Série « La psychologie peut vous aider » : l’itinérance

Concepts, définitions et mesures

L’itinérance est un continuum qui va de l’absence d’un toit à l’hébergement d’urgence, en passant par l’hébergement provisoire et le risque d’itinérance.

  • Être sans toit : personnes qui résident dans des lieux non destinés à l’habitation humaine, comme les voitures, les parcs, les immeubles abandonnés, les ruelles et les rues.
  • Hébergement d’urgence : personnes résidant dans des centres d’hébergement, y compris celles qui fuient une situation de violence familiale.
  • Provisoirement hébergé : personnes qui vivent dans des logements précaires, par exemple, qui logent temporairement dans leur famille ou chez des amis[i].
  • Les personnes à risque d’itinérance sont considérées comme ayant des « besoins impérieux en matière de logement ». Selon Statistique Canada, « [o]n dit d’un ménage qu’il éprouve des “besoins impérieux en matière de logement” si son habitation n’est pas conforme à au moins une des normes d’acceptabilité (qualité, taille et abordabilité) et si 30 % de son revenu total avant impôt est insuffisant pour payer le loyer médian des logements acceptables (répondant aux trois normes d’occupation) situés dans sa localité[ii]. » Un logement est considéré comme abordable lorsque moins de 30 % du revenu familial y est consacré. Pour satisfaire à la norme d’acceptabilité, le logement ne doit pas nécessiter de réparations majeures et le ménage doit disposer d’un revenu suffisant pour prendre en charge les dépenses, y compris les réparations majeures. Un logement est considéré comme étant de taille convenable s’il dispose d’un nombre suffisant de chambres en fonction de la taille et de la composition du ménage.

Il est également important de faire la distinction entre l’itinérance chronique et l’itinérance épisodique.

  • Personne en situation d’itinérance chronique : personne qui est sans abri depuis au moins six mois
  • Personne en situation d’itinérance épisodique : personne qui a vécu trois épisodes ou plus d’itinérance d’une durée de moins de six mois[iii].

Incidence et tendances

On estime à 35 000 le nombre de personnes sans-abri au Canada pendant une nuit donnée, et à plus de 235 000 le nombre de personnes sans-abri à un moment ou à un autre de l’année.

  • La population des personnes provisoirement hébergées peut en outre compter jusqu’à 50 000 personnes chaque nuit[iv], tandis qu’on estime que 8 % de la population générale a été hébergée provisoirement à un moment ou à un autre de sa vie[v]. Plus de la moitié (55 %) des personnes provisoirement hébergées sont dans cette situation pendant plus d’un mois.
  • Parmi les personnes qui ont recours à des refuges, la durée moyenne de séjour dans ces refuges est d’environ 10 jours[vi].
  • Environ les deux tiers (60 %) des personnes sans-abri sont des sans-abri chroniques[vii].
  • Au Canada, 1 644 900 ménages ont été déclarés comme ayant des besoins impérieux en matière de logement en 2018 et sont donc exposés à un risque d’itinérance[viii].

Profil des personnes itinérantes ou des personnes qui sont à risque d’itinérance

Certains groupes de personnes restent plus exposés que d’autres au risque d’itinérance.

  • Au Canada, les Autochtones représentent une part disproportionnée des personnes sans-abri ou provisoirement hébergées. Les Autochtones représentent entre 28 et 34 % des résidents des refuges, malgré le fait qu’ils ne constituent que 4,3 % de la population totale[ix]. On estime également que 18 % des Autochtones ont été provisoirement hébergés à un moment ou à un autre de leur vie[x].
  • Environ la moitié (52 %) des personnes sans-abri au Canada sont des adultes âgés de 25 à 49 ans.
  • Les jeunes constituent toutefois un groupe important, les personnes âgées de 13 à 24 ans représentant, selon les estimations, 19 % de la population de sans-abri. Parmi les jeunes sans-abri, environ un sur cinq s’identifie comme LGBTQ2[xi].
  • Plus du quart (27 %) des personnes itinérantes sont des femmes[xii].

