Série « La psychologie peut vous aider » : L’intimidation chez les enfants et les jeunes

Qu’est-ce que l’intimidation?

L’intimidation chez les enfants et les jeunes désigne un ou des comportements agressifs répétés et non désirés exercés par un jeune ou un groupe de jeunes. Elle implique un abus de pouvoir observé ou perçu. Elle peut entraîner, chez les jeunes qui en sont victimes, un préjudice ou une détresse sur le plan physique, social ou scolaire[1].

  • Le déséquilibre de pouvoir peut être basé sur la taille, la force, les capacités, la popularité, l’apparence/forme du corps, la race/origine ethnique, la culture, la religion, les ressources financières, l’orientation sexuelle, l’identité/expression de genre ou toute autre différence.
  • L’intimidation est un problème relationnel. Avec le temps, la personne qui intimide se sent de plus en plus puissante et la victime d’intimidation se sent de plus en plus impuissante, malheureuse et piégée.
  • Les solutions pour résoudre les problèmes d’intimidation résident dans les relations, l’objectif étant de créer un climat de croissance sécuritaire et socioaffectif pour les intimidateurs, les victimes et les témoins.
  • Le plus souvent, l’intimidation est exercée lorsque très peu d’adultes sont présents (p. ex., terrains de jeux de l’école, couloirs, cyberespace).
  • Au moins le tiers des cas d’intimidation sont vécus hors des limites de l’école (p. ex., lieux de loisirs, en ligne).

Formes d’intimidation

  • Intimidation physique : agression physique, par exemple, frapper, donner des coups de pieds, pousser, voler ou endommager des biens.
  • Intimidation verbale : se moquer, donner des surnoms, humilier ou menacer l’autre.
  • Intimidation sociale: exclure l’autre du groupe, briser ses amitiés, faire du commérage, lancer des rumeurs à son sujet, etc. C’est ce qu’on appelle également de l’intimidation indirecte ou relationnelle.
  • Cyberintimidation : désigne l’utilisation des technologies de communication électronique pour intimider les autres. La technologie elle-même crée un déséquilibre de pouvoir. Elle permet d’atteindre les jeunes partout et en tout temps et les messages sont diffusés instantanément; en outre, les messages peuvent rester indéfiniment et un vaste auditoire est susceptible d’y avoir accès.

L’intimidation est-elle courante[2],[3]?

En 2018, on a demandé à un échantillon représentatif et vaste de jeunes Canadiens de la 6e à la 10e année s’ils avaient été impliqués dans des actes d’intimidation au cours des deux derniers mois.

  • 36 % de l’échantillon ont déclaré avoir été impliqués dans un acte d’intimidation au moins une fois pendant cette période.
    • 6 % ont intimidé les autres
    • 20 % ont été victimes d’intimidation
    • 9 % ont déclaré avoir été à la fois intimidateurs et victimes d’intimidation
  • Les filles sont plus souvent victimes d’intimidation que les garçons – environ une fille canadienne sur trois est victime d’intimidation.
  • L’intimidation est exercée plus souvent par les garçons que par les filles.
  • Les moqueries ou les insultes sont les formes d’intimidation les plus courantes chez les garçons et chez les filles.
  • Les taux d’intimidation au Canada sont demeurés relativement stables au cours des 12 dernières années. Par rapport aux autres pays riches, le Canada se classe dans la moyenne pour ce qui est des taux d’intimidation (23e sur 35 pays).

Intimidation – Le rôle des pairs

Les recherches observationnelles menées sur des enfants du niveau primaire révèlent que des incidents d’intimidation se produisent toutes les sept minutes sur le terrain de jeu de l’école et que, dans 85 % des cas, des enfants étaient témoins de l’incident[4]. Les témoins influencent la dynamique de l’intimidation de deux façons :

  • Lorsque les témoins restent passifs, il est envoyé comme message que l’intimidation est acceptable. Plus le nombre de témoins est grand, plus l’épisode d’intimidation dure longtemps[5].
  • Lorsque les témoins interviennent, l’épisode d’intimidation prend fin en moins de 10 secondes dans 57 % des cas observés[6].

Pour les témoins, défendre une victime d’intimidation est une tâche complexe exigeant des aptitudes socioémotionnelles. Le témoin doit reconnaître que l’événement est un acte d’intimidation, prendre la responsabilité d’aider et avoir les compétences nécessaires pour bien intervenir. La recherche indique que les jeunes utilisent plusieurs types de stratégies pour se défendre ou pour défendre leurs pairs[7] :

  • Réconfort : offrir du soutien émotionnel à la personne victime d’intimidation.
  • Signalement de la situation d’intimidation : signaler la situation à un enseignant ou à un autre adulte.
  • Stratégie axée sur les solutions : s’affirmer ou tenter de résoudre le problème pour faire cesser l’intimidation.
  • Agressivité : contre-attaquer l’agresseur.

