de le perpétuer. Il se peut que ce soit l’enfant qui exprime le stress vécu dans la famille, par exemple, en se comportant mal à l’école ou en faisant des crises à la maison, mais pour aider l’enfant, on doit aider toute la famille. »

La Dre Theule et la Dre Costigan parlent beaucoup de « systèmes ». C’est une façon d’être un peu plus général et inclusif lorsqu’on parle de la famille. Il ne s’agit pas seulement de la famille nucléaire composée de deux mères et de deux enfants – le terme peut également désigner la famille élargie formée par les grands-parents et les cousins, ou un groupe d’amis très soudé, ou encore une grande commune hippie de Californie, qui existe depuis les années 1970.

Comme l’explique la Dre Thele, « Tout le monde est touché par divers systèmes. Que ce soit les gens avec qui vous travaillez, avec qui vous vivez ou avec qui vous êtes lié, ou votre groupe d’amis. Toutes ces entités fonctionnent de façon similaire aux familles. La plupart des gens considèrent une famille d’accueil comme une unité familiale, mais le reste du monde aura probablement du mal à répondre à des questions du genre : “est-ce que mon colocataire est un membre de ma famille?” Dans l’ensemble, la société considère toujours la “famille” comme une famille nucléaire – une mère et un père et de un à quatre enfants. Mais dans certaines communautés, les familles sont définies de manière plus large et sont plus nombreuses. Ainsi, lorsque j’utilise le terme “système”, les gens acceptent davantage l’idée que la famille peut comprendre matante et grand-maman – ou même les colocataires. »

Quelle est la taille exacte de la « famille » Corleone, dans la saga du Parrain? Se limite-t-elle aux membres de la famille immédiate – Vito, Michael, Fredo, Sonny et Connie? Inclut-elle les époux et les épouses? Les enfants? Tom Hagen, adopté officieusement par les Corleone à un jeune âge, est-il vraiment un membre de la famille? Qu’en est-il de tous les « membres » de la mafia? Sont-ils officiellement admis dans l’organisation ou dans la famille elle-même? En fait, où finit la « famille » et où commence l’« entreprise criminelle »?

Chaque communauté et chaque culture définissent la « famille » de manière un peu différente. Ce sont ces définitions de la famille, et les différences culturelles de ce qui constitue une famille saine, qui intéressent la Dre Costigan.

« Ces temps-ci, mes travaux de recherche portent surtout sur les familles d’immigrants et de réfugiés. J’étudie les moyens par lesquels les familles exploitent les ressources et les forces qui sont en elles lorsqu’elles passent d’un pays à l’autre, ainsi que les divers traumatismes qui ont pu accompagner leur périple vers le Canada. Comment font-elles pour maintenir des liens familiaux solides dans un contexte où les différences culturelles sont nombreuses et où chaque membre de la famille peut être amené à s’adapter à la culture canadienne par des moyens différents et à des rythmes différents, ce qui peut créer des tensions au sein de la famille? »

Ces tensions se manifestent notamment dans le cas des parents qui sont ici au Canada, mais dont les parents et la famille élargie vivent encore dans leur pays d’origine. Avec la technologie mondialisée d’aujourd’hui, ils sont plus connectés que jamais aux membres éloignés de leur famille. Parfois, cette connexion met les parents dans une situation difficile. Dès lors, il se peut que les attentes de leurs propres parents quant à la façon d’élever les enfants contrastent beaucoup avec celles de leurs propres enfants qui grandissent au Canada. C’est ce genre de tension que la Dre Costigan constate souvent dans les familles avec lesquelles elle travaille.

La psychologie de la famille, en tant que discipline, évolue dans cette direction depuis un certain temps. Elle met un accent accru sur les variations culturelles dans les familles. On s’éloigne de la prémisse implicite selon laquelle le contexte canadien (la famille blanche aux valeurs occidentales) constitue le modèle d’une famille qui fonctionne bien. Au lieu de cela, on met l’accent sur ce à quoi ressemble une éducation parentale efficace ou une bonne communication au sein de la famille. Bien sûr, cela varie beaucoup selon la culture. Le fonctionnement sain d’une famille n’est pas le même pour tout le monde, et le fait de le reconnaître a constitué un grand pas en avant pour la psychologie de la famille au cours des dernières décennies. La Dre Costigan en donne un exemple :

« Dans la culture occidentale blanche, la relation maritale entre conjoints, qu’ils soient de même sexe ou de sexe opposé, est au premier plan. Les conjoints sont les chefs de la famille et il devrait y avoir des limites claires autour de la prise de décision dans la famille, et les enfants n’en font pas vraiment partie. Nous pourrions considérer comme un problème le fait que les enfants soient trop au courant des problèmes des adultes ou trop impliqués dans les décisions des adultes. Dans certaines cultures, cependant, la relation qui prime est la relation parent-enfant. On peut souhaiter que les enfants contribuent à la famille à un degré beaucoup plus élevé que celui auquel on s’attend dans la culture canadienne dominante. Remplir ces obligations familiales est vraiment une force, et cela fait partie d’une adaptation saine de l’enfant dans cette optique culturelle. »

Le travail des psychologues spécialisés dans le domaine de la famille peut porter sur chaque moment de la vie, de l’arrivée d’un nouveau-né dans la famille jusqu’à la planification des soins de fin de vie d’un parent ou d’un grand-parent. Selon la Dre Costigan, dans toutes ces situations, bien que l’approche puisse être très différente, les principes fondamentaux demeurent les mêmes.

« Les principes fondamentaux des systèmes de fonctionnement familial entourant la communication et la résolution de problèmes présentent un intérêt à chaque phase de la vie. Comment aider les familles à exprimer ce qu’elles pensent de manière respectueuse et utile, comment les aider à résoudre des problèmes de façon à ce que tout le monde se sente entendu? Souvent, dans notre culture, les enfants majeurs vivent leur vie de façon assez indépendante. Ensuite, lorsque leurs parents vieillissent, ils doivent interagir les uns avec les autres et échanger beaucoup plus, dans un contexte très chargé émotionnellement. Certaines vieilles blessures résultant des interactions familiales peuvent resurgir et perturber vraiment ce processus. C’est un exemple de moment privilégié, survenant plus tard dans la vie, où les psychologues pourraient vouloir s’impliquer pour aider une famille à traverser cette phase difficile de la vie. »

Ou, peut-être, les psychologues pourraient vouloir s’impliquer immédiatement après le décès d’un patriarche de la famille. Cela pourrait éviter des désaccords et des trahisons futurs, et faire en sorte que Fredo ne scelle pas son sort en prenant parti contre la famille. Je crois que peut-être. Le Parrain présentait une dynamique familiale plutôt difficile, et peu de psychologues.

Au cours des deux dernières années, un nouveau défi a été posé aux familles et, par extension, aux psychologues de la famille qui les aident. Non seulement la pandémie a fait augmenter les problèmes de santé mentale, mais elle a également rendu plus difficile l’accès au soutien qui aurait pu alléger certains de ces problèmes.

Comme l’évoque la Dre Theule, « Les deux dernières années ont imposé une forte pression sur les familles qui vivent sous le même toit. La pandémie a fait disparaître une grande partie du système familial et du soutien qui vient avec, comme les grands-parents. Nous disposons de beaucoup d’innovations technologiques, mais ces innovations ne viendront pas prendre soin de vos enfants lorsqu’ils sont malades ou changer les couches à votre place. Elles ne répondent pas aux besoins du quotidien. Selon moi, de nombreuses recherches menées au cours des deux dernières années ont révélé beaucoup de choses à l’extérieur du domaine de la psychologie de la famille. Les psychologues s’y attendaient tous, mais de voir le stress que subissent les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées – les personnes qui comptent un peu plus sur le système familial – l’impact sur ces personnes du stress des aidants. Ainsi, les gens se sont rendu compte que, en se concentrant sur les adultes qui aident les personnes qui ont besoin de soins supplémentaires, on aide les personnes qui ont besoin de soins supplémentaires. Pour toute personne qui dépend des autres, un aidant est vraiment important et je pense que cela peut être un changement dans l’ensemble de la communauté. »

Encore une fois, la Dre Thele parle de systèmes. L’avenir de la psychologie de la famille réside dans l’intégration des connaissances actuelles des experts dans un système beaucoup plus vaste et complexe que nous pouvons désigner sous le nom de “famille” ».

« La psychologie de la famille ne fait qu’effleurer la surface de l’ensemble du système. Nous savons très bien comment examiner les parties du système – ce qui se passe dans un couple, la dynamique entre un parent et un enfant, et ainsi de suite – mais une famille n’est pas seulement un ensemble de petites parties, elle est plus grande que la somme de ses parties. Alors, comment faire pour examiner et mesurer quelque chose d’aussi complexe qu’un système familial? Chaque famille est différente par sa taille, sa culture et sa dynamique. C’est là que nous tentons d’aller – regarder les grands systèmes. Des recherches sont actuellement menées sur la dynamique des triades, comme un parent et deux enfants ou deux parents et un enfant. Mais la complexité qu’ajoute le passage de deux à trois personnes est telle qu’il s’agit déjà d’un énorme changement. »

Imaginez un diagramme que vous avez dessiné sur une feuille de papier. S’il y a deux personnes (deux points sur le diagramme), une seule ligne peut être tracée entre elles. Ajoutez une troisième personne (troisième point) et trois lignes peuvent maintenant être tracées entre les individus. Une personne de plus – trois fois plus complexe. Ajoutez un quatrième point, et cinq lignes peuvent être tracées. Et ainsi de suite. Vous pouvez donc imaginer à quel point cela doit être difficile de travailler avec un système familial entier, dans lequel neuf, dix, voire trente personnes sont impliquées. Comprendre ces systèmes pourrait être la tâche colossale à laquelle la psychologie de la famille devra s’attaquer dans les prochaines années.

La Dre Theule et la Dre Costigan seront de la partie – comprendre l’incroyable complexité des systèmes familiaux et mettre au point des interventions et des traitements plus efficaces. Toutefois, il reste peut-être une question à laquelle elles ne pourront répondre. Qu’est-ce qui a, au juste, convaincu Francis Ford Coppola et Al Pacino que faire le troisième film du Parrain était une bonne idée?


Mois de l’histoire des noirs : Dre Donna Ferguson

Dre Donna Ferguson photoDre Donna Ferguson
Février, c’est le Mois de l’histoire des Noirs, et la SCP met en vedette, tout au long du mois, des psychologues noirs contemporains. La Dre Donna Ferguson est psychologue clinicienne et travaille pour le Programme travail, stress et santé du CAMH; elle exerce également en pratique privée, où elle effectue, entre autres choses, des évaluations de l’admissibilité au statut de réfugié et des évaluations des besoins humanitaires.
À propos de Dre Donna Ferguson

« C’est agréable de recevoir les commentaires d’un avocat qui vous dit que votre rapport a vraiment été déterminant dans la cause qu’il défendait. »
Il est rare que les avocats communiquent avec la Dre Donna Ferguson pour lui faire une quelconque mise à jour. Mais quand c’est le cas, elle éprouve un immense plaisir car elle sait qu’elle a joué un rôle décisif dans la situation d’un réfugié qui demandait l’asile au Canada. La Dre Ferguson est psychologue clinicienne et travaille pour le Programme travail, stress et santé du CAMH; elle exerce également en pratique privée, où elle effectue, entre autres choses, des évaluations de l’admissibilité au statut de réfugié et des évaluations des besoins humanitaires.
« Il se peut qu’un avocat ait un client venu de son pays d’origine, où il a peut-être subi un traumatisme, dit-elle. Il s’agit parfois d’un traumatisme causé par un conjoint ou un époux, ou d’un traumatisme encore plus grave, par exemple de la violence politique. Dans certains cas, le client pourrait avoir peur pour sa vie. Dans le cadre de la demande de statut de réfugié de son client, l’avocat peut demander une évaluation psychologique pour établir un diagnostic. »
Le diagnostic posé par la Dre Ferguson et son équipe ne sert pas à décider si une personne restera ou non au Canada, ou si sa demande de statut de réfugié est légitime. Les évaluations ne sont pas des tests de polygraphie comme ceux que l’on voit parfois dans les films. La Dre Ferguson et son équipe évaluent plutôt la personne et font des recommandations en fonction de ce que celle-ci a vécu et de ce qu’elle pourrait vivre dans le futur.
« Si par exemple, un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique (SSPT) était posé, nous monterions un dossier pour expliquer ce qui s’est passé et, si possible, faire en sorte qu’elle reçoive un traitement ici, au Canada. Et nous pourrions dire que si elle était renvoyée dans son pays d’origine, ses symptômes s’aggraveraient, et nous ferions des recommandations à cet égard. »
Dans le contexte de la pandémie, ces évaluations sont de plus en plus rares – les réaliser sur des plateformes virtuelles s’est avéré difficile, surtout lorsqu’un traducteur doit être ajouté à la démarche. Durant cette période, la Dre Ferguson s’est concentrée davantage sur son travail au CAMH, où elle s’est éloignée de sa spécialité d’origine, la dépendance au jeu, pour s’intéresser davantage à la santé mentale au travail.
« Je participe à de nombreux groupes de travail au CAMH en tant que responsable de la santé mentale en milieu de travail et je donne des conseils aux chefs d’entreprise. Nous travaillons pour le compte de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT), et les personnes que nous voyons sont principalement de leurs clients. Au cours des 20 dernières années, j’ai beaucoup appris sur les milieux de travail! Ce qu’il faut faire et ne pas faire pour que les chefs d’entreprise s’occupent de leurs employés, et comment faire pour que les gens se sentent bien au travail. »
Encore une fois, la pandémie a un peu bouleversé les choses. Des années d’apprentissage des tenants et aboutissants de la culture d’entreprise, des meilleures pratiques et de l’analyse des données issues de toutes sortes d’études n’ont préparé personne au passage soudain à des activités commerciales virtuelles.
« Une grande partie de ce travail est en cours. Les gens ont dû faire preuve de créativité très rapidement lorsqu’il a fallu faire face à la pandémie, pour créer un environnement virtuel. Le CAMH l’a fait de nombreuses façons – notre programme est entièrement fonctionnel en mode virtuel. Nous avons restructuré nos outils d’évaluation pour qu’ils soient virtuels, nos programmes de traitement individuels et de groupe, et toutes nos réunions sont devenues virtuelles. Le CAMH dans son ensemble, et pas seulement notre programme, a vraiment fait beaucoup de choses de manière virtuelle, et les connaissances acquises ont permis d’aider d’autres organisations. »
Qu’il s’agisse d’aider les entreprises dotées d’une culture de longue date à s’adapter à la pandémie tout en veillant à la santé mentale de leurs employés ou d’aider les gens issus de cultures très différentes à trouver de l’aide ici, au Canada, le programme de la Dre Ferguson reste chargé. Et le travail qu’elle accomplit, quelle que soit sa forme, reste gratifiant!


Profils du Mois de la psychologie : Dre Brigitte Sabourin et Dr Nicholas Carleton, sychologie clinique

Dr. Brigitte Sabourin
Dr. Brigitte Sabourin
Dr. Nicholas Carleton
Dr. Nicholas Carleton

Dre Brigitte Sabourin et Dr Nicholas Carleton, Psychologie clinique
La psychologie clinique est la branche de la psychologie à laquelle pensent la majorité des gens quand ils entendent le mot psychologue. Mais nous avons largement dépassé le cliché patient-allongé-sur-un-divan, et la pratique clinique est entrée dans le monde virtuel en ligne. Nous avons échangé avec la Dre Brigitte Sabourin et le Dr Nicholas Carleton sur la situation actuelle de la psychologie clinique.

À propos de Dre Brigitte Sabourin et Dr Nicholas Carleton

Psychologie clinique

Au début de sa carrière, Sigmund Freud se spécialise en hypnose. Il hypnotise ses patients pour les amener à s’ouvrir sur leurs symptômes, diminuant supposément leur gravité. Il est novice en la matière, a peu d’habiletés, ses patients doivent donc être le plus détendus possible : il leur demande de s’allonger sur un divan, pendant qu’il fume son cigare en leur disant qu’ils ont très envie de dormir.

Éventuellement, il découvre qu’il peut être encore plus efficace que les patients parlent simplement de leurs symptômes dans une atmosphère détendue. Il abandonne l’hypnose, mais conserve le divan (et le cigare). D’autres psychanalystes qui ont suivi les traces de Freud ont également adopté le divan, à tel point que dans les années 1940, l’Imperial Leather Furniture Company de New York devint une entreprise richissime grâce aux « divans de psychanalyse ». Il y a plus de 70 ans, le psychanalyste au cigare et au divan austère devient en quelque sorte un « mème », un « mème » qui persiste à ce jour.

Que seraient les dessins humoristiques du New Yorker sans le divan du psychologue? Bob Mankoff, lui-même ancien psychologue expérimental, est le responsable des dessins humoristiques du New Yorker. Il affirme que le divan du psychiatre dans les caricatures est un raccourci utile, qui traduit immédiatement une dynamique de pouvoir. Dans Les Soprano, lorsque Tony voit sa thérapeute, il s’assoit dans un fauteuil commun et confortable, mais le divan est là en arrière-plan, au cas où nous oublierions de quel type de bureau il s’agit.

Évidemment, le domaine de la psychanalyse a beaucoup évolué depuis les beaux jours de l’Imperial Leather Furniture Company. Et s’asseoir derrière la tête d’un patient alors qu’il est sur votre divan à vous parler est chose du passé. Toutefois, des images fortes, ancrées dans la culture populaire, peuvent encore exercer une certaine emprise bien longtemps après leur date de péremption. Pendant que l’image cigare-divan-psychologue s’estompe, il en va de même pour l’ostracisme que subissent les personnes qui cherchent de l’aide pour traiter un problème de santé mentale.

Le Dr Nicholas Carleton est professeur de psychologie à l’Université de Regina, psychologue clinicien agréé en Saskatchewan et actuel directeur scientifique de l’Institut canadien de recherche et de traitement en sécurité publique. Il se réjouit des progrès que fait la discipline en démystifiant et en démantelant l’ostracisme qui frappe les gens qui cherchent du soutien psychologique.

« Je crois que nous assistons au déclin de la stigmatisation, et je pense que c’est largement dû au fait que les psychologues sont de plus en plus présents dans la collectivité. L’idée que vous vous retrouverez comme dans un épisode de Mad Men quand vous entrerez dans le bureau d’un psychologue, avec un grand canapé en cuir et quelqu’un qui fume un cigare, tout cela peut sembler très inquiétant – j’imagine que c’est en grande partie disparu de la réalité. Je pense également que cette idée aujourd’hui mythique au sujet de ce qui se produit lors d’une visite chez un thérapeute disparaît peu à peu. »

La Dre Brigitte Sabourin est professeure adjointe à l’Université du Manitoba, au département de psychologie clinique de la santé, et praticienne en psychologie clinique à Winnipeg. Elle est la présidente de la Section de psychologie clinique de la SCP, et dit que le domaine a beaucoup progressé, mais que ses objectifs fondamentaux demeurent les mêmes.

« Nous pouvons nous définir comme un champ d’activité où nous avons affaire au fonctionnement humain. La psychologie clinique va de la détermination des problèmes humains et de leurs solutions, à la promotion globale du bien-être physique, social et mental. Cela implique l’évaluation, le traitement, la consultation, l’élaboration de programmes, la recherche, le mentorat, l’enseignement… »

La Dre Sabourin se spécialise en psychologie clinique de la santé, au carrefour de la psychologie de la santé et de la psychologie clinique. Elle évolue dans une clinique de soins tertiaires auprès de personnes atteintes de douleurs chroniques. Son travail englobe l’examen des aspects biopsychosociaux chez les gens qui vivent avec un problème de santé chronique, et la mise en application des compétences en psychologie clinique et des principes relatifs aux comportements liés à la santé pour tenter de les soutenir. La plupart des psychologues cliniciens ont une spécialisation de ce type, que ce soit en milieu hospitalier ou dans le traitement de troubles de l’humeur particuliers. Ce n’est pas le seul changement qui s’est opéré dans ce champ d’activité depuis les dernières décennies.

Comme le souligne la Dre Sabourin, « je crois que d’une part, le domaine est devenu plus diversifié. Traditionnellement, il était dominé par des hommes blancs, et ça continue de changer. Notre engagement envers la pratique fondée sur des données probantes poursuit son évolution, réunissant l’ensemble de nos connaissances sur ce que nous savons de tout ce qui touche les troubles mentaux jusqu’à l’épanouissement humain. Nous utilisons désormais ce savoir pour améliorer nos services et rendre des comptes aux personnes que nous aidons. Je pense également que les milieux où nous pratiquons ont changé. On trouve des psychologues cliniciens partout, que ce soit dans les soins primaires jusqu’aux soins hyperspécialisés, avec pour résultat que les populations et les milieux auprès desquels nous intervenons sont beaucoup plus diversifiés qu’ils ne l’étaient auparavant. De plus, je crois que la reconnaissance de l’aide que peut apporter l’accès aux services a progressé. Il ne s’agit pas de savoir si quelque chose ne va pas chez vous ou si vous êtes fou : la stigmatisation a commencé à s’atténuer et les gens réalisent que nous pouvons aider n’importe qui, de l’athlète d’élite à la personne qui éprouve de réelles difficultés à accomplir les tâches essentielles du quotidien. »

Le fait de rassembler ces connaissances et de les utiliser en pratique clinique est une question que connaissent bien la Dre Sabourin et le Dr Carleton. Ils sont tous deux chercheurs, en plus d’être cliniciens. Le Dr Carleton reçoit, et traite, plusieurs intervenants de première ligne à Regina – particulièrement à la GRC, puisque l’École est située dans la ville. Il réalise également plusieurs recherches auprès de la GRC et d’autres membres du personnel de la sécurité publique (PSP). Récemment, lui et son équipe ont créé un outil en ligne anonyme où les membres du PSP peuvent évaluer leur propre santé mentale, pour ensuite chercher le soutien dont ils ont besoin.