Les causes diverses et complexes de l’itinérance

Abordabilité du logement

L’abordabilité du logement est un facteur crucial. L’insuffisance des revenus combinée à l’augmentation rapide du coût du logement, tant pour les locataires que pour les propriétaires, a une incidence sur l’abordabilité. En outre, les investissements dans les logements sociaux sont insuffisants, ce qui se traduit par de longues listes d’attente pour les personnes qui ont besoin d’un logement abordable. L’insuffisance des prestations de soutien du revenu est un autre facteur important, car les bénéficiaires de l’aide sociale n’ont généralement pas les moyens de payer les loyers du marché. Le manque de logements abordables augmente la vulnérabilité à l’itinérance causée par d’autres facteurs.

Violence et abus

La violence familiale peut mener à l’itinérance, en particulier chez les femmes. Les personnes fuyant des situations de violence sont parfois dans l’incapacité de trouver un logement abordable pour se reloger. Parallèlement, les maisons d’hébergement d’urgence pour les victimes de violence familiale sont souvent occupées au maximum de leur capacité, et la durée autorisée pour rester dans une maison d’hébergement est limitée.

Chez les jeunes, les situations d’abus psychologique, physique ou sexuel à la maison peuvent également conduire le jeune à s’enfuir et à devenir sans-abri.

Santé mentale et abus de substances psychoactives

Les problèmes de santé mentale et d’abus de substances psychoactives contribuent également à l’itinérance. Cette situation est en partie due aux politiques de désinstitutionnalisation et à la réduction du soutien offert dans la communauté aux personnes confrontées à ces problèmes. De même, les transitions mal coordonnées au départ des soins en établissement, tels que les soins de santé, les services correctionnels ou la protection de l’enfance, laissent souvent les personnes sans soutien et exposées au risque d’itinérance.

Situation personnelle

La situation personnelle peut également conduire à l’itinérance. L’éclatement de la famille ou des relations, qui n’est pas nécessairement dû à la violence, est un facteur de risque, tout comme les traumatismes ou les abus subis pendant l’enfance.

Les événements traumatisants ou déstabilisants, tels que la perte d’un emploi, un incendie ou l’apparition d’une incapacité mentale ou physique, peuvent également conduire à l’itinérance.

Enfin, le risque de se retrouver sans abri ne peut être dissocié d’autres formes plus larges de désavantage socio-économique et de marginalisation, notamment le racisme, le patriarcat et la colonisation.

Répercussions de l’itinérance

L’itinérance a des répercussions diverses sur les individus et la société.

  • D’un point de vue économique, on estime que le coût de l’itinérance au Canada s’élève à environ 7 milliards de dollars par année[xiii].
  • Sur le plan individuel, les personnes itinérantes ont une santé mentale et physique amoindrie du fait d’un système immunitaire affaibli, d’une hygiène et d’une alimentation insuffisantes, de la promiscuité dans les refuges ou des dangers liés au fait de dormir à l’extérieur.
  • Les personnes itinérantes sont également plus exposées à la violence. Un rapport sur la sécurité des personnes qui dorment dans la rue à Toronto a révélé qu’environ le tiers d’entre elles avaient été frappées, avaient reçu des coups de pied ou avaient été victimes d’une autre forme de violence. Une proportion similaire a été attaquée par des objets, et près d’une personne sur 10 s’est fait uriner dessus pendant qu’elle était dans la rue[xiv]. Un rapport antérieur (1993) a révélé que plus d’une femme itinérante sur cinq (21 %) avait été violée l’année précédente[xv].
  • On estime également que l’itinérance peut réduire l’espérance de vie dans une proportion pouvant aller jusqu’à 40 %[xvi].

Politiques et bonnes pratiques en matière de lutte contre l’itinérance

Le droit au logement est de plus en plus utilisé comme cadre pour comprendre l’itinérance au Canada. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels garantit le droit au logement. Au Canada, le droit au logement a été récemment inscrit dans la Stratégie nationale sur le logement, qui prévoit la création d’un poste de défenseur du logement. Malgré cela, le logement n’est pas un droit garanti dans la Loi constitutionnelle (1867) ni dans la Charte canadienne des droits et libertés, et il n’est pas non plus protégé par les provinces.

