Série « La psychologie peut vous aider » : Interventions psychologiques pour la prise en charge de la douleur aiguë chez les enfants

Qu’est-ce que la douleur aiguë?

On entend généralement par douleur aiguë une douleur vive variant de légère à intense. Elle apparaît soudainement et est très brève, signalant en général à l’organisme que quelque chose ne va pas. La douleur aiguë est importante parce qu’elle fait partie du système d’alerte intégré de l’organisme. L’expérience de la douleur varie selon les individus, ce qui signifie que le même événement douloureux peut être ressenti très différemment chez les enfants.

Tel un casse-tête, la douleur est constituée de différents éléments, à savoir un élément biologique (p. ex., une blessure antérieure peut rendre la personne plus sensible à la douleur), un élément psychologique (p. ex., les souvenirs d’expériences douloureuses passées peuvent avoir des répercussions sur les expériences douloureuses futures) et un élément lié à l’expérience sociale (p. ex., les personnes qui se trouvent dans la même pièce que vous peuvent influencer l’intensité de la douleur que vous ressentez et celle que vous exprimez réellement). Même chez la même personne, les effets de chaque élément peuvent changer d’une situation à l’autre ou à mesure que la personne acquiert de la maturité. Ainsi, la même personne peut vivre différemment le même événement douloureux à différents moments!

Les causes courantes de douleur aiguë chez les enfants sont, entre autres, les bosses et les ecchymoses (p. ex., après une chute à vélo), les interventions médicales de routine (p. ex., recevoir une piqûre chez le médecin) et les douleurs post-chirurgicales (p. ex., la douleur consécutive à l’ablation des amygdales qui dure souvent plusieurs jours). La description de la douleur ressentie doit être respectée et prise en compte, quel que soit l’âge de la personne qui la vit. Parfois, les enfants sont incapables de nous dire qu’ils souffrent parce qu’ils sont trop jeunes ou qu’ils ont un handicap intellectuel ou un trouble du développement. Cependant, en règle générale, on peut tenir pour acquis que tout ce qui cause de la douleur chez les adultes en causera aussi chez les enfants. Il existe des moyens bien établis qui permettent d’évaluer et de comprendre la douleur chez les bébés, les enfants et les adolescents.  

L’évaluation de la douleur aiguë chez les enfants

Les scientifiques et les cliniciens savent que la douleur est difficile à évaluer, même chez les adultes; c’est pourquoi beaucoup de recherches ont été faites pour tenter de comprendre comment mesurer la douleur chez les enfants. Chez les bébés, les tout-petits et les enfants d’âge préscolaire, l’observation du langage corporel est souvent la meilleure façon de le faire. Par exemple, l’échelle FLACC (pour Face, Legs, Activity, Cry, Consolability) conseille aux personnes qui s’occupent des enfants de faire attention aux grimaces de douleur, au battement des jambes, à la cambrure du corps et au tortillement du bébé/enfant, et s’il pleure, la facilité avec laquelle il est consolé. Si l’enfant est hospitalisé, il est possible d’utiliser des mesures physiologiques comme la fréquence cardiaque ou la quantité d’oxygène circulant dans le sang. Plus le rythme cardiaque est élevé ou plus la saturation en oxygène dans le sang est faible, plus l’enfant est stressé et plus nous supposons qu’il souffre. Certains outils d’évaluation de la douleur utilisés à l’hôpital, comme le PIPP-R (Premature Infant Pain Profile-Revised), intègrent à la fois des comportements et des mesures physiologiques. Étant donné que, vers l’âge de six ou sept ans, les enfants sont capables d’exprimer leur douleur de manière plus fiable, les parents et les professionnels de la santé devraient essayer de les interroger sur leur douleur. Par exemple, l’échelle des visages (Faces Pain Scale – Revised[1] [voir ci-dessous] est un excellent moyen de demander aux jeunes enfants d’âge préscolaire à quel point ils ont mal. Avec les enfants plus âgés et les adolescents, qui sont susceptibles de bien comprendre le fonctionnement des échelles de notation, vous pouvez simplement utiliser une échelle de notation numérique sans accompagnement. Par exemple, vous pourriez demander à un enfant plus âgé ou à un adolescent : « Sur une échelle de 0 à 10, où 0 signifie aucune douleur et 10 signifie la pire douleur que tu puisses imaginer, comment évalues-tu la douleur que tu ressens en ce moment? »

Pourquoi ne faut-il pas négliger la douleur aiguë chez les enfants?