« Je crois que nous observons une meilleure intégration de la science et de la pratique, poursuit-il. Nous améliorons nos façons de nous connecter les uns aux autres, et nous entretenons des relations fondées sur la pratique réflexive entre les psychologues qui font de la recherche et les psychologues praticiens. Nous constatons combien la science oriente la pratique et vice versa, de manière beaucoup plus dynamique. Par exemple, on a assisté à des changements considérables pour ce qui est du SSPT. Grâce aux interactions étroites entre la pratique clinique et la science, il existe désormais quatre groupes de symptômes plutôt que trois. Les diagnostics de SSPT peuvent dès lors être posés sans qu’il y ait un événement unique, mais en considérant l’ensemble des événements accumulés. Il ne fait aucun doute que, pour nos intervenants de première ligne et les autres membres de la sécurité publique, il s’agissait de deux immenses pas en avant. Les membres du personnel de la sécurité publique avaient de la difficulté à préciser quel incident leur causait le plus de problèmes parce qu’ils en avaient vécu des centaines, voire des milliers, au cours d’une seule année. Auparavant, ils se rendaient chez un psychologue en disant “J’ai des problèmes”, ce à quoi le psychologue aurait pu répondre “J’en ai aussi car je ne peux établir de diagnostic à moins que vous ne choisissiez un seul événement”. Nous avons corrigé ces choses, et nous réalisons des améliorations progressives et d’importantes avancées. »

Une autre évolution avec laquelle nous sommes tous familiers aujourd’hui est de nature technologique. Je mène la présente entrevue avec la Dre Sabourin et le Dr Carleton via Zoom, et il existe des dizaines d’autres plateformes virtuelles disponibles pour tenir des rencontres, et même des séances de thérapie.

La Dre Sabourin précise : « Je crois qu’un autre élément qui a pris de l’ampleur, particulièrement depuis la pandémie, est le rôle de la technologie et de l’innovation sur le plan de l’accès aux services psychologiques. L’idée de devoir se rendre dans un cabinet de psychologue même pour une séance de 15 minutes, quelque part dans un édifice menaçant, ce n’est plus ainsi que nous envisageons la psychologie clinique. Aujourd’hui, nous avons recours aux plateformes de visioconférences, aux applications sur nos téléphones, et ainsi de suite. Par exemple, nous faisons beaucoup de programmes de groupe où les participants peuvent demeurer dans le confort de leur domicile, sans avoir à se rendre en voiture à l’hôpital et payer le stationnement, et tenter de trouver le chemin, et ainsi de suite. Le fait de diminuer les obstacles aux soins et d’augmenter la souplesse dans notre façon de faire représente un progrès enthousiasmant. Ce mouvement existait déjà depuis un moment, mais depuis deux ans, depuis le début de la pandémie, il a pris de l’essor. »

Il y a deux ans, avant le début de la pandémie, la thérapie virtuelle était plutôt marginale. Cependant, bien des choses ont changé depuis. Les psychologues qui étaient réticents à l’idée d’organiser des séances de thérapie sur les plateformes virtuelles ont appris à le faire efficacement, et la prévalence de ce type de technologie a éliminé certains des obstacles aux soins, accru l’aide psychologique disponible et largement contribué à atténuer la stigmatisation persistante entourant la recherche d’aide en santé mentale. Le Dr Carleton souligne que cela a aussi aidé d’autres façons.

« Au risque de dire une hérésie, j’estime vraiment que le fait d’être obligé de travailler à distance, quoique cela ait pu faire obstacle à certains congrès, a réellement rehaussé la collaboration, et ce, sous plusieurs angles. Je peux rencontrer quelqu’un de l’Australie à la fin de ma journée et au début de la sienne : nous pouvons échanger des notes pendant une demi-heure. Nous ne sommes pas préoccupés parce que l’un de nous deux devra bientôt prendre un vol de 16 heures. »

La Dre Sabourin acquiesce. Non seulement les collaborations sont plus faciles, mais il est également plus facile de fournir des soins psychologiques à un plus grand nombre de personnes.

« Nous examinons comment augmenter les ressources et notre portée. Une part de ce travail consiste à adapter le modèle de soins par paliers qui se déploie dans tout le pays. Au premier palier, on offre du soutien à beaucoup de personnes, et puis, quand les besoins augmentent et se complexifient, on offre aux personnes des services psychologiques plus soutenus et intensifs. Nous lisions un article paru dans une revue scientifique à propos de ce modèle à Ottawa, et le directeur de ma clinique disait “J’aimerais que nous puissions prendre un vol vers Ottawa, nous asseoir et discuter avec cette personne! » Et j’ai répondu “Je vais organiser une rencontre Zoom ce mardi”. Ça peut s’organiser si rapidement et nous sommes si habitués à ces plateformes que nous avons l’impression de nous rencontrer en personne lorsque nous échangeons de cette manière. »

Je commande souvent de la nourriture à des fermes locales de ma région, qui me livrent des aliments à domicile. La nourriture est livrée par Miles [nom fictif], un homme très costaud, qui porte une barbe qui lui descend jusqu’à la boucle de ceinture et qui conduit un énorme camion réfrigéré. Il y a peu de temps, nous discutions de mon nouvel emploi à la Société canadienne de psychologie, et Miles m’a parlé d’un de ses collègues dont il s’inquiétait parce qu’il devenait de plus en plus replié sur lui-même. Il s’inquiétait de la santé mentale de son ami. Est-ce que je devrais lui parler? Est-ce que je devrais le laisser seul? En tant que non-psychologue, je ne pouvais lui donner de bons conseils sur ce qu’il fallait faire au juste, mais je pensais que lui offrir gentiment son aide ne pouvait faire de mal. Les autres fois où j’ai vu Miles, il me donnait des nouvelles de son ami. Un jour, l’été dernier, alors que je travaillais dans mon garage, Miles et son collègue étaient tous les deux dans le camion et sont venus s’asseoir quelques minutes. Depuis, à chaque fois qu’ils font une livraison chez moi, nous nous assoyons pendant une quinzaine de minutes et nous parlons un peu de notre propre santé mentale. Comment nous tenons le coup avec la pandémie, quels genres de problèmes nous et nos familles avons affrontés. Le Dr Carleton indique que ce genre de situation se produit de plus en plus.

« Nous avons observé d’extraordinaires améliorations dans le discours entourant la santé mentale. Plutôt que de taire le sujet, les gens en parlent avec franchise. Le fait que nous en soyons à une étape où nous essayons de mobiliser les connaissances sur la santé mentale pour faciliter la transition vers des changements réels – c’est un virage phénoménal même au cours des deux dernières décennies. Nous ne savons peut-être pas exactement où nous irons ensuite, mais au moins, nous ne nions plus que nous pouvons offrir beaucoup d’aide et de formes d’aide aux personnes souffrant de problèmes de santé mentale. Je crois qu’une large part de ce changement est le résultat des activités de représentation des intérêts menées par les psychologues cliniciens et d’autres professionnels de la santé mentale. »

Nous n’avons pas encore terminé : un certain ostracisme demeure et persiste, comme l’image du divan et du cigare. Mais les professionnels de la santé mentale poursuivent leurs efforts pour l’éradiquer, et les psychologues cliniciens n’y font pas exception. La Dre Sabourin résume très bien le message.

« C’est normal d’avoir des problèmes, vous êtes humain. Ce n’est pas facile pour un être humain d’habiter notre planète! Nous essayons tous de vivre nos vies, mais nous n’avons pas choisi nos parents, nous n’avons pas choisi nos gènes, nous n’avons pas choisi le fait que nos cerveaux sont probablement encore programmés pour nous aider à survivre comme il y a 20 000 ans, et notre environnement s’est considérablement transformé depuis. Il s’agit de normaliser le fait que ce n’est pas grave si certains moments de votre vie sont plus difficiles que d’autres. Nous voyons des êtres humains exceptionnels qui se sont épanouis, comme Clara Hughes, l’athlète olympique qui a reconnu avoir des problèmes. Il y a des acteurs renommés et des politiciens qui s’ouvrent sur leurs difficultés et affirment que l’on peut faire quelque chose à ce sujet. En tant que société, nous reconnaissons qu’il n’est pas possible d’être soit en bonne santé, soit malade. Vous pouvez trouver des trucs. Vous pouvez trouver des moyens de vous faciliter la tâche, d’être mieux dans votre peau, d’être plus présent auprès de vos enfants. Nous sommes plusieurs à éprouver des difficultés, et le fait de voir un psychologue ne signifie pas que quelque chose cloche chez vous : simplement, nous sommes tous des êtres humains qui tentent de faire de leur mieux dans un monde difficile. »


Profils du Mois de la psychologie : Dre Keira Stockdale and Dre Sandy Jung,Criminal Justice Psychology

Dr. Keira Stockdale
Dr. Keira Stockdale
Dr. Sandy Jung
Dr. Sandy Jung

Dre Keira Stockdale and Dre Sandy Jung, Criminal Justice Psychology
La discipline de la justice pénale est vaste et les psychologues sont impliqués dans presque toutes ses facettes, de la prévention jusqu’à la libération conditionnelle. Nous nous sommes entretenus avec la Dre Keira Stockdale et la Dre Sandy Jung à propos de leur travail dans ce domaine, et avons discuté de l’avenir de la profession.

À propos de Dre Keira Stockdale et Dre Sandy Jung

Criminal Justice Psychology

« Je faisais partie des personnes qui regardaient des émissions comme CSI : Les experts quand elles ont commencé à être diffusées à la télé… »

La Dre Sandy Jung lève les yeux au ciel. « Oh non! Non, Keira, ne dis pas ça! Noooooon! »

La Dre Keira Stockdale est psychologue au service de police de Saskatoon et professeure auxiliaire au département de psychologie de l’Université de la Saskatchewan. Elle est l’actuelle présidente de la Section de la justice pénale de la SCP. Elle explique ce qui l’a intéressée à la psychologie, et en particulier, à la psychologie dans le contexte de la justice pénale.

La Dre Sandy Jung est professeure à l’Université MacEwan, à Edmonton. Ses recherches portent sur la psychologie médicolégale, et elle tente de garder son calme quand elle entend les mots qu’elle redoute le plus. Les émissions de télévision qui représentent la science pénale de manière inexacte et trompeuse l’agacent au plus haut point depuis longtemps, semble-t-il!

« Je grimace parce que j’entends cela constamment de mes étudiants. Ils s’intéressent aux sciences criminelles parce qu’ils regardent ces émissions de télé et que c’est attrayant, captivant. Honnêtement, je ne regarde jamais d’émissions policières et je les déteste encore à ce jour! Alors, quand les étudiants me recommandent une émission comme Dexter, je ne peux pas. Je ne la regarderai pas. »

Tout étudiant qui pense entrer dans le monde de CSI à la fin de leurs études est rapidement déçu. Aucun crime ne se résout en une heure par l’analyse de l’ADN ou par l’identification d’eucalyptus sur la semelle d’un soulier. Il est très rare que des enquêtes progressent en enlevant, puis en remettant ses verres fumés, avec pour musique de fond le riff grandiose de Won’t Get Fooled Again. C’est aussi vrai, bien sûr, pour la Dre Stockdale.

« Je suis allée à l’Université de Toronto pour obtenir un diplôme en sciences médicolégales, poursuit-elle. Et pendant que je faisais des comparaisons d’ADN pour vérifier s’il y avait correspondance avec une scène de crime, j’ai réalisé que les cours qui portaient sur les personnes qui commettaient ces crimes étaient beaucoup plus intéressants. Puis, j’ai eu la chance de faire un stage à la PPO, dans son unité d’analyse du comportement. Après cela, j’ai simplement continué à me concentrer de plus en plus sur les gens, ce qui m’a menée vers la psychologie clinique médicolégale! »

Oui, l’unité d’analyse du comportement existe vraiment. Plusieurs d’entre nous connaissent même toutes les abréviations – UAC! Unsub (unknown subject – suspect inconnu)! CODIS (Combined DNA index system)! Merci beaucoup Esprits criminels! Vous ne serez probablement pas étonné de savoir qu’aucune unité d’analyse du comportement réelle ne dispose d’avions privés, de produits dérivés comme des jeux vidéo, pas plus que vous y verrez de grands acteurs comme Jason Alexander.

Comme l’atteste la Dre Stockdale, « lorsque vous entrez dans les locaux, il n’y a pas de photos d’individus sur les murs ou de téléphones qui sonnent sans arrêt, et ainsi de suite; c’est un bureau silencieux où les gens font de l’excellent travail d’enquête. Ils conçoivent aussi des outils d’évaluation du risque et d’autres méthodes que nous pouvons utiliser pour combattre la criminalité, comme la violence familiale ou l’exploitation sexuelle par Internet. »

Alors concrètement, que font les psychologues spécialisés en justice pénale? Est-ce que cela ressemble à ce que fait le personnage de B.D. Wong dans La loi et l’ordre, ou est-ce que cela ressemble davantage au personnage de John Francis Daley dans Bones? « Non ». La Dre Jung indique qu’il y a deux types principaux de psychologues dans le domaine de la justice pénale, mais que la discipline est très vaste et comporte des centaines de spécialisations.

« Le clinicien est probablement le prototype de ce à quoi nous pensons quand nous parlons d’un psychologue en justice pénale, mais ce n’est qu’une partie de la réalité. L’autre partie englobe les volets de la recherche et de la psychologie expérimentale. Non seulement de la recherche dans des contextes concrets, comme les établissements correctionnels ou les centres de traitement, mais également de la recherche sur le croisement entre le système de justice et la psychologie. Toutes les décisions que nous prenons ont une dimension psychologique : il s’agit de décider comment interroger un témoin ou un suspect. Comment collecter les données et comment les interpréter. Et dans le contexte des tribunaux, il y a une multitude de décisions qui sont examinées par les psychologues, comme la détermination de la peine et les décisions concernant la composition des jurys. »

Vous voulez dire influencer les jurys, comme dans Bull? La Dre Stockdale mentionne que la plupart des psychologues qui travaillent dans ce domaine sont en quelque sorte des touche-à-tout qui maîtrisent plus particulièrement un ou deux aspects de leur travail.

« Pour être psychologue dans le domaine médicolégal, de la justice pénale ou auprès des services de police, il faut être un excellent généraliste. Nous apportons beaucoup de nos connaissances générales en psychologie et de notre compréhension clinique à ce champ de pratique. Actuellement, auprès des services de police, je fais partie d’une équipe interdisciplinaire qui tente d’évaluer les risques et d’intervenir auprès des délinquants violents dangereux. L’équipe est composée de procureurs, de policiers, d’agents de probation, de représentants des établissements correctionnels, de travailleurs en santé mentale et de résidents en psychologie. En tant que psychologues, nous avons conçu des outils d’évaluation des risques qu’utilisent nos partenaires du maintien de l’ordre et des libérations conditionnelles. Ainsi, une partie de notre travail consiste à informer cette équipe sur la façon de collaborer pour aider réellement les individus ayant des démêlés avec la justice et des antécédents de violence. Plusieurs d’entre eux ont des besoins en santé mentale, et nous voulons les aiguiller vers les services dont ils ont besoin tout en préservant la sécurité communautaire. Présentement, nous examinons les possibilités de développer plus de services virtuels et nous réalisons d’excellents progrès en ce qui concerne les mégadonnées, les analyses prédictives et la modélisation, en vue d’améliorer les technologies d’évaluation du risque. Comment évaluer les besoins de nos clients, comment déterminer s’ils présentent un risque de récidive, et pourquoi. Nous appliquons également cette même technologie aux cas de personnes disparues. »

L’un des cas de disparition les plus connus de la dernière décennie au Canada s’est produit dans le Village, à Toronto. Entre 2010 et 2017, huit hommes de la communauté gaie sont disparus. On a éventuellement déterminé qu’ils avaient été assassinés par un tueur en série, qui fut arrêté en 2018. La façon dont les services de police de Toronto ont effectué l’enquête préliminaire sur ces personnes disparues a fait l’objet de sévères critiques, menant à plusieurs enquêtes et examens. L’examen externe indépendant a été mené par la juge Gloria Epstein. On a conclu que les services de police avaient échoué et que la communauté gaie de Toronto en avait souffert. Mais la Dre Stockdale a bon espoir qu’un changement significatif en résultera.

« Je suis optimiste et je pense que nous verrons de plus en plus, dans l’avenir, de partenariats universitaires avec tous les domaines de la justice pénale. Nous avons fait un travail sur les personnes disparues, à la suite des disparitions signalées dans le Village à Toronto. Dans son rapport, la juge Epstein recommande que les services de police (dans ce cas, ceux de Toronto) travaillent avec des établissements universitaires et des chercheurs, car, ainsi, ils disposent de personnes qui peuvent les aider à évaluer leurs programmes et leurs initiatives. Les gens ne peuvent y arriver seuls; c’est une question de ressources, mais c’est aussi une question de réflexion et d’attitudes cognitives. Plus nous travaillerons en équipes interdisciplinaires dans le domaine de la justice pénale, plus nous éviterons les préjugés, et nous pourrons peut-être vérifier certaines de nos hypothèses ou interventions. Et nous pourrons les adapter à l’avenir. »

La psychologie dans le domaine de la justice pénale évolue constamment, est en perpétuel changement et s’améliore sans cesse (quoique lentement). Selon la Dre Jung, la clé de voûte est la mobilisation des connaissances, à savoir le processus par lequel la recherche génère des données et des réponses, puis traduit ce travail en changements concrets et en meilleures pratiques.

« Nous avons besoin de beaucoup plus de mobilisation des connaissances pour progresser. Une tonne de recherche doit encore être réalisée, mais nous devons faire mieux pour mettre en œuvre les choses que nous savons déjà. Nous pouvons aider à répondre à certaines questions pratiques très pointues. Nous savons que les groupes à risque élevé devraient bénéficier de plus de supervision, mais où se situe la limite? Combien d’heures devrions-nous investir dans l’administration de traitements? Nous disséminons cette information, mais nous ne l’utilisons pas concrètement comme nous le pourrions. En fait, il faut environ 17 ans avant que toute donnée probante ne soit mise en œuvre. Je me souviens, lorsque j’ai entendu cette citation, m’être dit : “c’est déprimant”! »

Dix-sept ans, c’est en effet une statistique déprimante, et le changement peut certes sembler lent. Mais la Dre Stockdale affirme pourtant qu’elle voit ce changement dans plusieurs facettes de la justice pénale, y compris dans le travail qu’elle a elle-même accompli.

« Je regarde certains des rapports d’évaluation psychologique que j’ai rédigés il y a longtemps pour des individus ayant des démêlés avec la justice, et je réalise à quel point la pratique a changé. Au Canada, nous sommes reconnus sur la scène internationale pour notre conception d’outils et de technologies d’évaluation des risques. Il y a des années, l’évaluation était une question de jugement : est-ce que cette personne récidivera? Peut-être? Aujourd’hui, cette décision est beaucoup plus structurée et fondée sur des données probantes. Maintenant, nous examinons toute une série de facteurs et déterminons où nous pouvons intervenir ou offrir du soutien afin de diminuer le risque qu’une personne soit violente, commette des agressions sexuelles ou verse dans la criminalité en général. Nos programmes de traitement sont beaucoup plus pointus qu’ils ne l’étaient il y a des décennies, car nous nous concentrons sur ces dynamiques ou facteurs changeants.

Nous nous éloignons des étiquettes négatives et stigmatisantes, pour tendre vers un langage plus positif. Par exemple “individus ayant des démêlés avec la justice” plutôt que “délinquants” ou “détenus”. Nous nous éloignons également d’une vision centrée sur le négatif dans le traitement des personnes, et je crois que c’est particulièrement important pour les jeunes dans le système de justice pénale, où nous mettons l’accent sur les aspects positifs, comme la force et la résilience. »

L’un des autres aspects où l’on observe des changements en justice pénale concerne la justice sociale. Ici encore, c’est un processus très lent, le système judiciaire étant constitué de composantes si énormes qu’il devient un énorme navire à diriger. La Dre Jung dit que, longtemps, le travail des chercheurs était cloisonné, mais que cette situation évolue maintenant, les médias sociaux et les données numériques rendant la collaboration et le travail interdisciplinaire plus faciles et plus accessibles. Elle mentionne aussi qu’il reste un très très long chemin à parcourir avant que le système judiciaire canadien et ceux du monde entier n’atteignent l’équité à laquelle ils aspirent tous.

« Il y a quelques affaires judiciaires qui ont vraiment attiré l’attention sur quelque chose dont tout le monde connaissait déjà l’existence, mais que nous n’avions pas examiné autant que nous l’aurions dû. Il nous faut ce genre d’affaires pour nous rappeler qu’il s’agit d’une question d’une extrême importance. En matière d’équité, de diversité et d’inclusion, certains sous-groupes ont été étudiés, mais pas tous : nous avons investi bien peu d’efforts en ce qui concerne le genre, notamment. Je dirais que nous ne faisons qu’effleurer la surface du problème. »

La Dre Stockdale souligne que lorsqu’elle pense aux questions entourant les mouvements comme Moi aussi, Black Lives Matter et l’oppression des Autochtones, elle réfléchit au peu de formation qu’elle a reçue sur ces problématiques lorsqu’elle faisait ses études de doctorat en psychologie. En plus d’éduquer les équipes, on doit continuer à discuter de ces enjeux plus largement. Nous entrons dans une ère de prisons intelligentes et d’applis d’évaluations du risque. Ainsi, elle estime que nous pouvons peut-être utiliser la technologie de façon positive pour nous orienter sur cette route. Elle milite également en faveur d’un virage général de plus grande ampleur en matière de philosophie.

« Je pense qu’il faut favoriser la participation des groupes et des organisations communautaires, des groupes d’intérêts particuliers qui travaillent auprès de certaines de ces populations et de ces personnes. En tant que psychologues en justice pénale, nous aimons appliquer les connaissances scientifiques, mais nous reconnaissons aussi que ce n’est qu’un moyen de savoir. Et dans le système juridique, nous devons être ouverts et respectueux à l’égard des autres modes de savoir. Ce sera le défi de l’avenir et je crois que nous devons vraiment nous concentrer sur cet aspect. »

Même les séries policières qui suscitent l’intérêt envers la justice pénale commencent à s’orienter vers des thèmes liés à la justice sociale – du moins, elles s’y essaient. C’est souvent embarrassant, et parfois maladroit, mais la plupart de ces émissions sont déjà embarrassantes et maladroites. Nous savons maintenant que ce ne sont pas les émissions criminelles télévisées qui ont conduit la Dre Jung vers la psychologie. Alors qu’est-ce qui l’a motivée?