La Stratégie nationale sur le logement réaffirme l’engagement du gouvernement fédéral à travailler à fournir des logements adéquats et abordables, conformément aux obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne. Il s’agit d’une réaffirmation importante du rôle du gouvernement fédéral dans le domaine du logement, après son retrait du secteur du logement abordable dans les années 1990. Au cours des deux dernières décennies, les municipalités ont joué un rôle prépondérant dans la lutte contre l’itinérance. De nombreuses villes ont élaboré des plans décennaux de lutte contre l’itinérance. Au cours de cette période, l’approche Logement d’abord s’est imposée comme une philosophie dominante dans la lutte contre l’itinérance. L’approche Logement d’abord repose sur le principe du droit au logement et vise à faire sortir les personnes en situation d’itinérance chronique de la rue ou des refuges pour leur permettre d’accéder immédiatement à un logement, tout en leur offrant un soutien global. Selon cette approche, en stabilisant d’abord la vie des gens, on crée un environnement plus propice à la résolution des autres problèmes personnels, tels que les dépendances.

Le rôle de la psychologie dans la lutte contre l’itinérance

La psychologie a un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre l’itinérance, au même titre que la pauvreté et l’insécurité alimentaire, qui sont souvent des éléments précurseurs de l’itinérance.

En ce qui concerne les services de santé mentale, malheureusement, de nombreuses personnes qui sont à risque d’itinérance ou qui sont sans abri ne sont pas en mesure de répondre à leurs besoins fondamentaux et continueront à vivre dans des conditions précaires en raison de problèmes de santé mentale, de traumatismes ou de toxicomanie non traités. D’un point de vue économique, les personnes à risque d’itinérance ou qui sont sans abri n’ont pas d’emploi qui leur permette de se faire rembourser les services psychologiques, n’ont pas de revenus suffisants pour payer des services psychologiques privés et ne savent pas non plus comment s’y prendre pour trouver un psychologue. Ainsi, les psychologues peuvent collaborer avec les services locaux d’aide au logement ou les refuges pour offrir des services aux personnes itinérantes, et si possible, en utilisant un barème dégressif ou en le faisant bénévolement. Davantage de psychologues devraient participer à la prestation de services de santé mentale axés sur le client et le rétablissement à l’échelle communautaire.

La psychologie a aussi un rôle essentiel à jouer dans la défense des intérêts, en particulier en ce qui concerne les déterminants sociaux de la santé, le besoin de logements abordables, le besoin de services de santé mentale et l’interaction entre la santé mentale et les déterminants sociaux. En tenant compte des différents niveaux de système, au micro-niveau, la psychologie peut assurer la liaison avec les équipes de soins élargies du client et les organismes communautaires afin de plaider pour l’accès au logement. Au macro-niveau, les psychologues peuvent militer à l’échelle de la collectivité et à un échelon plus large pour des changements de fond, le financement de logements abordables et/ou à loyers déterminés en fonction du revenu, l’augmentation de l’aide sociale et l’accès aux services de santé mentale.

Dans le milieu universitaire, la psychologie communautaire devrait être enseignée dans le cadre des cours d’introduction à la psychologie, et davantage d’enseignants et de chercheurs en psychologie communautaire devraient être embauchés.

En ce qui concerne la recherche, la psychologie peut être utilisée pour :

  • Comprendre les attitudes et les comportements des personnes en situation d’itinérance et à leur égard. On pourrait, notamment, chercher à savoir comment augmenter le soutien et l’action collective en vue de réduire l’itinérance, ainsi que déterminer les interventions possibles, tant individuelles que structurelles.
  • Comprendre les réactions sociales à l’itinérance qui font obstacle à la résolution de ce problème.
  • Évaluer l’efficacité des initiatives en matière de santé publique et de sensibilisation afin de modifier les réactions sociales à l’itinérance.
  • Employer différentes méthodologies et pistes de recherche, notamment en collaborant avec des dirigeants autochtones et en intégrant les enseignements et les connaissances autochtones.
  • Explorer les répercussions de l’itinérance (ou du risque d’itinérance) sur les individus de différents horizons.