La douleur aiguë survient fréquemment chez les enfants en bonne santé et chez ceux atteints d’une maladie chronique. Bien que la douleur soit une réaction d’adaptation, si elle n’est pas prise en charge, elle peut avoir des effets néfastes sur le corps, l’esprit et le bien-être social de l’enfant. Par l’expérience, les enfants apprennent le concept de la douleur, et leurs expériences antérieures de la douleur influenceront la façon dont ils vivront la douleur à l’avenir. Sans une évaluation et un traitement appropriés, la douleur aiguë peut modifier la façon dont l’enfant réagit à la douleur. Si la douleur n’est pas correctement prise en charge, l’enfant peut développer une peur des aiguilles et tenter d’éviter les visites chez le médecin. Parfois, la douleur aiguë peut même conduire à une douleur à long terme (c.-à-d. une douleur qui dure plus de trois mois). Par exemple, la recherche indique que l’anesthésie et l’administration d’analgésiques pendant une chirurgie sont importantes, car elles peuvent empêcher l’enfant de développer de la douleur chronique.

Stratégies psychologiques pour la prise en charge de la douleur aiguë chez les bébés, les enfants et les adolescents

Que vous soyez le parent d’un bébé, d’un enfant ou d’un adolescent (ou la personne qui s’en occupe), les recherches montrent que vous influencez considérablement la façon dont votre enfant se prépare et s’adapte à la douleur aiguë. Le soutien qu’attend de vous votre enfant prend différentes formes, selon son âge.

Prise en charge de la douleur chez les bébés et les tout-petits

Comme les bébés (moins de deux ans) n’ont pas encore acquis les habiletés nécessaires pour comprendre pourquoi ils souffrent ou ce qu’ils peuvent faire pour se sentir mieux, ils dépendent plus que jamais de vous ou des personnes qui s’occupent d’eux pour les aider à comprendre ce qu’ils vivent et à y faire face. Les parents peuvent aider à réduire la douleur aiguë chez les bébés et les tout-petits. Il existe une approche simple en quatre étapes que peuvent utiliser les parents avec leur bébé et qui ne nécessite aucune préparation. Les étapes de cette approche sont les suivantes :

  1. Évaluez votre degré d’anxiété. Votre bébé cherche des indices de votre part pour comprendre ce qui se passe. Lorsque vous êtes calme, votre bébé est également plus susceptible d’être calme. Votre rythme cardiaque, lorsque vous tenez votre enfant dans vos bras, aura une influence sur lui; si votre rythme cardiaque est lent, il vous sera plus facile de calmer votre enfant.
  2. Respirez par le ventre si vous êtes stressé. Inspirez lentement et profondément par le nez et en emplissant votre ventre. En ralentissant votre respiration, vous ralentissez votre rythme cardiaque, ce qui peut contribuer à ralentir la respiration et la fréquence cardiaque de votre bébé.
  3. Serrez calmement votre bébé dans vos bras et faites-lui un câlin. Cela est extrêmement réconfortant pour votre bébé, en particulier lorsque vous le faites avant, pendant et après l’expérience douloureuse. Selon l’âge et l’activité de votre bébé, il peut s’agir d’un contact de peau à peau (tenir votre bébé, vêtu seulement d’une couche, contre votre poitrine nue, allaiter votre enfant) ou bien le serrer contre vous pendant qu’il est assis sur vos genoux ou est debout entre vos jambes ou pendant que vous le tenez dans vos bras.
  4. Distrayez votre bébé au bon moment. Distraire votre bébé avec un jouet, un livre, des bulles ou une chanson, ou en lui parlant de quelque chose qui n’a pas de lien avec la douleur peut l’aider à se calmer, mais vous devriez attendre de 30 à 45 secondes pour que ses pleurs ralentissent et que ses yeux s’ouvrent avant de commencer à le distraire. Les bébés vous montrent de différentes manières qu’ils ne sont pas encore prêts à ce qu’on les distraie (en se montrant encore plus contrarié, en repoussant le jouet ou en éloignant le regard pendant qu’on essaie de faire une diversion). Si cela se produit, revenez au câlin.