« J’avais choisi au départ la psychiatrie. J’ai suivi un cours pendant ma troisième année d’études de premier cycle à l’Université de la Colombie-Britannique avec John Yuille et Robert Hare. Le Dr Hare est le concepteur de la Hare’s Psychopathy Checklist, l’échelle d’évaluation de la psychopathie de Hare, et j’ai trouvé ça tellement intéressant et attirant que tout à coup, je me suis intéressée à un tout autre domaine. À partir de ce moment, j’ai commencé à faire du bénévolat dans des laboratoires et à m’intéresser à la fois aux témoignages des témoins oculaires et à la psychopathie. Je savais à cette époque que j’étais là pour de bon. Ce fut toute une aventure. Je n’aurais jamais cru passer des services de santé mentale médicolégaux à aujourd’hui, où je travaille avec des enquêteurs de police sur leur façon de gérer les délinquants dans la collectivité. »

Très bien, voici une autre référence à la culture pop. Le Dr Robert Hare a participé au documentaire canadien primé et réalisé en 2003, The Corporation, dans lequel il semblait conclure que si une entreprise était une personne, elle cocherait presque toutes les cases de l’échelle d’évaluation de la psychopathie de Hare. Toutefois, dans la parution ultérieure de son ouvrage Snakes in Suits : When Psychopaths Go to Work, Hare indique que ses commentaires ont été pris hors contexte par le réalisateur, et que dans les faits, une entreprise ne répondrait pas vraiment aux critères permettant de la désigner comme « psychopathe ».

Alors que le vaste thème de la justice pénale grandit et prend de la maturité, et qu’il en va de même pour la psychologie qui l’accompagne, la Dre Jung et la Dre Stockdale souhaitent toutes deux nous dire que les choses s’améliorent vraiment. Que même si quelque chose semble mauvais aujourd’hui, le fait de se souvenir de ce que cela aurait pu être il y a vingt ou trente ans montre que nous faisons des progrès.

Comme l’affirme la Dre Stockdale, « Nous sommes plus en sécurité que nous ne l’étions, à simplement marcher dans la rue. Dans les années 1980, on menait toutes sortes de campagnes visant à inciter les gens à se méfier des étrangers, des inconnus, etc. On imaginait être plus en danger face à un inconnu qui se cache quelque part, au coin de la rue. Évidemment, aujourd’hui, nous savons que nous sommes plus en danger face aux personnes que nous connaissons, et désormais, nous sommes tous conscients de cela. On peut ne pas aimer les balados de documentaires criminels ou grimacer devant des émissions de télévision du genre Les experts, mais je crois qu’on peut y voir une sorte de fonction de protection, car certaines des données probantes que nous avons apprises en justice pénale, dont il est question sur ces plateformes, ont en réalité amélioré notre sécurité. »

La Dre Jung grimace.


Profils du Mois de la psychologie : Dre Zarina Giannone, Psychologie du sport et de l’exercice

Dre Zarina Giannone
Dre Zarina Giannone

Dre Zarina Giannone, Psychologie du sport et de l’exercice
Tandis que les exploits des athlètes olympiques captent notre attention, nous mettons aujourd’hui l’accent, dans le cadre du Mois de la psychologie, sur les psychologues qui les aident à atteindre ces performances exceptionnelles. Toutefois, la psychologie du sport ne s’intéresse pas qu’aux athlètes de haut niveau. Nous avons parlé de ce domaine passionnant avec la Dre Zarina Giannone.

À propos de Dre Zarina Giannone

Psychologie du sport et de l’exercice

Brooke d’Hondt n’a que seize ans, et elle a déjà une équipe d’entraîneurs et d’experts qui l’aident à exceller en snowboard demi-lune. Brooke a terminé à la dixième place à l’épreuve de demi-lune en planche à neige pour le Canada aux Jeux olympiques de Beijing, et lorsque les Jeux seront terminés, elle retournera à l’école. Imaginez être dans son cours de gymnastique!

La psychologie du sport a en quelque sorte émergé des cours de gymnastique; l’éducation physique est née dans le monde de l’éducation et a évolué au fil du temps vers la psychologie du sport que nous connaissons aujourd’hui. Habituellement, les programmes d’études supérieures en psychologie du sport sont dispensés dans les écoles de kinésiologie des universités. Ils offrent des diplômes qui produisent des scientifiques spécialistes de la psychologie du sport.

Aujourd’hui, deux voies principales s’offrent aux personnes qui souhaitent exercer la psychologie du sport et deux types de titres de compétences existent en Amérique du Nord. L’un d’eux est le psychologue agréé, dont le champ d’activité est le plus vaste lorsqu’il a acquis la formation et l’expérience nécessaires pour se dire spécialisé en psychologie du sport et de l’exercice ou en psychologie de la performance. L’autre est un professionnel appelé « conseiller en performance mentale » (CPM). Les personnes qui détiennent ce titre sont titulaires de diplômes scientifiques et ont suivi une formation appliquée, mais leur champ d’activité est limité à l’application des connaissances psychologiques dans le contexte de la performance ou du sport.

La Dre Zarina Giannone a emprunté ces deux voies. Psychologue agréée spécialisée en psychologie du sport et de la performance, la Dre Giannone a fait sa formation de deuxième cycle en psychologie du counseling, mais a suivi une formation appliquée en psychologie du sport (le CPM).

« La psychologie du sport est l’un des domaines de la science du sport au sens large, explique-t-elle. Même mon propre travail en tant que psychologue du sport n’est qu’une petite part d’un plus grand gâteau, dans la mesure où il couvre l’application de la psychologie de la performance. Il consiste à prendre des données scientifiques et théoriques et à les appliquer à des situations réelles. »

La question de la santé mentale des athlètes n’a jamais été autant sous les projecteurs qu’aujourd’hui. Des athlètes de haut niveau parlent de leur santé mentale, se retirent de leur sport pour prendre soin de leur santé mentale et rendent publiques leurs difficultés. Naomi Osaka, Simone Biles, Calvin Ridley, Clara Hughes, Andy Robertson. La liste des athlètes qui ont commencé à parler publiquement de la santé mentale s’allonge de jour en jour. C’est une tendance qui enthousiasme la Dre Giannone.

« Même pendant mes sept années d’études supérieures, j’ai remarqué certains changements très intéressants. Au début des années 2000, le domaine se concentrait davantage sur les aptitudes mentales traditionnelles enseignées aux équipes, aux athlètes et aux entraîneurs. Imagerie mentale, régulation de l’éveil, contrôle de l’attention, ce genre de choses. Ce sont des compétences importantes qui, si elles sont bien maîtrisées par les athlètes, peuvent améliorer leurs performances. Il s’agit également de compétences transférables qui peuvent améliorer le bien-être général et le fonctionnement quotidien. Ces derniers temps, les psychologues et les CPM personnels sont de plus en plus recherchés. Cela s’explique, entre autres, par le fait que les athlètes se sentent plus à l’aise pour divulguer leurs problèmes de santé mentale. La stigmatisation associée à ces problèmes a diminué. Cela signifie que le rôle des psychologues dans les clubs et les organismes sportifs est plus prisé qu’avant. »

Les Colts d’Indianapolis, par exemple, ont lancé une initiative appelée Kicking The Stigma et le porte-parole de la campagne est le défenseur vedette Darius Leonard, qui parle ouvertement de ses crises d’angoisse et de sa dépression. Mais pour chaque équipe qui s’attaque aux problèmes de santé mentale et tente de lutter contre la stigmatisation qui leur est associée, il semble y avoir un autre groupe qui tarde à faire de même. La Ligue canadienne de hockey a récemment publié un rapport dévastateur sur l’existence d’un « code du silence » qui a permis à l’inconduite à l’extérieur de la patinoire de devenir une « norme culturelle ».

« Je connais certaines organisations et certaines équipes qui prennent la santé mentale très au sérieux, et il y a des psychologues du sport qui sont impliqués dans la résolution de problèmes dans une perspective de justice sociale, poursuit la Dre Giannone. Par exemple, ceux qui travaillent avec des cas d’abus ou d’inconduite sexuels. Ces psychologues ont contribué à la création de changements systémiques dans certaines organisations. On observe de plus en plus de politiques de santé mentale, ou de politiques de diversité et d’inclusion être mises en œuvre dans les organisations. J’espère que les gens en ressentiront les effets, et que ce ne sera qu’une question de temps avant que toutes les grandes organisations sportives emboîtent le pas. »

Pour la première fois depuis longtemps, les joueurs de la LNH ne sont pas présents aux Jeux olympiques. Cela signifie que les équipes de hockey qui s’affrontent se répartissent en deux catégories : soit un groupe de joueurs qui jouent ensemble dans un contexte ou un autre depuis longtemps, soit une équipe composée des meilleurs joueurs disponibles qui ont peu d’expérience de jeu entre eux. Comment créer une dynamique de groupe et développer la confiance de l’équipe? Selon la Dre Giannone, ces questions sont de plus en plus du ressort des psychologues du sport et des CPM.

« Les psychologues du sport ne se contentent plus d’offrir des formations classiques sur les aptitudes mentales et de simples évaluations des compétences mentales. Aujourd’hui, mon travail se concentre sur l’optimisation des performances, mais il concerne également d’autres difficultés propres au sport, notamment la dynamique de groupe entre les membres de l’équipe, le leadership des entraîneurs et la gestion de divers problèmes de santé mentale rencontrés par les athlètes, comme l’épuisement professionnel, la dépression, l’anxiété ou les troubles de l’alimentation. À bien des égards, le rôle du psychologue du sport a été réinventé et consiste désormais à répondre à la fois aux besoins psychologiques et aux exigences de la performance inhérentes au sport. »

La Dre Giannone travaille principalement en pratique privée au Vancouver Psychology Centre, où elle reçoit des clients en psychologie générale et d’autres personnes qu’elle aide en sa qualité de psychologue spécialisée en psychologie du sport et de la performance. Dans cet espace, elle voit un large éventail d’athlètes et d’artistes – des jeunes jusqu’aux professionnels. À l’occasion, elle accepte un contrat avec une équipe, pour laquelle elle met en œuvre un programme de développement des aptitudes mentales ou fournit d’autres services de groupe. Elle travaille également avec le Canadian Centre for Mental Health in Sport (CCMHS), où elle offre des services de santé mentale aux athlètes et aux artistes.

« Depuis 2013, le financement fédéral de ces services a vraiment augmenté, et ce, assez rapidement. Il existe aujourd’hui quelques services financés par le gouvernement fédéral destinés aux sportifs de niveau national. Par exemple, il y a le programme Plan de match, qui offre une vaste gamme de services aux athlètes brevetés de haut niveau au Canada. Mon rôle au CCMHS s’adresse à tous les sportifs, entraîneurs et administrateurs, quel que soit leur niveau, et permet à certaines personnes d’accéder à du financement à cet effet. Les autres pays sont un peu en retard dans ce domaine, ce qui fait du Canada un chef de file dans la sphère de la santé mentale des sportifs. »

Comme c’est le cas de tous les événements majeurs des deux dernières années, la COVID est une question centrale des Jeux olympiques de 2022. Elle a perturbé l’entraînement, entravé la consolidation des équipes et fait perdre à de nombreux athlètes la chance de concourir sur la scène mondiale. La COVID a même coûté à certains athlètes la chance de concourir après leur arrivée aux Jeux, lorsqu’un test positif a mis fin prématurément à leur parcours olympique. La Dre Giannone a vu tous les hauts et les bas créés par la pandémie chez les athlètes de tous les niveaux.

« Au début, les sports étaient sur pause. Les tournois importants ont été reportés. À ce moment-là, il fallait vraiment modifier et faire évoluer les services psychologiques vers un mode de prestation en ligne. Nous avons fait des choses en équipe avec plus de 25 personnes sur Zoom! Au cours de la dernière année, de nombreux athlètes ont repris le sport, et il se présente des défis nouveaux auxquels nous n’avons jamais été confrontés auparavant. Le contenu du travail a changé – imaginez un jeune athlète qui n’a participé à aucune compétition au secondaire depuis deux ans. Il était en secondaire 2, et il est maintenant en secondaire 4. Ce que cela représente pour ces jeunes sur le plan du développement et du perfectionnement des compétences propres au sport est intéressant.

Mes recherches portent principalement sur le développement de l’identité dans le sport. Ce qui arrive lorsqu’une personne se blesse ou prend sa retraite, et la perte d’identité qui en découle. La COVID est à l’origine d’un grand nombre de menaces pour l’identité, qu’il s’agisse d’enfants ou d’athlètes olympiques. Ces personnes qui tirent du sport une telle estime de soi et une telle valeur sont involontairement contraintes de le mettre de côté pendant un certain temps. Cela peut être très déstabilisant pour les gens.

Je dirais, à l’inverse, que la COVID a offert aux athlètes une occasion inédite de pratiquer leur sport d’une manière nouvelle et différente. Prenons l’exemple d’un sportif qui n’avait jamais le temps de regarder des vidéos de lui-même. Désormais, il est capable d’apprendre des choses différentes sur lui-même. Il est peut-être capable de faire un peu plus de musculation. J’ai été frappée par la résilience et la créativité dont ont fait preuve les gens durant cette période.

Ce qui m’a vraiment frappée au début de la pandémie, c’est le passage de l’entraînement aux compétences physiques et mentales à la création de nouvelles conceptions de la culture d’équipe. Je me souviens d’être intervenue dans des équipes et d’avoir aidé à faciliter la réalisation des objectifs, et à cultiver les valeurs de l’équipe et les relations entre ses membres. Cela ne veut pas dire que je ne le ferais pas pendant une saison régulière, mais la pandémie a vraiment mis cela en évidence car il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire quand la situation était si incertaine. »

La santé mentale des athlètes est un domaine en expansion rapide. Le rôle des psychologues dans la résolution de certains problèmes sociaux et systémiques tels que les comportements inappropriés des athlètes, la violence dans le sport, les abus et le harcèlement, l’inclusion et la diversité culturelle, devient de plus en plus important. Les psychologues participent à la création de mesures de soutien, mais aussi à la promotion de changements systémiques au sein des systèmes et des organisations, et tout cela se répercute sur les athlètes. Mais leur influence et leur implication ne se limitent plus aux vestiaires.

Comme l’évoque la Dre Giannone, « les professionnels de la psychologie du sport sont désormais sortis du cadre traditionnel du sport et de l’exercice. Ils s’occupent des problèmes liés à la performance dans d’autres domaines. Il n’est pas rare de voir des psychologues du sport travailler avec des militaires, des artistes de la scène, des premiers intervenants ou des dirigeants d’entreprise de haut niveau. Presque tout le monde se retrouvant dans des situations très stressantes. Je m’attends à voir davantage de psychologues possédant ces compétences spécialisées se frayer un chemin dans divers milieux. »

Les Jeux olympiques, qui se déroulent en ce moment même, présentent une gamme de situations stressantes pour les athlètes, sous le regard du public, tous les jours, toute la journée. Nous pouvons nous réjouir de la performance improbable de l’équipe canadienne en poursuite par équipes de patinage de vitesse, mais aussi compatir à la douleur de l’équipe japonaise, dont la chute de l’une de ses membres a donné la médaille d’or au Canada. Nos yeux, les yeux du monde, ajoutent une pression inédite pour ces sportifs. Cette situation peut être difficile, et un psychologue peut aider l’athlète à y faire face. Que vous soyez Jennifer Jones, qui participe à ses deuxièmes Jeux olympiques à l’âge de 47 ans ou une planchiste de 16 ans, qui s’apprête à retourner à ses cours de géographie.


Profils du Mois de la psychologie : Dr Amir Sepehry et Dre Diana Velikonja, Psychopharmacologie

Dr Amir Sepehry
Dr Amir Sepehry
Dre Diana Velikonja
Dre Diana Velikonja

Dr Amir Sepehry and Dre Diana Velikonja, Psychopharmacologie
Au carrefour de la psychologie et de la médecine se situent la psychopharmacologie. Les psychopharmacologues sont des psychologues qui peuvent prescrire des médicaments comme le font les psychiatres, mais qui possèdent une formation de psychologue sur les interventions basées sur le comportement et la thérapie. Le Dr Amir Sepehry et la Dre Diana Velikonja nous en parlent davantage.

À propos de Dr Amir Sepehry et Dre Diana Velikonja

Psychopharmacologie

Au Canada, il faut habituellement environ 10 ans pour devenir psychologue. Il s’agit de l’un des domaines d’études les plus longs et les plus intensifs puisqu’on exige généralement un doctorat en psychologie professionnelle ou un doctorat en psychologie clinique. Or, ces programmes sont assez limités, et il faut plus de temps pour terminer un programme de doctorat en psychologie que la plupart des autres programmes. Imaginez franchir toutes ces étapes, puis décider que finalement, vous voulez poursuivre vos études plus longtemps. D’où vient votre extrême passion, qui vous donnera envie de POURSUIVRE vos études lorsque vous avez enfin terminé?

Pourtant, c’est la décision qu’ont prise les gens qui ont emprunté la voie de la psychopharmacologie. La Dre Diana Velikonja a une formation en neuropsychologie. Elle est psychologue clinicienne et détient une maîtrise en psychopharmacologie clinique qui lui permet d’offrir des consultations impliquant des médicaments psychotropes. Elle a travaillé auprès de personnes ayant subi des traumatismes crâniens, a été présidente de l’Ontario Psychological Association, et elle a mené des initiatives militant en faveur de l’élargissement de la portée de la pratique des psychologues ontariens pour y inclure la prescription de médicaments psychotropes. Elle décrit la psychopharmacologie de la manière suivante :

« Pour traiter plusieurs problèmes émotionnels et cognitifs, on utilise certains types de médicaments qui sont appelés « médicaments psychotropes ». Ils sont principalement utilisés pour traiter des troubles tels que l’anxiété, la dépression, les hallucinations. Par ailleurs, ils aident à gérer les symptômes des troubles de santé mentale ou de dépendance. La psychopharmacologie consiste en fait à prescrire des médicaments, parallèlement à d’autres traitements fondés sur des données probantes. La raison pour laquelle les psychologues sont impliqués dans ce domaine est qu’ils sont formés aux interventions basées sur le comportement et la thérapie, et ceux d’entre eux qui ont demandé une certification supplémentaire en matière de prescription de médicaments psychotropes sont capables d’intégrer les deux – le comportement et les médicaments – afin d’orienter les patients vers les meilleures stratégies pour gérer les symptômes qu’ils éprouvent. »

La prescription de médicaments pour traiter la maladie mentale est depuis longtemps, du moins au Canada, l’apanage de la psychiatrie. Les psychopharmacologues représentent les quelques rares psychologues qui possèdent le savoir requis quand il s’agit de ces médicaments. Le Dr Amir Ali Sepehry est le président de la Section de psychopharmacologie de la SCP. Il détient un doctorat en neurosciences, une formation postdoctorale en neurologie, une maîtrise en psychiatrie scientifique axée sur la médication, et d’autres formations sur les lésions médullaires et en psychologie du counselling. Le Dr Sepehry enseigne actuellement à l’université Adler de Vancouver, collabore avec l’université de la Colombie-Britannique et travaille avec des neuropsychologues médico-légaux sur des cas de nature juridique et médicale. Il affirme que la discipline de la psychopharmacologie est à la fois très ancienne et très nouvelle.

« Elle remonte aux temps anciens où les gens de diverses spécialités utilisaient des substances psychoactives, des herbes et ainsi de suite pour traiter les maladies mentales. Cependant, on constate une incroyable accélération depuis cinq ans, parce qu’il s’est produit beaucoup de choses. C’est en partie dû à l’actuelle crise du SARS-COVID-19. Quelques développements mineurs surviennent pendant que plusieurs d’entre nous tentent de repositionner les médicaments. »

La réaction immunitaire antivirale normale d’une personne exige l’activation des voies inflammatoires du système immunitaire. Les cytokines sont produites dans le contexte de la réaction immunitaire. Une réaction immunitaire incontrôlée et excessive est connue sous le nom de cascade de cytokines ou tempête de cytokines. Ceci peut causer des dommages aux tissus, ce qu’on a observé dans plusieurs cas de COVID-19 graves et survient en raison d’une surabondance de cytokines pro-inflammatoires. Le Dr Sepehry souligne que c’est l’un des angles sous lequel les psychopharmacologues examinent le repositionnement des médicaments existants.

« Les antidépresseurs ont montré des propriétés anti-inflammatoires. Ils pourraient donc être utilisés pour contrer les cascades de cytokines qui sont produites par la COVID. Nous en sommes encore au stade où nous devons déterminer les effets à long terme de la COVID sur le cerveau et le comportement, sur les changements sur le plan de la personnalité, sur la maladie mentale et sur l’éventuel rétablissement. Nous avons besoin de l’engagement d’un plus grand nombre de psychologues. Nous savons qu’il y a des taux croissants de maladie mentale, particulièrement chez les personnes âgées qui ont contracté la COVID. Ainsi, l’apport de la psychopharmacologie est crucial. »

Selon la Dre Velikonja, il existe d’autres manières d’étudier les médicaments, en particulier dans le contexte de la COVID, au fur et à mesure que nous comprenons ses effets à court et à long terme.

« Les médicaments pourraient être repositionnés pour traiter certaines choses comme la fatigue, ce que les gens appellent le brouillard mental, qui, avec d’autres symptômes, est présent dans ce que l’on désigne comme la COVID longue. Lorsque les gens manquent d’énergie ou de motivation physique pour faire des choses, il y a probablement lieu de cibler ce domaine. »

Au cours des deux dernières années, on a observé une mobilisation sans précédent de l’expertise scientifique mondiale. Les experts de presque toutes les disciplines scientifiques se sont réunis pour aborder chaque aspect de la pandémie, et le travail interdisciplinaire et transdisciplinaire atteint des sommets inégalés. Les psychopharmacologues ont l’habitude du travail interdisciplinaire et ils apportent une vaste étendue d’expertise à cette arène scientifique. La Dre Velikonja considère que leur engagement dans ce gigantesque effort est essentiel.

« Je crois que cela est primordial à de nombreux égards, au sens où tout le monde parle de la prochaine vague, ce qui est en réalité la vague de la santé mentale. Nous connaissons les nombreux défis du domaine de la psychiatrie, notamment sur le plan du nombre de praticiens disponibles. Je crois que les psychologues sont bien placés pour jouer ce rôle, pour travailler de concert avec la psychiatrie afin d’examiner la question de la prescription de médicaments et l’intégration de stratégies comportementales. Nous aurons besoin que tous mettent la main à la pâte pendant que se déploie la vague de problèmes de santé mentale. »

Cette vague est en mouvance actuellement, et nous constatons la montée des situations de violence familiale, ainsi que l’augmentation des taux de dépression, d’anxiété, de traumatismes et de problèmes de toxicomanie. Personne ne sait à quoi ressemblera cette vague dans quelques mois ou quelques années. Mais quand elle déferlera, nous devrons tous vraiment mettre la main à la pâte. Et nous pouvons nous sentir un peu rassurés en sachant que certaines de ces mains appartiendront à des personnes qui ont passé des années à devenir des experts dans leur domaine respectif, des scientifiques pour qui apprendre une seule chose n’est pas suffisant, qui veulent en apprendre toujours plus. Vous savez, les passionnés…


Mois de l’histoire des noirs : Dr. Kofi-Len Belfon

Dr Kofi-Len Belfon photoDr Kofi-Len Belfon
Février, c’est le Mois de l’histoire des Noirs, et la SCP met en vedette, tout au long du mois, des psychologues noirs contemporains. Le Dr Kofi-Len Belfon est un psychologue clinicien et travaille avec les enfants, les adolescents et les familles. Il porte de nombreux chapeaux, comme celui de directeur clinique adjoint de Kinark Child and Family Services.