Les jeunes devraient être encouragés à se défendre en utilisant le comportement le plus sûr et le plus efficace pour eux sur le moment. Les garçons ont tendance à se défendre de façon agressive et peuvent avoir besoin d’aide pour apprendre des stratégies d’intervention plus prosociales6.

Qui est à risque

d’être intimidé?

  • Les enfants ou les jeunes qui ont peu d’amis et qui sont perçus comme étant incapables de se défendre.
  • Les enfants ou les jeunes qui vivent avec un handicap, qui présentent un trouble neurodéveloppemental, qui ont des besoins de soins particuliers, qui présentent des caractéristiques intellectuelles s’éloignant de la norme (à la fois doués et ayant un trouble d’apprentissage).
  • Les enfants et les jeunes en surpoids.
  • Les enfants et les jeunes LGBTQ déclarent être intimidés beaucoup plus que les autres élèves et beaucoup plus gravement[8].

d’intimider les autres?

  • Les enfants et les jeunes qui croient que l’intimidation est normale.
  • Les enfants et les jeunes qui ont des amis qui intimident.
  • Les enfants et les jeunes qui intimident ne sont pas tous semblables. Certains sont populaires et ont de bonnes compétences sociales, tandis que d’autres ont des problèmes de comportement et peu d’amis.

Dangers et impacts psychologiques

L’intimidation est un problème de santé. Elle est liée à des problèmes de santé mentale et physique à court et à long terme ainsi qu’aux échecs scolaires[9]. Les préjudices à long terme peuvent être contrebalancés par des relations solides et positives avec les parents, un milieu scolaire bienveillant et à l’écoute des élèves et des relations positives avec la famille et les amis. La gravité du préjudice causé par l’intimidation est influencée par les éléments suivants :

  • Gravité et fréquence de l’intimidation
  • L’ampleur de l’intimidation (p. ex., l’intimidation s’exerce-t-elle toujours entre les mêmes personnes ou au même endroit ou entre plusieurs personnes et à plusieurs endroits?)
  • La chronicité de la participation à l’intimidation (depuis combien de temps l’intimidation dure-t-elle? Y a-t-il déjà eu de l’intimidation dans le passé?)

Ce sont les enfants et les jeunes qui intimident ou qui sont intimidés gravement/fréquemment et/ou de manière généralisée et/ou chronique qui auront besoin du soutien le plus intensif et le plus ciblé.

 

La recherche a mis en évidence de nombreux effets négatifs immédiats et à long terme de l’intimidation[10] :

  • Les effets négatifs de l’intimidation sont importants et sont constatés dans toutes les cultures.
  • Chez certaines personnes, les impacts persisteront pendant toute leur vie.
  • Les leçons apprises durant l’enfance au sujet de l’abus de pouvoir dans les relations exercé dans le cadre de l’intimidation peuvent se perpétuer sous la forme de harcèlement sexuel, de violence dans les fréquentations, de violence conjugale, de harcèlement en milieu de travail et de violence envers les enfants et les aînés.
  • Les enfants et les jeunes qui, à la fois intimident et sont victimes d’intimidation, ont tendance à avoir les problèmes les plus graves et les plus durables, subissant entre autres les impacts négatifs énumérés ci-dessous.

Impacts négatifs découlant du fait d’intimider les autres[11]

  • Dépression
  • Abus d’alcool ou d’autres drogues
  • Agressivité et comportement antisocial
  • Harcèlement sexuel et violence dans les fréquentations
  • Problèmes scolaires et augmentation du taux de décrochage
  • Délinquance et comportements criminels

Impacts négatifs liés au fait d’être victime d’intimidation[12]

  • Dépression, anxiété, troubles de l’humeur
  • Abus d’alcool ou d’autres drogues
  • Faible estime de soi et faible confiance sociale
  • Isolement et solitude
  • Mauvaises relations avec les pairs
  • Maux d’estomac, maux de tête
  • « Stress toxique » à savoir une réponse prolongée du système immunitaire qui conduit à une inflammation systémique dans tout le corps[13]
  • Absentéisme scolaire et problèmes d’apprentissage
  • Idées de suicide, tentative de suicide ou suicide

Que peuvent faire les psychologues?