La psychologie peut également faciliter l’organisation de forums dans lesquels différentes professions et organisations, et différents pionniers de la psychologie et chefs de file de la lutte contre l’itinérance, pourraient se réunir pour se livrer à des échanges interdisciplinaires sur les solutions à apporter à l’itinérance, puis présenter les résultats obtenus aux organismes gouvernementaux concernés par l’intermédiaire d’activités de représentation concertées.

Pour obtenir de plus amples renseignements

Vous trouverez des informations et des ressources supplémentaires sur l’itinérance au Canada en consultant les sources suivantes.

 Pour savoir si une intervention psychologique peut vous aider, consultez un psychologue agréé. Les associations provinciales et territoriales de psychologues, et certaines associations municipales de psychologues offrent des services d’aiguillage. Pour connaître les noms et les coordonnées des associations provinciales et territoriales de psychologues, veuillez vous rendre à l’adresse https://cpa.ca/fr/public/unpsychologue/societesprovinciales/.

 

La présente fiche d’information a été rédigée pour le compte de la Société canadienne de psychologie par

The Canadian Poverty Institute
Université Ambrose
150, Ambrose Circle SW
Calgary, Alberta T3H 0L5

www.povertyinstitute.ca; povertyinstitute@ambrose.edu

Date : novembre 2022

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Numéro sans frais (au Canada) : 1-888-472-0657


Références

[i] Gaetz, S., E. Dej, T. Richter et M. Redman. 2016. The State of Homelessness in Canada. Toronto : Canadian Observatory on Homelessness.

[ii] Statistique Canada. 2017. Dictionnaire, Recensement de la population, 2016. Ottawa : ministère de l’Industrie.

iiiGouvernement du Canada. 2019. Tout le monde compte 2018 : Faits saillants – résultats préliminaires du deuxième dénombrement ponctuel de l’itinérance coordonné dans les communautés canadiennes. Ottawa : Emploi et Développement social Canada.

[iv] Gaetz, S., E. Dej, T. Richter et M. Redman. 2016. The State of Homelessness in Canada. Toronto : Canadian Observatory on Homelessness.

[v] Centre ontarien de défense des droits des locataires https://www.acto.ca/accueil/

[vi] Gaetz et coll. 2016. Ibid.

vii Gouvernement du Canada. 2019. Tout le monde compte 2018 : Faits saillants – résultats préliminaires du deuxième dénombrement ponctuel de l’itinérance coordonné dans les communautés canadiennes. Ottawa : Emploi et Développement social Canada.

[viii] Statistique Canada. Tableau 46-10-0037-01 Dimensions des besoins impérieux en matière de logement, selon le mode d’occupation, y compris le statut d’accédant à la propriété et de logement social et abordable

[ix] Gaetz et coll. 2016. Ibid.

[x] Centre ontarien de défense des droits des locataires https://www.acto.ca/accueil/

X1 Gouvernement du Canada. 2019. Tout le monde compte 2018 : Faits saillants – résultats préliminaires du deuxième dénombrement ponctuel de l’itinérance coordonné dans les communautés canadiennes. Ottawa : Emploi et Développement social Canada.

[xii] Gaetz et coll. 2016. Ibid.

[xiii] Gaetz, S., J. Donaldson, T. Richter et T. Gulliver-Garcia. 2013. The State of Homelessness in Canada 2013. Toronto : Canadian Observatory on Homelessness et Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance.

[xiv] Safe Haven Toronto. “Attacks On Homeless People Make Sleeping Rough Even Rougher.” 13 octobre 2019. https://www.haventoronto.ca/single-post/2019/10/13/Attacks-On-The-Homeless

[xv] Crowe C, Hardill K. Nursing research and political change: the street health report. Infirmière canadienne. Janv. 1993; 89(1) : 21-4

[xvi] Webster, P. 2017. “Bringing homeless deaths to light”. CMAJ. 20 mars 2017, 189(11)