Prise en charge de la douleur chez les jeunes enfants (de 3 à 10 ans)

Entre l’âge de 3 et 10 ans, les enfants apprennent progressivement ce qu’ils peuvent faire pour traverser une expérience douloureuse, mais ils continuent de dépendre beaucoup de leurs parents ou des personnes qui s’occupent d’eux pour gérer la situation. Pendant cette grande période de la vie, le parent apprendra à l’enfant à faire face à la douleur en utilisant une combinaison de stratégies dirigées par l’enfant et par le parent, plus l’enfant est jeune, et plus le rôle du parent étant prédominant.

Bien que certaines stratégies qui sont efficaces à n’importe quel âge entre trois ans environ et l’adolescence (dont il sera question plus loin), les enfants de cette tranche d’âge présentent des caractéristiques psychologiques qui leur sont propres. Il arrive que les enfants qui en sont à ce stade de leur développement appréhendent avec inquiétude l’intervention douloureuse à venir. Pour aider à préparer leur enfant à une expérience douloureuse, les parents peuvent faire certaines démarches supplémentaires avant l’intervention prévue :

  • Décidez quand et comment partager avec votre enfant de l’information au sujet de l’intervention douloureuse à venir. Les enfants plus jeunes peuvent être informés le jour même de l’intervention. Les enfants plus âgés et les adolescents doivent être informés au moins la veille, afin qu’ils puissent établir des stratégies d’adaptation à l’avance et avoir l’occasion d’apprendre et de mettre en pratique les différentes étapes de l’intervention.
  • Répondez honnêtement aux questions de votre enfant. Par exemple, si votre enfant vous demande si l’aiguille lui fera mal, vous pouvez dire « Cela peut faire un peu mal ou moyennement mal, mais cela ne durera pas longtemps ».
  • Pensez à offrir à votre enfant la possibilité de choisir la manière dont il souhaite surmonter la douleur, par exemple, demandez-lui comment il aimerait être distrait pendant l’intervention, s’il veut tenir votre main et ce qu’il aimerait faire après l’intervention. En général, il n’est pas utile d’offrir des choix à un jeune enfant et cela pourrait l’affliger davantage. S’il s’agit d’enfants plus âgés, offrir des choix à l’avance (comme avant de partir de la maison) aidera l’enfant à comprendre ce qui l’attend et à se sentir plus en contrôle de la situation. On pourra également le motiver à passer au travers l’événement désagréable qui l’attend en le récompensant immédiatement après l’intervention douloureuse (p. ex., en lui offrant une sucette) ou dans un avenir proche (p. ex., arrêter manger une crème glacée sur le chemin de retour). Dans la section ci-dessous, vous trouverez des stratégies adaptées aux enfants pendant toute leur enfance.

Prise en charge de la douleur chez les enfants plus âgés et les adolescents (10 ans et plus)

Au fur et à mesure que les enfants traversent la préadolescence et l’adolescence, ils deviennent souvent de plus en plus autonomes lorsqu’il s’agit de gérer leur douleur. Bien que les stratégies préparatoires décrites ci-dessus puissent aider à réduire le stress éprouvé par votre enfant avant une intervention, elles devraient toujours être utilisées en combinaison avec des stratégies de gestion de la douleur pendant et/ou après l’intervention.

Les stratégies suivantes aideront à réduire la douleur chez les enfants et les adolescents pendant et après une expérience douloureuse :