À propos de Dr Kofi-Len Belfon

« Pensons-nous réellement à concevoir les programmes d’une manière anti-oppressive? Est-ce que nous envisageons le contenu? »

Le Dr Kofi Belfon est un psychologue clinicien et travaille avec les enfants, les adolescents et les familles. Il est le directeur clinique adjoint de Kinark Child and Family Services, a un cabinet privé appelé Belfon Psychological Services, est membre du conseil d’administration d’Esprits Sains Enfants Sains (anciennement la Fondation de psychologie du Canada) et siège au comité sur l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI) de l’Ordre des psychologues de l’Ontario. Orateur pondéré, il réfléchit attentivement avant de répondre aux questions que je lui pose. Le thème de la « réflexion » revient assez souvent pendant notre conversation.

Né à Sainte-Lucie, le Dr Belfon a immigré au Canada lorsqu’il avait à peu près cinq ans. Sa famille a déménagé dans les Caraïbes lorsqu’il avait environ 15 ans, et il est resté chez des amis de la famille pour terminer ses études secondaires au Canada. Ses parents accordaient beaucoup d’importance à l’instruction et l’ont encouragé à aller à l’université. Son frère est médecin et il a d’abord étudié à l’Université McMaster pour faire ses études de premier cycle en vue de suivre les traces de son frère et de devenir médecin. Mais très vite, il découvre que non seulement il réussit très bien dans ses cours de psychologie, mais qu’il les aime vraiment. Une nouvelle voie professionnelle s’ouvrait.

Après son baccalauréat, le Dr Belfon a travaillé dans une usine de peinture. Pendant ce temps, il a passé son test GRE (Graduate Records Examination – un test général normalisé visant à mesurer les capacités scolaires des diplômés) et il a fait des demandes d’admission auprès de programmes d’études supérieures en psychologie. Ce qu’il n’a pas fait, et qui a peut-être joué un rôle déterminant, c’est passer le test GRE évaluant les aptitudes en psychologie. Toutes les écoles d’études supérieures ont refusé sa demande, sauf une.

« Le seul endroit où j’ai été accepté est l’Université de Guelph. Le Dr Michael Grand a été un superviseur vraiment formidable qui m’a soutenu et encouragé. Mais j’ai toujours eu le syndrome de l’imposteur, doutant constamment de moi. “Je n’ai été accepté nulle part ailleurs, pourquoi ai-je été accepté ici, est-ce qu’ils essaient tout simplement de remplir un quota? Est-ce que j’ai été admis parce que je suis un Noir et un homme, et qu’ils veulent accroître la diversité au sein de leur programme?” Je manquais de confiance et mes doutes sur moi-même ont perduré longtemps. Nous n’étions qu’une petite cohorte, de cinq ou six personnes à peine, et j’étais le seul à ne pas avoir de bourse. J’ai fait des demandes de bourse chaque année et aucune n’a été acceptée, ce qui a alimenté le syndrome de l’imposteur et le sentiment que je n’étais pas à ma place.

Le bon côté des choses c’est, entre autres choses, que cela m’a obligé à travailler parce que je n’avais pas beaucoup d’argent! J’ai travaillé énormément sur le terrain. J’ai travaillé au conseil scolaire du district de Toronto pendant toutes mes études de doctorat et j’ai beaucoup d’expérience dans le domaine de l’éducation. J’ai travaillé dans un cabinet privé, j’ai travaillé au Syl Apps Youth Centre et j’ai acquis beaucoup d’expérience clinique intéressante. J’étais toujours très satisfait de mon travail de recherche. L’une des choses que j’aimais chez le Dr Grand, c’est qu’il ne m’empêchait pas de faire ce que je voulais.

Mes recherches portaient sur la violence communautaire chronique dans la région de Scarborough, puis, dans le cadre de mon doctorat, je me suis intéressé aux besoins en santé mentale des enfants en placement et en détention. À cette époque, au moins 50 % des enfants avec lesquels je travaillais étaient des PANDC. Une partie de ces recherches s’explique par le fait qu’à l’université, j’avais un ami proche qui est mort des suites de la violence armée. C’est ce qui m’a poussé à entamer ces recherches, et aujourd’hui encore, j’aimerais avoir plus de temps pour faire de la recherche et d’autres choses de ce genre, parce que cela signifie énormément pour moi. »

Avec tous les postes qu’occupe le Dr Belfon et les multiples chapeaux qu’il porte, il lui reste très peu de temps pour la recherche – ou pour quoi que ce soit d’autre d’ailleurs. Surtout aujourd’hui, car, d’après lui, la pandémie a considérablement augmenté la charge de travail. Les listes d’attente ne cessent de s’allonger et de plus en plus d’enfants, de jeunes et de familles demandent de l’aide pour des problèmes de santé mentale. Selon lui, cette augmentation de la demande est bien antérieure à la pandémie. Il dit avoir constaté, au cours des cinq dernières années, une augmentation du nombre de jeunes demandant de l’aide pour des problèmes de dépression, d’anxiété et de santé mentale. Il est difficile de dire si cela est dû au fait que les jeunes sont plus nombreux à souffrir ou au fait que les efforts déployés pour déstigmatiser ces maladies les incitent à demander de l’aide.

Les personnes qui s’adressent au Dr Belfon sont souvent des familles noires qui veulent voir un psychologue qui leur ressemble et qui a un vécu semblable au leur. Souvent, elles sont prêtes à attendre très longtemps, plus de huit mois parfois, pour consulter un psychologue noir. Pour lui, ce n’est pas l’idéal – c’est très long lorsque vous avez des problèmes graves, et il n’y a aucune garantie que vous rencontrerez un professionnel. Comme le dit le Dr Belfon, « nous confondons sans cesse race et culture ».

La rareté des psychologues noirs demeure une difficulté dans les communautés de couleur et se ressent fortement dans le sud de l’Ontario. À un moment donné, Belfon Psychological Services employait 60 % des psychologues noirs de la région – ils étaient trois. Voilà une autre raison pour laquelle la question de l’équité, de la diversité et de l’inclusion est si importante dans le domaine de la psychologie.

Le Dr Belfon apporte la dimension de l’EDI à tous ses projets, en s’efforçant de rendre les programmes plus inclusifs à Esprits Sains Enfants Sains, à l’organisme Kinark et dans son cabinet privé. Selon lui, il est bon de faire des efforts pour utiliser un langage plus inclusif, et de choisir des images et des exemples qui mettent en scène un groupe de personnes plus diversifié. Tout cela est utile pour faciliter l’accès et inciter davantage de personnes à demander des services et de l’aide. Mais ces mesures restent « superficielles ». Une fois que les gens ont franchi la porte, la programmation elle-même répond-elle à leurs besoins? Le programme auquel ils accèdent est-il aussi inclusif que le message qui les a amenés ici en premier lieu?

« Je ne connais pas nécessairement les réponses à ces questions. La psychologie commence à peine à penser de cette manière. Mais nous devons évaluer ces choses tout en pensant à la diversité et à la façon dont les différentes familles peuvent envisager ces choses différemment. Par exemple, un programme de formation parentale où nous parlons des pratiques parentales et de ce que nous considérons, en Amérique du Nord, comme des pratiques saines. Cela peut être totalement différent pour une famille dont les parents n’ont pas grandi dans la société nord-américaine et qui n’ont peut-être pas les mêmes valeurs. »

C’est à ce moment que le Dr Belfon revient au thème de la « réflexion » – ce qui compte le plus dans les efforts d’équité, de diversité et d’inclusion, c’est qu’ils soient au premier plan lorsqu’un programme est conçu, un comité est créé ou une politique est mise en œuvre. Si nous commençons tous à regarder ces questions sous l’angle de l’EDI et que nous partons de là, il est plus probable que le résultat final soit réellement inclusif et ne soit pas une simple façade.

« Nous réfléchissons systématiquement dans les organismes, à toutes les choses qui sont tournées vers l’intérieur. Les structures de direction, les pratiques d’embauche, les politiques et les procédures, en réfléchissant à la façon dont nous nous traitons les uns les autres. Peut-être avons-nous changé certaines formulations et expressions et amélioré des choses élémentaires, comme éliminer le langage binaire lié au genre sur nos formulaires. Une fois que nous aurons établi un cadre pour ce genre de choses – et nous avons entamé une partie de ce travail à Kinark –, la prochaine étape consistera à aborder la pratique clinique réelle, et à y réfléchir plus attentivement. Cela prendra du temps, et peut-être que rien ne changera! Peut-être que nous examinons un programme et décidons que le contenu est conforme à ce qu’il doit être. Mais y avons-nous réfléchi? Nous sommes-nous demandé si le contenu était pertinent ou non, au lieu de supposer que tous ces concepts sont neutres sur le plan culturel? Selon moi, c’est très important. »

Le comité de l’EDI du Collège des psychologues de l’Ontario ne travaille pas en vase clos. Il s’agit plutôt d’un groupe de personnes dont le rôle est d’influencer tous les autres groupes qui peuvent bénéficier de leur contribution. La Dre Donna Ferguson est la présidente du comité et le Dr Belfon travaille avec elle et les autres pour intégrer l’EDI à la culture globale du Collège.

« Nous avons étudié les expériences de nos membres par rapport à l’EDI et au Collège, en commençant par distribuer des questionnaires aux membres et recueillir des données auprès d’eux. Nous avons fait quelques formations sur l’EDI avec les autres comités, comme le comité de discipline, le comité de l’assurance de la qualité, mon propre comité, qui est celui des relations avec la clientèle. Nous disposons donc d’un langage avec lequel nous pouvons envisager l’EDI dès le départ. Ce que nous avons demandé, c’est qu’après cette formation, les membres de ces comités soient invités à réfléchir à la manière dont la thématique de l’EDI pourrait être liée à leur travail. »

Le Dr Belfon, la Dre Ferguson et le reste du comité de l’EDI se rendent dans chacun des autres comités, un à un, pour discuter du lien entre l’équité, la diversité et l’inclusion, et leur travail.

« Par exemple, si le comité d’inscription est responsable des examens oraux, y a-t-il des éléments des examens oraux auxquels nous devrions réfléchir et que nous devrions repenser à la lumière de l’anti-oppression ou de l’inclusion? »

Réfléchir. C’est le thème central de tout ce que fait le Dr Belfon, et c’est la clé pour faire évoluer les organisations, les entreprises, les groupes, et même la psychologie elle-même, dans une direction plus inclusive. C’est bien d’agir, mais avant d’avoir agi, avez-vous réfléchi? Avez-vous envisagé les choses sous l’angle de l’inclusion? Et comment vous assurez-vous que vos programmes sont inclusifs, plutôt que de simplement en avoir l’air?

Cela mérite réflexion.


Psychology Month Profile: Dr Kerry Mothersill, Dre Kelsey Collimore, et Dre Stephanie Greenham, Psychologues en milieux hospitaliers et en centres de santé

Dr Kerry Mothersill
Dr Kerry Mothersill
Dre Kelsey Collimore
Dre Kelsey Collimore
Dre Stephanie Greenham
Dre Stephanie
Greenham

Dr Kerry Mothersill, Dre Kelsey Collimore, et Dre Stephanie Greenham, Psychologues en milieux hospitaliers et en centres de santé
Plusieurs psychologues travaillent dans le système public de soins de santé, certains dans les hôpitaux et d’autres, dans les centres de santé comme membres d’équipes interdisciplinaires traitant une grande diversité de patients. Les Drs Kelsey Collimore, Stephanie Greenham et Kerry Mothersill nous proposent certaines réflexions sur leur travail.

À propos de Dr Kerry Mothersill, Dre Kelsey Collimore, and Dre Stephanie Greenham

Psychologues en milieux hospitaliers et en centres de santé

Brooke d’Hondt n’a que seize ans, et elle a déjà une équipe d’entraîneurs et d’experts qui l’aident à exceller en snowboard demi-lune. Brooke a terminé à la dixième place à l’épreuve de demi-lune en planche à neige pour le Canada aux Jeux olympiques de Beijing, et lorsque les Jeux seront terminés, elle retournera à l’école. Imaginez être dans son cours de gymnastique!

La psychologie du sport a en quelque sorte émergé des cours de gymnastique; l’éducation physique est née dans le monde de l’éducation et a évolué au fil du temps vers la psychologie du sport que nous connaissons aujourd’hui. Habituellement, les programmes d’études supérieures en psychologie du sport sont dispensés dans les écoles de kinésiologie des universités. Ils offrent des diplômes qui produisent des scientifiques spécialistes de la psychologie du sport.

Aujourd’hui, deux voies principales s’offrent aux personnes qui souhaitent exercer la psychologie du sport et deux types de titres de compétences existent en Amérique du Nord. L’un d’eux est le psychologue agréé, dont le champ d’activité est le plus vaste lorsqu’il a acquis la formation et l’expérience nécessaires pour se dire spécialisé en psychologie du sport et de l’exercice ou en psychologie de la performance. L’autre est un professionnel appelé « conseiller en performance mentale » (CPM). Les personnes qui détiennent ce titre sont titulaires de diplômes scientifiques et ont suivi une formation appliquée, mais leur champ d’activité est limité à l’application des connaissances psychologiques dans le contexte de la performance ou du sport.

La Dre Zarina Giannone a emprunté ces deux voies. Psychologue agréée spécialisée en psychologie du sport et de la performance, la Dre Giannone a fait sa formation de deuxième cycle en psychologie du counseling, mais a suivi une formation appliquée en psychologie du sport (le CPM).

« La psychologie du sport est l’un des domaines de la science du sport au sens large, explique-t-elle. Même mon propre travail en tant que psychologue du sport n’est qu’une petite part d’un plus grand gâteau, dans la mesure où il couvre l’application de la psychologie de la performance. Il consiste à prendre des données scientifiques et théoriques et à les appliquer à des situations réelles. »

La question de la santé mentale des athlètes n’a jamais été autant sous les projecteurs qu’aujourd’hui. Des athlètes de haut niveau parlent de leur santé mentale, se retirent de leur sport pour prendre soin de leur santé mentale et rendent publiques leurs difficultés. Naomi Osaka, Simone Biles, Calvin Ridley, Clara Hughes, Andy Robertson. La liste des athlètes qui ont commencé à parler publiquement de la santé mentale s’allonge de jour en jour. C’est une tendance qui enthousiasme la Dre Giannone.

« Même pendant mes sept années d’études supérieures, j’ai remarqué certains changements très intéressants. Au début des années 2000, le domaine se concentrait davantage sur les aptitudes mentales traditionnelles enseignées aux équipes, aux athlètes et aux entraîneurs. Imagerie mentale, régulation de l’éveil, contrôle de l’attention, ce genre de choses. Ce sont des compétences importantes qui, si elles sont bien maîtrisées par les athlètes, peuvent améliorer leurs performances. Il s’agit également de compétences transférables qui peuvent améliorer le bien-être général et le fonctionnement quotidien. Ces derniers temps, les psychologues et les CPM personnels sont de plus en plus recherchés. Cela s’explique, entre autres, par le fait que les athlètes se sentent plus à l’aise pour divulguer leurs problèmes de santé mentale. La stigmatisation associée à ces problèmes a diminué. Cela signifie que le rôle des psychologues dans les clubs et les organismes sportifs est plus prisé qu’avant. »

Les Colts d’Indianapolis, par exemple, ont lancé une initiative appelée Kicking The Stigma et le porte-parole de la campagne est le défenseur vedette Darius Leonard, qui parle ouvertement de ses crises d’angoisse et de sa dépression. Mais pour chaque équipe qui s’attaque aux problèmes de santé mentale et tente de lutter contre la stigmatisation qui leur est associée, il semble y avoir un autre groupe qui tarde à faire de même. La Ligue canadienne de hockey a récemment publié un rapport dévastateur sur l’existence d’un « code du silence » qui a permis à l’inconduite à l’extérieur de la patinoire de devenir une « norme culturelle ».

« Je connais certaines organisations et certaines équipes qui prennent la santé mentale très au sérieux, et il y a des psychologues du sport qui sont impliqués dans la résolution de problèmes dans une perspective de justice sociale, poursuit la Dre Giannone. Par exemple, ceux qui travaillent avec des cas d’abus ou d’inconduite sexuels. Ces psychologues ont contribué à la création de changements systémiques dans certaines organisations. On observe de plus en plus de politiques de santé mentale, ou de politiques de diversité et d’inclusion être mises en œuvre dans les organisations. J’espère que les gens en ressentiront les effets, et que ce ne sera qu’une question de temps avant que toutes les grandes organisations sportives emboîtent le pas. »

Pour la première fois depuis longtemps, les joueurs de la LNH ne sont pas présents aux Jeux olympiques. Cela signifie que les équipes de hockey qui s’affrontent se répartissent en deux catégories : soit un groupe de joueurs qui jouent ensemble dans un contexte ou un autre depuis longtemps, soit une équipe composée des meilleurs joueurs disponibles qui ont peu d’expérience de jeu entre eux. Comment créer une dynamique de groupe et développer la confiance de l’équipe? Selon la Dre Giannone, ces questions sont de plus en plus du ressort des psychologues du sport et des CPM.

« Les psychologues du sport ne se contentent plus d’offrir des formations classiques sur les aptitudes mentales et de simples évaluations des compétences mentales. Aujourd’hui, mon travail se concentre sur l’optimisation des performances, mais il concerne également d’autres difficultés propres au sport, notamment la dynamique de groupe entre les membres de l’équipe, le leadership des entraîneurs et la gestion de divers problèmes de santé mentale rencontrés par les athlètes, comme l’épuisement professionnel, la dépression, l’anxiété ou les troubles de l’alimentation. À bien des égards, le rôle du psychologue du sport a été réinventé et consiste désormais à répondre à la fois aux besoins psychologiques et aux exigences de la performance inhérentes au sport. »

La Dre Giannone travaille principalement en pratique privée au Vancouver Psychology Centre, où elle reçoit des clients en psychologie générale et d’autres personnes qu’elle aide en sa qualité de psychologue spécialisée en psychologie du sport et de la performance. Dans cet espace, elle voit un large éventail d’athlètes et d’artistes – des jeunes jusqu’aux professionnels. À l’occasion, elle accepte un contrat avec une équipe, pour laquelle elle met en œuvre un programme de développement des aptitudes mentales ou fournit d’autres services de groupe. Elle travaille également avec le Canadian Centre for Mental Health in Sport (CCMHS), où elle offre des services de santé mentale aux athlètes et aux artistes.

« Depuis 2013, le financement fédéral de ces services a vraiment augmenté, et ce, assez rapidement. Il existe aujourd’hui quelques services financés par le gouvernement fédéral destinés aux sportifs de niveau national. Par exemple, il y a le programme Plan de match, qui offre une vaste gamme de services aux athlètes brevetés de haut niveau au Canada. Mon rôle au CCMHS s’adresse à tous les sportifs, entraîneurs et administrateurs, quel que soit leur niveau, et permet à certaines personnes d’accéder à du financement à cet effet. Les autres pays sont un peu en retard dans ce domaine, ce qui fait du Canada un chef de file dans la sphère de la santé mentale des sportifs. »

Comme c’est le cas de tous les événements majeurs des deux dernières années, la COVID est une question centrale des Jeux olympiques de 2022. Elle a perturbé l’entraînement, entravé la consolidation des équipes et fait perdre à de nombreux athlètes la chance de concourir sur la scène mondiale. La COVID a même coûté à certains athlètes la chance de concourir après leur arrivée aux Jeux, lorsqu’un test positif a mis fin prématurément à leur parcours olympique. La Dre Giannone a vu tous les hauts et les bas créés par la pandémie chez les athlètes de tous les niveaux.

« Au début, les sports étaient sur pause. Les tournois importants ont été reportés. À ce moment-là, il fallait vraiment modifier et faire évoluer les services psychologiques vers un mode de prestation en ligne. Nous avons fait des choses en équipe avec plus de 25 personnes sur Zoom! Au cours de la dernière année, de nombreux athlètes ont repris le sport, et il se présente des défis nouveaux auxquels nous n’avons jamais été confrontés auparavant. Le contenu du travail a changé – imaginez un jeune athlète qui n’a participé à aucune compétition au secondaire depuis deux ans. Il était en secondaire 2, et il est maintenant en secondaire 4. Ce que cela représente pour ces jeunes sur le plan du développement et du perfectionnement des compétences propres au sport est intéressant.

Mes recherches portent principalement sur le développement de l’identité dans le sport. Ce qui arrive lorsqu’une personne se blesse ou prend sa retraite, et la perte d’identité qui en découle. La COVID est à l’origine d’un grand nombre de menaces pour l’identité, qu’il s’agisse d’enfants ou d’athlètes olympiques. Ces personnes qui tirent du sport une telle estime de soi et une telle valeur sont involontairement contraintes de le mettre de côté pendant un certain temps. Cela peut être très déstabilisant pour les gens.

Je dirais, à l’inverse, que la COVID a offert aux athlètes une occasion inédite de pratiquer leur sport d’une manière nouvelle et différente. Prenons l’exemple d’un sportif qui n’avait jamais le temps de regarder des vidéos de lui-même. Désormais, il est capable d’apprendre des choses différentes sur lui-même. Il est peut-être capable de faire un peu plus de musculation. J’ai été frappée par la résilience et la créativité dont ont fait preuve les gens durant cette période.