Dans les écoles[14]

  • Offrir de la formation aux membres du personnel sur la façon de promouvoir des relations saines et un climat social positif, et de reconnaître et régler les situations d’intimidation.
    • Après la formation, les enseignants disent se sentir plus attentifs aux enfants qui sont intimidés et se sentir mieux préparés à gérer les situations d’intimidation.
  • Recommander des politiques scolaires qui prennent en compte la prévention, l’intervention et l’évaluation.[15]
  • Élaborer des stratégies d’intervention pour les enfants qui sont touchés par l’intimidation afin de les aider à développer des capacités et des compétences socioémotionnelles. Conseiller les étudiants et les familles qui font face aux répercussions de l’intimidation et de la victimisation.

Pour les jeunes et les enfants qui intimident les autres

  • Les aider à reconnaître et à comprendre les répercussions négatives de leur comportement d’intimidation sur les autres et sur eux-mêmes.
  • Les sensibiliser aux droits de la personne, en particulier au droit à la sécurité, au respect et à la dignité.
  • Les aider à développer leur capacité de contrôler leurs comportements, à résister à la pression des pairs et à utiliser des stratégies de résolution de problèmes.
  • Les aider à trouver des façons d’utiliser leur pouvoir de manière positive (p. ex., définir les rôles de leadership).
  • Proposer aux enfants et aux jeunes des expériences sociales positives, qui font participer un éventail diversifié de pairs et dont l’accent est mis sur la contribution au bien commun (p. ex., mentorat par les pairs ou médiation par les pairs).

Pour les jeunes et les enfants qui sont victimes d’intimidation

  • Aider à élaborer un plan pour protéger l’enfant ou le jeune dans l’immédiat, afin qu’il se sente à l’aise de fréquenter l’école et de participer à des activités communautaires.
  • Écouter, faire preuve d’empathie et aider l’enfant à ne pas avoir honte et à ne pas se sentir responsable de l’intimidation qu’il subit.
  • Aider l’enfant ou le jeune à comprendre et à revendiquer son droit à la sécurité, au respect et à la dignité.
  • Aider à trouver des façons de développer son estime de soi, sa confiance et des intérêts sains.
  • Trouvez des occasions de nouer des amitiés positives avec ses pairs.

Pour les témoins

  • Les aider à comprendre les droits de la personne et ce que sont des relations saines.
  • Les sensibiliser sur l’intimidation et ses répercussions sur la santé et le bien-être.
  • Utiliser des jeux de rôle et des scénarios pour enseigner aux témoins des compétences particulières pour faire face à diverses situations d’intimidation, au lieu de rester passif ou de prendre part à l’intimidation.
  • Organiser des ateliers pour apprendre aux témoins d’actes d’intimidation à s’affirmer, à développer des compétences en résolution de problèmes et à résister à la pression exercée par les pairs.

Où puis-je obtenir plus d’information?

Vous trouverez de l’information supplémentaire sur l’intimidation à l’adresse https://www.prevnet.ca/fr. Des ressources téléchargeables sont proposées dans la section Faits et outils à l’intention des écoles à l’adresse https://www.prevnet.ca/fr/ressources/prevention-de-lintimidation-faits-et-outils-a-lintention-des-ecoles.

Vous pouvez consulter un psychologue agréé pour savoir si une intervention psychologique peut vous aider. Les associations provinciales et territoriales, et certaines associations municipales offrent des services d’aiguillage. Pour connaître les noms et les coordonnées des associations provinciales et territoriales de psychologues, veuillez vous rendre à l’adresse https://cpa.ca/fr/public/unpsychologue/societesprovinciales/.

La présente fiche d’information a été préparée pour la Société canadienne de psychologie par Annie Tang, Joanne Cummings, Debra Pepler et Kelly Petrunka, PREVNet. Elle a été mise à jour par Wendy Craig et Laura Lambe.

Février 2021

Votre opinion est importante! Si vous avez des questions ou des commentaires sur les fiches d’information de la série « La psychologie peut vous aider », veuillez communiquer avec nous : factsheets@cpa.ca.

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Numéro sans frais (au Canada) : 1-888-472-0657

[1] Centers for Disease Control and Prevention (2014). Tiré de http://www.cdc.gov/violenceprevention/pdf/bullying_factsheet.pdf.

[2] Craig, W., Pickett, W, King, M. (2020). La santé des jeunes Canadiens : Conclusions de l’enquête sur les comportements de santé des jeunes d’âge scolaire. Agence de la santé publique du Canada, tiré de https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/publications/science-recherche-et-donnees/jeunes-conclusions-enquete-comportements-sante-jeunes-age-scolaire.html#ch10.