  • Les stratégies à utiliser pour distraire votre enfant varieront selon son âge, ses capacités et ses intérêts; par exemple, faire des bulles ou faire tourner un moulin à vent, jouer avec un jouet ou à un jeu vidéo, regarder un film, écouter de la musique ou utiliser la technologie de la réalité virtuelle. En général, plus l’enfant participe activement à l’activité qui vise à le distraire, plus la distraction sera efficace.
  • Imagerie mentale dirigée. Grâce à l’imagerie mentale dirigée, vous pouvez aider votre enfant à utiliser son imagination et ses sens pour se visualiser dans un endroit différent, plus apaisant. Des scénarios d’imagerie mentale dirigée pour les enfants de tous âges sont disponibles en ligne.
  • Respiration profonde. Les exercices de respiration qui font appel à la respiration diaphragmatique (ou respiration profonde) peuvent être utilisés avec les enfants pour les aider à se calmer pendant et après une expérience douloureuse. On peut demander à l’enfant de respirer par le nez en emplissant son ventre (en gardant une main sur son ventre pour vérifier qu’il se gonfle à chaque respiration) et d’expirer par la bouche.
  • Citations motivantes. Apprendre aux enfants à se servir de citations motivantes peut aider ceux-ci à penser de manière plus positive et à être moins affectés par l’événement douloureux. Demander à l’enfant de dire à voix haute ou de réciter dans sa tête des phrases comme « Je peux passer au travers » ou « Je sais que la douleur va disparaître » peut l’aider à se sentir mieux. Le fait de leur rappeler, après l’expérience douloureuse, combien ils ont été parfaits, combien la douleur a été brève ou combien la récompense en valait la peine les aidera également à se construire de meilleurs souvenirs par rapport à la douleur.

Comportements parentaux à éviter

Parfois, malgré de bonnes intentions, les parents adoptent exagérément des comportements qui sont associés à une plus grande détresse relativement à la douleur. Les parents et les personnes qui s’occupent des enfants doivent essayer d’être attentifs à ces comportements et en limiter l’usage :

  • Rassurer votre enfant en disant, par exemple, « Tout va bien » ou « Tu n’as rien à craindre » lorsque votre enfant est visiblement en détresse ou avant qu’il ne le devienne. Cela peut le perturber et augmenter sa détresse, ou cela peut faire croire à l’enfant que quelque chose d’effrayant est sur le point de se produire, car les parents ne rassurent habituellement pas leur enfant quand tout va bien.
  • Critiquer la réaction de votre enfant face à la douleur. Si le parent dit des choses comme « Ton frère n’a pas pleuré après avoir reçu sa piqûre » ou « Les grandes filles ne pleurent pas », l’enfant risque d’apprendre qu’il est inacceptable d’exprimer la douleur lorsqu’il la ressent, ce qui augmente la détresse et la douleur futures.
  • S’excuser pour la douleur ressentie par votre enfant. S’excuser pour la douleur subie par votre enfant quand vous n’êtes pas la personne qui l’a causée peut le désorienter. Cela peut également lui donner l’impression que sa douleur a causé de la détresse chez vous, ce qui peut augmenter sa propre détresse.

Où puis-je obtenir plus d’information?

Pour en savoir plus sur l’évaluation et le traitement de la douleur aiguë, rendez-vous sur le portail d’AboutKidsHealth, une ressource éducative sur la santé, destinée aux enfants et aux adolescents, et aux personnes qui s’en occupent, approuvée par l’Hospital for Sick Children (https://www.aboutkidshealth.ca/pain). En plus de décrire les stratégies psychologiques que nous avons mentionnées dans la présente fiche, cette ressource fournit des fiches d’information adaptées aux parents et aux patients, qui décrivent des approches physiques (comme l’utilisation d’odeurs et de sons ou de massages) et pharmacologiques (comme l’acétaminophène, de l’eau sucrée ou de la crème anesthésiante) à utiliser, et qui renforcent souvent les stratégies psychologiques.

Pour savoir si une intervention psychologique peut vous aider, vous pouvez consulter un psychologue agréé. Les associations provinciales et territoriales de psychologues, et certaines associations municipales de psychologues offrent des services d’aiguillage. Pour connaître les noms et les sites Web des associations provinciales et territoriales de psychologues, veuillez vous rendre à l’adresse https://cpa.ca/fr/public/unpsychologue/societesprovinciales/.

La présente fiche d’information a été préparée pour la Société canadienne de psychologie par Miranda Di Lorenzo, Shaylea Badovinac et la Dre Rebecca Pillai Riddell, de l’Université York.

Date : 24 novembre 2020

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[1] Échelle des visages – révisé. © 2001, Association internationale pour l’étude de la douleur.