Ce qui m’a vraiment frappée au début de la pandémie, c’est le passage de l’entraînement aux compétences physiques et mentales à la création de nouvelles conceptions de la culture d’équipe. Je me souviens d’être intervenue dans des équipes et d’avoir aidé à faciliter la réalisation des objectifs, et à cultiver les valeurs de l’équipe et les relations entre ses membres. Cela ne veut pas dire que je ne le ferais pas pendant une saison régulière, mais la pandémie a vraiment mis cela en évidence car il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire quand la situation était si incertaine. »

La santé mentale des athlètes est un domaine en expansion rapide. Le rôle des psychologues dans la résolution de certains problèmes sociaux et systémiques tels que les comportements inappropriés des athlètes, la violence dans le sport, les abus et le harcèlement, l’inclusion et la diversité culturelle, devient de plus en plus important. Les psychologues participent à la création de mesures de soutien, mais aussi à la promotion de changements systémiques au sein des systèmes et des organisations, et tout cela se répercute sur les athlètes. Mais leur influence et leur implication ne se limitent plus aux vestiaires.

Comme l’évoque la Dre Giannone, « les professionnels de la psychologie du sport sont désormais sortis du cadre traditionnel du sport et de l’exercice. Ils s’occupent des problèmes liés à la performance dans d’autres domaines. Il n’est pas rare de voir des psychologues du sport travailler avec des militaires, des artistes de la scène, des premiers intervenants ou des dirigeants d’entreprise de haut niveau. Presque tout le monde se retrouvant dans des situations très stressantes. Je m’attends à voir davantage de psychologues possédant ces compétences spécialisées se frayer un chemin dans divers milieux. »

Les Jeux olympiques, qui se déroulent en ce moment même, présentent une gamme de situations stressantes pour les athlètes, sous le regard du public, tous les jours, toute la journée. Nous pouvons nous réjouir de la performance improbable de l’équipe canadienne en poursuite par équipes de patinage de vitesse, mais aussi compatir à la douleur de l’équipe japonaise, dont la chute de l’une de ses membres a donné la médaille d’or au Canada. Nos yeux, les yeux du monde, ajoutent une pression inédite pour ces sportifs. Cette situation peut être difficile, et un psychologue peut aider l’athlète à y faire face. Que vous soyez Jennifer Jones, qui participe à ses deuxièmes Jeux olympiques à l’âge de 47 ans ou une planchiste de 16 ans, qui s’apprête à retourner à ses cours de géographie.


Profils du Mois de la psychologie : Dr Jude Mary Cénat, Dre Helen Ofosu, Anita Shaw, Kafui Sawyer, Dre Erin Beettam, et Dre Monnica Williams, Section de Personnes Noires en Psychologie

Dr Jude Mary Cénat
Dr Jude Mary Cénat
Dre Helen Ofosu
Dre Helen Ofosu
Anita Shaw
Anita Shaw

Dr Jude Mary Cénat, Dre Helen Ofosu, Anita Shaw, Kafui Sawyer, Dre Erin Beettam, et Dre Monnica Williams, Section de Personnes Noires en Psychologie

Kafui Sawyer
Kafui Sawyer
Dre Erin Beettam
Dre Erin Beettam
Dre Monnica Williams
Dre Monnica Williams

L’une des deux nouvelles sections de la SCP est la Section de la psychologie des Noirs; elle vise à accroître la présence des professionnels de la psychologie noirs et à accroître l’accès aux services de santé mentale pour la communauté noire.

À propos de Dr Jude Mary Cénat, Dre Helen Ofosu, Anita Shaw, Kafui Sawyer, Dre Erin Beettam, et Dre Monnica Williams

Section de Personnes Noires en Psychologie

« Quel domaine peut être plus antiraciste que la psychologie? Nous sommes là pour soutenir les êtres humains, le développement de la personne et le bien-être des individus! Il n’y a pas de domaine qui puisse aborder les questions raciales aussi bien que la psychologie. »

Jude Mary Cénat, Ph. D., se passionne pour la lutte contre le racisme en psychologie et invite ses collègues du secteur de la santé mentale à se joindre au mouvement. Le Dr Cénat est professeur agrégé à l’École de psychologie de l’Université d’Ottawa et le directeur du Laboratoire de Recherche Vulnérabilité, Trauma, Résilience et Culture (V-TRaC).

Au Canada, les populations racisées vivent des traumatismes et des problèmes de santé mentale qui leur sont propres. Les Canadiens noirs ne font pas exception. En plus des choses qui touchent tout le monde – la pandémie, le stress au travail, les problèmes familiaux –, ils doivent faire face au racisme sociétal, ainsi qu’à l’hostilité et aux microagressions au travail, qui font partie de la vie quotidienne dans notre pays.

« Nous ne pouvons continuer à perpétuer et à encourager la discrimination raciale. Nous ne pouvons continuer à nous contenter d’être une société “sans préjugés raciaux”. Les personnes qui connaissent de hauts niveaux de discrimination raciale sont trente-six fois plus susceptibles de présenter des symptômes graves de dépression. »

La volonté de s’assurer que la psychologie joue le rôle de chef de file qu’elle peut et doit jouer dans la résolution des problèmes raciaux est l’un des principes qui ont amené cinq membres et affiliées de la SCP à devenir la force motrice de la création d’une nouvelle section, la Section de la psychologie des Noirs. Kafui Sawyer, Anita Shaw, la Dre Helen Ofosu, la Dre Monnica Williams et la Dre Erin Beettam ont donné à la section la mission de soutenir et de servir les praticiens, les éducateurs, les étudiants et les scientifiques du domaine de la psychologie qui s’identifient comme Noirs et qui s’intéressent aux questions de nature psychologique qui ont une incidence sur la population noire. Chacune d’entre elles a vu l’impact de la discrimination raciale, certaines personnellement, au cours de sa carrière.

La Dre Helen Ofosu est psychologue du travail et des organisations, coach pour cadres et conseillère en ressources humaines à Ottawa. Elle travaille avec des organisations, y compris des ministères, pour améliorer la culture organisationnelle et l’inclusion. Dans les deux dernières années, depuis le début de la pandémie, elle a remarqué que beaucoup d’employés racisés décident de chercher du travail dans des organisations plus inclusives, car ils se rendent compte qu’en travaillant à domicile, ils ne sont plus soumis aux outrages quotidiens qu’ils subissent dans un lieu de travail physique. « Ce genre de choses se produit depuis des années, mais maintenant, les gens ne sont plus dans leur environnement habituel, et ils ont la tranquillité d’esprit que procure le fait de pouvoir travailler sans se soucier des microagressions ou craindre de se faire regarder de travers ou d’être exclus des déjeuners, des pauses-café et des conversations. Lorsque tout cela disparaît, les gens se sentent beaucoup plus détendus car ils peuvent se concentrer sur leur travail.

Je crois que le véritable déclencheur a eu lieu à l’été 2021, au moment où de nombreuses organisations planifiaient le retour au travail de leurs employés dans leurs locaux. Ce n’est que lorsque les gens ont commencé à réaliser “Oh mon Dieu, je vais peut-être devoir retourner au bureau” qu’ils se sont mis à se dire “Un instant! Je ne pense pas être capable de retourner au bureau. Je ne veux pas retourner au bureau! Je ne veux pas retourner à ce que les choses étaient avant.” »

Pendant tout ce temps de réflexion, beaucoup de gens ont jugé qu’il était opportun pour eux de changer d’emploi et de trouver un lieu de travail où il y a plus de représentation, plus d’inclusion, plus de diversité, en somme, un milieu où il y a une meilleure culture organisationnelle. D’après ce que j’ai vu, les gens réfléchissent à plein de choses pendant la pandémie. Ils tentent donc de trouver un emploi où ils peuvent être eux-mêmes et se concentrer sur leur travail au lieu de chercher continuellement à se protéger contre toutes ces agressions psychologiques. »

Anita Shaw est étudiante au doctorat à l’Université de Northern British Columbia.

« Pendant que je fais mon doctorat, je réfléchis vraiment à la décolonisation, raconte-t-elle. Non seulement la décolonisation de ma propre pensée, mais aussi la façon dont la psychologie a contribué à la colonisation et comment elle pourrait contribuer à la décolonisation. J’ai travaillé avec un mentor qui est un chercheur autochtone, et nous avons élaboré un modèle de programme de cours visant à décoloniser la psychologie. »

Kafui Sawyer est une psychothérapeute, une consultante en traumatologie pour Santé Canada et la directrice clinique du Joy Health and Research Centre. Elle aide les familles à traverser des expériences traumatisantes, aide les employés du gouvernement qui ont vécu certaines expériences et situations difficiles (comme le racisme) dans leur milieu de travail, et bien plus encore. Souvent, les clients demandent de travailler avec elle, car elle est Noire et a un vécu commun avec eux. Pour elle, ce qui est le plus gratifiant, c’est de travailler sur des cas complexes comme les troubles de la personnalité, et de voir ses clients passer d’une personnalité pathologique à une personnalité plus saine.

Comme le mentionne Mme Sawyer, ce qu’espèrent les fondatrices de la section, c’est « créer un espace où des gens qui ont des valeurs et des croyances similaires peuvent faire bouger les choses. Nous espérons que la section rassemblera des personnes animées du même esprit afin de prendre notre place au sein de la SCP. » Pour les fondatrices, la section offre l’occasion de créer un espace où les gens peuvent mettre en commun leurs intérêts et leurs expériences de manière à « se donner les moyens de devenir meilleurs ».

De plus, la Section de la psychologie des Noirs est un espace important pour les alliés des membres, des étudiants et des affiliés noirs. La Dre Erin Beettam s’identifie comme une psychologue clinicienne pour enfants et adolescents. Bien qu’elle ait reçu une formation en psychologie scolaire, elle travaille principalement dans les hôpitaux, en pédopsychiatrie et dans le système public de santé mentale. Erin se spécialise dans le traitement des adolescents et des jeunes adultes qui souffrent d’anxiété, de dépression, de troubles de la personnalité en émergence et de troubles de l’alimentation. Elle travaille actuellement dans une commission scolaire et exerce en pratique privée. Elle mentionne qu’elle est de plus en plus consciente de « l’absence de services accessibles et efficaces pour les personnes de couleur, pour les communautés noires, dans les milieux de travail et dans les milieux d’enseignement ». Cette prise de conscience l’a amenée à examiner ce qu’elle « peut donner et faire pour apporter son soutien dans ce paysage en mutation ».

La Dre Monnica Williams est chercheuse à l’Université d’Ottawa et milite depuis longtemps pour l’inclusion dans la recherche. Pendant trop longtemps, les personnes de couleur ont été exclues des recherches de toutes sortes, notamment dans divers domaines de la psychologie.

« Une grande partie de la recherche qui se fait exclut d’emblée la diversité, et non seulement elle perpétue le problème, mais elle en est aussi le symptôme. Le fait que nous n’ayons pas assez de chercheurs de couleur pour faire des recherches pour les personnes de couleur est une partie du problème.

Je fais beaucoup de recherches pour mettre en lumière ces questions – comment les traitements doivent être adaptés aux personnes de couleur, comment les thérapeutes qui sont actuellement en formation peuvent en apprendre davantage sur la manière de traiter les gens dans une optique plus inclusive. Tout le monde doit comprendre les meilleures pratiques lorsqu’il s’agit de travailler avec les questions raciales, ethniques et interculturelles. »

Le collègue de la Dre Williams à l’Université d’Ottawa, le Dr Cénat, fait également la promotion de ces meilleures pratiques en matière de race, d’ethnicité et d’interculturalisme. Ses collègues et lui ont créé un cours appelé « Comment fournir des soins de santé mentale antiracistes », qui donne droit à des crédits de formation continue approuvés par la SCP. Le Dr Cénat espère que tous les professionnels de la santé mentale et les Canadiens en général s’engageront dans la lutte contre le racisme.

« Comme l’a dit Ikram Kendi, il n’y a pas de “racistes” et de “non-racistes”. Il y a des “racistes” et des “antiracistes”. Si vous êtes simplement “non raciste”, vous ne posez pas de geste qui puisse contrer le racisme. Et ce n’est qu’en agissant contre le racisme que nous créerons une société antiraciste. »

La Section de la psychologie des Noirs, dont la création a été approuvée par le conseil d’administration de la SCP en novembre 2021, recrute désormais des membres. Une fois que les membres seront réunis, la section proposera son mandat au conseil d’administration de la SCP aux fins d’approbation, et procédera ensuite à l’élection de son comité exécutif; toutes ces démarches devraient être achevées en 2022. L’objectif de la section sera de travailler avec d’autres intervenants pour accroître la présence de professionnels noirs en psychologie et faciliter l’accès de la communauté noire aux services de santé mentale, de mieux-être et de consultation, ainsi qu’aux services organisationnels, en mettant l’accent sur les membres de cette communauté qui ont de la difficulté à avoir accès aux soins de santé mentale appropriés et à d’autres services psychologiques (p. ex., formation, leadership, interventions organisationnelles, recherche fondamentale et appliquée, etc.). La section pourra éventuellement devenir un espace communautaire pour les membres, les affiliés et les étudiants affiliés de la SCP qui s’intéressent à ces questions et, en particulier pour les étudiants, les éducateurs, les chercheurs et les psychologues noirs. Pour en savoir plus sur la façon de se joindre à la section, rendez-vous à l’adresse https://cpa.ca/fr/sections/black-psychology/.


Mois de l’histoire des noirs : Dre Monnica Williams

Dre Monnica Williams photoDre Monnica Williams
Février, c’est le Mois de l’histoire des Noirs, et la SCP met en vedette des psychologues noirs contemporains tout au long du mois. La Dre Monnica Williams est chercheuse à l’Université d’Ottawa et se consacre à rendre la recherche plus ouverte aux personnes de couleur. En particulier, aujourd’hui, la recherche sur la médecine psychédélique.
À propos de Dre Monnica Williams

La Dre Monnica Williams est thérapeute, auteure et chercheuse à l’Université d’Ottawa (entre autres choses, la liste de ses titres de compétences étant très longue). Elle a une longue expérience du militantisme, de l’activisme et de la défense de la justice sociale et s’est spécialisée dans la problématique des disparités raciales dans le domaine de la santé, de la recherche et ailleurs. Experte des troubles anxieux, elle est actuellement l’une des très rares personnes à faire de la recherche sur l’inclusion des personnes de couleur dans la médecine psychédélique.

« Une grande partie de mes recherches a été consacrée aux traumatismes, particulièrement aux traumatismes vécus par les personnes racisées, qui sont liés au racisme, et à la façon d’aider le mieux possible les personnes qui en souffrent. Lorsque j’ai appris, il y a six ou sept ans, que des recherches étaient menées sur l’utilisation de la MDMA pour le traitement du SSPT, j’ai été très intéressée. Premièrement, est-ce que ça fonctionne? Si l’on regarde les essais cliniques et les recherches qui ont été menées, il semble que ce soit très efficace. Et deuxièmement, est-ce que cela fonctionnera chez les gens de couleur? Il était évident que si la recherche était prometteuse, elle n’était pas inclusive.

Le fait de voir des millions et des millions de dollars investis dans cette nouvelle approche thérapeutique, qui, à mon avis, va vraiment changer la donne pour la santé mentale, et de constater en même temps que les personnes de couleur n’en font pas partie, m’a inquiétée – et m’a mise un peu en colère, en fait. C’est bon pour les Blancs, alors pourquoi n’en profitons-nous pas?

J’ai donc entrepris de faire des recherches à ce sujet afin de pouvoir quantifier le degré d’exclusion que nous subissons. J’espérais aussi que cela puisse servir d’appel à l’action – pour sensibiliser les gens au fait que nous devons être inclus et que notre opinion doit être entendue, et que les approches thérapeutiques doivent être adaptées à nos communautés. Il ne s’agit pas seulement de ce que l’on pourrait considérer comme un client blanc typique de la classe moyenne, mais de toute une variété de personnes qui pourraient bénéficier de ces traitements.

Il est également important de souligner que non seulement un grand nombre de ces médicaments psychédéliques ont été volés aux cultures autochtones, mais que certaines méthodes ont également été volées aux cultures autochtones. Nous devons donc être conscients de cela lorsque nous abordons ces recherches. »

La Dre Williams est depuis longtemps une défenseur de l’inclusion dans la recherche. Depuis trop longtemps, les personnes de couleur sont exclues des recherches de toutes sortes, notamment dans divers domaines de la psychologie.

« Une grande partie de la recherche qui se fait exclut d’emblée la diversité, et non seulement elle perpétue le problème, mais elle en est aussi le symptôme. Le fait que nous n’ayons pas assez de chercheurs de couleur pour faire des recherches pour les personnes de couleur est une partie du problème. Certes, il y a beaucoup de Blancs qui font des recherches sur ces populations, mais nous devons aussi être inclus. Comme le dit le dicton, « Rien pour nous sans nous ». Le milieu de la recherche doit nous représenter et nous devons en faire partie.

Une des choses importantes que je préconise est une plus grande inclusion : ouvrir les portes de nos établissements d’enseignement à des thérapeutes de couleur et souligner la nécessité d’y être inclus. Je fais également beaucoup de recherches pour mettre en lumière ces questions – comment les traitements doivent être adaptés aux personnes de couleur, comment les thérapeutes qui sont actuellement en formation peuvent en apprendre davantage sur la manière de traiter les gens dans une optique plus inclusive. Même les rares thérapeutes de couleur qui réussissent sont formés pour traiter les Blancs. Par conséquent, tout le monde doit comprendre les meilleures pratiques lorsqu’il s’agit de travailler avec les questions raciales, ethniques et interculturelles. »

La Dre Williams explique que, pendant ses études et par la suite, elle n’a pas pu trouver de mentor noir dans son établissement d’enseignement, et c’est pourquoi il est très important pour elle de servir de mentor à autant d’étudiants que possible qui se trouvent dans la même situation qu’elle lorsqu’elle était aux études.

« Je fais beaucoup de mentorat auprès des étudiants de couleur, parce que je n’ai pas pu bénéficier de ce genre de mentorat. Lorsque j’étais une jeune psychologue, au début de ma carrière, la personne qui était censée me servir de mentor était en fait assez violente. Je suis donc allée ailleurs et j’ai trouvé mes propres mentors à la Delaware Valley Association of Black Psychologists. J’ai travaillé avec quelqu’un là-bas, et c’était bien. Le travail que je faisais et ce qu’il faisait ne correspondaient pas exactement, mais j’étais vraiment heureuse que des Noirs me soutiennent, m’encouragent et croient en moi. C’était très différent de mon environnement actuel, et cela a beaucoup compté. »

Malheureusement, encore aujourd’hui, les établissements d’enseignement n’offrent pas tous un environnement inclusif et accueillant pour les étudiants ou les professionnels noirs. C’est pourquoi Monnica a choisi d’aller ailleurs lorsqu’elle était une jeune psychologue, et c’est pourquoi les personnes de couleur cherchent souvent à aller ailleurs aujourd’hui. La création de ces espaces inclusifs fait partie de la mission qu’elle s’est donnée, et c’est un objectif dont le reste du Canada – dans les établissements d’enseignement et ailleurs – devrait se rapprocher.


Profils du Mois de la psychologie : Dr Vinay Bharadia et Dre Kristina Gicas, Clinical Neuropsychology Section

Dr Vinay Bharadia
Dr Vinay Bharadia
Dre Kristina Gicas
Dre Kristina Gicas

Dr Vinay Bharadia et Dre Kristina Gicas, Neuropsychologie clinique
Notre cerveau et notre corps entretiennent une relation, parfois harmonieuse, parfois conflictuelle. C’est le domaine de la neuropsychologie clinique. Nous avons parlé au Dr Vinay Bharadia et à la Dre Kristina Gicas pour en savoir plus.

À propos de Dr Vinay Bharadia et Dre Kristina Gicas

Neuropsychologie clinique

Le mot « neuropsychologie » est difficile à prononcer. Il ressemble à un mot que l’on utilise pour avoir l’air intelligent. Comme « nomenclature » ou « cumulatif ». Comme il faut beaucoup de temps pour le dire, les neuropsychologues ont trouvé un moyen astucieux de raccourcir ce terme – ils disent plutôt « neuropsy ». Le fait d’omettre les deux dernières syllabes a sans aucun doute permis, au fil des décennies, d’économiser un nombre incalculable d’heures de conversation dans les départements universitaires de partout au Canada.

Ajoutez le mot « clinique » et vous voilà dans un tout nouveau monde, à la nomenclature encore plus complexe. Et ce monde, la Dre Kristina Gicas, présidente de la Section de neuropsychologie clinique de la SCP, est heureuse de le faire découvrir. La Dre Gicas est neuropsychologue clinicienne et professeure adjointe à l’Université York, où elle forme des étudiants en neuropsychologie clinique. Elle enseigne, fait de la recherche et exerce aussi des activités cliniques à Toronto.

« La neuropsychologie clinique est l’étude de la relation entre le cerveau et le comportement, dit-elle. Nous examinons la structure et le fonctionnement du cerveau, et nous étudions comment ces éléments sont reliés aux capacités de réflexion. Cela comprend l’attention, la mémoire, le langage, les habiletés visuelles, la vitesse de traitement et même le fonctionnement émotionnel. »

Les neuropsychologues sont des spécialistes de l’étude de ces relations entre le cerveau et le comportement, et de l’utilisation de ces informations à diverses fins. La première chose qu’ils font est de diagnostiquer certaines choses comme les blessures ou les maladies qui touchent le cerveau (commotion cérébrale, accident vasculaire cérébral, tumeurs, démence). Ils cherchent également à comprendre le développement normal de la personne et son vieillissement. Un autre domaine de spécialisation des neuropsychologues est la conception et la mise en œuvre d’interventions visant à améliorer le fonctionnement quotidien des individus.

La SCP désigne cette section sous le nom de « neuropsychologie clinique », car tous les neuropsychologues reçoivent d’abord une formation de psychologue clinicien. Le volet « neuropsychologie » est une spécialisation, que les praticiens acquièrent en suivant des cours supplémentaires, par exemple, des cours de doctorat en neuroanatomie (un autre mot difficile à prononcer – seulement, celui-ci est difficile à contracter). Ils apprennent ce que sont les outils d’évaluation et les tests cognitifs, ce qu’ils signifient et comment ils sont utilisés. La plupart des psychologues peuvent faire passer ces tests, mais ce sont les neuropsychologues qui peuvent les relier au fonctionnement du cerveau – la relation entre cerveau et comportement dont il est question ci-dessus.

Vous avez peut-être remarqué que l’un de vos parents commence à perdre la mémoire et à être moins attentif aux tâches qu’avant. Vous pourriez l’amener chez le médecin, qui pourrait alors lui faire passer un test, comme le MoCA Test (Montreal Cognitive Assessment). Il s’agit d’une évaluation préliminaire qui peut aider à déterminer dans quelle mesure une intervention est nécessaire. Si votre parent atteint un certain seuil, il pourrait être dirigé vers un neuropsychologue clinicien, comme le Dr Vinay Bharadia.