[3] UNICEF (2020). Document canadien d’accompagnement du Bilan Innocenti 16 de l’UNICEF. Tiré de https://www.unicef.ca/fr/bilan-innocenti-16-de-lunicef.

[4] Craig, W. et Pepler, D. (1997). Observations of bullying and victimization in the schoolyard. Canadian Journal of School Psychology, 2, 41-60. Voir : http://www.prevnet.ca/sites/prevnet.ca/files/research/PREV-Craig-Pepler-1997-Communique-peers.pdf pour pour télécharger le résumé de recherche de cet article.

[5] O’Connell, P., Pepler, D. et Craig, W. (1999) Peer involvement in bullying: Issues and challenges for intervention. Journal of Adolescence, 22, 437-452.

[6] Hawkins, D.L., Pepler, D. et Craig, W. (2001). Peer interventions in playground bullying. Social Development, 10, 512-527. Voir http://www.prevnet.ca/sites/prevnet.ca/files/research/PREV-Hawkins-etal-2001-Communique-peer-intervention.pdf pour télécharger le résumé de recherche de cet article.

[7] Lambe, L. J. et Craig, W. M. (2020). Peer defending as a multidimensional behavior: Development and validation of the defending behaviors scale. Journal of School Psychology78, 38-53.

[8] Taylor, C. & Peter, T., with McMinn, T.L., Schachter, K., Beldom, S., Ferry, A., Gross, Z. et Paquin, S. (2011). Every class in every school: The first national climate survey on homophobia, biphobia, and transphobia in Canadian schools. Final report. Toronto, Ontario : Egale Canada Human Rights Trust. Tiré de : http://egale.ca/wp-content/uploads/2011/05/EgaleFinalReport-web.pdf.

[9] Hymel, S. et Swearer, S. (2015). Four decades of research on school bullying. American Psychologist, 70, 293-299.

[10] Hymel, S. et Swearer, S. (2015). Four decades of research on school bullying. American Psychologist, 70, 293-299.
Voir également : Takizawa, R., Maughan, B., & Arsenault, L. (2014). Adult health outcomes of childhood bullying victimization: Evidence from a five-decade longitudinal British birth cohort. Am J Psy in Advance. Retrieved from http://ajp.psychiatryonline.org/data/Journals/AJP/0/appi.ajp.2014.13101401.pdf.
Voir également : Ozdemir, M., & Stafttin, H. (2011). Bullies, victims, and bully-victims: A longitudinal examination of the effects of bullying victimization experiences on youth well-being. Journal of Aggression, Conflict and Peace Research3, 97-102.

[11] Farrington, D.P. et Toffi, M. M. (2011). Bullying as a predictor of offending, violence, and later life outcomes. Criminal Behaviour and Mental Health (21)2, 90-98. Voir également : Fergusson, D. M., Boden, J. M. et Horwood, L. J. (2014). Bullying in childhood, externalizing behaviors, and adult offending: Evidence from a 30-year study. Journal of school violence13(1), 146-164.

[12] Bowes, L., Maughan, B., Ball, H., Shakoor, S., Ouellet-Morin, I., Caspi, A., Moffitt, T.E. et Arseneault, L. (2013). Chronic bullying victimization across school transitions: The role of genetic and environmental influences. Development and Psychopathology, 25, 333-346.

[13 Copeland, W. E., Wolke, D., Lereya, S. T., Shanahan, L., Worthman, C., & Costello, E. J. (2014). Childhood bullying involvement predicts low-grade systemic inflammation into adulthood. Proceedings of the National Academy of Sciences111(21), 7570-7575.
Voir également : Rueger, S. Y. & Jenkins, L. N. (2014). Effects of peer victimization on psychological and academic adjustment in early adolescence. School Psychology Quarterly, 29, 77-88.
Voir également : Vaillancourt, T., Hymel, S., & McDougall, P. (2013). The biological underpinnings of peer victimization: Understanding why and how the effects of bullying can last a lifetime. Theory into Practice52(4), 241-248.

[14] Pepler, D. & Rodrigues, B. (in press). Bullying prevention: Re-imagining a non-violent and healing learning environment for all students at school. In E. Cole and M. Kukai (Eds.)
Mental Health Consultation and Interventions in School Settings: A Scientist–Practitioner’s Guide, pp. 339-357. Boston: Hogrefe Publishing.

[15] Ttofi, M. M., & Farrington, D. P. (2011). Effectiveness of school-based programs to reduce bullying: A systematic and meta-analytic review. Journal of Experimental Criminology7(1), 27-56.