Le Dr Bharadia partage son temps entre un cabinet privé, les Cliniques TELUS Santé, où il occupe le poste de responsable de la neuropsychologie, et l’Université de Calgary, où il forme des psychologues au niveau du doctorat et de la maîtrise. Il travaille principalement avec des personnes souffrant de lésions cérébrales, de démence, de la maladie de Parkinson, de la sclérose en plaques et d’autres pathologies neurologiques qui affectent la fonction cognitive.

« Si vous êtes dirigé vers nous, nous effectuons des tests plus poussés de la mémoire, de l’attention et d’autres capacités cognitives, après que votre médecin généraliste a effectué un test de dépistage, comme le MoCA Test, explique-t-il. Nous recherchons également des signes de dépression et d’anxiété, car ils peuvent également affecter les capacités cognitives. Nous établissons ensuite un lien entre les tests que nous effectuons et l’hippocampe ou le thalamus – des parties du cerveau que nous savons liées à la mémoire – ou d’autres zones et réseaux neuronaux. Nous examinons vos antécédents médicaux, les résultats de vos tests d’IRM et de tomodensitogramme, etc., et nous tentons de poser un diagnostic ou de déterminer le traitement à prodiguer. »

Une grande partie des recherches effectuées par les spécialistes des sciences cognitives, comme Jonathan Wilbiks, de la Section cerveau et science cognitive (voir l’article précédent du Mois de la psychologie), influencent le travail des neuropsychologues cliniciens. Les spécialistes des sciences cognitives produisent des recherches et des données, et il revient ensuite aux neuropsychologues cliniciens d’appliquer ces connaissances dans un cadre clinique pour améliorer la vie de leurs patients. Et ces patients sont très différents selon leur état, leurs symptômes et leur âge.

Le Dr Bharadia poursuit : « Si vous avez 25 ans et présentez des symptômes de dépression, vous ne verrez probablement pas un neuropsychologue. Vous serez plus susceptible de consulter un psychologue clinicien ou un thérapeute, et peut-être un omnipraticien pour la prise de médicaments. Mais si vous avez 55 ans et êtes atteint de dépression, il est à espérer que l’omnipraticien se demande si cela pourrait être autre chose. Qu’est-ce qui ressemble à une dépression dans la cinquantaine? Si l’on tient compte de certains éléments de vos antécédents médicaux et des informations que pourrait révéler une IRM, il pourrait s’agir d’un symptôme de démence frontotemporale, qui ressemble parfois à une dépression dans certains groupes d’âge. À ce moment-là, il serait bon que vous passiez un test avec un neuropsychologue afin d’affiner le diagnostic. »

Cela signifie que les neuropsychologues travaillent beaucoup en équipe, avec les omnipraticiens, les psychiatres, les neurologues qui effectuent des IRM et de nombreux autres professionnels du monde des sciences du cerveau, dont les compétences se chevauchent. Si la personne de 55 ans présentant des symptômes de dépression rencontre cette équipe, celle-ci pourrait déterminer que la cause est neurologique, et dans ce cas, elle suggérera un traitement. Si, toutefois, on détermine que la cause est psychologique, un neuropsychologue pourra travailler avec la personne pour la soigner (car, ne l’oublions pas, les neuropsychologues sont d’abord des psychologues cliniciens).

La neuropsychologie est un domaine officiel qui existe depuis 70 ans. Les travaux précurseurs de la Dre Brenda Milner, à l’Université McGill, réalisés dans les années 1950 avec le patient H.M., ont révolutionné notre compréhension de la mémoire. Ce remarquable travail a été réalisé aux côtés du Dr Wilder Penfield, neurochirurgien. La Dre Milner EXERCE ENCORE à McGill à l’âge de 102 ans. D’autres pionniers ont mis sur pied un programme de neuropsychologie à l’Université de Victoria, où la Dre Gicas a fait son baccalauréat. C’est ce qui l’a conduite sur cette voie (ainsi que sa fascination pour le cerveau et sa passion pour la science en général).

« Je me souviens d’avoir lu un livre d’Oliver Sacks, intitulé L’Homme qui prenait sa femme pour un chapeau (1985), mentionne-t-elle. Ce livre présentait une série de cas neurologiques et je suis tout de suite devenue férue de neuropsychologie. »

Dans un épisode de Parcs et loisirs, Ben ne comprend pas la relation entre Jerry (Jim O'Heir) et sa femme Gayle (Christie Brinkley), visiblement plus belle, et suppose que c’est le résultat d’un trouble neurologique (« l’un des troubles évoqués par Oliver Sacks – elle pense peut-être que Jerry est un chapeau sympa? »). Ce n’est peut-être pas le meilleur exemple de neuropsychologie dans la culture populaire, dans la mesure où il est tout à fait faux – mais ce n’est pas une étude aussi simple à réaliser! À moins que vous ne puissiez contourner l’effet cumulatif de toute cette nomenclature difficile.


Profils du Mois de la psychologie : Dre Karen Blair, Dre Rhea Ashley Hoskin, et Bre O’Handley Orientation sexuelle et identité sexuelle

Dre Karen Blair
Dre Karen Blair
Dre Rhea Ashley Hoskin
Dr. Rhea Ashley
Hoskin
Bre O’Handley
Bre O’Handley

Dre Karen Blair, Dre Rhea Ashley Hoskin, et Bre O’Handley Orientation sexuelle et identité sexuelle
Le champ de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre a grandement évolué au cours des dernières années, de l’obtention du mariage entre personnes de même sexe, en passant par l’abolition des thérapies de conversion. Nous avons discuté de ces progrès avec la Dre Karen Blair, la Dre Rhea Ashley Hoskin et Bre O’Handley. Nous avons aussi abordé une expression que vous n’avez peut-être jamais entendue auparavant, la « féminophobie ».

À propos de Dre Karen Blair, Dre Rhea Ashley Hoskin, et Bre O’Handley

Orientation sexuelle et identité sexuelle

« Je n’aime plus la bière. »

Un message publicitaire à la télé nous présente un homme qui avoue à l’un de ses amis, en murmurant honteusement, qu’il n’aime plus le goût de la bière. S’installe alors une entente implicite entre nous, les téléspectateurs, et les hommes de la publicité : le fait qu’il n’aime plus la bière atteint son sentiment de masculinité. Que de boire une bière avec les « gars » fait partie de son identité mâle qu’il est honteux de perdre. Et que le fait de ne pas aimer la bière le rend ‘féminin’, et donc moins digne de mérite que les autres.

La Dre Rhea Ashley Hoskin est titulaire de la bourse postdoctorale AMTD Waterloo Global Talent de l’Université de Waterloo, où elle est affectée au département de sociologie et d’études juridiques et à celui des études sur la sexualité, la famille et le mariage. Elle est secrétaire-trésorière de la Section de l’orientation sexuelle et l’identité sexuelle de la SCP. En général, son travail est axé sur la diversité sexuelle et de genre, plus particulièrement sur le traitement sociétal de la féminité et la « féminophobie ».

« La féminophobie évoque la manière dont la société déprécie et régule la féminité et tout le monde peut en être la cible. Elle peut viser un homme cisgenre qui commande une salade, ou qui est vu comme efféminé, parce que la féminité est souvent perçue comme une rétrogradation sociale. Nous observons également la féminophobie qui cible les femmes du domaine scientifique pouvant être vues comme trop ‘féminines’ et être traitées comme si elles étaient incompétentes parce qu’elles sont trop maquillées ou parce qu’elles n’ont pas l’air de scientifiques. »

Dans la publicité, l’ami du protagoniste traite son aveu de ne plus aimer la bière avec un haussement d’épaules et ne semble pas croire que celui-ci soit pour autant un homme diminué. Et puis, évidemment, il lui offre autre chose qu’une bière, un alcool fort, que nous les téléspectateurs supposons être une substitution adéquate et aussi masculine aux yeux de la société.

La féminophobie touche à la fois les gais et les hétérosexuels, les hommes et les femmes, et même les personnes qui s’identifient comme non-binaires. Nous vivons tous, la plupart du temps inconsciemment, les tiraillements entourant la définition de notre personnage public en fonction de ce qui est vu comme féminin. Chacun de nous est, d’une façon ou d’une autre, touché par cette situation, que ce soit les hommes qui commandent une bière régulière au lieu d’une bière légère, par crainte d’être vus comme trop ‘féminins’, ou les femmes qui portent moins de maquillage pour paraître plus intelligentes ou ‘professionnelles’.

La Dre Karen Blair est professeure adjointe de psychologie à l’Université Trent. Elle est la présidente de la Section de l’orientation sexuelle et l’identité sexuelle de la SCP depuis 2014. Ce qui est bien avec la féminophobie, c’est qu’une fois qu’elle a fait tilt, on commence à la voir partout. On commence à remarquer toutes les façons dont nous dévalorisons la féminité. Chez les hommes, nous avons un éventail assez étroit de la « féminité acceptable », et la plupart du temps, nous préférons qu’ils n’en aient aucune. Dans les vestiaires d’une équipe de football, l’entraîneur pourrait, pour invectiver les joueurs de son équipe, dire qu’ils jouent comme « des filles ». C’est dit pour injurier, et les joueurs comprennent le message, et que l’entraîneur est insatisfait. Si un homme a une démarche trop ‘féminine’, parle de manière efféminée, ou parle avec ses mains, il perd des points pour ces raisons. Dans notre société, nous utilisons la féminité comme une arme ou une insulte. »

L’occupation se déployant à Ottawa depuis quelques semaines a donné lieu à une recrudescence des attaques envers le premier ministre, à la fois parmi les insurgés et dans les médias sociaux. La Dre Blair et la Dre Hoskin surveillent ce genre de choses. À quoi ressemblent les attaques dirigées envers les personnalités publiques et les politiciens, et pourquoi la féminophobie en fait-elle si souvent partie?

« Quand les gens veulent attaquer Justin Trudeau, ils posent certains gestes : d’abord, ils ont tendance à l’appeler par son prénom. Quand nous étions irrités par Stephen Harper, nous l’appelions quand même Harper. Mais quand nous sommes irrités par Trudeau, nous employons son prénom, et certains l’appellent même Justine. Pourquoi serait-ce une insulte que d’appeler quelqu’un par un prénom féminin? Pourquoi est-ce insultant de féminiser une autre personne? La réponse est la misogynie et la féminophobie. Ce ne sont pas que les politiciens comme le premier ministre qui en sont la cible; nous faisons cela à tous les niveaux. Quand les gens veulent se moquer de Poutine ou de Trump, l’un des mèmes les plus communs sur Internet est d’ajouter du fard à leurs visages pour leur donner l’allure d’une femme trop maquillée. Peu importe ce que l’on pense de Trudeau, Trump ou Poutine, ils se font tous écraser par la même attaque contre la ‘féminité’. On l’emploie pour affirmer qu’ils sont inférieurs, stupides, idiots, frivoles, ou excessifs. Toutes ces idées peuvent être transmises simplement en les rendant féminines. Ce qui nous donne à penser : que disons-nous vraiment des gens qui sont féminins? C’est un peu comme quand les gens avaient l’habitude de dire “oh, c’est tellement gai”, alors qu’ils voulaient en fait qualifier une chose de stupide ou insignifiante. »

‘Nous’ (la société) avons fait beaucoup de chemin au cours des dernières décennies. Lorsque la Section de l’orientation sexuelle et l’identité sexuelle a été lancée au début des années 2000, la question la plus urgente était le mariage entre personnes de même sexe. L’expansion des droits civils au Canada pour les couples de même sexe était une préoccupation majeure chez plusieurs psychologues. Pendant cette période, un énoncé de politique de la SCP affirmait notre soutien à l’idée selon laquelle les couples de même sexe avaient le droit de se marier. Cela semble un peu étrange aujourd’hui, le fait que nous soutenions évidemment cette idée, mais la Dre Blair affirme qu’il s’agissait d’un énoncé assez novateur et stimulant à l’époque.

« Au début des années 2000, la recherche démontrait que les relations entre personnes de même sexe étaient semblables aux relations entre personnes de sexes différents en ce qu’elles étaient bénéfiques pour les gens, et saines, et que l’amour, c’est l’amour. C’est sur ces éléments que s’attardaient les chercheurs. Ils essayaient d’aider les responsables des politiques à comprendre que si on exclut les gens d’une institution comme celle du mariage, cela modifie les relations qu’ils entretiennent avec leur famille, leurs amis et leurs collègues. Prenons l’exemple anodin des célébrations du temps des Fêtes dans une entreprise où les invitations incluent les conjoints. En 1999, il était loin d’être évident, pour un couple de même sexe, que le conjoint allait être inclus, et souvent, il était assez clair qu’il ne le serait pas. »

À cette époque, plusieurs estimaient qu’ils ne pouvaient pas parler de leur conjoint au travail, pas plus qu’avoir sa photo sur leur bureau. Les psychologues travaillant dans ce contexte ont été en mesure de souligner qu’au fil de temps, ces situations avaient des répercussions néfastes sur la santé mentale et le bien-être des personnes concernées. La Dre Blair poursuit ainsi : « Plusieurs recherches révélaient que les familles des personnes LGBTQ ne ‘comprenaient pas’. Et qu’elles ne comprenaient vraiment qu’au moment où elles assistaient au mariage. Les cérémonies de mariage comportent plusieurs conventions sociales qui nous indiquent quand il faut se lever, quand il faut porter un toast, quand il faut applaudir, et ainsi de suite. En intégrant les relations de même sexe à un rituel social que les gens comprenaient, on a instauré un environnement où les familles et les amis pouvaient comprendre la relation, ce qui à son tour a suscité un plus vaste soutien des cercles intimes de plusieurs individus LGBTQ, et par ricochet, une amélioration du bien-être mental au sein de toute la communauté. »

La santé mentale en a pris un coup pendant la pandémie, et ce, pour plusieurs raisons. Bre O’Handley est étudiante à la maîtrise en psychologie à l’Université de Trent et la Dre Blair est sa superviseure. Elle travaille à une thèse qui étudie le bien-être des personnes LGBTQ pendant la pandémie et la manière dont les mécanismes de soutien peuvent jouer un rôle dans cette situation.

« J’examine les trajectoires du bien-être chez les personnes LGBTQ pendant la COVID. De nombreuses études effectuées partout dans le monde ont révélé que les individus LGBTQ se portent plutôt mal pendant la pandémie. Leur santé mentale a été très affectée, ils rapportent des taux plus élevés de dépression, d’anxiété et de stress que les autres. Tout le monde vit la COVID et l’isolement social, mais il existe des facteurs supplémentaires qui pourraient avoir des répercussions chez les individus LGBTQ. Il se peut qu’ils vivent dans un milieu qui ne les soutient pas, particulièrement s’ils sont plus jeunes. Ils sont séparés des communautés solidaires, comme si vous aviez un groupe d’amis à l’école qui vous soutiennent et vous acceptent, mais que vous n’alliez plus à l’école. La pandémie diminue l’accès aux centres de ressources LGBTQ. Pendant longtemps, les personnes trans n’ont pas eu accès à leur traitement hormonal substitutif (THS) et aux chirurgies d’affirmation de genre, puisque ces services ont été jugés non essentiels au début de la pandémie, et que les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement ont créé des délais dans la livraison d’importants médicaments et hormones. »

Dans plusieurs pays, on a même adopté des politiques de lutte contre la COVID discriminatoires. Au Pérou, on a mis en place un règlement qui obligeait les hommes à ne quitter la maison qu’à certains jours précis et les femmes, les autres jours. Par conséquent, les individus trans et ceux qui ne s’identifiaient comme homme ni comme femme faisaient face à des situations intenables. Ils sont plusieurs à avoir été harcelés et à subir des crimes haineux alors qu’ils étaient à l’extérieur de la maison. La recherche de Bre n’aborde pas la discrimination comme telle, mais davantage le soutien qui est nécessaire à ceux qui sont la cible de cette discrimination.

« Comment favoriser la résilience dans ces circonstances, et comment les personnes LGBTQ s’en sortent-elles pendant cette pandémie? Si je me sens proche de la communauté LGBTQ, alors ça devrait atténuer certains des problèmes qui touchent la santé mentale. Mais comment établir une distinction entre cet aspect et le soutien social plus général? Est-ce que le simple fait de compter sur le soutien des gens et des membres de la famille qui vous entourent est suffisant, ou avez-vous plutôt besoin de contacts sociaux avec les membres de votre groupe de pairs pour maintenir véritablement votre résilience? La situation actuelle, avec l’avènement de la COVID, nous donne l’occasion de démêler tout cela. »

Le travail n’est jamais terminé et de nouveaux défis émergent constamment. Le mariage entre personnes du même sexe est inscrit à la législation canadienne depuis seize ans. Depuis une décennie, l’adoption par les couples de même sexe est légale dans l’ensemble des provinces et territoires du Canada. La thérapie de conversion est maintenant prohibée et plusieurs membres de la Section de l’orientation sexuelle et l’identité sexuelle se sont activement engagés dans les discussions avec les responsables des politiques pour que cela se produise. Aujourd’hui, l’identité de genre rejoint la lutte pour les droits à l’égalité des couples homosexuels et lesbiens. Comme le mentionne la Dre Blair, « on peut en savoir beaucoup sur l’orientation sexuelle et les minorités sexuelles et ne rien savoir sur l’identité de genre et les minorités de genre, et vice-versa. Les deux dimensions se sont rejointes dans une même section de la SCP, alors que l’identité de genre était moins courante et que l’intérêt était probablement plus centré sur l’orientation sexuelle à ce moment-là. Avec le temps, le genre est devenu une question tout aussi importante que l’orientation sexuelle au sein de la section. »

Tous autant que nous sommes dans la société canadienne en apprenons un peu plus sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, à l’instar des scientifiques qui acquièrent des connaissances sur le sujet et nous renseignent en cette matière. La Dre Hoskin cadre cela sous l’angle de la féminophobie.

« Notre capacité de détecter la féminophobie provient de l’étude de la diversité sexuelle et de genre. La féminophobie est éclairée par notre habileté à établir des distinctions entre l’identité de genre et le sexe assigné à la naissance, et l’expression de genre. Lorsque nous pouvons voir ces choses comme différentes, nous pouvons voir comment l’expression du genre entre en jeu et comment elle est régulée par la société. »

Nous faisons tous partie de cette société, et la manière dont nous régulons nos attitudes à l’égard des membres de la population LGBTQ+ joue un rôle primordial dans le maintien et l’amélioration de leur santé mentale. Il peut s’agir d’utiliser les bons pronoms pour s’adresser à quelqu’un, d’embrasser sa fille lesbienne, ou quelque chose d’aussi simple que de dire avec assurance « Je n’aime plus la bière. »


Profils du Mois de la psychologie : Dre Shahnaz Winer, Carrières et professions en psychologie

Dre Shahnaz Winer
Dre Shahnaz Winer

Dre Shahnaz Winer, Carrières et professions en psychologie
L’une des deux nouvelles sections de la SCP, la Section des carrières et des professions en psychologie, est un endroit où réseauter et collaborer, destiné aux personnes qui ont un diplôme en psychologie, mais qui travaillent dans d’autres sphères que le milieu universitaire ou la pratique clinique.

À propos de Dre Shahnaz Winer

Carrières et professions en psychologie

En juin 2014, l’État islamique/DAESH envahit le territoire kurde du nord de l’Irak, capturant successivement Samarra, Mosul et Tikrit. La Dre Shahnaz Winer est une jeune célibataire qui enseigne la psychologie dans une université du Moyen-Orient de la région, endroit où elle est née et que sa famille l’incite à quitter. Elle choisit donc de monter dans l’avion qui la ramènera au Canada, alors que le Kurdistan est frappé de bouleversements et de violents affrontements.

La Dre Winer se remémore affectueusement la période où elle enseignait en Irak, soulignant qu’il s’agissait des meilleurs moments de sa carrière. Elle est évidemment attristée que ce chapitre ait dû prendre fin, et surtout de la manière dont il s’est terminé. Mais cette morosité est de courte durée. Elle occupe une série d’emplois voués à une sphère qui l’a motivée pendant toute sa carrière : la mise en application de la science et du savoir en psychologie pour rehausser le quotidien de… eh bien… tout le monde! Après plusieurs emplois à l’intérieur et à l’extérieur du milieu universitaire, elle démarre sa propre entreprise. Et c’est en tant que propriétaire de cette entreprise qu’elle s’adresse l’an dernier aux étudiants, lors du salon de l’emploi de la SCP.

Les salons de l’emploi de la SCP, tenus depuis quelques années, comptent parmi les activités les plus attendues, attirant une importante participation. Au cours de ces évènements, les étudiants ont l’occasion de se familiariser avec divers postes et parcours professionnels destinés aux diplômés en psychologie, et ce, à l’extérieur de la prestation de services de santé et des milieux universitaires. Qui plus est, ils sont en mesure de rencontrer des personnes qui occupent ces postes et d’explorer toute la gamme de possibilités d’emploi qui s’offrent aux diplômés en psychologie.

Des gens comme Sophie Kenny, qui travaille en technologie des mouvements oculaires chez VPixx Technologies. Ou encore Anne-Marie Côté, de TakingITGlobal, qui coordonne des excursions virtuelles pour les étudiants habitant les communautés autochtones des régions nordiques et éloignées. Ou bien notre collègue, la directrice générale associée de la SCP, Lisa Votta-Bleeker, dont le travail à la SCP est certainement distinct des milieux universitaires ou de la pratique clinique.

Ces activités permettent aux étudiants, aux professionnels et à d’autres personnes intéressées de réseauter dans un milieu conçu pour élargir les options offertes aux diplômés en psychologie et à tous ceux qui sont attirés par un parcours professionnel moins traditionnel. Mais que se passerait-il si ces gens qui partagent une vision commune pouvaient profiter d’un réseau pendant toute l’année, plutôt que seulement quelques fois lors d’activités ponctuelles? Voilà l’idée derrière la création de la toute nouvelle Section des carrières et des professions en psychologie de la SCP.

La Dre Winer s’est alliée à la Dre Votta-Bleeker pour lancer cette section. La Dre Winer détient un doctorat en neuroscience cognitive de l’Université de Waterloo. Elle est l’une de ces personnes ayant choisi un parcours non traditionnel. L’entreprise qu’elle a créée, Vibrant Minds, est une plateforme éducative en ligne où la Dre Winer amalgame les principes de la psychologie à d’autres sujets d’intérêt. Elle crée des produits numériques qui aident les gens à planifier, à fixer et à atteindre leurs objectifs de carrière et de vie.

« Le fait que je puisse toucher un auditoire international d’étudiants par ce moyen est l’un des aspects que j’apprécie le plus. Je peux entrer en contact avec plein de gens différents, et les aider à appliquer ce que la psychologie nous enseigne et ce que la recherche universitaire a découvert. »

La Dre Winer a bien fait un séjour dans un rôle traditionnel en milieu universitaire, en tant que professeure. Elle souligne que pendant cette période, elle a constaté que les étudiants convergeaient davantage vers un type particulier de cours.

« Les parties des cours qui soulevaient l’enthousiasme des étudiants étaient celles où ils pouvaient mettre en application ce qu’ils apprenaient dans leur propre vie. Par exemple, si nous explorions la mémoire, une session entière était consacrée à l’application du savoir pour qu’ils puissent étudier plus efficacement et se souvenir plus aisément des matières liées aux examens. Alors, c’est ce genre d’application qui m’a réellement stimulée et j’estimais que cet aspect était largement absent au sein de la psychologie traditionnelle et de toutes les autres professions et disciplines. Jeter un pont entre le volet universitaire et rejoindre les gens pour transmettre cette information. »

Lorsque la Section des carrières et des professions en psychologie commencera à recruter ses membres, la plupart d'entre eux seront des personnes qui comblent ce fossé; des personnes qui appliquent la science et le savoir en psychologie à toutes les industries imaginables à travers le Canada; des personnes qui rendent le transport aérien plus sûr, les milieux de travail plus inclusifs et créent des édifices à haut rendement qui minimisent l’empreinte écologique. Ce nouvel espace de collaboration rassemblera ces personnes, dans toute leur diversité.

« Cette section s’est réellement inspirée du besoin de fournir un lieu à ceux d’entre nous qui, comme moi, avons des antécédents en psychologie, sans avoir suivi une voie traditionnelle. Je suis devenue membre de la SCP quand j’étais étudiante. Mais quand j’ai quitté le milieu universitaire, j’ai aussi quitté la SCP parce que j’estimais qu’il n’y avait plus rien pour moi. Et je me sentais en fait très seule! C’était merveilleux de pouvoir compter sur ce genre de communauté, ce soutien et les ressources qu’offre la SCP. Alors, quand on a communiqué avec moi, avec l’idée de créer une nouvelle section, destinée particulièrement aux personnes intéressées aux champs d’activité extérieurs aux domaines typiques de la psychologie, mon intérêt s’est immédiatement éveillé! »

La Section des carrières et des professions en psychologie est actuellement à l’étape où elle a été approuvée. La prochaine tâche consiste à recruter les membres fondateurs. Avec 90 nouveaux membres dès les premières semaines de recrutement, la section connaît un départ dynamique. La Dre Winer a une idée de ce que pourraient être ces premiers membres. Elle songe à une alliance diversifiée composée de professionnels établis, en début de carrière et évidemment, d’étudiants.

« Nous voulons créer un espace accueillant pour les étudiants qui explorent leurs possibilités de carrière. Ce groupe compte beaucoup pour moi parce que je sens que j’ai été très privilégiée. Quand j’effectuais mes études de doctorat, pendant la première année, toute l’information qui me parvenait, tous les ateliers et tous les séminaires et salons de l’emploi, toutes ces activités étaient axées sur les étapes à franchir pour intégrer le milieu universitaire ou encore la pratique clinique. À ce moment-là, je ne savais pas ce que je voulais faire, mais je souhaitais connaître les autres options qui m’étaient offertes.

Ma superviseure, la Dre Myra Fernandes, croyait vraiment que nous devions explorer toutes les options mises à notre disposition. Alors, dans le cadre de notre propre laboratoire, elle a créé une série de séminaires où elle invitait différents conférenciers. Par exemple, une personne ayant fait des études en psychologie qui travaillait pour l’entreprise pharmaceutique Eli Lilly est venue nous entretenir de son parcours et de son travail. Le fait d’être exposée à ces débouchés m’a inspirée et m’a transmis beaucoup plus de connaissances. Cependant, mes camarades des études supérieures ne profitaient pas de ces occasions ou de ces renseignements supplémentaires. »

Certaines des autres personnes qui ont manifesté un intérêt pour la section sont des professionnels qui souhaitent échanger entre eux, des personnes qui sont disposées à offrir du mentorat aux étudiants et des personnes qui ont choisi la voie universitaire ou clinique, mais qui ont aussi d’autres intérêts. Plusieurs font ce que de nombreux diplômés en psychologie font, comme de la recherche. Mais ils l’effectuent dans un cadre hospitalier, gouvernemental, dans le secteur privé ou encore dans de jeunes entreprises, plutôt que dans une université. Par conséquent, ils ne se sentent pas très branchés au traditionnel volet universitaire.

Comme l’évoque la Dre Winer, « bon nombre de personnes se situent dans l’entre-deux, et c’est ce qui est si formidable de ce vaste spectre. Nous accueillons toute personne, d’où elle provienne, qui souhaite se joindre à nous et entrer en contact avec ce groupe de gens qui ont une large gamme d’intérêts. »

La Dre Winer s’estime chanceuse et elle est reconnaissante d’avoir vécu ces expériences lors de ses études et d’avoir par conséquent choisi une trajectoire non traditionnelle. En plus d’être doyenne des sciences sociales, d’occuper un éventail de postes d’enseignante et de mener sa propre entreprise, elle a aussi travaillé comme conceptrice et éducatrice de programmes d’enseignement, directrice d’une école de programmation pour les jeunes, et comme animatrice et coordonnatrice du Programme mémoire et vieillissement pour un groupe de centres d’hébergement pour personnes âgées de l‘Ontario.

Ce sont ces expériences que Dre Winer souhaite partager avec les autres membres de la nouvelle section – des personnes ayant des visions communes qui ont choisi différentes trajectoires de carrière et des étudiants qui tireraient grandement profit d’être exposés à des débouchés différents qu’ils n’auraient peut-être pas découverts autrement. L’idée derrière tout cela est de concevoir un grand et long salon des carrières, qui évolue et se développe sans cesse; un salon qui crée un lieu pour les diplômés en psychologie qui pourraient autrement avoir l’impression d’être sur une île; un salon qui fonctionne, collabore et agit en réseau, non seulement 48 heures à la fois, mais 365 jours par année.


Profils du Mois de la psychologie : Dr Marvin McDonald, Dre Tanya Mudry, Dre Janet Miller, Dr Houyuan (Hy) Luo, et Dre Jessica Van Vliet, Psychologie du counseling

Dr Marvin McDonald
Dr Marvin McDonald
Dre Tanya Mudry
Dre Tanya Mudry
Dre Jessica Van Vliet
Dre Jessica Van Vliet
Dr Houyuan (Hy) Luo
Dr Houyuan (Hy) Luo
Dre Janet Miller
Dre Janet Miller

Dr Marvin McDonald, Dre Tanya Mudry, Dre Janet Miller, Dr Houyuan (Hy) Luo, et Dre Jessica Van Vliet, Psychologie du counseling
La psychologie du counseling a de nombreuses facettes et est exercée par de nombreux praticiens différents. Nous avons parlé avec cinq d’entre eux de leur travail et de la manière dont il influence la vie quotidienne des gens.

À propos de Dr Marvin McDonald, Dre Tanya Mudry, Dre Janet Miller, Dr Houyuan (Hy) Luo, et Dre Jessica Van Vliet

Psychologie du counseling

Syd Barrett a fondé Pink Floyd en 1964, et a été la force motrice de l’album phare du groupe, The Piper at the Gates of Dawn, paru en 1967. Il n’a participé qu’à un seul autre album, A Sauceful of Secrets, avant que des problèmes de drogue et de santé mentale ne conduisent à son départ du groupe. Il s’est ensuite retiré de la vie publique, gardant obsessionnellement sa vie secrète pendant 35 ans, jusqu’à sa mort en 2006.

En insistant pour qu’il y ait cinq membres sur scène en tout temps, la Section de la psychologie du counseling pourrait bien être la Pink Floyd des disciplines de la psychologie. Étant donné qu’il s’agit d’une discipline collaborative et inclusive, je n’étais pas surpris, lorsque j’ai demandé à rencontrer la Section de la psychologie du counseling de la SCP, qu’un groupe de cinq personnes se présente sur Zoom.

Le Dr Marvin McDonald est professeur à l’Université Trinity Western, en Colombie-Britannique. Il est le Syd Barrett du groupe (en ce sens qu’il est là depuis le début), l’ancien président qui a contribué à faire de cette section ce qu’elle est aujourd’hui. Le Dr McDonald a un peu plus d’expérience que les autres et a bien sûr vu l’évolution de la discipline.

« Lorsque j’ai fait mes études de doctorat aux États-Unis dans les années 1980, le cours d’éthique était un cours optionnel! souligne-t-il. Ce n’était pas un cours obligatoire; j’évoque ce fait simplement pour vous donner un exemple très concret de la façon dont ont changé les choses. Le point positif de la transition qui s’est opérée au fil des ans est que les normes professionnelles ont suivi les preuves empiriques. Lorsque j’ai commencé mon cours sur la psychopathologie de l’enfant, les données des enquêtes communautaires sur les besoins en santé mentale n’avaient pas encore été regroupées. La question des différences entre les sexes en ce qui concerne les besoins en santé mentale était toujours débattue dans la documentation. Ce n’est qu’à la fin des années 1980 et au début des années 1990 que les données ont montré clairement que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à demander de l’aide, et que les hommes présentent des taux plus élevés de consommation de drogue et de toxicomanie. C’est ce type de connaissances qui a fait progresser la psychologie du counseling au cours des dernières décennies et qui a une incidence considérable sur la pratique, et pas seulement sur la recherche. »

La Dre Tanya Mudry, professeure de psychologie à l’Université de Calgary et psychologue du counseling qui a quelques clients en pratique privée, est la nouvelle présidente de la section. Elle est la David Gilmour du groupe, dans la mesure où elle a remplacé le Dr McDonald – et dans le sens où elle fait avancer le groupe avec un but précis.

Pour elle, la psychologie du counseling est « un groupe assez diversifié. Nous avons tendance à travailler dans la collectivité avec les familles, les enfants et les couples. Nous travaillons souvent avec des personnes qui sont confrontées aux transitions de la vie – cela peut être des problèmes familiaux ou conjugaux – et avec des personnes qui ont des problèmes de santé mentale ou des troubles liés à l’usage de substances psychoactives. Nous avons tendance à adopter une perspective diversifiée – de nombreux psychologues privilégient une méthode particulière de thérapie, tandis que les psychologues du counseling sont plus polyvalents. Certains s’intéressent au passé et à l’enfance. Certains s’intéressent au contexte social de l’individu ou à ce qui se passe à l’intérieur du cerveau, et d’autres encore se concentrent sur les questions de justice sociale et la défense des intérêts. »

La Dre Janet Miller est la Richard Wright de l’appel Zoom (Wright était le claviériste de Pink Floyd, connu pour sa maîtrise de divers instruments et pour les rythmes et mélodies jazz syncopés qu’il apportait à la musique). La Dre Miller travaille à l’Université Mount Royal de Calgary, mais elle n’est pas professeure. Elle est conseillère d’orientation et exerce également en pratique privée à Calgary. Elle apporte un style jazz improvisé à la conversation, lorsqu’on lui demande comment la psychologie du counseling peut affecter la vie quotidienne d’une personne qui ne suit pas, elle-même, une thérapie.

« Lorsque vous arrivez à la caisse à l’épicerie, l’employé vient tout juste de sortir d’une séance de counseling, où il apprend à gérer son anxiété sociale pour pouvoir travailler avec le public et être à l’aise avec les interactions publiques. En thérapie, il aura appris à prendre conscience de son corps, à se centrer et à mettre son anxiété de côté pendant un certain temps afin de pouvoir entrer véritablement en contact avec les gens. Il a peut-être utilisé les mécanismes d’adaptation qu’il a appris, et lorsque vous êtes arrivé à la caisse pour payer votre épicerie, l’interaction entre vous deux s’est déroulée sans heurts. Votre séance de magasinage à l’épicerie a été agréable, l’employé a passé une belle journée au travail et est rentré à la maison avec de l’énergie à consacrer à sa charmante famille. »

Le percussionniste du groupe, Nick Mason, est le seul membre de Pink Floyd à figurer sur ses cinq albums. Il est devenu l’emblème du « son Pink Floyd » et a écrit certaines des plus grandes chansons du groupe. Le Nick Mason de notre quintette est le Dr Houyuan (Hy) Luo, qui incarne tout à fait la définition classique du psychologue du counseling. Il exerce en pratique privée à Toronto et est le président désigné de la Section de la psychologie du counseling. Le Dr Luo affirme que, bien que la pandémie ait rendu la prestation de services de counseling plus difficile à certains égards, plusieurs de ses clients accueillent favorablement les nouvelles méthodes de prestation.

« J’ai commencé à offrir des services de counseling complètement virtuels en mars 2020. Je travaille au centre-ville de Toronto, dans les gratte-ciel, et les bureaux ont été pendant de nombreux mois désertés par les travailleurs. Les services de counseling en ligne étaient alors plus pratiques et plus faciles pour beaucoup de gens. Avec la vaccination, les gens reviennent lentement au bureau et nous nous attendons à recommencer graduellement à offrir des services en personne en plus des services virtuels. »

Le Dr Luo souhaite élargir le domaine de la psychologie du counseling pour y inclure davantage de personnes de couleur, car il y a une véritable pénurie de psychologues capables de partager leur vécu avec leurs clients, qui peuvent provenir de milieux différents.

« Toronto, où je travaille, est une ville très diversifiée. Les clients qui veulent travailler avec un psychologue qui a la même origine ethnique qu’eux ont de la difficulté à en trouver un, même à Toronto. Nous devons vraiment aider les étudiants PANDC du premier cycle dès qu’ils entrent à l’université, pour veiller à ce qu’ils soient soutenus tout au long de leur parcours. »

La Dre Jessica Van Vliet, la Roger Waters du groupe, est également très impliquée dans les changements sociaux et la défense de la justice sociale. Roger Waters, le bassiste et l’auteur-compositeur principal de Pink Floyd, est le membre qui a fait évoluer le groupe dans une direction plus ouvertement sociale (pensez à The Wall). La Dre Van Vliet, professeure à l’Université de l’Alberta en psychologie du counseling, affirme que le plus grand changement récent observé dans le domaine de la psychologie du counseling concerne la justice sociale.

« La justice sociale a toujours été importante en psychologie du counseling, mais elle l’est aujourd’hui plus que jamais. Elle est désormais à l’avant-garde de tout ce que nous faisons. Nous avons toujours mis l’accent sur la diversité, mais aujourd’hui plus que jamais, je pense que notre discipline joue un rôle de premier plan dans le domaine du travail interculturel et avec des personnes, des questions et des méthodologies différentes. Je pense également que le leadership et la défense des intérêts sont de plus en plus valorisés et mis en avant dans notre domaine. »

Pour l’instant, le plus grand problème de la psychologie du counseling – et de pratiquement toutes les autres industries, professions et disciplines de la psychologie du monde entier – est la COVID. Elle a fait augmenter le besoin de thérapeutes capables d’aider les personnes confrontées à l’épuisement professionnel, à la dépression, au désespoir et à tous les autres problèmes de santé mentale qui sont apparus dans la foulée de la pandémie. Nous avons enregistré notre appel Zoom en octobre 2021, et les pensées de la Dre Mudry exprimées à cette époque semblent prémonitoires.

« L’un des domaines où les psychologues du counseling vont jouer un rôle déterminant est celui de la reconstruction après la COVID. J’ai récemment participé à des travaux sur l’épuisement professionnel parmi les travailleurs des soins intensifs, et je crois que les besoins seront énormes. En Alberta, en particulier, et partout au Canada, nos professionnels de la santé sont exténués. Aussi les familles et les personnes qui ont de la difficulté à travailler de la maison, le manque d’interactions sociales, nos enfants ont de la difficulté à s’adapter au va-et-vient de la maison à l’école. Dans les prochaines années, les psychologues du counseling seront très occupés. »

En quoi la psychologie du counseling aidera-t-elle particulièrement à traiter l’épuisement professionnel et tous les autres problèmes qui sont apparus? La Dre Van Vliet répond ainsi à la question :

« Une partie de ce que nous faisons est de modifier le discours que les gens entretiennent dans leur esprit. Nous aidons à transformer ce discours en le faisant passer de “Qu’est-ce qui ne va pas chez moi?” à “Qu’est-ce qui va bien chez moi?” L’accent mis sur les forces, l’aspect positif de la psychologie du counseling, constitue une énorme richesse dans notre domaine. Je pense que cela a largement contribué à la manière dont les gens se perçoivent eux-mêmes, perçoivent les autres et perçoivent le monde. »

Très peu de gens, voire personne, ne savent ce que Syd Barrett a fait pendant les 35 dernières années de sa vie. À la fin des années 1970, Roger Waters l’a aperçu dans le grand magasin Harrods de Londres. Barrett a vu Waters, a laissé tomber ses sacs et est sorti du magasin en courant. C’était la dernière fois qu’un membre de Pink Floyd voyait son fondateur. Nous savons qu’il est devenu un jardinier passionné et qu’il s’est consacré à la peinture, mais c’est à peu près tout. Nous espérons qu’il s’en est bien sorti pendant les dernières années de sa vie et qu’il a pu surmonter certains de ses problèmes avec un professionnel qui aura pu l’aider à améliorer son sort. Un professionnel, comme un psychologue du counseling peut-être?


Profils du Mois de la psychologie : Dre Jenna Boyd and Dre Rachel Langevin, Section du stress traumatique

Dre Jenna Boyd
Dre Jenna Boyd
Dre Rachel Langevin
Dr. Rachel Langevin

Dre Jenna Boyd et Dre Rachel Langevin, Section du stress traumatique
Traumatic Stress shows itself in more than just PTSD, and can be caused by more than just major single events. Dr. Jenna Boyd and Dr. Rachel Langevin are working to help those affected by trauma, and working to learn more about traumatic stress as they do.

À propos de Dre Jenna Boyd et Dre Rachel Langevin

Section du stress traumatique

“In the 80s and early 90s, there was nothing known about the victims of child sexual abuse. Now, there are volumes of research on the subject.”

Dr. Rachel Langevin is an assistant professor of counselling psychology at McGill University, as well as a clinical psychologist who does a bit of private practice. She is currently the Chair-Elect of the CPA’s Traumatic Stress Section. She says her PhD advisor was one of the pioneers in researching the sexual abuse of children in Quebec and Canada. At the time she decided to work on this, it was a reality that many people didn’t even recognize existed. The first step had to be acknowledging, socially, that the sexual abuse of children DID exist, and that often it happened within families. It may seem difficult to imagine now, but it took a very long time for this kind of abuse to be recognized as real in the public at large.

“In the early 80s, some researchers in the States, like David Finkelhor, started trying to really understand child sexual abuse and the specific impact it had related to other traumatic experiences. One of the first to start working on it here in Quebec was Martine Hébert, who was my PhD advisor. Her advisor had been a specialist looking at perpetrators of sexual abuse, but not victims – and Dr. Hébert was the only one looking at that side. She did her research with a lot of autonomy, because no one else had that expertise!”

Today, child sexual abuse is one of the most-studied types of child maltreatment. Research into traumatic stress has come a long way in a short time. Dr. Jenna Boyd is a psychologist at an anxiety treatment and research clinic at St. Joseph’s Healthcare Hamilton, and an assistant professor in the department of psychiatry and behavioural neuroscience at McMaster University. She is the current Chair of the CPA’s Traumatic Stress Section, and specializes in the treatment of Post-Traumatic Stress Disorder (PTSD).

“Cognitive Behavioural Therapy (CBT) is my main area of practice. A little more than 20 to 30 years ago, the main therapies that we’re using now were just emerging. From the perspective of treating PTSD, there was almost a thought that we couldn’t really treat it, but we could kind of help people cope with it. Today, we do have some really effective treatments.

Potentially traumatic experiences are pretty common. Over the course of their lives, most of us will be exposed to a traumatic event. It could be the death of someone close to us, a serious injury, sexual or intimate partner violence, or a frightening near-death experience. For some of us, it’s part of our jobs – a first responder or someone in the military could be exposed to a traumatic event more than once in a day. ‘Traumatic stress’ is what comes about as a reaction to that trauma.

It’s quite normal to have a stress-based reaction to a traumatic event or series of events. Most people who are exposed to one will have some kind of stress-response as a result. Many people will recover over time through a process of natural recovery, but others may go on to develop PTSD. This is where the symptoms related to the trauma persist over a longer period of time. Dr. Langevin says those symptoms can be multiple, complex, and varied.

“We encounter many different symptoms in this line of work. Re-experiencing symptoms, like nightmares, intrusive memories. Someone might be doing something and suddenly an image pops into their head causing distress. Every time they’re exposed to something that might resemble the trauma they endured, or something that makes them think about it, they will have a stress reaction, and anxiety will rise up. That might lead them to the second category of symptoms, which is avoidance. People start avoiding things that remind them of the trauma because it’s too stressful and uncomfortable.

The third big category of symptoms is a change in cognition, mood, and self-image. This includes things like self-blame, taking an overly large share of responsibility over what happened, feeling disconnected from others, or feeling no emotion whatsoever. And finally, there are arousal and reactivity symptoms. This is a more physiological response, and includes things like always being on your guard and looking over your shoulder, being very easily startled, difficulty sleeping, irritability, and possibly self-harm behaviours.”

When a clinical psychologist specializing in trauma sees someone who presents with a cluster of these symptoms, that persists for a month or longer after the traumatic event, and those symptoms are affecting that person’s life, that’s when they start talking about something like PTSD. At that point, it is no longer a normal reaction, and it requires attention. As Dr. Boyd says, there are now many ways that attention can be delivered.

“We now have Cognitive Processing Therapy, Prolonged Exposure Therapy, Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR) to name just a few. These treatments have had a lot of research supports behind them over the past 20 or 25 years. We now know they’re really effective for many people, and we have tools where we can say ‘let’s try this and see if we can get you to a place where you’re functioning better’. Many people can return to some of the things in their lives that have been taken away from them.”

Treatments are always improving, clinical psychologists are always innovating, and researchers are continually expanding our understanding of trauma, stress, and the interaction of the two. Dr. Langevin’s current research is looking into the intergenerational continuity of family violence, including child maltreatment and intimate partner violence.

“We know that a parent who was maltreated in their childhood is at increased risk of having a child that will also experience trauma and maltreatment – whether or not it’s at their own hands. Sometimes the mistreated parent becomes a perpetrator of abuse, and other times that doesn’t happen but the child still ends up being mistreated by someone else in the environment. There’s this continuity that we see in the data and in clinical practice, but the mechanisms that are responsible for this – the protective factors, the risk factors that are involved – are still trying to be understood. What makes one parent end up in a cycle where there is repetition of their own maltreatment history with their child, versus parents who are able to break those cycles? We’re looking to help parents who have been in this situation end the cycle, and foster resilience and positive adaptation in their children and themselves.”

Dr. Langevin is quick to point out that treating traumatic stress, and the problems that come along with it, go far beyond PTSD. She says,

“Everything can be associated with trauma, including behaviour problems, emotion regulation, depression, anxiety, bullying, difficulties with attachment and relationship. There are a host of different areas where we can see the consequences of traumatic events. PTSD is just one part of it, there’s a lot more. And we’ve come a long way in learning about it!”


Mois de l’histoire des noirs : Dr Jude Mary Cénat

Dr Jude Mary Cénat photoDr Jude Mary Cénat
Février, c’est le Mois de l’histoire des Noirs, et la SCP met en vedette des psychologues noirs contemporains tout au long du mois. Jude Mary Cénat, Ph. D., est le directeur du Laboratoire de Recherche Vulnérabilité, Trauma, Résilience et Culture (V-TRaC) de l’Université d’Ottawa et le directeur du Centre Interdisciplinaire pour la santé des Noir.e.s.
À propos de Dr Jude Mary Cénat

« Quel domaine peut être plus antiraciste que la psychologie? Nous sommes là pour soutenir les êtres humains, le développement de la personne et le bien-être des individus! Il n’y a pas de domaine qui puisse aborder les questions raciales aussi bien que la psychologie. »

Jude Mary Cénat, Ph. D., se passionne pour la lutte contre le racisme en psychologie et invite ses collègues du secteur de la santé mentale à se joindre au mouvement. Le Dr Cénat est professeur agrégé à l’École de psychologie de l’Université d’Ottawa et directeur du Laboratoire de Recherche Vulnérabilité, Trauma, Résilience et Culture (V-TRaC) de la même université. Il est en outre le directeur du Centre Interdisciplinaire pour la santé des Noir.e.s.

Le laboratoire V-TRaC a trois axes. Le premier s’intéresse aux aspects familiaux, sociaux et culturels des traumatismes et de la résilience. Le deuxième axe est consacré à la santé mentale mondiale. Le laboratoire mène un projet sur différents pays d’Afrique visant à documenter les problèmes de santé mentale liés aux maladies infectieuses, comme le virus Ebola et la COVID-19. Cet axe s’intéresse également à la violence fondée sur le sexe et la santé mentale dans les Caraïbes. Le troisième axe porte sur les disparités raciales en matière de santé et de services sociaux.

« Nous menons des projets sur la santé mentale des Noirs, et nous avons réalisé la première enquête sur la santé mentale des Noirs au Canada, dans le cadre d’un projet important financé par l’Agence de la santé publique du Canada visant à documenter la santé mentale des Noirs et à créer et mettre en œuvre des programmes liés à cette question. Nous nous penchons sur la surreprésentation des enfants noirs dans les organismes de protection de la jeunesse pour essayer de comprendre tous les facteurs qui sont à l’origine de cette situation et proposer des solutions. » En décembre 2021, le laboratoire V-TRaC a dévoilé 13 recommandations visant à réduire la surreprésentation des enfants noirs dans le système de protection de la jeunesse.

L’implication des services de protection de la jeunesse dans la vie de l’enfant est le principal facteur permettant de prédire si un jeune se retrouvera sans abri et si d’autres problèmes, comme la pauvreté et une faible scolarisation, apparaîtront plus tard. La surreprésentation des jeunes noirs dans ce système fait qu’ils subissent ces effets plus souvent que les autres groupes, ce qui entraîne un cycle perpétuel.

« Le premier facteur est que les professionnels des organismes de protection de la jeunesse ne sont pas formés pour prendre en compte les aspects culturels des familles noires. Nous réunissons beaucoup de groupes de discussion avec les intervenants, et l’une des choses qu’ils soulignent est qu’ils ne sont pas assez formés pour aborder les questions culturelles. Nous avons mené une étude qui a montré que, en 2020, plus de 48 % des programmes de travail social offerts dans les universités et les collèges de l’Ontario ne comptaient pas de cours obligatoire sur la culture. Il existe aussi des facteurs systémiques, comme la pauvreté dans les communautés noires, et la discrimination raciale que beaucoup d’enfants et de jeunes noirs ont vécue dans le système de protection de la jeunesse.

Mais ce n’est pas seulement le système de protection de la jeunesse comme tel qui est en cause, c’est aussi la société en général. Dans les écoles, par exemple, les enseignants sont plus susceptibles d’appeler les services de protection de la jeunesse en cas de problème avec un enfant noir qu’avec un enfant blanc. La société canadienne est une société “sans préjugés raciaux”; nous disons : “Je ne vois pas la couleur de votre peau, je vois vos problèmes et j’essaie de les régler”. Lorsqu’un enfant a des problèmes à l’école, on peut appeler ses parents pour le régler. Mais souvent, s’il s’agit d’un enfant blanc, l’enseignant aborde le problème directement avec les parents, alors qu’il risque d’appeler la protection de la jeunesse directement s’il s’agit d’un enfant noir. »

L’idée d’une société “sans préjugés raciaux” équivaut à celle d’une société “non raciste”. C’est un moyen passif d’aborder la race, où le fait de ne pas rire d’une blague raciste ou de ne pas se faire complice d’un recrutement discriminatoire est suffisant. Mais cela ne va pas assez loin pour corriger les inégalités raciales existantes. Le Dr Cénat espère que nous pourrons dépasser les notions de “non-racisme” et d’“absence de préjugés raciaux” pour devenir une société véritablement antiraciste au Canada.

« Comme l’a dit Ikram Kendi, il n’y a pas de “racistes” et de “non-racistes”. Il y a des “racistes” et des “antiracistes”. Parce que si vous êtes simplement “non raciste”, vous vous autorisez à observer des personnes se montrer racistes et vous vous rassurez en vous disant que vous n’êtes pas l’une d’elles. Vous ne posez pas de geste qui puisse contrer le racisme. Et ce n’est qu’en agissant contre le racisme que nous créerons une société antiraciste. »

C’est dans cet esprit que le Dr Cénat et son équipe ont créé le cours Comment fournir des soins de santé mentale antiracistes, qui donne droit à des crédits de formation continue approuvés par la SCP. Si les professionnels de la santé mentale, les universitaires des établissements d’enseignement supérieur et les dirigeants de tout le pays adoptent les principes de l’antiracisme, nous pourrons véritablement commencer à nous approcher d’un Canada inclusif où tout le monde se sent le bienvenu, où la discrimination et le profilage ne sont pas tolérés, où nous sommes tous sur un pied d’égalité et où nous avons tous les mêmes chances.

Le Dr Cénat a publié un article dans The Lancet dans lequel il explique que les soins de santé mentale antiracistes sont des soins proactifs, dans le sens où ils abordent les questions raciales sans attendre que les clients ou les patients les soulèvent. Les soins antiracistes vont au-delà des soins interculturels. Ils intègrent à la fois des aspects culturels et des éléments qui permettent de tenir compte des dommages causés par la discrimination raciale, le profilage racial et les microagressions raciales. C’est une façon de créer des espaces dans une société exempte de racisme.

« Le problème de la notion de société “sans préjugés raciaux” est le suivant. Prenons l’exemple d’un homme noir qui se présente dans votre bureau; vous vous dites : “Je ne vois pas la couleur de sa peau, je l’évalue et je lui offre des soins sans voir la couleur de sa peau.” Mais le fait est qu’il se peut que la couleur de sa peau fasse partie de son problème. Cet homme noir est peut-être déprimé, et l’un des facteurs qui expliquent sa dépression est la discrimination raciale qu’il vit au travail. Ou parce que ses enfants sont victimes de discrimination et qu’il n’a pas assez de pouvoir pour défendre ses enfants, ce qui lui rappelle qu’enfant, il a subi la même discrimination de la part des autres enfants et des enseignants. Lorsque vous vous dites que vous ne voyez pas la couleur de sa peau, vous ne traitez pas son problème, car la couleur de sa peau fait partie intégrante de son problème. »

Il ne s’agit pas seulement d’une situation hypothétique à laquelle un professionnel de la santé mentale pourrait être confronté, mais d’une situation étayée par des données. L’équipe du Dr Cénat a publié un article qui montre que les Canadiens noirs âgés de 15 à 40 ans qui connaissent de hauts niveaux de discrimination raciale sont trente-six fois plus susceptibles de présenter des symptômes graves de dépression que ceux qui connaissent des niveaux inférieurs de discrimination.

« Si vous recevez un membre de la communauté noire présentant des symptômes dépressifs, vous devez l’interroger sur la discrimination raciale et les traumatismes qu’il a subis ou qu’il subit. C’est ce que notre cours Comment fournir des soins de santé mentale antiracistes apprend aux cliniciens : ils sont amenés à s’interroger sur eux-mêmes pour se connaître davantage et pour prendre conscience de leurs propres préjugés, puis à évaluer les problèmes raciaux et les traumatismes dans leurs activités cliniques. Enfin, ils apprennent comment fournir des soins antiracistes aux enfants, aux adolescents et aux familles. »

Du 26 au 28 octobre de cette année, le Dr Cénat et son équipe tiendront la première conférence consacrée exclusivement à la santé mentale des Noirs, qui s’intitule « Black Mental Health in Canada: Overcoming Obstacles, Bridging the Gap ». Comme le dit le Dr Cénat, aucune profession ne dispose de meilleurs outils pour lutter contre le racisme que la psychologie. Et il est déterminé à mettre autant d’outils qu’il le peut dans cette boîte à outils.


Profils du Mois de la psychologie : Dr Andrew Hyounsoo Kim et Dr Nassim Tabri Psychologie de la dépendance

Dr. Andrew Hyounsoo Kim
Dr Andrew Hyounsoo Kim
Dr. Nassim Tabri
Dr Nassim Tabri

Dr Andrew Hyounsoo Kim et Dr Nassim Tabri, Psychologie de la dépendance
La psychologie de la toxicomanie couvre de nombreux domaines, de la consommation de substances psychoactives jusqu’aux jeux vidéo. Le Mois de la psychologie met en vedette aujourd’hui le Dr Andrew Hyounsoo Kim et le Dr Nassim Tabri, qui parlent du travail qu’ils font dans le domaine des dépendances et de la lutte contre la stigmatisation qui entoure le sujet.

À propos de Dr Andrew Hyounsoo Kim et Dr Nassim Tabri

Psychologie de la dépendance

« Je n’ai jamais eu de client qui, à la question “Qu’est-ce qui vous amène ici?”, me réponde “Je voulais devenir accro, alors me voilà.” Ça ne m’est jamais arrivé. »

Andrew Hyounsoo Kim est professeur adjoint au département de psychologie de l’Université Ryerson et président de la Section de la psychologie des toxicomanies de la SCP. Psychologue clinicien (exercice autonome provisoire), le Dr Kim a fait sa résidence au Programme de traitement de la toxicomanie et des troubles concomitants du Royal. Il souligne que personne ne commence à consommer de la drogue ou de l’alcool ou à adopter un comportement donné avec une intensité telle que son fonctionnement en sera perturbé.

Presque tout le monde a déjà consommé de l’alcool et de la drogue. Rares sont les Canadiens qui n’ont jamais parié ni joué à un jeu vidéo en ligne. Certaines personnes finissent par s’adonner à ces activités de manière excessive ou à se livrer à ce genre de comportements plus souvent et plus longtemps que d’autres. Mais très peu de personnes développent une dépendance. Nous faisons tous le choix d’essayer certaines choses et nous pouvons choisir de continuer à les faire dans une certaine mesure – mais personne ne choisit de devenir dépendant.

La toxicomanie est l’un des problèmes de santé mentale les plus stigmatisés. Dans le but de remédier à cette situation et de susciter une plus grande compréhension de la part du public, un réel changement s’est opéré au cours de la dernière décennie pour abandonner le langage stigmatisant qui lui est associé. Les chercheurs et les cliniciens de ce domaine n’utilisent plus les mots « addiction » ou « abus », mais plutôt le terme « usage de substances psychoactives ».

« Nous n’utilisons plus le mot “drogué”, dit le Dr Kim. Nous disons plutôt “une personne qui souffre d’une dépendance”. Nous n’utilisons pas le mot “héroïnomane ou junkie”, et même l’expression “être clean” ne fait plus partie de notre vocabulaire car ces mots ont plutôt une connotation négative. »

En eux-mêmes, les mots « addiction, dépendance ou toxicomanie » sont largement utilisés – et mal utilisés – dans la société en général. Nous avons tendance à les utiliser pour décrire toute activité à laquelle les gens s’adonnent pendant une longue période de temps.

« Pensez à toutes les publicités qui disent par exemple : “Cette émission de télévision est vraiment addictive” ou “Je suis accro à ce jeu”. Les gens utilisent abondamment ces termes sans vraiment savoir ce qu’ils signifient. La dépendance a une signification très précise qui est beaucoup plus nuancée qu’une simple activité à laquelle une personne s’adonne pendant de longues périodes. Elle englobe non seulement le biologique (le cerveau), mais aussi le comportement, les émotions, les pensées et les conséquences qui en découlent. »

Outre le mauvais usage du mot, il subsiste de nombreuses idées fausses sur la dépendance elle-même, à savoir qu’il s’agit d’un échec moral ou d’un choix personnel, et que devenir dépendant est le signe d’un manque de caractère.

« Au tout début, lorsque vous commencez à vous livrer à un comportement de dépendance, c’est vous qui décidez de le faire, poursuit le Dr Kim. Mais avec le temps, le problème devient beaucoup plus complexe qu’un simple manque de volonté. Des changements se produisent dans le cerveau et dans le contexte émotionnel et psychosocial de la personne, et l’on passe d’un choix à une compulsion, c’est-à-dire que la personne s’y adonne même si cela ne lui procure plus de plaisir. S’il suffisait, pour arrêter, de se dire “arrête de consommer”, les psychologues cliniciens qui se spécialisent en toxicomanie ne travailleraient pas. Les dépendances, c’est beaucoup plus complexe que le simple fait d’arrêter. »

Le Dr Nassim Tabri est professeur adjoint de psychologie à l’Université Carleton. Ses recherches portent sur la toxicomanie et la santé mentale, en particulier les facteurs transdiagnostiques qui sont présents dans une gamme de comportements problématiques, comme le jeu et les troubles de l’alimentation.

« Pour comprendre ce qu’est une dépendance et comment une personne peut développer éventuellement une dépendance, il faut voir les choses de la manière suivante. Vous buvez de l’alcool pour la première fois, pour essayer, ou vous prenez un jeu vidéo et commencez à jouer. Cela ne signifie pas nécessairement que, parce que vous faites une chose qui a un fort potentiel addictif, vous développerez une dépendance. La dépendance s’installera si vous répétez le comportement même si vous n’en retirez plus de plaisir. Alors, vous devez répéter le comportement pour mieux fonctionner, et non plus pour le plaisir, et le fait de ne pas consommer ou vous adonner au comportement en question vous rend malheureux. »

La psychologie de la toxicomanie est une vaste discipline qui touche à pratiquement tous les aspects de nos vies connectées. Les publicités, les jeux, les téléphones, etc. sont conçus selon les principes de la science de la toxicomanie. Mais il existe un seuil défini de comportements qui constituent une dépendance. Ce n’est pas un seuil précis, car il peut être un peu différent chez chaque personne qui souffre de dépendance, mais le degré auquel l’activité, la consommation de la substance ou le comportement affectent la vie de cette personne est très élevé.

« La “dépendance” est un terme qui doit être réservé à une pathologie grave, souligne le Dr Tabri. Les publicités ou les jeux d’argent nous incitent, d’une certaine manière, à adopter un certain comportement. Le fait qu’une personne développe ou non une dépendance dépend en fait de son profil de risque (facteurs de risque biopsychosociaux). Le fait de se livrer modérément à ces activités, même si l’on est influencé, ne mérite pas le terme de “dépendance” ».

Je n’ai pas touché à mon téléphone depuis environ deux heures. Je le prends et je fais défiler les notifications – CBS Sports veut m’informer que les Broncos de Denver ont embauché le coordonnateur offensif de Green Bay, Nathaniel Hackett, comme nouvel entraîneur. L’appli Flipp voudrait que je voie les nouvelles aubaines disponibles cette semaine chez Loblaws. Mon petit jeu mobile veut que je sache qu’il m’a accordé des vies supplémentaires, Pharmaprix est très inquiète que je rate ma chance d’obtenir 10 000 points Optimum en dépensant 40 $ à son magasin et Twitter m’a envoyé huit notifications à propos de huit nouveaux abonnés que j’ai attirés aujourd’hui.

Bien que ces notifications ne concernent pas nécessairement le travail des psychologues spécialisés en toxicomanie, elles sont toutes influencées par la psychologie de la toxicomanie. Toutes sont conçues pour provoquer une réponse de ma part, pour me faire interagir avec l’appli, la boutique d’applis ou le contenu de manière à maximiser le temps que je passe sur mon téléphone et, par extension, à minimiser le temps que je passe à faire d’autres choses, vraisemblablement plus productives, mais moins intéressantes sur le moment. Bien que ces choses soient créées et étayées par la psychologie de la toxicomanie, le fait qu’elles m’influencent ne signifie pas que je suis « dépendant »; il y a un certain seuil à partir duquel on peut utiliser ce terme et si je ne me prive pas de sommeil, ne saute pas les repas et ne quitte pas le travail quatre heures plus tôt pour jouer à Words With Friends, je n’ai probablement pas dépassé ce seuil.

« Certains principes utilisés augmentent la probabilité de comportements addictifs sur les téléphones intelligents, ajoute le Dr Kim. Il s’agit de choses qui augmentent le temps passé sur l’appareil. Pour rendre l’appli plus attrayante, envoyer des notifications. Par exemple, avec les jeux vidéo en particulier, les tableaux des meneurs ou des messages comme “Voici une offre spéciale aujourd’hui – pour seulement 1,99 $, vous pouvez obtenir des vies supplémentaires”. Le jeu est un autre exemple : des connaissances et des principes psychologiques ont été utilisés pour développer les machines à sous, de sorte que les gens restent plus longtemps devant la machine. »

Bien que les principes psychologiques de la dépendance puissent être, et ont été utilisés pour engendrer des comportements addictifs qui entraînent parfois une dépendance, les psychologues qui se spécialisent dans ce domaine ont tendance à travailler sous l’angle opposé. Ils se concentrent sur la prévention et le traitement. Ils ont créé les Directives de consommation d’alcool à faible risque, les Lignes directrices sur les habitudes de jeu à moindre risque et les Recommandations pour l’usage du cannabis à moindre risque, les théories derrière le certificat Smart Serve Ontario et des initiatives de réduction des méfaits comme les sites d’injection supervisée. C’est là que les connaissances en psychologie sont directement appliquées pour réduire les méfaits que peuvent causer certaines de ces substances ou certains de ces comportements.

« La psychologie est l’étude scientifique de l’esprit et des comportements humains, ajoute le Dr Kim. En ce sens, la psychologie de la toxicomanie utilise des méthodes psychologiques scientifiquement fondées pour mieux comprendre pourquoi certaines personnes consomment des substances psychoactives jusqu’à en devenir dépendantes, et d’autres, non. La psychologie essaie aussi de mieux comprendre les effets des substances et d’autres comportements addictifs sur le cerveau, et, ce que je trouve le plus intéressant, les façons de mettre au point des interventions, des traitements et des mesures de prévention de manière à réduire les préjudices et la souffrance subis par les personnes qui vivent ou ont vécu avec une dépendance. »

Lorsque nous entendons le mot « dépendance », nous avons tendance à l’associer à des substances plutôt qu’à des comportements. La cigarette, l’alcool, la crise des opiacés nous viennent à l’esprit lorsqu’il est question de dépendance, mais ces comportements addictifs sont-ils similaires, par exemple, à ceux associés aux jeux d’argent ou aux jeux vidéo? Selon le Dr Tabri, ce n’est pas nécessairement le cas.

« Une des choses sur lesquelles nous nous concentrons est le cerveau. Je donne un cours complet sur le système dopaminergique de la récompense. Il me semble que le grand public comprend que les comportements addictifs ont une influence similaire sur le cerveau car ils détournent le système dopaminergique de la récompense. Cela signifie que la personne qui a développé une dépendance ne s’adonne plus aux activités qui ont du sens pour elle et qui la font se sentir bien, mais qu’elle fait la seule et unique chose qui la fait se sentir vraiment bien, au détriment de toutes les autres choses qui composent sa vie.

Mais toutes les dépendances sont-elles identiques dans le cerveau? Pas nécessairement. À une certaine époque, la théorie la plus répandue était que tout est dû à la dopamine, qui est à la base de tout. Cela a commencé par des recherches sur les rats dans les années 1950, et l’histoire s’est imposée parce qu’elle était attrayante. L’idée que la dopamine peut expliquer toutes sortes de comportements addictifs s’est développée. Mais quand on regarde les publications, on constate que la dopamine est très utile pour expliquer les comportements liés à l’alcool, par exemple, ou à la nicotine dans une certaine mesure. Mais elle ne l’est pas tellement, lorsqu’il s’agit de la dépendance au cannabis, par exemple. La dopamine n’explique pas tout, et les choses sont plus nuancées et complexes. Elle joue probablement un rôle, mais elle n’est pas la clé de tout dans le cerveau. »

La science de la toxicomanie et la psychologie qui la sous-tend évoluent constamment à mesure que nous apprenons des choses nouvelles et que nous abordons celles-ci d’une manière différente. Tout comme nous avons modifié la terminologie utilisée relative à la santé mentale, à la consommation de substances et aux personnes qui souffrent de dépendance, nous avons mis en place de nombreux programmes, campagnes et initiatives pour réduire les risques et la stigmatisation. À travers tout cela, plusieurs choses restent vraies, la plus importante étant que « personne ne choisit la toxicomanie ».